Glose Éducation - 1. Annoter les textes pour travailler la construction du sens

, par Cécile LE CHEVALIER

Outil numérique : Glose Éducation (https://glose.education/)
Niveau : tous niveaux, du collège au lycée.
Glose Éducation fait l’objet de deux articles qui se complètent et se répondent :
  • le premier volet, Glose Éducation 1, présente l’intérêt de cette plateforme pour le travail individuel de l’élève ;
  • le second, Glose Éducation 2, est centré sur la dimension collaborative de l’outil.

Dans le travail avec les élèves sur la construction du sens et l’élaboration de l’interprétation d’un texte, l’une des difficultés auxquelles se heurte le professeur de Français est celle du suivi du cheminement accompli par chaque élève. En effet, s’il est précieux de pouvoir avoir connaissance des étapes de la construction de leur interprétation du texte, ces dernières ne sont pas si simples à collecter : pour pouvoir agir de façon efficace, c’est l’élaboration du sens à la première lecture qu’il faut cibler ; or bien que le professeur puisse anticiper certaines erreurs, il arrive que ce dernier n’accède aux problèmes de compréhension (ou d’interprétation) qu’a posteriori, alors que le sens a déjà été construit par l’élève. Cette prise de conscience tardive nous confronte à un fait accompli, mais ne permet ni l’analyse du moment où la compréhension a dévié, ni un réel travail sur les processus en œuvre au moment de la construction du sens.

Face à ce problème, pouvoir faire annoter un texte aux élèves, puis revenir avec eux sur la façon dont ils ont construit leur représentation de ce qu’il dit , peut être intéressant. En s’orientant vers une approche socio-constructiviste, les amener à co-construire le sens suivant une progression fine, par le biais de ces annotations, peut également s’avérer productif et utile. Ces deux démarches ne sont pas contradictoires : Pierre Cieutat et Sylvain Connac [1] mettent ainsi en avant le rôle important que l’explicitation joue dans la construction des connaissances et des compétences.

La plateforme Glose Éducation propose aux enseignants et à leurs classes un espace de travail entièrement sécurisé et conforme au RGPD [2]. Au sein de cet espace, les élèves vont pouvoir accéder à un vaste choix d’ouvrages, pour certains, gratuits – tous les ouvrages entrés dans le domaine public, par exemple les classiques du théâtre tels les pièces de Molière, Corneille, Racine, des œuvres patrimoniales comme Le Rouge et le Noir, etc. –, et pour d’autres, pour lesquels il existe encore des droits d’auteurs, payants (c’est par exemple le cas de Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar).

Cet espace est accessible via un navigateur ou via l’application mobile, disponible sous Android comme sous iOS ; outre la facilitation de l’accès aux textes, elle propose des fonctionnalités de commentaire et d’annotation des textes extrêmement intéressantes sur un plan pédagogique.

À votre disposition ci-dessous, voici un rapide tutoriel expliquant comment créer un compte gratuit et comment utiliser la plateforme avec les classes.

Glose Éducation - Créer un compte « professeur »

Dans ce premier article, nous explorerons les apports de Glose Éducation dans le travail individuel, avant de nous intéresser dans un prochain article aux modalités de travail collaboratif qu’elle permet de mettre en place.

Apports de Glose Éducation pour le travail individuel de l’élève

1. La facilitation de l’accès au texte et au sens

La facilitation de l’accès au texte se fait, dans Glose Éducation, de trois façons :

  • par l’ouverture à un catalogue proposant un large éventail d’œuvres gratuites ou payantes, allant de la littérature patrimoniale à la littérature pour la jeunesse ;
  • par l’amélioration de l’accessibilité : choix d’un thème sombre ou clair, réglage de la taille des caractères, de la police (avec notamment une police spécialement adaptée pour les dyslexiques), réglage de l’alignement (justifié, ou aligné à gauche, ce qui est préférable pour les dyslexiques également) ; sur le téléphone, il est également possible de régler l’espacement des lignes, des mots et des caractères ;
  • par la proposition d’outils de marquage (signets) et de navigation (table des matières, recherche par mot ou expression).

Cette facilitation de l’accès au texte se double d’une facilitation de l’accès au sens, dans la mesure où Glose Éducation propose plusieurs outils permettant de diversifier les modes de lecture et d’éclairer les passages les plus complexes. Parmi eux, on peut notamment relever :

  • la possibilité d’activer la lecture audio (applications pour terminaux mobiles uniquement) : la voix de l’assistant personnel lit alors le texte, en faisant automatiquement défiler les pages au fur et à mesure. Bien que la lecture conserve un caractère un peu mécanique, elle peut, au moins sur quelques pages, faciliter l’accès au sens pour des élèves en difficulté face à l’écrit.
  • le surlignage des phrases (navigateur web, applications pour téléphone et tablette) : si Glose Éducation ne permet pas de surligner des mots isolés, elle détecte en revanche automatiquement les phrases, et les surligne au survol du texte par le pointeur sur ordinateur, ou lorsque l’on clique dessus sur terminal mobile. Dans de longues phrases à la structure complexe, rendues encore plus compliquées par un découpage en vers, ce système, en faisant plus nettement apparaître les limites de la phrase, permet de prendre conscience de l’étendue de l’énoncé. Il guide ainsi l’attention dans la lecture et dans l’élaboration du sens, notamment si l’organisation syntaxique nécessite de différer cette élaboration pour prendre la globalité de la phrase en compte. C’est ce qui se produit, par exemple, quand, dans un texte versifié, la fin d’un vers ne coïncide pas avec la fin d’une phrase, ou bien quand, dans un énoncé en langage soutenu, des syntagmes antéposés demandent qu’on ait lu la fin de la phrase pour être correctement analysés et interprétés.
Phrase surlignée dans « Bajazet »

Ainsi, dans l’extrait de Bajazet ci-dessus, l’élève a besoin, pour comprendre la phrase, de prendre conscience de sa structure : « Ne vous figurez point que […] ma vertu […] craigne […] et […] cherche  […]    ». Or, du fait de la longueur de la phrase, et de l’antéposition de certains syntagmes aux mots qu’ils complètent (« D’un lâche désespoir  ma vertu consternée », « par un prompt trépas cherche à les éviter   »), cette structure n’est pas évidente à repérer au premier abord ; la tentation peut être grande de ne lire que les deux premiers vers, et de les comprendre mal : « Ne vous figurez point ma vertu consternée   ». Pour l’élève, comme parfois pour le professeur, prendre conscience rapidement que la phrase s’étend sur quatre vers invite à les lire d’une traite, et peut permettre de reconstituer son sens de façon plus sûre.

  • sur un téléphone ou une tablette, un clic long sur un mot permet d’accéder à la définition de ce mot :
Sur téléphone : accès à la définition d’un mot
  • la plateforme propose enfin de traduire en d’autres langues une phrase surlignée : cette fonctionnalité peut faciliter l’accès au sens pour des élèves allophones. La traduction fait intervenir le même niveau de langue (familier, courant, soutenu) que le texte original :
Exemple de traduction en anglais dans Glose Éducation

Toutefois, comme toutes les traductions automatiques, elle a ses limites ; ici, en anglais, «   the care » repris par « them » pose problème.

2. Un outil de travail individuel pour s’approprier les textes littéraires et préparer leur analyse

Outre qu’elle facilite l’accès aux textes et au sens, Glose Éducation peut, dans un usage individuel, constituer, pour l’élève comme pour le professeur, un bon outil d’appropriation des textes, notamment littéraires.

L’appropriation peut se faire par le biais de trois grandes fonctionnalités : l’annotation des textes, la rédaction d’avis sur les œuvres, et la constitution d’une bibliothèque personnelle.

Parmi ces trois fonctionnalités, nous laisserons ici provisoirement de côté la rédaction d’avis sur les œuvres et la constitution d’une bibliothèque personnelle, pour nous concentrer sur l’annotation des textes. On connaît la réticence des élèves à écrire sur les livres au format papier. Dans Glose Éducation, sur des livres au format numérique, il est possible de surligner, commenter, partager des passages, sans abîmer le livre puisque tout demeure réversible ;  par ailleurs, là où, sur un livre papier, l’on souffre du manque d’espace réservé aux notes, le format numérique ouvre des possibilités d’annotation presque à l’infini.

Dans Glose Éducation, on accède à la fonction d’annotation par un clic droit sur le texte (ou par un clic prolongé, si l’on se trouve sur une tablette ou un téléphone) :

Les différents types d’annotation dans Glose Éducation

Ce clic donne accès à cinq formes de travail sur ou avec le texte : 

  • surlignage en quatre couleurs différentes
  • ajout d’une émoticône
  • ajout d’une note texte
  • ajout d’une note audio
  • copie d’un extrait du texte (pour le coller dans un autre document).

Naturellement, le surlignage et l’ajout d’une émoticône ne peuvent pas être traités sur le même plan, en termes d’apprentissage et de travail sur la compréhension et l’analyse, que le fait d’introduire, en note audio ou texte, un commentaire, un élément d’analyse, une explicitation, une traduction pour soi, etc. Le surlignage peut néanmoins être envisagé comme un point de départ dans le travail d’analyse et d’interprétation, lequel doit nécessairement passer, ensuite, par une étape de verbalisation.

L’ajout d’une émoticône à côté de certains passages relève d’une réaction spontanée ou d’un système de marquage. Sans l’encourager à outrance, il peut constituer pour les élèves une façon de signaler un passage pour le retrouver ensuite, tout en conservant une trace de ce qu’ils ont ressenti en le découvrant. Animées pour la plupart, les émoticônes sont variées et en lien avec la lecture :

Les émoticônes dans Glose Éducation

Nous verrons dans un prochain article qu’elles peuvent également avoir une fonction non négligeable de communication entre les élèves, lors d’un travail collaboratif.

Impliquant une première prise de recul et constituant un premier pas vers l’analyse, le surlignage des élèves peut être orienté en établissant un code couleur. Les possibilités sont multiples : repérage des passages qui font avancer l’intrigue, de ceux qui apportent des informations sur les personnages, repérage de différents arguments ou de thèmes récurrents dans un extrait… Dans leurs lectures personnelles, inviter les élèves à établir leur propre code couleur peut être intéressant également : lorsqu’on le fait, ils réservent spontanément une couleur aux passages qu’ils ont aimés, ce qui fait ressortir le rôle de cette étape dans l’appropriation.

L’ajout de notes textes ou audio relève, quant à lui, d’une relation plus poussée avec le texte. Le marquage par émoticône est de l’ordre de la réaction, celui par surlignage relève d’un tout premier recul réflexif ; l’ajout d’une note marque, quant à lui, un pas décisif vers l’analyse. La note peut être centrée sur une réaction personnelle verbalisée : elle est alors le lieu d’une confrontation entre soi et le livre (action d’un personnage, commentaire du narrateur…), le lieu d’un positionnement. Mais elle peut tout aussi bien devenir la première étape de l’analyse du texte :

Pourquoi Bajazet refuse-t-il d’épouser Roxane ? - Annotation n°1

Dans cette optique, la possibilité d’accéder aux annotations des élèves est précieuse pour le professeur. La note ci-dessus répond à une consigne demandant à des élèves de 2nde, dans une tirade de la scène 5 de l’acte II de Bajazet, d’identifier le moment où ce personnage décide réellement de ne pas épouser Roxane. Ici, l’élève montre qu’elle a bien perçu les enjeux de la phrase qu’elle a annotée.

Un second élève fait un autre choix, plus discutable mais toujours en rapport avec le texte : 

Pourquoi Bajazet refuse-t-il d’épouser Roxane ? - Annotations n°2 et n°3

La troisième élève, quant à elle, fait un contresens sur le texte en ne prenant pas garde que la phrase qu’elle a choisie est une question et non une affirmation. Nous évoquions plus haut la construction du sens et la possibilité qu’offre Glose Éducation de suivre cette construction pas à pas : ici, nous avons un exemple d’une manière dont la compréhension peut dévier, à laquelle nous n’aurions pas accédé sans ce travail pas à pas sur le détail du texte.

Dans le travail ci-dessus, les élèves ont procédé à une annotation analytique écrite. Par rapport à la note texte, la note audio, plus inscrite dans un corps, plus « incarnée », peut d’abord sembler avoir vocation à exprimer un rapport plus personnel au texte : elle relèverait alors principalement de l’appropriation.

Il n’est cependant pas inconcevable, dans le cadre d’un travail à l’oral au lycée, de demander aux élèves d’utiliser les notes audio pour préparer les premiers éléments d’explication linéaire d’un texte. Il serait même intéressant que cette première sélection et analyse d’éléments puisse se faire uniquement par oral, pour permettre aux élèves de quitter cette idée, qu’ils ont souvent, que l’explication orale d’un texte ne serait que la mise en voix d’une explication figée par écrit. Dans cette optique, les notes audio de Glose Éducation constitueraient un outil particulièrement intéressant, puisqu’elles permettraient de recueillir une trace en lien avec le texte, sans passer par l’écrit.

3. Un suivi facilité pour le professeur

Pour intéressantes qu’elles soient, les fonctionnalités évoquées ci-dessus demeurent très proches de celles qu’offrent d’autres applications de lecture, à commencer par Kindle et Kobo. Dans un cadre éducatif, la réelle plus-value de Glose Éducation, dans le travail individuel d’élaboration du sens décrit ci-dessus, réside dans la facilitation du suivi de l’élève par le professeur.

Pour ce faire, la plateforme propose différents mécanismes :

  • signalement et regroupement des annotations des élèves, par classe et au fil du texte,
  • possibilité de basculer de façon fluide des annotations au texte et du texte aux annotations,
  • possibilité de modérer les annotations des élèves et d’y répondre,
  • outils de mesure de l’investissement des élèves dans la lecture.

Par défaut, les actions des élèves sur le texte sont systématiquement signalées par mail au professeur ; elles apparaissent également sur son écran d’accueil. Nous expliquons dans le mode d’emploi ci-dessous comment visualiser ces annotations dans leur ensemble, de façon plus fine (par élève, par type d’annotation, au fil du texte…), et comment les réguler : 

Glose Éducation - Consulter et modérer les interventions des élèves

Ce fonctionnement de la plateforme permet d’envisager deux types d’action pédagogique à partir des annotations des élèves : 

  • des ajustements en classe, par exemple pour reprendre ou expliciter un passage qui n’aurait pas été compris, ou mal compris, par un certain nombre d’élèves ; 
  • des ajustements par écrit ou par note audio, soit pour expliciter ponctuellement un élément mal compris, soit (et c’est peut-être le plus intéressant) pour relancer le questionnement et inciter un ou plusieurs élèves à approfondir leur réflexion, leur analyse.

On le voit, ces démarches relèvent aussi bien de l’explicitation d’un texte singulier et des mécanismes singuliers en jeu dans sa compréhension, que de la construction plus générale des compétences de lecture. L’outil s’adapte ici à différents types d’approche pédagogique ; on mobilisera davantage l’une ou l’autre en fonction des objectifs et des contextes.

Des outils de mesure de l’investissement des élèves apparaissent, sur le site, en deux endroits :

  • l’encadré « Top lecteurs » [3] en haut à droite de l’écran de chaque classe ;
  • l’onglet « Statistiques » [4] , à l’intérieur de chaque classe.

S’ils constituent un argument commercial, ils doivent toutefois, sur un plan pédagogique, être envisagés avec précaution [Voir notes 3 & 4], du fait des nombreux biais qu’ils peuvent faire intervenir.

Conclusion d’étape

Utilisée comme outil de travail individuel de l’élève, et de contrôle de ce travail par le professeur, Glose Éducation se prête donc à différentes pratiques, en fonction des situations et des objectifs :

  • soit une pratique guidée et plus ou moins étayée du travail de construction du sens, avec un modelage possible à partir des annotations des élèves pour retravailler, par exemple, des constructions syntaxiques ou des implicites insuffisamment pris en compte ;
  • soit la confrontation à l’obstacle que constitue le texte, qui provoque inconfort et questionnement, pour la construction de compétences de lecture. Si cette dernière est relancée et soutenue par un questionnement adéquat de la part du professeur, la méthode pourra s’avérer extrêmement porteuse et efficace.

Pour intéressant qu’il soit, ce travail à partir des annotations individuelles de chaque élève se trouvera cependant, du fait du fonctionnement collaboratif de la plateforme, rapidement englobé dans une co-construction du sens plus centrée sur les échanges entre élèves : c’est ce processus que nous analyserons dans notre prochain article.

Voir en ligne : Glose Éducation

Notes

[1Pierre Cieutat et Sylvain Connac, « Constructivisme ou enseignement explicite ? », dans les Cahiers pédagogiques, 3 mai 2017 :  http://www.cahiers-pedagogiques.com/Constructivisme-ou-enseignement-explicite

[2Le RGPD (Règlement Général pour la Protection des Données) stipule notamment que :

  • seules les données nécessaires au bon fonctionnement de la plateforme doivent être traitées,
  • leur conservation doit être limitée au temps nécessaire à leur traitement,
  • les usagers doivent être informés de façon transparente du traitement qui est fait de leurs données.

Dans le cas de Glose Éducation, les données des élèves ne sont conservées que durant l’année scolaire où ils utilisent la plateforme ; cette dernière leur permet de créer un compte sans adresse e-mail, en rejoignant leur groupe ou leur classe par le biais d’un code ; elle informe également, de façon simple et claire, sur le traitement qui est fait des données, par exemple dans la FAQ accessible depuis toutes les pages du site.

Pour plus d’informations sur l’application du RGPD dans un cadre éducatif, consultez le site de la DANE Versailles.

[3L’encadré « Top lecteurs » donne les noms des trois élèves qui ont parcouru le plus de pages dans la semaine, dans la journée ou depuis l’ouverture du compte. Ce classement est à prendre avec précaution, puisque si par exemple un élève s’est déplacé de la page 1 à la page 20, le logiciel va considérer qu’il a lu les vingt pages, ce qui n’est pas nécessairement le cas.

[4L’onglet « Statistiques », quant à lui, apporte un peu plus d’indications : temps de « lecture » (c’est-à-dire temps durant lequel l’élève a conservé le livre ouvert sur son ordinateur ou son téléphone) ; nombre de surlignages, nombre d’annotations, et nombre de pages « lues ». Là aussi, les biais sont évidents :  l’élève peut avoir laissé le livre ouvert sur son appareil et avoir fait autre chose pendant son temps de lecture, et plus que le nombre, c’est la richesse des annotations qu’il serait intéressant de connaître. En revanche, ces statistiques facilitent le repérage des élèves qui ne « lisent » pas, ou tellement peu que l’on peut supposer qu’ils n’ont pas réalisé correctement le travail.

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