Présentation du dispositif
Objectifs pédagogiques
Nous nous sommes interrogés sur les stratégies de compréhension, en veillant à les expliciter. Nous avons eu à cœur de rassurer les élèves devant un texte difficile, en évitant la lecture pointilliste. Il s’est agi de lire, de comprendre et d’interpréter un texte réputé difficile, mais dont l’étude s’avère stimulante et fructueuse. Ce faisant, nous avons voulu construire un rapport autonome, authentique et personnel des élèves avec le texte.
Contexte : un même texte du collège à la terminale
L’expérience a été menée tant auprès de collégiens que de lycéens. En seconde, la première section du roman de Proust (Combray) est étudiée en tant qu’œuvre intégrale. Un résumé, un chemin de lecture et des parcours thématiques autour des personnages, de la description, du souvenir, ont été proposés pour les aider à lire l’œuvre.
En Terminale HLP, la séance prolonge la réflexion menée sur « les métamorphoses du moi et les expressions de la sensibilité ». La lecture de ce texte permet de découvrir une nouvelle expérience à la fois sensible et sensorielle au service de la transformation de l’enfant.
Spécificités du texte : un texte narratif difficile
Les difficultés de compréhension sont multiples et en font un texte à la fois « réticent » et « proliférant » [1].
Le texte est d’abord « réticent » : le lexique pourrait déconcerter les élèves en raison de sa très grande précision. La syntaxe, complexe avec ses phrases très longues, contient des effets d’attente, et la lenteur de la description peut être déceptive. L’univers est peu familier : les réalités prosaïques sont éloignées de la représentation du monde des élèves. Enfin, la connaissance scientifique des effets de l’asperge peut leur faire défaut.
Il est ensuite “proliférant” : les intentions plurielles sont de nature à déconcerter les élèves qui voudraient trouver un seul sens au texte. En effet, ce texte se révèle pluriel dans ses interprétations ; sans doute faut-il renoncer à une interprétation exhaustive des intentions de l’auteur et du texte.
S’y côtoient :
- une dimension poétique : le ravissement, la contemplation éblouie qui transforme le banal légume en toile de maître ;
- une dimension comique, avec les asperges décrites comme des créatures surnaturelles ; la chute présente aussi une métaphore aussi inattendue que triviale : l’apparition du « pot de chambre » et de ses parfums vient rappeler les effets physiologiques de l’asperge sur le narrateur. Le comique vient donc d’un élément prosaïque, l’odeur très particulière d’urine, qui survient brutalement après l’extase et les références célestes.
- une dimension philosophique : le regard de l’enfant invite à percevoir que la beauté ne réside pas dans les objets eux-mêmes, mais dans le regard qu’on sait porter sur eux.
Explicitation du choix des leviers de compréhension
- Mise en voix
Les différentes mises en voix, au fil de la séance, ont un double objectif :
– D’une part, elles sont le témoin de la compréhension progressive du texte.
Ainsi, une première mise en voix permet de mettre en lumière les difficultés de compréhension. Une fois la structure du texte établie, on peut proposer une mise en voix intermédiaire, qui respectera le phrasé et le sens global du texte.Enfin, la dernière mise en voix montre toute la richesse interprétative du texte.
– D’autre part, faire écouter et commenter des mises en voix aux élèves semble un levier efficace pour la compréhension : les erreurs peuvent être explicitées, et une bonne lecture permettra à tous les élèves de mieux comprendre le texte.
- Démarche collaborative
Face à un texte résistant, les élèves, découragés de ne pas tout comprendre, peuvent développer une attitude de rejet. Travailler de manière collaborative décomplexe le rapport au texte, qui n’est alors plus identifié comme un texte difficile. Le travail entre pairs permet en outre de dégager les invariants du texte : les élèves confrontent leurs hypothèses et s’aperçoivent qu’elles concordent.