Enseigner l’oral en présence ou à distance avec le numérique Comment faire du numérique une véritable plus-value pour enseigner l’oral en présence ou à distance ?

, par THIERY Céline

Depuis plus de 40 ans, les chercheurs théorisent sur l’enseignement de l’oral mais force est de constater qu’il y a peu de supports pour aider les professeurs à programmer des séances réfléchies et explicites… Au final, il y a peu d’innovation en matière d’apprentissage de l’oral au collège et au lycée. La situation est assez paradoxale : à l’heure où fleurissent dans les médias des concours d’éloquence, à l’heure où les examens oraux se multiplient, à l’heure où les outils numériques peuvent faciliter les pratiques orales, les enseignants semblent démunis pour enseigner l’oral et très peu d’entre eux utilisent les outils numériques au service de l’oral.

Développer une véritable didactique de l’oral à l’école oblige le professeur à adopter une nouvelle posture pour mettre au centre la parole de l’élève ; cela l’invite aussi à organiser différemment l’espace ou le temps scolaire, à valoriser les démarches collaboratives, à innover, à exploiter de nouveaux outils … Le numérique devient alors un levier pour enseigner l’oral.

L’oral : « un enseignement impossible ? »

La lecture des programmes officiels, les pratiques observées et les entretiens avec des stagiaires, professeurs de français et formateurs convergent vers cette remarque d’Anne Vibert : l’oral est « un enseignement insaisissable » (2016). Est-ce à dire qu’il est difficile de définir ce qu’est l’enseignement de l’oral et/ou qu’il est difficile de percevoir cet enseignement dans les pratiques des professeurs du secondaire ?

Les chercheurs sont unanimes : enseigner l’oral est une gageure pour les professeurs et cela pour plusieurs raisons.
Dans une conférence aux formateurs en 2019 [1], Sylvie Plane explique que l’oral est à la fois un instrument d’évaluation, un outil d’enseignement et d’apprentissage dans et pour toutes les disciplines, mais aussi un objet d’apprentissage souvent mal défini alors qu’il est à didactiser par les professeurs. Sans compter aussi que l’oral a plusieurs dimensions : une dimension affective et sociale, une dimension cognitivo-langagière et linguistique, mais aussi une dimension interactionnelle. Cette « multidimensionnalité » a de quoi effrayer certains élèves qui ne veulent pas perdre la face devant leurs camarades et préfèrent rester muets.

Tout professeur en a fait l’expérience : l’oral est difficile à observer car instantané ; son apprentissage est chronophage car, pour être efficace, il doit être régulier et systématique ; son évaluation pose problème tout comme l’organisation spatiale de la classe. Comment faire pour que chacun parle ? pour que la parole ne soit pas monopolisée par les plus habiles ? pour que les compétences développées soient transférables ? Enseigner l’oral, c’est aussi prendre des risques pour l’enseignant : oser se mettre en retrait pour laisser la parole des élèves se diffuser, accepter la posture du lâcher-prise, organiser différemment l’espace et le temps scolaire, privilégier des démarches collaboratives, différentiatives, et exploiter de nouveaux outils.

Il y a 30 ans l’oral a fait l’objet de comptes-rendus de recherches : du côté français (E. Nonnon et l’équipe du NRP), l’oral pour apprendre qui préconise des pratiques langagières intégrées à toutes les activités de la classe ; et du côté suisse (Schneuwly et l’équipe de Genève), l’enseignement autonome et programmé de l’oral selon des conduites discursives comparables aux types de texte écrits. Si les pratiques langagières intégrées aux séances sont difficilement évaluables par le professeur, selon J.F. Halté (janvier 2002, Cahiers pédagogiques n°400) l’enseignement autonome a aussi ses limites et pèche par la difficulté de transférer les compétences développées en dehors des séances consacrées à l’oral. Depuis, la recherche s’est attachée à définir ce qu’est l’oral, mais force est de constater que peu d’ouvrages proposent des outils didactiques pour aider les professeurs à concevoir leurs séances orales. Quoi enseigner ? Comment évaluer ? À quel moment ? Vaut-il mieux travailler l’oral intégré comme le démontre Elisabeth Nonnon ou s’appuyer sur la conception autonomiste de Joachim Dolz et Bernard Schneuwly ?

Il n’est pas certain que, depuis ces recherches, la place de l’oral de l’élève ait progressé quantitativement et qualitativement à l’école.

Comment faire en sorte alors que l’enseignement de l’oral soit mieux défini et plus visible dans les programmations des professeurs de français ? qu’il soit explicite pour les élèves ? Comment instaurer des séances spécifiques et réfléchies d’oral qui développent la parole des élèves ?

L’oral au service de la continuité pédagogique : du côté du professeur

L’enseignement hybride ou à distance a contraint les professeurs à s’emparer des outils numériques dans l’urgence. Certaines pratiques orales ont été développées grâce au numérique, mais elles sont rares et peu de professeurs ont enseigné l’oral à distance.

Paradoxalement, l’oral est sans doute l’outil et l’objet à privilégier pour l’enseignement hybride ou à distance. Son utilisation peut faciliter la transmission du travail et des consignes, permettre au professeur de garder le lien avec les élèves et de reconstruire le groupe-classe en conservant les interactions et en maintenant une dynamique d’apprentissage entre pairs...

Comment faire du numérique une véritable plus-value pour enseigner l’oral en présence ou à distance ? Quelles pratiques orales efficaces le professeur peut-il proposer grâce à l’utilisation du numérique ? Quels projets oraux les élèves peuvent-ils mettre en place pour entretenir les interactions nécessaires à l’apprentissage ?

Quels enjeux pour le professeur ?

Enjeux sociaux de communication

  • Maintenir le contact avec les élèves (météo du jour…) via la classe virtuelle
  • Modéliser la parole pour offrir un exemple aux élèves
  • Communiquer avec les familles

Enjeux humains

  • Augmenter la perception de présence sociale
  • Motiver et engager les élèves

Enjeux pédagogiques

  • Fournir des ressources audios pour remplacer les lectures intégrales non fournies aux élèves, limiter les temps d’écran et remédier aux difficultés de lecture
  • Expliciter les consignes écrites avec une capsule audio sur un document interactif
  • Créer des capsules vidéos pour dynamiser les cours (posture de la classe inversée…)
  • Apporter une rétroaction immédiate plus efficace cognitivement

Enjeux didactiques

  • Partager des pratiques avec des collègues via l’ENT ou les réseaux sociaux

Pour quoi utiliser l’oral ? Que permet cette modalité au professeur ?

On peut utiliser la voie de l’oral en des occasions multiples et pour des objectifs divers :

  • Faire une heure de vie de classe via la classe virtuelle,
  • Travailler l’orientation,
  • Mettre en place des travaux de groupe à distance,
  • Permettre l’enseignement explicite à distance : encadrer l’organisation du travail des élèves (ordre, temps, outils, modalités…), expliquer les consignes, reformuler les enjeux,
  • Mettre en place une classe inversée sans « présence » : pallier l’absence grâce aux capsules vidéos de cours,
  • Différencier en mettant à disposition des aides sous formes de capsules audio ou vidéo pour ceux qui en auraient besoin...

Comment utiliser l’oral ? Quels outils pour le professeur ?

Choisir la classe virtuelle

Faire varier le ou les groupes classe : inviter 2 classes ou plus pour mettre en place une collaboration entre élèves de classes différentes ; mettre en place une heure de vie de classe avec une classe entière ; travailler en groupes lors de la classe virtuelle sur l’orientation en mettant à disposition des ressources différentes ; inviter un petit groupe d’élèves sélectionnés pour une remédiation avec possibilité de donner la main à chacun pour réaliser une dictée…



Écouter des audios et des vidéos

  • Proposer aux élèves des ressources sonores qui sont indispensables dans l’enseignement de l’oral (interview radiophonique, débat filmé à la TV…).
    L’utilisation de ces modèles réels permet à l’élève d’observer concrètement les caractéristiques des genres de l’oral pour mieux s’en emparer, l’élève travaillera ensuite en petits ateliers d’entraînement avec ses pairs avant sa production finale ;
  • Utiliser la possibilité de faire écouter des livres audios grâce aux livres audio à télécharger ;



Créer des supports interactifs

  • Transmettre des consignes orales en créant des capsules audio qui accompagnent la feuille de route écrite : possibilité d’enregistrement directement sur Genially ou Padlet ou par le dictaphone intégré au téléphone ou à la tablette.
  • Proposer des contenus de cours sous forme de capsules audio ou vidéo :
    > selon les modalités de la classe inversée,
    > comme support interactif à un travail à distance,
    > en prolongement d’un travail pour synthétiser et focaliser l’attention des élèves sur les notions à retenir
    Impliquer les élèves dans la mémorisation du cours.
  • Utiliser ELEA intégrée dans les ENT de l’Académie de Versailles : possibilité de créer des parcours en présence, à distance, hybride en apportant une carte de progression, des badges, des ressources notamment audio et vidéo, des exercices avec consignes et réponses audio (enregistrement en ligne ou avec envoi de fichier) avec les outils H5P, des feedbacks. Un véritable suivi est possible sur tout le parcours.



Utiliser des sites pour enregistrer et diffuser l’audio

  • Insérer un commentaire audio dans un PDF ou dans Windows 10.
  • Générer un lien URL, un lien iframe ou un QRcode via Vocaroo, Ausha ou Direct podcast et envoyer le lien sur l’ENT ou un blog pour permettre une correction ou une remédiation orale individualisée et immédiate.
  • Fabriquer des tutoriels en filmant son écran et en ajoutant sa voix pour créer rapidement un contenu pédagogique. Des outils permettent aussi de filmer son écran comme le montre ce tutoriel du logiciel Obs studio.
  • Déposer des capsules vidéos comme support de cours sur un Genially, un padlet, un blog, l’ENT en utilisant une chaine YouTube avec des vidéos non répertoriées (visibles par certains quand le lien leur a été diffusé) ou en choisissant peertube, Scolaweb TV sur l’Eduportail.
    Exemple de capsule créée par Marie Mariottat qui pratique la classe inversée en lettres et que l’on peut retrouver sur le mur des capsules initiée par Marie Soulié une autre non moins célèbre inverseuse. Spark adobe peut être utilisé aussi pour des capsules de mise en bouche avant une classe virtuelle ou pour expliciter une notion en prêtant sa voix.
    Vous pouvez trouver bien d’autres ressources sur le site « Inversons la classe ».
  • Créer des exercices audios via la Quizinière : le professeur peut enregistrer facilement sa propre voix à même l’outil ou télécharger un enregistrement audio pour faciliter l’explicitation, pour permettre une dictée en autonomie, pour attirer l’attention des élèves sur les sonorités des mots et la prosodie. Le professeur peut donner aussi à l’élève la possibilité de répondre en s’enregistrant à l’oral. Dans le cas de la dictée, le professeur peut différencier le travail : pour un groupe expert, rédiger entièrement la dictée ; pour un autre, créer un texte à trous. Dans ce second cas, l’exercice sera entièrement corrigé par le site. Il peut aussi demander aux élèves d’enregistrer à l’oral l’explication d’un choix orthographique.



Faire des montages audio

  • Utiliser Audacity pour enregistrer sa voix, musiques, bruitages…et pour modifier, arranger les sons récoltés, monter si besoin. D’autres logiciels sont faciles d’emploi comme Obs studio, Shotcut, bearaudiotool, audiomass…
  • Les tutoriels de Réseau Canopé sur Le montage audio avec Audacity (3 capsules d’1 min 30) permettent à tout professeur de s’autoformer.
    Sur le site Audioblog d’Arte Radio, il y a aussi des conseils pour débuter dans le montage.
  • Se former à la création de podcast pour sa classe avec 5 tutoriels très courts de Canopé.
    1 - Pourquoi et comment créer son podcast ?
    2 - Préparer son émission
    3 - Enregistrer et éditer l’audio
    4 - Habiller et monter son podcast
    5 - Diffuser le contenu de son podcast
  • Convertir le format des fichiers sons : le professeur pratiquant l’oral est amené à enregistrer ou à récupérer des fichiers enregistrés par les élèves, il faudra alors parfois convertir ces fichiers pour les stocker ou effectuer un montage.
    Divers outils ou applications peuvent l’aider à changer leur format : zamzar ; format factory ou encore oneline convert. ClipGrab est un logiciel gratuit pour télécharger et convertir des vidéos de YouTube, Dailymotion et beaucoup d’autres sites de vidéo en ligne.
    Avec l’application VLC, il est possible aussi de convertir des fichiers audio en MP3.



Développer la créativité

  • Créer un voki pour délivrer un message configurable, lu par un personnage virtuel, inséré sur un blog avec un widget flash.
  • Faire parler une image avec une application apple ou android.
  • Transformer en podcast des écrits via le site elocance.

Quels droits et devoirs pour le professeur ?

  • Autorisations de diffusion
    Pour enregistrer et diffuser hors de la classe la voix des élèves, le professeur doit au préalable demander pour chaque projet une autorisation de diffusion. Eduscol propose des modèles d’autorisation d’enregistrement et d’utilisation de l’image/de la voix à télécharger.

  • Droits d’auteur
    Pour diffuser des travaux d’élèves, prendre des renseignements aussi sur la protection de l’œuvre qui consiste en un droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la représentation ou la reproduction d’une œuvre par son auteur, dans notre cas par les élèves.

  • RGPD
    Quand on utilise le numérique, il existe depuis 2018 un règlement à respecter « le Règlement Général sur la Protection des Données ». Pour en savoir plus sur le traitement des données à caractère personnel de nos élèves, consulter le guide du Réseau Canopé.

Le numérique au service de l’oral : du côté de l’élève

Le numérique offre de « nouvelles manières de lire, d’écrire, d’enregistrer le monde » (Becchetti-Bizot, 2014).

Quels bénéfices pour les élèves ?

S’écouter, se réécouter pour progresser

Le numérique offre la possibilité de s’écouter. Comment faire comprendre par exemple à un élève qu’il utilise un rythme trop rapide ou une hauteur de voix trop faible dans sa mise en voix d’un texte s’il ne s’entend pas lui-même ?
Dans les actes du séminaire Les Métamorphoses de la parole à l’heure du numérique, Isabelle Nauche, IA-IPR de l’académie de Créteil, explique qu’il existe un « effet-miroir » à l’oral : « écouter sa voix, regarder sa prestation filmée développe la capacité à s’auto-évaluer ». S’enregistrer, écouter, s’écouter, réécouter, revenir en arrière pour retravailler, s’exercer, permet à l’élève d’améliorer sa production-brouillon. Il peut en effet comparer les productions ; cela rend également possible le “feed-back” par d’autres élèves, par l’élève lui-même ou par le professeur qui peut proposer une évaluation efficace à froid, avec un vrai barème, sans implication affective.

Il paraît en définitive essentiel, comme le souligne Cyril Delhay dans son rapport, de donner la possibilité aux élèves de « faire leurs gammes »  :

Mettant en jeu la mémoire procédurale et des schémas musculaires et nerveux, l’art de la parole nécessite de « faire ses gammes ». Les outils numériques sont des alliés précieux. Il s’agit de transposer à l’ère digitale les entraînements de Démosthène. L’accent devra notamment porter sur le développement des potentialités vocales souvent laissées en jachères mais que l’outil numérique rend désormais très accessible. (Delhay, 2019).



Accompagner, étayer, faciliter la prise de parole

Parce qu’il facilite le travail en groupe et enrichit la collaboration, autour d’un téléphone, d’une web radio, d’un pad collaboratif qui servira de brouillon ou d’un mur virtuel qui collectera les diverses ressources nécessaires pour le support de l’oral, le numérique est alors un outil précieux pour la pratique de l’oral. Dans cet apprentissage entre pairs, l’autonomie des élèves est aussi développée. De nombreux outils numériques aussi comme le diaporama peuvent venir structurer, « étayer et dynamiser l’oral  » : « le numérique donne aux élèves un cadre formel qui paradoxalement libère la parole, les élèves se détachent de leur note et adoptent un ton plus libre et moins scolaire » explique Isabelle Lieveloo, IA-IPR, académie Aix-Marseille.



Faire l’expérience d’une authentique situation de communication

Une autre potentialité du numérique est de créer des contextes authentiques de communication qui motivent les élèves, sans compter que ces projets pourront ensuite être recueillis, stockés, conservés, valorisés et diffusés aux autres élèves, aux parents voire à d’autres établissements via les réseaux sociaux : le numérique offre une voix/voie sur le monde : « la publication sur le site internet permet d’augmenter encore l’implication et l’application des élèves  » conclut Isabelle Lieveloo, IA-IPR, académie Aix-Marseille.
Jean-Michel Le-Baut rappelle que l’origine de la littérature est orale. Aujourd’hui encore l’oral est présent dans « la poésie sonore jusqu’aux ateliers de création radiophoniques de France-Culture. Pour beaucoup des adolescents, c’est d’ailleurs dans l’oralité des mots mis en musique (chanson, rock, hip-hop …) que se joue primordialement une relation esthétique au monde : on aurait tort de ne pas exploiter une telle appétence ». Les outils numériques offrent donc la possibilité de retrouver la parenté native entre parole et musique  : parler les textes, les musiquer et éprouver leur qualité rythmique et sonore. Grâce au caractère multimodal des énoncés, le professeur peut développer des approches plus actives et créatives, l’élève peut enrichir sa parole, faire vivre son imagination et s’engager de manière plus sensible dans son travail. « Les logiciels de montage stimulent l’enrichissement de la parole, à l’occasion du choix et de l’association d’illustrations sonores aux enregistrements proposés » explique Christian Mendivé, Daasen de l’académie de Guyane.



Démultiplier le temps de l’oral

Enfin, l’utilisation du numérique va démultiplier les temps d’oraux : comment permettre à chaque élève de prendre la parole dans une classe de 30 élèves ? Comment rendre actifs tous les élèves et faire qu’ils ne soient pas seulement spectateurs des prestations des autres élèves ?
Leur permettre d’utiliser un téléphone, une tablette, une webradio en groupe : tous les élèves s’exprimeront alors à l’oral dans le temps scolaire. Ils répéteront ensemble à tour de rôle, se jaugeant chacun avec bienveillance et apportant de l’aide et des conseils aux élèves en difficulté. L’enseignement de l’oral est alors plus efficace. Ces temps d’oraux vont être aussi allongés,car l’enseignant peut demander aux élèves via des outils numériques de visionner ou d’enregistrer des oraux hors de la classe ; c’est en partie le fonctionnement de la classe inversée qui pour redonner du sens à la présence en cours peut encourager l’élève à travailler de manière synchrone ou asynchrone sur l’oral. L’enseignement de l’oral devient alors moins chronophage.
Finalement, l’utilisation du numérique abolit les frontières entre oral et écrit ; l’écriture numérique, qui est la plus utilisée par nos élèves, réunit de nombreux marqueurs oraux. Travailler l’écriture engendre une réflexion, voire un apprentissage de l’oral ; le numérique permet alors de réaliser le continuum de l’écrit et de l’oral.


Faire l’expérience des conditions d’examen pour mieux les appréhender

Par ailleurs, l’enregistrement numérique permet de recréer des conditions souvent proches de celle de l’examen, selon Guy Cherqui, IA-IPR, académie de Grenoble, il « prépare l’élève à mieux maîtriser les émotions légitimes d’un oral d’examen » car « il y a un stress d’examen comme un stress de la caméra ou du micro qui impliquent urgence et réactivité de la part de l’élève ».
Selon Christophe Rouveaux, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Genève, enregistrer permet de didactiser la « manducation de la parole » - à savoir analyser l’oral non pas pour savoir si le ton y est, mais en distinguant les groupes de souffle et la ponctuation qui sont les vrais objets à enseigner. Et c’est parce que les productions sont modifiables que le numérique peut mesurer les progrès des élèves, qui peuvent effacer, recommencer, garder des traces des oraux intermédiaires pour au final « mettre en valeur la progression et les réussites des élèves » note Christian Mendivé, Daasen de l’académie de Guyane
Par expérience, s’enregistrer désinhibe l’élève qui va oser faire devant la caméra ce qu’il n’osera pas faire devant la classe. C’est pourquoi Rachel Pagès, IAQ-IPR, académie de Montpellier, a observé des élèves « se révéler » devant la caméra, elle ajoute que c’est une « pratique particulièrement bénéfique pour les élèves en difficulté ou en situation de handicap ». En effet, le numérique va permettre d’individualiser les activités au rythme de chaque élève, de différencier les parcours, de mieux accompagner chaque élève et de favoriser par exemple l’inclusion des élèves appartenant aux dispositifs ULIS et UPE2A.

Quelles pratiques proposer ?

Dire les mots

Mettre en voix, mettre en musique

  • La lecture chorale. Comment dire les choses pour qu’elles ne restent pas lettres mortes ?
    Travail conduit avec une classe de 6ème, adaptable à tous les niveaux.
  • Rimbaud en RAP : dire, écrire et faire vivre la poésie
    Faire de la musique avec des mots. Travail conduit en classe de 2nde.
    « Et si Rimbaud vivait aujourd’hui ? Quel poète serait-il, lui qui est passé du vers à la prose, lui qui représente la modernité poétique ? Ferait-il du rap ? »

Habiter sa parole

  • Déclamer un discours : apprendre à engager et habiter sa parole
    Deux exemples au collège en 3e, dans le cadre de l’enseignement expérimental de l’éloquence, sur la thématique : « J’ai quelque chose à vous dire... »
    Les élèves rédigent d’abord un discours pour défendre une cause qui leur est chère puis lisent et enregistrent leur travail. Le travail peut se faire en classe avec une évaluation par les pairs pour aider l’orateur ou à la maison : l’élève peut recommencer et s’entraîner avant de choisir la meilleure prestation et d’envoyer le lien au professeur.
    > Exemple 1
    > Exemple 2
  • Participer à un tournoi d’éloquence : le tournoi T’Cap
    Cette expérimentation a été réalisée au collège J. Cartier d’Issou en classe de 3e. Elle vise à présenter des pistes d’activités pour la mise en place d’un enseignement de l’éloquence au collège et la préparation du tournoi T’CAP.



Dire pour lire, lire pour dire

Voici une diversité de projets centrés sur l’appropriation des textes par un travail de mise en voix, personnel ou collectif. Selon des dispositifs variés et au gré des objectifs littéraires que se sont donnés les professeurs, ces projets ont en commun de proposer aux élèves de s’appuyer sur la mise en voix d’un texte pour le lire vraiment et mieux se l’approprier.

  • L’oral du lecteur
    Comment aider les élèves à devenir des critiques autonomes capables « de rendre compte et de faire partager une réflexion sur leurs expériences de lecture » ? Le projet expérimente une nouvelle démarche pour aider les apprentis lecteurs à s’approprier les lectures intégrales ou cursives proposées dans le cadre de la classe.



Réfléchir ensemble et débattre

  • Participer à un débat
    > Le débat de compréhension
    L’article présente la vidéo d’une séance de lecture analytique en classe de sixième. La séance s’ouvre sur un débat de compréhension : pendant dix minutes, les élèves discutent d’un texte qu’ils viennent de découvrir par la lecture, sans intervention de leur professeur.
    > Débat régulé, débat mouvant, face à face ...
    La pratique peut se faire en classe sous plusieurs formes, ou même à la maison. Certains outils comme Anchor ou Soundtrap permettent de s’enregistrer à plusieurs en même temps et à distance.
    À distance, le professeur peut faciliter la mise en œuvre du projet en formant des groupes lors d’une classe virtuelle pour demander ensuite aux élèves de travailler collectivement en s’emparant de l’outil numérique de leur choix.
    Deux exemples en 3e :
    > Réalisé en présentiel - Peut-on rire de tout ?
    > Réalisé à distance - L’argent fait-il le bonheur ?
  • Intervenir dans un jeu de rôles : le procès ou le duel.
    > Le procès d’Arnolphe
    Malgré le confinement, grâce aux élèves de 2des du lycée de l’Iroise, le procès d’Arnolphe, héros de L’École des Femmes de Molière, jouée pour la première fois en 1662, a enfin pu avoir lieu.
    Apprentissage, à voix haute, de la rhétorique judiciaire, ou comment se préparer au grand oral par le jeu de rôles …
    > Victor Hugo VS Napoléon III ou le duel : Comment utiliser l’oral, et plus particulièrement la joute verbale, pour s’approprier une œuvre intégrale, ses enjeux et son contexte d’écriture ?
    > L’avocat du loup
    Apprendre à argumenter grâce à l’oral.



Créer des documents audio

  • Créer un Trombi’sonore
    Remplacer les photos des élèves par des sons et les inviter à questionner leur identité sonore.
  • Réaliser une carte postale sonore en captant et mixant les sons et voix du monde réel.
    Le projet « Radio Forteresse » a permis à des élèves de diffuser des créations sonores conçues lors de la découverte du patrimoine architectural de la forteresse de Salses.
  • Créer un livre audio
    Les élèves peuvent utiliser l’outil Madmagz pour intégrer de l’audio avec la version payante. Il s’agit d’un magazine numérique très intuitif - car la mise en page est déjà intégrée - sur lequel tous les élèves peuvent collaborer.
    Par exemple, on peut demander aux élèves de :
    > rédiger une page avec un titre, une image, un extrait pour illustrer une lecture
    > enregistrer le résumé via un téléphone, une tablette, une web radio.
    Avec Book Creator, le professeur pourra intégrer facilement et gratuitement l’audio de ses élèves.
  • Fabriquer une bande annonce littéraire
    Fiche pédagogique proposée par « Les babillages du CLEMI » Bordeaux.

Réaliser une émission radiophonique ou télévisuelle

  • Écouter et enregistrer une fiction radiophonique
    Travail réalisé en 3e à partir d’une série audio en 10 épisodes de Cyril Legrais et Juliette Rose, réalisée par Baptiste Guiton, en association avec la SACD [4].

Pourquoi faire pratiquer l’oral ?

Quels leviers ? Pour développer quelles compétences ?

Dans le contexte d’une réflexion sur la continuité pédagogique, qu’il s’agisse de la mise en place d’un enseignement à distance, de penser - sur le mode de l’hybridation - des temps de travail en présence et à distance, ou simplement de penser l’articulation du travail des élèves dans et hors la classe :

  • la mise en place de pratiques orales permet de pallier la non-présence en classe ; c’est un moyen de faire « classe », et non simplement de faire cours ;
  • on peut faire de l’interaction des élèves un mode d’évaluation formative en mettant en place une évaluation par les pairs. C’est une manière de déporter certains temps d’évaluation hors la classe, de faire adopter aux élèves une forme de distance pour s’évaluer soi-même ou évaluer l’autre selon des critères objectifs.

Mettre en place des dispositifs pour travailler l’oral permet au professeur et à ses élèves de développer de nombreuses compétences.

Développer les compétences de l’oral

  • Développer des compétences langagières et orales : parole en continu, mono ou polygérée …
    L’infini des possibles permet de développer ces compétences selon toutes les modalités.
  • S’initier à l’éloquence : utiliser les ressources du corps (trouver la bonne posture, la bonne hauteur de voix ; utiliser le regard…) pour développer une argumentation convaincante (la rhétorique).

Développer par l’oral les compétences disciplinaires

  • Donner du sens aux apprentissages via la création de projets audios
    Il s’agit ainsi de croiser le dire et le lire, le dire et l’écrire, le dire et l’étude de la langue. Le projet oral donne un espace où exercer les savoirs et savoir faire de façon concrète et effective ; le projet en écriture, lecture, étude de la langue donne à l’exercice de la parole sa matière et son sens.

Développer des compétences transversales

La transversalité de ces compétences est un appel aux projets interdisciplinaires qui donnent la possibilité de croiser des compétences disciplinaires et transversales au service d’un projet commun.

  • Exercer son esprit critique : permettre aux élèves de faire entendre leur voix
  • Travailler en autonomie : choisir un thème, s’organiser, gérer son temps, choisir des outils en fonction d’un objectif et des contraintes.
  • Apprendre à coopérer : travailler en équipe, s’entraider

Contribuer à la formation de l’individu

  • Initier au numérique et faire monter en compétence  : choisir des outils et supports en fonction de la situation de communication, produire et traiter un fichier audio, produire et traiter une image, créer un document intégrant différents médias, utiliser les espaces de stockage et des outils de communication à distance.
  • Éduquer aux médias et à l’information : se documenter, communiquer un message par le multimédia.

Les outils de l’oral

Comment utiliser l’oral ? De quels outils et ressources les élèves peuvent-ils s’emparer ?

Les outils d’enregistrements audio et vidéo

Il existe de nombreuses applications gratuites d’enregistrement, installées ou facilement installables dans les portables, sur les tablettes, sur l’ordinateur, dans les ENT.

En ligne

  • pour créer un fichier audio :
    audacity
  • pour créer des capsules vidéo :
    Réaliser une capsule vidéo avec Open Shot Vidéo Editor - Tutoriel
    Le montage exporté pourra ensuite être déposé sur un serveur d’hébergement vidéo (plateforme de l’académie de Versailles ScolawebTV) pour être partagé ensuite en tant que lien ou intégré : sur votre blog, sur le site pédagogique du lycée, dans un padlet, dans un génially ...

Plateforme d’enregistrement et de diffusion

  • ScolawebTV
    La plateforme de partage de contenus audio-vidéo dédiée aux enseignants de l’académie de Versailles, sur laquelle il est possible de se créer un compte avec son adresse académique.

WebRadio et WebTV


Des applications innovantes

  • Photospeak pour faire parler des images
  • Anchor pour s’enregistrer à plusieurs à distance
  • Xia pour créer des images interactives
  • Headliner pour créer une vidéo à partir d’un audio
  • Powntoon pour créer des capsules vidéo animées

Les banques de sons gratuits ou les bibliothèques de pistes musicales


Les outils d’éducation aux médias

Des prix et concours mettant à l’honneur l’oral et le son

Bibliographie-sitographie

  • Cherqui, G. IA-IPR, académie de Grenoble. (2014). « Préparer un examen à l’aide du numérique », programme du PNF Les Métamorphoses de la parole à l’heure du numérique.
  • Dolz J. & Schneuwly B. Pour un enseignement de l’oral : Initiation aux genres formels à l’école, Issy-les-Moulineaux : ESF Éditeur, 2009.
    Introduction et table des matière en accès libre au téléchargement dans les « Archives ouvertes de l’Université de Genève » : https://archive-ouverte.unige.ch/unige:31461
  • Dumais C. Taxonomie du développement de la langue orale et typologie : fondements pour l’élaboration d’une progression des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral en classe de français langue première qui s’appuie sur le développement intégral des élèves de 6 à 17 ans. Thèse de doctorat, éducation. Université du Québec, 2014, 435 p.
    (Accessible en ligne - Le temps de téléchargement peut être un peu long selon votre équipement informatique.)
    https://archipel.uqam.ca/6815/1/D2734.pdf
  • Laparra M. « L’oral, un enseignement impossible ? » Pratiques, 2008, n°137-138,p. 117-134.
  • Lieveloo, I, IA-IPR, académie Aix-Marseille « Journaux et docu-fictions à l’antique », programme du PNF Les Métamorphoses de la parole à l’heure du numérique, 2014.
    Partie 1
    Partie 2
  • Nauche I., IA-IPR, académie de Créteil, (2014) « Genre de l’oral », Atelier 6, programme du PNF Les Métamorphoses de la parole à l’heure du numérique.
    > Réaliser l’interview imaginaire d’un auteur de nouvelles
    > Création d’une webTV littéraire
  • Pagès R., IAQ-IPR, académie de Montpellier, « Parole orale et poésie », Atelier 4, programme du PNF 2014 Les Métamorphoses de la parole à l’heure du numérique.
    > Surréalisme et rêve : l’apport de l’oral pour la découverte de la poétique
    > Vers libre, paroles croisées et folie

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