Enregistrer une émission littéraire à la radio

, par Gaëlle Chauvineau


Le projet et les enjeux

L’objectif est d’écrire et d’enregistrer des critiques littéraires et de les diffuser à l’antenne d’une radio locale. Il s’agit de faire de l’enregistrement de podcasts un levier pour inciter les élèves à lire et à sortir de la lecture contrainte souvent imposée par le professeur pour leur (re)donner le goût de lire et de faire lire. Ce travail a été proposé à une classe de quatrième.

La genèse du projet

Ce projet est né d’un constat : les réactions souvent peu enthousiastes des élèves lorsqu’on leur propose une lecture. Les premières lectures proposées au cours de l’année semblaient parfois subies plus qu’appréciées. Pourtant, selon un sondage effectué auprès des élèves de la classe, il était évident qu’ils lisaient mais peut-être dans d’autres postures et sur d’autres supports que ceux imposés par la lecture dite « scolaire ».
Concevoir un projet annuel s’est alors imposé afin de créer une dynamique et tenter de susciter un certain plaisir de lire. L’objectif était d’inciter les élèves à entrer dans la lecture d’un livre mais aussi à partager une expérience de lecture.
Enfin, ce constat et cette nécessité de trouver un mode d’entrée en lecture différent a coïncidé avec l’installation d’un studio radio au sein même du collège ce qui a bien évidemment facilité la mise en œuvre technique de ce travail.

Le travail en partenariat

La radio locale LFM a une antenne pédagogique et consacre une plage horaire hebdomadaire aux projets scolaires.(http://www.lfm-radio.com)
La mise en place d’un partenariat avec une radio locale (LFM) a permis de valoriser le travail des élèves qui, le temps d’une émission, sont devenus animateurs ou chroniqueurs.
La diffusion sur les ondes permet de toucher un public large et varié. En sortant de l’espace de la classe et du collège, le travail ne s’adresse plus seulement aux camarades ou au professeur.

Les activités : déroulé des séances

  Séance n°1 : Quel livre choisir ?
Cette séance a été faite quelque temps avant la réelle mise en place du projet afin de laisser aux élèves le temps de choisir un livre, de le lire, et éventuellement d’en changer…. On s’est intéressé en classe aux questions suivantes : Comment choisir un livre ? Quel livre choisir : un livre qui me plaît, un livre qui me ressemble ?...
Une « bibliothèque participative »a été mise en place en classe : chaque élève ainsi que le professeur apporte et présente un ou plusieurs ouvrage et le met à disposition de ses camarades. L’objectif était de susciter un dialogue et un échange autour du livre et ainsi d’élargir l’horizon de lecture de chacun.

  Séance n°2 : Qu’est-ce qu’une critique littéraire ? Qu’est-ce qu’un critique littéraire ?
Cette entrée en matière consiste en une recherche en salle informatique au cours de laquelle les élèves vont définir la notion de critique littéraire, consulter des sites qui y sont dédiés et repérer les différents éléments que l’on trouve dans une critique littéraire. Les élèves ont été invités, au terme de ce travail de recherche, à faire une synthèse orale rendant compte de ce qu’ils avaient appris sur la notion de critique littéraire.


  Séance n°3 : Comment rédiger une critique littéraire ?
A partir des recherches effectuées en salle informatique, nous avons tout d’abord noté pêle-mêle toutes les propositions des élèves. Ils se sont ensuite réunis par groupes autour d’une tablette afin de réfléchir à un classement et d’aboutir à un plan à suivre lors de la rédaction de leur travail.

La classe a ensuite réalisé collectivement une carte heuristique qui a constitué un vademecum pour la rédaction des critiques littéraires.

  Séance n°4 : Rédiger une critique.
On commence par rédiger un brouillon, ce travail se poursuit ensuite à la maison, il est ensuite corrigé et retravaillé grâce à un échange de mails entre les élèves et le professeur.

  Séance n°5 : « Etre animateur radio ».
Les élèves ont découvert le studio radio installé au collège et rencontré les partenaires de la radio LFM et notamment une animatrice. Une discussion s’est installée autour de questions telles que : Que puis-je dire et ne pas dire à la radio ? A qui appartient le podcast que je vais enregistrer ou le texte que je m’apprête à publier ?

  Séance n°6 : Enregistrement des critiques littéraires
Les enregistrements ont été réalisés au cours de deux après-midis. La diffusion, s’est faite en différé, après montage. Cette chronique a fait l’objet d’une émission hebdomadaire. Au micro, pour chaque émission : un animateur et quatre « apprentis-critiques ». L’animateur, en collaboration avec les camarades qu’il devait interroger, avait au préalable préparé une série de questions. l’objectif était d’instaurer un dialogue afin de rendre la chronique plus vivante et moins monotone pour l’auditeur. Cela a surtout permis de créer des échanges entre les élèves. Ils ont présenté leur livre au camarade « animateur » afin de de décider ensemble des questions à poser lors de l’interview.

 Séance « musique »
la classe est une classe à profil artistique (CHAM). Les élèves bénéficient d’un emploi du temps aménagé afin de bénéficier de cours de musique ou de danse à l’Ecole nationale de musique. le travail en partenariat avec le collègue de musique s’est donc imposé tout naturellement. Les élèves pouvaient accompagner leur critique d’un fond sonore de leur choix. Ce fond sonore pouvait être une création personnelle pour les instrumentistes.
Les élèves ont également enregistré un « jingle » qui a été intégré à chacune des émissions. Ils ont réalisé eux-mêmes les bruitages et ont créé et enregistré un slogan.

Les compétences développées

Il s’agit de développer la capacité à donner son point de vue, à porter un jugement critique sur une œuvre, formuler une opinion et argumenter. Cela a donné lieu à des séances consacrées au vocabulaire de l’évaluation, du jugement mais aussi au vocabulaire des émotions et des sentiments.
On travaille aussi sur le brouillon et la réécriture. Comment faire un résumé ? Comment commenter véritablement un texte sans le paraphraser ?
L’objectif était également de développer des compétences orales au service de la lecture. Ils ont travaillé la diction, la voix, se sont entraînés, avec l’aide du professeur et l’aide d’une animatrice radio, à dire leur texte. Comment passer de sa trace écrite à une production qui ne doit pas donner l’impression d’être lue ? Comment se détacher de ses notes ? Comment rendre sa prestation vivante et maintenir l’attention de l’auditeur ? C’est ce qui fut le plus difficile dans l’expérience, la timidité de certains est restée un frein tandis que d’autres ont vraiment excellé dans cet exercice.
L’enjeu était également de réfléchir à la construction d’un discours destiné à la diffusion et donc à autrui. Ils ont dû s’efforcer de construire un discours développé sur une œuvre, un discours qui dépasse la phrase ou le mot-phrase qui sert parfois de réponse à l’oral en classe. C’est un premier entraînement à des épreuves orales telles que l’histoire des arts par exemple ou à la future épreuve orale du DNB

Il est enfin question d’éducation aux médias puisque l’on s’interroge sur le discours, le registre de langue à adopter à la radio ainsi que sur la question des droits d’auteur par exemple ou bien encore de la propriété intellectuelle.

la place du projet dans la progression annuelle

Tout au long de l’année, les explications de textes, études d’œuvres ont été orientées en ce sens. La finalité étant de développer cette aptitude à juger.
Les critiques littéraires ont volontairement été travaillées tout au long de l’année. Les premières ébauches ont été réalisées au retour des vacances d’automne. J’ai demandé aux élèves de les enrichir au fur et à mesure de l’année. Les élèves ont ainsi pu constater leur progrès au cours des nombreuses réécritures. Les échanges se sont faits par mail.

Voici, à titre d’exemple, une ébauche du travail de Luca.

L’apport du numérique

  La radio : l’enregistrement offre la possibilité de travailler un point souvent négligé en classe, la voix et la mise en voix. Cela permet en outre d’évaluer d’autres compétences que la capacité des élèves à rédiger et cela valorise des élèves pour qui le passage à l’écrit est difficile et constitue un obstacle dans leur apprentissage. L’oral constitue un levier pour contourner les difficultés du passage à l’écrit notamment pour les élèves en grande difficulté.

  La diffusion dans les médias : elle améliore la qualité des productions. Ecrire et dire pour autrui modifie le rapport des élèves à leurs productions : il faut être compris, et puis il y a une fierté à publier ou diffuser son travail ce qui suscite souvent la volonté de l’améliorer, de le retravailler.

 Le site du collège : il permet de garder une trace écrite, d’inscrire le travail dans la durée. Il permet de conserver les enregistrements radios.

Bilan
Les élèves ont très rapidement adhéré au projet.
Beaucoup d’entre eux ont souhaité être animateurs et se sont particulièrement investis dans le travail de leur texte, dans la préparation des interviews ce qui a nécessité de leur part qu’ils lisent les ouvrages et les critiques de camarades qu’ils interrogeaient. Il y a donc eu un véritable échange et un partage entre les élèves.
Ces travaux, parce que destinés à être diffusés, ont été plus soignés que les autres, uniquement destinés au professeur. Le travail de réécriture a été plus volontiers accepté parce qu’il prenait du sens. L’enjeu est de taille : le destinataire, ce sont les auditeurs et notamment les camarades.

Les élèves ont également largement diffusé l’information sur les réseaux sociaux, ont souhaité partager ce travail avec leurs camarades, se sont parfois réunis, le samedi après-midi, autour du poste de radio, pour écouter « leur » émission.

Le projet a servi de fil conducteur à tout le travail de littérature de l’année a ainsi donné du sens à d’autres travaux. Etudier un texte en classe et l’analyser, porter un jugement sera mis au service de leur production personnelle. Et l’enjeu est d’autant plus grand que ce projet diffusé et entendus par leurs camarades qui écouteront la radio les exposent personnellement. On se doit d’être plus performant d’être lors que l’on s’expose au jugement d’autrui. Ce fut source d’angoisse pour les plus réservés mais finalement particulièrement riche et surtout source de fierté.

Les enregistrements sont disponibles sur le site du collège :
http://www.clg-ferry-mantes.ac-versailles.fr/spip.php?article568

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)