Une lecture accompagnée

Présentation du dispositif

Cette expérimentation a été menée dans une classe de 3^e. Les contraintes, inhérentes au fonctionnement du collège (stage en entreprise et brevet blanc), imposaient que ce travail soit mené en 5 semaines.

Dans le cadre de la thématique « Agir dans la cité : individu et pouvoir », en classe de troisième, on s’interroge sur les apports de la fiction pour raconter et comprendre un événement historique. C’est pourquoi est proposée à la classe l’étude en œuvre intégrale du roman de Laurent Gaudé Cris.

Cette expérimentation ayant lieu dans la première partie de l’année scolaire, il est nécessaire de travailler sur la méthode de l’analyse littéraire ainsi que sur le lien entre le texte écrit et notre interprétation, en tant que sujet-lecteur.
L’idée est de proposer aux élèves un parcours de lecture reposant sur le dialogue entre d’une part la lecture intégrale du roman Cris et d’autre part l’étude d’un corpus de documents, textes et illustrations :

• Homère Iliade, chant 20, v. 379-418
• Tardi C’était la guerre des tranchées. Planches
• Blaise Cendrars La main coupée

En proposant un corpus commun à la classe, le professeur entend construire avec les élèves un référentiel commun auquel le roman de Laurent Gaudé pourra être confronté. Il s’agit de faire entrer les documents du corpus en résonance avec l’œuvre intégrale pour créer des points de convergence et de tension qui permettront d’éclairer l’étude de Cris, dans la volonté d’aider les élèves à s’emparer du roman lu et à construire une analyse personnelle fondée à la fois sur une culture commune et sur une lecture subjective.

Un parcours Éléa en appui

Pour accompagner les élèves dans la lecture longue, un parcours Élea est accessible par l’ENT du collège.
On a joué ici de la souplesse de l’outil génially pour proposer au lecteur comme une expérience immersive afin qu’il découvre le parcours Éléa proposé aux élèves dans son fonctionnement et la souplesse de sa navigation.

L’organisation de la séquence de travail est présentée, dès la première séance, aux élèves afin qu’ils comprennent l’objectif pédagogique final et les moyens de l’atteindre. Les échéances des travaux à faire à la maison sont précisées et les élèves commencent donc leur lecture à la maison dès le début de la séquence de travail, le parcours Éléa venant en appui à leur travail personnel et autonome.

Le parcours permet de rassembler les activités d’aide à la contextualisation du roman :

• jeu «  qui veut gagner des millions  » sur la première guerre mondiale,
• questionnaire et lien vers le site de l’auteur pour découvrir son œuvre,
• lecture audio de l’incipit,

Sont proposés aux élèves des questionnaires de lecture qui évaluent la compréhension de chaque partie.
Cela permet à la fois de  :

• séquencer la lecture en imposant des échéances pour la finalisation de chacun des questionnaires  ;
• suivre l’avancée de chacun, de guider et d’accompagner ceux qui en ont besoin pour qu’ils puissent mener la suite de la lecture dans le temps imparti  ;
• évaluer la compréhension de chacun, chapitre par chapitre et d’offrir l’aide nécessaire ;
• engager la participation de tous les élèves en proposant des exercices ludiques et rapides.

Le parcours Éléa est en ce sens un outil d’accompagnement à l’autonomie des élèves efficace.

L’élève apprend ainsi à mener une lecture autonome avec des points d’étape et à organiser son temps de lecture. Il n’est pas seul face à son roman.
Enfin, les temps d’échange en classe mobilisent davantage les élèves, car ils sont synchrones dans leur avancée dans l’œuvre.

Une lecture en résonance

Parallèlement à la lecture autonome du roman, on étudie donc, en classe, les œuvres du corpus.

Du héros épique aux soldats de Gaudé

Dans un premier temps, en amont de l’étude du roman Cris de Laurent Gaudé, nous lisons un extrait de l’Iliade pour convoquer la figure du héros épique, en rappelant les caractéristiques du registre. L’étude de ce texte permet aux élèves de réinvestir des notions étudiées les années précédentes et de revivifier leur représentation du combattant de l’épopée. Dans l’extrait proposé, Achille est décrit en héros vainqueur, sublime et combattif. Il est divinisé.

La séance se poursuit par la lecture de l’incipit du roman de Laurent Gaudé qui présente Jules, soldat qui vient d’obtenir une permission après avoir sauvé par erreur un camarade. Épuisé, il quitte une armée en déroute.
Le texte fait l’objet d’une première lecture en classe, individuelle et autonome. Puis les élèves sont répartis en groupes afin de discuter de ce qu’ils ont compris, ou non, dans cette première lecture et de comparer le début du roman avec l’extrait de l’Iliade. Le décalage entre les représentations est vite perçu par la classe. Le contraste entre Achille et Jules, qui ressort de l’étude comparée menée avec les élèves, met ainsi en exergue le glissement qui s’est opéré dans la représentation du soldat entre l’Antiquité et le XX^e siècle.

Entre Gaudé et Tardi

Lors d’une seconde séance, on s’interroge sur la représentation de la subjectivité de l’artiste avec l’analyse de planches de C’était la guerre des tranchées de Tardi.

Il s’agit ici de repérer ce que la représentation de la guerre et des soldats a de réaliste. On se propose notamment de repérer et d’apprécier les procédés stylistiques et esthétiques qui permettent une critique de la guerre et dans le texte et l’image.

Cette étude est suivie d’un travail de rédaction. Les élèves doivent rédiger une synthèse en trois paragraphes afin de répondre à la question :

En quoi ces extraits de C’était la guerre des tranchées nous permettent-elles de nous interroger sur la réalité de la première guerre mondiale ?

Un accompagnement méthodologique, mené notamment lors d’une séance d’accompagnement personnalisé, permet de comprendre comment s’appuyer sur le texte ou sur l’image pour justifier une idée et sa propre interprétation.

Le témoignage de Cendrars

Enfin, une dernière étude de texte permet de travailler sur un extrait de témoignage et de faire le lien avec le chapitre précédent consacré aux enjeux de l’autobiographie.

À travers la lecture d’un extrait de La Main coupée de Blaise Cendrars, nous observons comment s’exprime la subjectivité du narrateur.

La représentation imagée que Tardi donne de la guerre et le regard critique qu’il porte sur la guerre, d’une part, le récit très personnel proposé par Blaise Cendrars, d’autre part, pourront, dans un deuxième temps, permettre aux élèves de s’interroger sur la posture de Laurent Gaudé.

Une lecture coopérative

Pour une étude transversale de l’œuvre

Afin de mener l’étude de l’œuvre intégrale et de guider les élèves dans les éléments à repérer pendant leur lecture autonome, le professeur répartit au sein de la classe différentes thématiques qui traversent le roman de Laurent Gaudé. Elles sont indiquées à chaque groupe dès l’entrée dans la lecture, lors de la première séance de la séquence, afin qu’ils puissent les avoir en tête. À l’issue de l’étude, chaque groupe devra présenter le résultat de sa réflexion à la classe sous la forme d’un oral construit. Les autres élèves prendront des notes et réaliseront une carte mentale qui constituera une synthèse de l’étude du roman.

Les thématiques ont un niveau de difficulté croissant et sont distribuées aux élèves en fonction du degré de maitrise des compétences de lecture :

• Deux thématiques plus simples offrent la possibilité de suivre le parcours de Jules, personnage qui introduit et clôt chaque partie, ou d’étudier la relation entre Marius et Boris ;
• Une thématique porte sur la représentation des soldats et de l’ennemi dans l’œuvre ;
• Une se consacre à l’étude de «  l’homme-cochon  », être mystérieux qui jalonne l’œuvre ;
• Une autre porte sur le motif de la terre dans le roman ;
• Une dernière étudiera les fonctions de la parole et du langage.

Pourquoi un forum ?

Sur le parcours Éléa, un forum a été mis à disposition des élèves comme support au travail collaboratif. Pour rythmer le travail et accompagner les élèves au long cours, ce sont même deux forums qui on été proposés successivement, le premier concerne les parties 1 et 2 et le deuxième porte sur les parties 3 à 5. Chaque chaque thématique a son propre fil de discussion.

Les élèves sont invités à la fois :

• à réagir dans le forum sur leur ressenti, à la lecture, et à constituer ainsi une trace collective des ressentis  ;
• à sélectionner des citations, des passages, et ainsi à consigner des réactions et des remarques sur la thématique à traiter là encore au fil de la lecture.
  La participation au forum peut revêtir différentes formes : simple prise de note, image postée, commentaire plus développé. les notes ainsi rassemblées serviront de brouillon collectif pour la tâche finale.

Dans son ouvrage L’enseignement de la littérature à l’ère du numérique, Magali Brunel explique que

«  Le forum informel est un lieu d’expression libre au sein duquel les élèves interagissent comme ils le souhaitent et qui devient progressivement un lieu d’expression spontanée du gout ou d’un rejet, mais aussi de difficultés, voire de demande d’aide. L’usage du forum montre montre qu’il reflète des lieux de résistance. (Tauveron, 1996).  »

Dans le cadre qui nous occupe, le forum permet d’accompagner chaque groupe au plus près de sa réflexion, alors même que les sujets sont différents. En suivant le fil de discussion de chaque thématique, l’enseignant peut retracer la chronologie des réflexions menées par les élèves. Il est à même d’aider chaque groupe à compléter et approfondir ses idées, à réorienter la réflexion si besoin, à encourager et évaluer de manière positive l’implication de chaque élève dans l’exercice.

Les élèves peuvent interagir et compléter les remarques des autres.

Le professeur peut guider les élèves et offrir un accompagnement personnalisé.

Les frontières de la classe sont alors supprimées. Le travail du groupe dépend du travail de chacun : l’analyse de l’œuvre prend d’abord appui sur la confrontation des lectures subjectives.

L’exploitation en classe : vers l’oral

En classe, les élèves retrouvent leur groupe de travail. Ils peuvent relire le forum et dégager les axes qui leur semblent pertinents. Ils peuvent échanger et débattre. Il s’agit ensuite d’appuyer leurs réflexions sur des éléments textuels et d’utiliser les ressources à leur disposition (enseignant, fiches outil sur les procédés littéraires etc.) pour passer de la lecture subjective à une lecture plus objectivée, argumentée et s’appuyant sur des éléments textuels précis.
Ils préparent enfin l’oral final, définissent la problématique, construisent un plan et se répartissent la parole. Certains postent les notes sur le forum afin d’y avoir accès à la maison et afin de pouvoir poursuivre le travail de réflexion. Les séances alternent donc le travail de groupe et le travail individuel.

Le jour de l’oral, les auditeurs prennent des notes sous la forme d’une carte mentale. Les compétences “Comprendre des messages oraux” et “”Utiliser l’écrit pour apprendre” sont ensuite évaluées par l’enseignant.