Annotations audio avec mon-oral.net Comment inciter l’élève à porter un regard réflexif sur sa copie ?

, par Aurélie de Mattéis

La correction des copies, par l’enseignant d’abord, puis en classe, devrait susciter chez les élèves un retour réflexif qui leur permette de prendre conscience de leurs erreurs, de les comprendre et in fine de les corriger. Or, ce retour réflexif n’est, le plus souvent, pas effectif : les annotations rédigées par le professeur ne sont pas lues ou pas comprises ; les élèves ne s’emparent pas des séances de correction en classe pour poser des questions et vérifier leur compréhension. Comment faire de la correction le moment clef d’une pédagogie active, l’outil clef d’une évaluation vraiment formative ?

Face à une classe de 30 élèves, comment en effet faire de la correction de copie un outil d’accompagnement individualisé ? Quel dispositif et quelle stratégie mettre en place pour que la correction permette d’instaurer, entre le professeur et l’élève, une forme de dialogue ?

1. Le temps de correction, quels enjeux ?

Du point de vue de l’enseignant, annoter des copies est l’occasion de prodiguer des conseils personnalisés afin de faire progresser l’élève. Cependant, il ne peut pas développer ses commentaires : il doit trouver le mot juste pour expliquer l’erreur, encourager l’effort ou valoriser les progrès. Or, un commentaire trop synthétique est difficile à comprendre, notamment pour les élèves les plus en difficulté. Il prend souvent pour eux des airs de sentence ce qui rend le travail d’annotation sur les copies inefficace, voire contre-productif.

Du point de vue de l’élève, revenir sur son travail, seul, quand il n’a pas été réussi, est difficile. Les annotations rédigées par le professeur ne sont souvent pas lues et peuvent être perçues comme un jugement. Pour certains, l’erreur est vécue comme un échec, parfois une honte. En outre, les séances de correction en classe entière ne lui permettent pas de porter un regard réflexif sur son devoir car elles restent trop générales et laissent en creux les problèmes de fond. L’élève aurait en réalité besoin d’un dialogue avec l’enseignant qui puisse l’aider à faire le lien entre les éléments de correction collectifs et les questions qui se posent pour lui. Sans un travail de réassurance et d’aiguillage, beaucoup d’élèves peinent à utiliser le temps de correction comme tremplin et ont beaucoup de mal à savoir comment progresser.

2. Pourquoi tenter l’annotation audio ?

Afin de surmonter ces difficultés, l’enseignant décide d’expérimenter si le recours à l’annotation orale, sous forme d’enregistrements audio individualisés, pourrait avoir son efficacité.

Il n’écrit rien sur le devoir, mais enregistre ses commentaires au fur et à mesure de la lecture de la copie. Il peut alors expliquer la notation, expliciter les éléments qui n’ont pas été compris, reprendre la méthode, aider la reformulation d’une réponse. Le commentaire s’adresse individuellement à chaque élève et il est ainsi l’occasion pour l’enseignant de créer un échange privilégié : il encourage, valorise les progrès et montre la voie à suivre pour améliorer l’écrit.
En outre, le ton utilisé invite l’élève à recevoir les commentaires du professeur comme des conseils et les propos de valorisation sont mieux entendus. Le commentaire audio institue entre professeur et élève une manière de dialogue qui tend à inviter au retour réflexif.

Daphné Jacamon et Julien Lefèbvre, dans leur article « Rendre l’évaluation plus explicite et plus lisible grâce au commentaire audio » [1] font les remarques suivantes :

« Cette spontanéité engage également l’enseignant dans une démarche de pédagogie explicite lorsqu’il réfléchit à voix haute aux remédiations possibles que l’on pourrait apporter à telle difficulté, aux moyens d’appréhender l’exercice différemment, aux stratégies qu’il met lui-même en place pour résoudre un problème de syntaxe par exemple. La correction devient alors pour l’élève moins arbitraire et plus explicite, l’enseignant s’attarde tout autant sur les réussites et les échecs de la copie. Libéré de l’espace contraint de la marge, il argumente ses propositions et ses réactions, adapte ainsi son propos aux problèmes spécifiques posés par chaque situation et prend le temps de féliciter l’élève plus longuement et plus précisément qu’avec un simple “TB” dans une annotation écrite. »

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3- Comment enregistrer ses commentaires audio avec mon-oral.net ?

La vidéo ci-dessous propose un mode d’emploi pour prendre l’outil facilement en main.

4- Quelle organisation en classe ?

L’écoute des commentaires a lieu en classe afin que l’enseignant puisse accompagner les élèves. Chacun d’eux dispose d’une tablette fournie par le département et d’écouteurs. Ils sont donc invités à scanner, avec l’application de l’appareil photo, le Qrcode distribué par le professeur pour accéder au commentaire de leur copie.

La séance est organisée en plusieurs temps :

  • Étape 1 - Relire sa copie de façon active
    Les élèves écoutent l’enregistrement et doivent annoter leur travail : ils peuvent corriger des erreurs ou modifier des éléments de rédaction. Ils peuvent à tout moment mettre le commentaire en pause et solliciter le professeur pour des explications complémentaires. Cette première étape les oblige à s’approprier les remarques du professeur et à relire leur travail, dans un esprit positif et avec précision.
  • Étape 2 - Repérer des axes d’amélioration
    Ensuite, en s’appuyant sur les commentaires audios qui lui sont adressés et sur son propre travail d’annotation, chaque élève détermine les axes d’amélioration à retenir pour le prochain devoir. Ils doivent alors être capables de reformuler avec leurs mots les conseils prodigués par l’enseignant.
EXEMPLE 1
Dans le cadre d’un premier sujet type DNB, un élève travaille sur un extrait de L’âge d’homme de Michel Leiris dans lequel l’auteur raconte son opération des végétations. La dernière question doit amener l’élève à expliquer en quoi cette épisode a influencé la vision du monde du narrateur.


Réponse de l’élève

Commentaire enregistré du professeur

Il veut ainsi expliquer que si le texte est compris, la méthode n’est pas encore acquise. Il reprend donc des éléments de la réponse en pointant les éléments à retravailler.

À la suite de cette correction, l’élève note les éléments à retenir :

EXEMPLE 2
Dans le cadre d’une initiation au sujet de réflexion, on fait travailler les élèves sur le sujet :
« Sans la petite Antigone, c’est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles », dit le Chœur à la fin de la pièce d’Anouilh (p. 122 dans l’édition de La petite Vermillon). Pensez-vous que ce soit le rôle des personnages des œuvres littéraires et cinématographiques de ne pas nous laisser tranquilles, de bousculer nos habitudes et nos certitudes ?. On demande aux élèves de rédiger un premier brouillon afin de proposer ensuite un accompagnement pour accompagner l’acquisition de la méthode.

Premier jet de l’élève

Commentaire enregistré du professeur

Il met en valeur les arguments proposés par l’élève et l’accompagne dans l’organisation du devoir. Il choisit ici de ne pas commenter le choix de l’exemple, préférant se concentrer sur les idées proposées et le plan. Dans le commentaire, il relève les points positifs du devoir. L’enregistrement du commentaire se fait au fil de la lecture.

Après l’écoute des commentaires, l’élève retravaille son brouillon.

On remarque qu’il a organisé son devoir en deux parties en commençant chaque partie par son argument. Il a ensuite retravaillé l’exemple. Si le brouillon n’est pas encore abouti, il montre cependant que l’élève a progressé.

  • Étape 3 - Participer à un temps de métacognition
    À l’issue de cette écoute, l’enseignant fait ensuite un bilan avec la classe : les élèves posent leurs questions et échangent sur les axes d’amélioration qu’ils ont repérés. Cette étape de métacognition invite les élèves à percevoir l’évaluation comme un temps d’apprentissage. Le professeur peut expliquer les éléments qui n’auraient pas été compris et pour lesquels les élèves n’auraient pas eu de réponse lors de la première étape. Il peut alors, en complément, distribuer un exemple de corrigé et proposer des conseils pour atteindre les objectifs définis par les élèves.

4. Pour quel bénéfice ?

La correction est alors perçue comme une étape pour améliorer son travail, l’erreur peut être surmontée. Les élèves relisent leur copie, ils sont actifs. L’enseignant a le temps d’accompagner plus spécifiquement certains en leur demandant d’expliquer à l’oral ce qu’ils ont compris.
On peut aussi imaginer que ces temps de correction ont lieu hors de la classe.

Les élèves apprécient ces corrections audio, ils ont la sensation d’avoir un retour personnalisé sur leur travail. Ils prennent le temps de définir les axes et de rédiger les annotations des copies. Certains élève de 3e disent les utiliser comme outils pour réviser le DNB par exemple. L’évaluation est alors perçue comme formative : elle devient une étape pour améliorer la maitrise des compétences.

Voir en ligne : Rendre l’évaluation plus explicite et plus lisible grâce au commentaire audio

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