La preuve par l’image : deux productions d’élèves
Compétences.
Cette activité a été entreprise avec une classe de latinistes de Quatrième, sachant donc déjà produire des énoncés simples en latin. Les élèves ont correspondu en latin avec les élèves latinistes du lycée français Jacques Prévert d’Accra, au Ghana, et ont ainsi pris conscience d’un groupe de latinistes élargi, dépassant le cadre de la classe, et dans ce cas précis de la France.
Il s’est agi de pratiquer l’écriture, notamment en développant l’utilisation des connaissances des élèves pour mieux écrire. En effet, le manque de confiance en eux des élèves les pousse à recourir d’emblée à des outils pour se lancer dans l’écriture. Il importe de leur faire savoir qu’ils savent, sans s’appuyer sur le dictionnaire ou le professeur.
En conséquence, l’éducation aux outils, notamment aux média, a pris une place importante. Le dictionnaire bilingue n’est pas l’endroit où s’effectue la recherche d’idée, mais celui de la vérification d’un doute clairement exprimé. Il demande également, à l’instar des outils de traductions existant sur le web, de poser un regard critique sur l’information donnée afin de choisir le terme adéquat.
Démarche.
Les séances ont été menées de manière filée sur l’année, au gré des réponses de nos correspondants. La structure de ces séances a néanmoins suivi un ordre, dans la mesure du possible, fixe :
- Travail du lexique :
Les élèves s’approprient, dans un cours dialogué avec le professeur, le vocabulaire donné par les fiches publiées sur le site d’Olivier Rimbault, Viae Neolatinae (http://www.via-neolatina.fr/didactica/commercia-epistolaria). Ce temps est l’occasion de réfléchir aux idiomes de la langue latine comme française, de travailler autour de radicaux ou d’expression connus des élèves. On y revoit les codes de l’écriture épistolaire.
- Écriture d’un premier jet en français et sa traduction :
Les élèves se lancent dans l’écriture d’un premier jet, en français, de leur lettre. Un premier travail de relecture, par un camarade, permet de s’assurer de la cohérence de l’énoncé français. Le travail de traduction commence, à l’aide des connaissances des élèves, des fiches de vocabulaire ou de dictionnaires. Les élèves prennent conscience de la nécessité d’adapter les tournures de phrases françaises afin de les rendre traduisibles. Ils ne se demandent plus comment « on » dit telle chose en latin, mais comment « je » peux le dire. Les énoncés se personnalisent progressivement, chacun créant sa lettre. Les élèves se détachent peu à peu des fiches de vocabulaire pour dire ce qui n’y est pas et intègrent ainsi de nouvelles tournures, un nouveau lexique qui leur sera propre. L’entrée dans la langue devient plus intime : on cherche, par exemple, à traduire son prénom en se référant à son étymologie Les élèves prennent également conscience de l’impossibilité de dire : comment, par exemple, faire passer en latin un jeu de mot en français ?
- Relecture collaborative et correction :
Le premier jet, une fois traduit, est relu par un camarade. On s’interroge sur la signification de certaines tournures, on rectifie les erreurs de langue qui empêchent la compréhension du sens. Les flexions, notamment, prennent alors toute leur importance.
Des TICE.
L’emploi des TICE s’est révélé indispensable, tout d’abord dans le travail autour du lexique. La richesse des fiches d’Olivier Rimbault permet aux élèves, même les moins confiants, de se lancer sans peine dans l’écriture. L’utilisation des dictionnaires en ligne a permis de compléter les fiches. Google Traduction a été perçu comme une bouée de sauvetage pour les élèves les plus en difficulté. La relecture de leur camarade a été assassine. C’est ainsi chez ces élèves que le temps de réflexion sur l’incompréhension suscitée par leur énoncé a été le plus riche.
Le travail d’écriture a également gagné en efficacité grâce aux TICE, l’écriture sur traitement de texte permettant de gagner en clarté et de réécrire sans difficulté. L’utilisation d’un outil d’écriture collaborative, comme Etherpad, permet très facilement la relecture par un tiers. L’utilisation des couleurs de ce logiciel permet de marquer clairement les corrections effectuées, le forum de discussion d’exposer les incompréhensions. Il a été intéressant de constater que si la correction de l’orthographe française par le logiciel de traitement de texte a été d’une aide importante pour certains élèves en les désinhibant, il n’était plus possible d’y recourir pour le latin, ce qui a perturbé les élèves ayant tendance à se raccrocher à cette facilité lors des exercices d’écriture. Il leur a fallu réapprendre à regarder leur texte sur l’écran, de la même manière qu’ils le font sur une feuille de papier.
Enfin, le choix du Ghana comme pays de correspondance n’aurait pu se faire sans les TICE, l’envoi des lettres par E-mail étant la seule solution envisageable pour espérer un retour rapide.
Réflexions.
- Quelle place pour l’enseignant ?
Plus le travail avance, plus l’enseignant disparaît. Fortement sollicitée au début, je me suis efforcée de répondre le moins possible de manière directe aux questions posées par les élèves, mais davantage de les aider à trouver l’outil adéquat pour résoudre leur difficulté. L’enseignant n’est plus alors celui qui sait comment dire, mais celui qui sait où trouver. Cette posture n’est cependant pas toujours aisée à tenir, notamment avec les élèves les plus en difficulté. Avec ces derniers, nous avons contractualisé, de manière individuelle, le fait qu’ils devaient corriger le début de leur premier jet, mais que je prendrai ensuite la correction du reste, la charge de travail étant trop importante pour eux.
- Comment évaluer ?
Conséquence de la différenciation totale du travail comme de l’aide apportée, il est difficile d’évaluer de ce travail en le notant. J’y ai donc renoncé, évaluant uniquement à l’aide des compétences du socle commun. Les élèves, contents d’eux même, ont cependant demandé à ce que ce travail apparaisse dans leur moyenne. Nous avons décidé qu’ils se verraient attribuer une note d’implication dans le travail plutôt qu’un résultat chiffré de leur production.