Du brouillon de l’écrivain au brouillon de l’élève

, par Gaëlle Chauvineau

Travail proposé par Clémentine Muribia

Niveau : seconde générale

Objet d’étude : le travail de l’écrivain

Textes : extraits du manuel de seconde Des textes aux séquences Hatier

Introduction :

Cette séquence, réalisée en début d’année, avait pour but d’amener les élèves à réfléchir sur le travail de l’écrivain et plus généralement de l’artiste dans le cadre plus général de l’histoire des arts. Il s’agissait aussi par là- même, de les inciter à s’interroger sur leurs apprentissages, leurs attitudes dans le cadre du cours de français, bien évidemment , mais aussi dans celui de l’option arts plastiques pratiquée par certains élèves de la classe. Ceci explique le choix pour la lecture cursive du livre de Tracy Chevalier « La jeune fille à la perle », roman adapté au cinéma par Peter Weber et qui traite le thème de la création artistique. Cette séquence impliquait donc de travailler sur plusieurs supports, livre, film, tableau et d’établir des échos, non seulement entre les textes mais aussi entre ces différents supports.

Tableau de la séquence à télécharger

Mots clés

Apprentissage

La notion d’apprentissage est au coeur de la séquence. Le peintre doit apprendre son métier, l’écrivain retravaille son texte et l’élève son devoir ! Il est intéressant justement de confronter l’élève à cette idée que l’artiste ou l’écrivain dont nous ne voyons souvent que le produit « fini » peut, lui aussi, être en proie au doute, au manque d’inspiration, et se voir contraint à reprendre et corriger tel ou tel élément de son oeuvre. Les élèves ont beaucoup apprécié le travail sur Chateaubriand et ont souvent retrouvé la version définitive, ils ont aussi pris conscience du fait que s’améliorer ne signifiait pas forcément « rallonger » ou « raccourcir » mais parfois seulement trouver le mot « juste ». Il y a eu parfois débat sur le choix de tel mot et même désaccord.
La notion de temps est aussi souvent mise en avant dans les textes : Flaubert passe des années à écrire Mme Bovary et Vermeer six mois pour livrer un tableau. Cet élément a marqué les élèves qui, d’autre part, face à leur copie souvent ne « voient » pas ce qui ne va pas, ce qu’ils pourraient améliorer, ils sont aussi démunis face à leur copie que Vallès à la sienne et ont tendance à vouloir en finir « vite ». Le travail sur la critique de livre a été révélateur à cet égard : beaucoup ne voyaient pas pourquoi leur deuxième jet n’était pas forcément meilleur et nous avons dû retravailler dans le cadre de l’aide individualisée sur les cas les plus significatifs.
Cette séquence leur a donc permis de prendre conscience de la possibilité de s’améliorer. Le fait de pouvoir corriger leurs travaux et les réécrire les met d’une certaine façon dans la posture des auteurs et des artistes qu’ils étudient .Ils se prennent aussi au jeu et se retrouvent ainsi apprentis- poètes dadaïstes et, tout comme Griet apprend à voir les couleurs des nuages, ils tentent d’apprendre à lire leurs propres textes..

Arts et histoire des arts

La création artistique est le sujet même de cette séquence. Plusieurs formes d’art sont présentes : peinture, littérature, cinéma, théâtre... Chaque texte a été replacé dans son contexte littéraire et culturel : le mouvement baroque, le romantisme, les mouvements dadaïstes et surréalistes... D’autre part le roman étudié part d’un tableau et d’un peintre réels, même si l’oeuvre est une pure fiction. Les élèves, dont plusieurs font une option arts plastiques, ont été invités à faire des recherches sur Vermeer et ont analysé le tableau qui donne son titre au roman. L’étude du roman a aussi permis aux élèves d’étudier le processus de réalisation d’un tableau, inspiration, ébauche, esquisses, préparation des couleurs, etc... La vision du film leur a permis aussi de visualiser ces processus et de s’imprégner de l’atmosphère de l’époque. Cela a été aussi le cas dans une certaine mesure lors de la vision de »Shakespeare in love »,où les élèves se sont familiarisés avec le théâtre élisabéthain. Dans le bilan de séquence les élèves ont indiqué qu’ils avaient pris conscience du fait qu’un artiste s’inscrivait dans un courant littéraire, artistique, et dans un une époque. Le risque demeure, malgré tout, qu’ils aient une vision très fragmentée, discontinue de cette histoire des arts. Il faut donc sans cesse replacer ces mouvements dans une perspective plus large.

Attitudes

La plupart du temps les élèves ont découvert les textes en classe, afin de les faire réagir « à chaud ». Le seul texte préparé a été celui de Vallès en raison du grand nombre de références historiques, ce qui d’ailleurs a été l’occasion de s’interroger sur les exigences scolaires de l’époque bien loin de nos préoccupations actuelles. Le but est d’entamer une réflexion sur la perception immédiate du texte par les élèves ,de leur donner la possibilité de discuter, de s’investir, de s’approprier le passage étudié, avant de poursuivre par un examen plus scolaire de celui-ci. De même pour le passage à l’écrit où il s’agit de faire évoluer le travail rendu par l’élève en lui permettant de le retravailler et de l’améliorer. L’échange entre le professeur et la classe est constant, le retour sur les étapes précédentes permettant de créer des liens entre les divers moments de la séquence comme entre la lecture et l’écriture. Le premier travail d’écriture « à la manière de » les a amusés mais en même temps a posé problème : « à quoi ça sert ? ». Le travail d’écriture final en leur demandant de s’interroger sur leur rapport à l’écriture à l’aide de métaphores a permis de mettre en exergue leur difficulté réelle à se projeter dans l’exercice scolaire. Beaucoup ont eu du mal à trouver des métaphores, certains sont passés à côté de cette exigence, très peu ont dit se sentir à l’aise à l’écrit, même à l’extérieur du cadre scolaire. De même, les textes d’Antelme et de Semprun les ont intéressés pour leur dimension historique mais l’idée de l’art pour évoquer « une expérience au-delà des mots « reste pour eux assez théorique.

Echos

Cette séquence joue à chaque étape sur les échos entre les textes étudiés, par exemple ceux de Semprun et d’Antelme mais aussi sur des échos entre la littérature, la peinture, le théâtre, le cinéma. Il s’agit de faire prendre conscience aux élèves du fait qu’aucune de ces formes ne fonctionne isolément. Flaubert utilise des métaphores issues du vocabulaire de la peinture pour évoquer son travail d’écrivain, Le tableau de Vermeer inspire un écrivain qui inspire lui- même un cinéaste dans le film duquel on retrouve le tableau en question. De même le va-et-vient dans Shakespeare in love entre la pièce et l’histoire d’amour fictive entre les héros du film... Ce travail est aussi l’occasion de réfléchir à la façon dont l’imaginaire de l’artiste se nourrit de ce qui l’entoure et de ceux qui l’ont précédé. On poursuivra d’ailleurs par un travail ultérieur sur les réécritures qui permettra d’approfondir cet aspect.Il semble essentiel que le travail de l’année propose à la classe cette possibilité d’établir des liens entre toutes les séquences comme entre les travaux de lecture et d’écriture,la séquence ne trouvant sa légitimité que dans cette cohérence générale. Cette façon de travailler aboutit à ce qu’ils s’interrogent tout naturellement à chaque nouveau texte sur les interactions possibles avec ce qui précède. Il leur est par contre plus difficile de jouer avec les notion de métaphore et de comparaison dont ils ne voient pas toujours l’intérêt dans le travail de l’écrivain comme dans leur propre travail.

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