Le sujet-lecteur ou comment redonner place à la subjectivité dans la pédagogie de la lecture

, par MELET Cécile

Compte-rendu de lecture de l’ouvrage Le Sujet lecteur, Lecture subjective et enseignement de la littérature, sous la direction d’Annie Rouxel et Gérard Langlade, des Actes du colloque « Sujets lecteurs et enseignement de la littérature », organisé par l’université de Rennes 2 et l’IUFM de Bretagne, les 29, 30 et 31 janvier 2004, Presses Universitaires de Rennes, 2004

Introduction

On oppose souvent, pour aborder l’engagement ou le désengagement des jeunes dans la lecture, la lecture scolaire à la lecture privée, l’une serait accablée de toutes les tares : oppressive, desséchante, formaliste, techniciste, l’autre, préservée de toute injonction, serait dotée des charmes de l’école buissonnière et du jardin secret. Cette opposition, pour caricaturale qu’elle soit, nous ramène du moins à des questions essentielles : quel rapport à la lecture et à la littérature sommes-nous capables de susciter auprès de nos élèves ? Quelle capacité avons-nous de leur transmettre le désir de lire ?

Un des griefs qui est communément fait à la pratique scolaire de la lecture est d’avoir limité voire évincé la part subjective du lecteur. L’intrusion du personnel et de l’intime serait à proscrire comme ne faisant pas partie du champ littéraire et comme n’étant pas digne d’un discours de commentaire qui s’attacherait à révéler le fonctionnement et la signification d’un texte. Les auteurs qui ont participé au colloque cherchent à dépasser la simple alternative entre approche formaliste et approche empiriste, entre lecture experte et lecture privée. Leur parti-pris est de reconsidérer la place de la subjectivité et de l’intime dans la lecture scolaire : sans nier le risque que cette part de subjectivité peut entraîner sur le texte, ils voient en elle un élément essentiel du processus de lecture. Elle est le signe et le moyen d’une adhésion au texte ; plus encore, elle participe à l’élaboration même de la cohérence que chaque lecteur lui donne ; elle est enfin le lieu d’une transformation que le lecteur recherche dans l’émotion et qu’il découvre dans les aller-retours entre soi et le texte. Ainsi, redonner toute sa place à la subjectivité dans l’acte de lecture devient une condition sine qua non pour que la lecture prenne sens et vie et que le rapport à la littérature soit véritablement un rapport existentiel.

L’ouvrage présente donc un certain nombre d’analyses et de constats sur les pratiques de la lecture, l’évolution des traditions scolaires, la part de la subjectivité dans le processus de lecture et propose nombre de propositions didactiques visant à accompagner, stimuler et cadrer la parole et la prise de conscience de l’élève en tant que sujet-lecteur.

Table des Matières :

Première Partie : Le sujet lecteur à l’oeuvre

Ch 1 Ecrivains sujets lecteurs

Ch 2 Sujets lecteurs en action

Ch 3 Traces, Mémoires et paroles de sujets lecteurs

Ch 4 Les sujets lecteurs au miroir des oeuvres

Deuxième Partie : Sujets lecteurs et enseignements de la littérature

Ch 5 Les sujets lecteurs sous contrainte

Ch 6 Les sujets lecteurs aux prises avec les textes

Ch 7 Sujets scripteurs, sujets lecteurs

De grandes pistes de réflexion se dégagent de l’ensemble des articles :

L’analyse des pratique existantes

Plusieurs auteurs analysent l’évolution de la tradition scolaire de la lecture en montrant les tensions et les points de jonction entre la lecture sous contrainte et la lecture libre (V. Houdart-Mérot ; L. Maisonneuve), ils réfléchissent aussi à la place consubstantielle et féconde de la subjectivité dans l’acte de lecture (G. Langlade ; P. Demougin ; V. Jouve) et surtout dans le plaisir et le désir de lire.

Des typologies des lecteurs et des lectures

Des typologies de lecteurs ou de pratiques sont analysées qui peuvent nous aider à mieux comprendre le processus de lecture et les profils de lecteurs de nos élèves (A. Rouxel ; S. de Croix et J-L Dufays).

Des pistes pédagogiques à l’oral et à l’écrit

Des pistes pédagogiques sont proposées qui permettent d’accompagner la manifestation de cette subjectivité, la prise de conscience par les élèves de leur transformation en sujets-lecteurs et de leur liberté d’interprétation : écrits réactifs sous différentes formes : celle du journal de bord et de l’écriture d’invention (P. Demougin, V. Jouve, V. Houdart-Mérot), celle de débats interprétatifs qui sortent du commentaire convenu pour révéler la part subjective dans les interprétations singulières confrontées au texte (V. Jouve ; M. Lebrun). L’autobiographie du lecteur permet avec d’autres pratiques de favoriser des moments réflexifs sur sa propre pratique, autant de moments féconds qui améliorent les performances autant qu’ils participent à la construction d’une identité et de goûts littéraires (A. Rouxel, S. de Croix et J-L Dufays).

Le compte-rendu présent est lacunaire : tous les articles n’ont pas été mis en fiche et la sélection qui apparaît ici relève d’un choix purement subjectif. D’autre part, le résultat produit comporte toutes les limites d’un effort de synthèse qui nécessairement réduit la richesse et la précision des propos des auteurs. Néanmoins, nous espérons qu’il apportera assez de matière pour nourrir la réflexion de chacun et offrir des pistes de travail stimulantes.

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