Lecture - Modalités de lecture

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Les manières de lire dépendent des conditions de la lecture, des moments et de la durée qui lui sont accordés, du rôle symbolique qui lui est dévolu, de l’engagement de celui qui lit, de ce que la lecture suscite en lui, de la mémoire qu’il a d’autres livres lus.

Apprentissage de la lecture : les enjeux

Du collège au lycée, l’élève poursuit la découverte des pratiques de lecture et le développement de ses compétences de lecteur en se confrontant à des textes progressivement plus longs et /ou plus résistants selon des modalités que le professeur fait varier tout au long de l’année et au sein d’un même chapitre.
L’enjeu en est la formation

  • d’un lecteur habile, capable de comprendre et de s’emparer des diverses formes d’écrits à des fins de communication (articles de presse, documents composites, documents de travail, documentaires …),
  • d’un lecteur éclairé, capable d’apprécier une œuvre littéraire pour le plaisir qu’elle procure, pour les valeurs qu’elle défend, pour sa dimension sémantique et esthétique,
  • d’un lecteur doté d’une bibliothèque imaginaire, capable de mettre en résonance un livre avec un autre livre,
  • d’un authentique sujet-lecteur, capable de s’impliquer dans la lecture.

L’école « apprend à lire », c’est-à-dire qu’elle a la responsabilité de mettre les livres sur le chemin qu’emprunte l’élève et de former à la fois des lecteurs compétents et des amateurs de lecture.

Dès lors, deux grands champs se dessinent dans les apprentissages :

  • Apprendre à lire exige des gestes techniques : repérer des formes, des genres, des usages particuliers de la langue, etc.
  • Apprendre à lire, c’est aussi devenir lecteur en fréquentant les livres le plus souvent possible de façon variée, parfois gratuite et ludique, parfois plus experte.

Le professeur est donc pris dans un dilemme professionnel permanent : enseigner les procédures de lecture qui s’appuient sur des savoirs et exigent de la durée ; engager les élèves dans des lectures fréquentes qui exigent variété, souplesse, vitesse.

Les programmes et la lecture

Formats de lecture

Les programmes scolaires du collège comme du lycée cherchent à indiquer des formats de lecture permettant d’assurer des modalités diverses et des fréquentations variées des textes et des livres. Deux modalités parcourent les programmes :

  • la lecture cursive qui est une lecture suivie, souple, dont la finalité est l’exposition fréquente à des œuvres variées,
  • la lecture plus experte qui vise à construire de façon rigoureuse des compétences fines de lecture, elle donnera lieu à l’explication linéaire à l’épreuve anticipée de français.

Repères

Les programmes donnent également des repères en termes de rythme et de fréquence de lecture d’œuvres.

  • En 6e : 3 œuvres intégrales (+ lectures cursives + groupements de textes)
  • Au cycle 4 chaque année : 3 œuvres intégrales issues de la littérature patrimoniale (+ 3 œuvres intégrales issues de la littérature jeunesse + 3 groupements de textes)
  • En seconde : 5 œuvres intégrales ou sections de recueil poétique et 4 lectures cursives
  • En première : 4 œuvres intégrales sur programme national associées à leur parcours et 4 lectures cursives par objet d’étude.

Le sujet-lecteur

Quelques questions se posent, comme l’a montré Bénédicte Shawky-Milcent dans sa thèse, synthétisée dans l’ouvrage La lecture, ça ne sert à rien (PUF, 2016) :

  • Comment prendre en compte la variété des parcours et des relations à la lecture ?
  • Comment susciter la participation des élèves, attiser leur curiosité intellectuelle ?
  • Comment accompagner la mémoire des adolescents dans l’après-coup de la lecture des œuvres, afin que ces dernières deviennent des jalons dans la construction d’une culture personnelle ?
  • Comment inscrire l’étude d’œuvres classiques dans une pratique active et épanouissante de la lecture ?
  • Comment transmettre la littérature de telle sorte qu’elle puisse contribuer à éveiller des consciences, à susciter des ébranlements éthiques et philosophiques ?

Il s’agit, on le voit, de considérer l’élève comme un sujet-lecteur.

Définition didactique du sujet-lecteur :
Dans l’acte de lire, le lecteur participe à l’élaboration du sens de l’œuvre en même temps qu’il se construit comme individu par et à travers sa lecture. Cette expérience est intrinsèquement individuelle et se renouvelle de manière dynamique à chaque nouvelle lecture, à chaque nouvelle rencontre avec une œuvre littéraire.

Une fois énoncée l’évidence que l’élève se trouve en permanence en situation de lire (lire une leçon, lire un exercice, lire un graphique, se relire pour apprendre, pour se corriger, …), il est possible de dégager plusieurs modalités de lecture spécifiques au cours de français et à l’enseignement de la littérature. Ces variations touchent l’étendue du texte et le temps consacré à la lecture. Elles jouent sur les degrés de l’analyse : étude de détails, vision holistique, circulation interne, contextualisation à l’échelle d’une œuvre, d’un genre, de l’histoire littéraire, mais aussi lectures vagabondes, lectures ludiques, et pourquoi pas tentatives de lectures que l’on arrête au nom du simple droit de ne pas lire.

L’accompagnement à la lecture des œuvres intégrales

La lecture experte d’œuvres intégrales est explicitement inscrite dans les programmes de collège et de lycée. Elle permet d’étudier l’économie générale d’une œuvre et son déploiement à l’échelle d’un texte long, de suivre un personnage (Cosette dans Les Misérables de V. Hugo) ou un motif (les ascensions de Julien dans le Rouge et le Noir de Stendhal). Ainsi en collège et en classe de seconde, la lecture d’une œuvre intégrale peut se concentrer sur un aspect particulier, fil rouge que suit la lecture à la manière d’une enquête. [Cf. l’article « Parcours »]

Proposer à l’ensemble des élèves la lecture d’une œuvre intégrale confronte le professeur à l’hétérogénéité de sa classe où lecteurs aguerris et petits lecteurs se côtoient. Le professeur ne s’interdit pas de lire avec sa classe des extraits étendus pour amorcer la lecture ou la revivifier sous la forme de lecture magistrale ou de lecture chorale.
L’objectif est que chacun lise et que chacun puisse entrer dans la communauté de lecteurs ainsi fondée. Pour ce faire, il convient de différencier les modalités de lecture de l’œuvre et ainsi de :

  • autoriser que certains chapitres ne soient pas lus par tous les élèves,
  • proposer la lecture de l’intégralité de l’œuvre ou une sélection adaptée et cohérente de chapitres pour les lecteurs moins expérimentés,
  • projeter, en complément, une adaptation filmique ou un extrait en bande dessinée.

L’essentiel est que le groupe classe puisse se reformer autour d’une réflexion commune sur l’œuvre et ses enjeux lors :

  • de débats entre élèves sur un thème choisi,
  • du résumé des passages non lus offerts par les lecteurs aguerris aux petits lecteurs,
  • de l’interprétation critique de tel ou tel aspect de l’œuvre où les petits lecteurs pourront tout aussi bien défendre leur point de vue.

L’accompagnement à la lecture cursive

À mi-chemin entre la sphère privée et la classe, la lecture cursive s’apparente à la lecture personnelle que l’on mène à son gré. Elle se fait au cœur de la classe, chez soi, en lien avec différents partenaires comme les bibliothèques, les librairies, les médiathèques ou encore s’adossent à des actions éducatives : « Goncourt des Lycéens », « le quart d’heure de lecture » ou toute autre action proposées par les collectivités territoriales … Au collège comme au lycée, toute lecture cursive fait l’objet d’une restitution écrite ou orale visée par le professeur. Elle contribue pleinement à l’enrichissement de la culture littéraire et artistique de l’élève. C’est un complément qui vient corroborer les textes étudiés en classe ou apporter un éclairage différent. Le professeur peut proposer plusieurs lectures cursives mais aussi accepter d’un élève qu’il soit force de proposition. Le professeur documentaliste s’associe également pour présenter le fonds du CDI. L’élève peut davantage faire jouer son interprétation personnelle de lecteur autonome. À côté de la littérature patrimoniale, c’est ici l’occasion de lire de la littérature jeunesse, francophone ou étrangère. La lecture cursive comprend également la lecture d’articles, de discours ou d’essais.
Lecture intégrale, lecture cursive et même lecture d’extraits peuvent être consignées dans un carnet de lecture où l’élève peut garder, année après année, la mémoire de ses lectures et les accompagner des textes et illustrations qu’elles lui ont inspirés.

Mots-clés associées
corpus - enseignement des lettres - examen - lecture / Apprentissage continué - littérature francophone, étrangère, antique - parcours - séance / séquence

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)