Littératures francophone, étrangère et antique

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Inclure les littératures francophones, étrangère et antiques dans les corpus de la classe, c’est enseigner aux élèves que la littérature n’est pas une mais multiple, qu’elle parcourt les ères civilisationnelles et les époques. Les œuvres littéraires constituent dès lors un ensemble polymorphe et ouvert au sein duquel le lecteur peut choisir et trouver un thème, une forme d’expression, un contexte d’écriture propre à lui parler, à susciter en lui la réflexion, le débat d’idées, le désir d’écrire à son tour.
Choisir d’étudier avec ses élèves une œuvre francophone, étrangère ou antique interroge le rapport que l’auteur entretient avec la langue qu’il emploie comme vecteur d’une expression intime et esthétique, porteuse d’une culture. Cette démarche introduit également la question du traducteur et du statut à donner au texte traduit. Elle montre aux élèves la circulation des textes entre eux, des idées à travers des sphères géographiques et des époques différentes, d’une langue à l‘autre et entre les cultures.

La littérature francophone

Les programmes de français de collège et de lycée invitent les professeurs à ouvrir leurs corpus à la littérature francophone.
Autrement dit, les programmes distinguent :

  • une littérature patrimoniale, classique ou contemporaine, écrite par des écrivains français s’exprimant dans leur langue maternelle, sur le territoire métropolitain,
  • une littérature dite francophone qui recouvrirait des œuvres aux origines multiples, d’une grande variété. Dans cette acception, se rangent dans cette catégorie aussi bien :
    • les auteurs de la France d’outre-mer,
    • les auteurs du monde entier répartis en zones géographiques (Amériques, Afrique sub-saharienne, Asie / Pacifique, Caraïbes, Europe, Maghreb, Moyen-Orient).
      Cette dernière catégorie mériterait d’être à nouveau divisée, car le simple découpage géographique ne fait pas apparaître assez clairement les problématiques qui sous-tendent des productions littéraires pour lesquelles l’usage du français est un choix ou s’est imposé sous la pression d’une réalité culturelle et historique : le Québec face à la prédominance de la langue anglaise, le Maghreb et son identité postcoloniale, la Martinique et la créolité...

Par son décentrement, la littérature francophone permet de renouveler le questionnement sur l’histoire culturelle et interroge le rapport à la langue française et à la tradition. Les œuvres francophones méritent d’être abordées pour elles-mêmes et non comme ouverture ou contre-exemple à l’étude d’une œuvre française patrimoniale. Elles soulèvent des problématiques historiques et sociales autour de l’héritage et de l’acculturation. En illustrant la diversité des productions littéraires de langue française, elles participent à la construction d’une culture humaniste

Sur le site de la BNF : la littérature francophone - https://www.bnf.fr/fr/litterature-francophone

EXEMPLE - Pour le collège et le lycée
> Cycle 4. classe de 3e  : se chercher se construire
Se raconter, se représenter - « Découvrir différentes formes de l’écriture de soi et de l’autoportrait »
> Classe première : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle :
Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien / parcours : soi-même comme un autre

Scholastique Mukasonga, Ce que murmurent les collines, édition folio, 2014.
Dans ce recueil de nouvelles, l’auteure rwandaise raconte l’histoire de sa famille Tutsi, de son pays et de la sienne, toujours à la première personne, se nommant tantôt Vivianne, tantôt Scholastique. Chaque nouvelle s’achève pas quelques notes « à l’attention du lecteur curieux » qui ancrent le récit dans son contexte culturel.

La littérature étrangère

La littérature étrangère contribue au décentrement, à l’ouverture et au développement d’une culture humaniste. Les changements de points de vue favorisent la confrontation et nourrissent la réflexion des élèves sur les permanences et la diversité du monde, des valeurs et des moyens d’expression. L’élève se situe ainsi à la fois dans le monde et dans le temps suivant un mouvement dynamique de création littéraire.
Les textes étrangers s’avèrent parfois un moment incontournable du cours, car certaines thématiques souffriraient de l’absence de textes fondamentaux :

EXEMPLES

> Collège, cycle 4, 5e
Se chercher, se construire. « Le voyage et l’aventure : pourquoi aller vers l’inconnu. »
On étudie en lien avec la programmation annuelle en histoire (…) des extraits d’œuvres évoquant les grandes découvertes.
Marco Polo, Le devisement du monde ou Le livre des merveilles, 1298
VOIR : la fiche EDUSCOL « Comment le récit de voyages de Marco Polo instruit-il le
lecteur tout en ouvrant son imaginaire vers l’ailleurs ? »
- les documents BnF - Patrimoines partagés - Marco Polo et Le Livre des merveilles)

> Collège, cycle 4, 4e
Se chercher se construire. « Dire l’amour ».
Shakespeare, Roméo et Juliette (1597).
VOIR : en vidéo sur LUMNI « Comment dire l’amour, autour d’extraits de Roméo et Juliette de Shakespeare » (30 mars 2020)

> Collège cycle 4, 3e
Agir sur monde, agir dans la cité. « Individu et pouvoir ».
Découvrir des œuvres et des textes du XXe siècle appartenant à des genres divers et liées à des bouleversements historiques majeurs.
E. M. Remarque, À l’Ouest, rien de nouveau, 1929
pour découvrir la Première Guerre mondiale du côté allemand.
VOIR : sur EDUSCOL « Corpus et pistes de lectures cursives »

La littérature étrangère soulève cependant une question spécifique qui est celle de la traduction ; aussi ne fait-elle pas l’objet en classe d’une étude centrée sur les procédés de langue et des effets de style à moins que le traducteur n’ait un statut particulier (par exemple Baudelaire traduisant Edgard Poe) ou que le professeur prenne le parti de comparer le texte original et sa traduction, voire plusieurs traductions entre elles.

À l’épreuve anticipée de français (EAF), les textes traduits ne sont pas proposés comme support à l’explication linéaire (épreuve orale) ou au commentaire de texte (épreuve écrite). Les œuvres traduites peuvent être proposées en lecture cursive ou entrer dans la composition des groupements de textes complémentaires.

La littérature antique

L’étude de la littérature antique se situe au cœur de l’enseignement des Humanités. En s’inspirant largement des grands mythes qu’ils transmettent et qu’ils adaptent, les auteurs antiques soulèvent des questions universelles communes à toutes les littératures : le place de l’homme dans le monde et dans la cité, ses droits et ses devoirs, l’interdit, les passions…
Dans les classes, la littérature antique peut aussi être abordée à travers le prisme de la modernité.

EXEMPLES

> Le thème de l’écocide dans le mythe d’Érysichthon (Ovide, Métamorphoses, livre VIII) où celui-ci abat l’arbre sacré de Cérès.
VOIR : sur Odysseum, « Aux origines de l’écocide : le mythe d’Érysichthon ».

> Le retour du fils dans sa famille par la confrontation du personnage d’Oreste chez les tragiques grecs avec le personnage de Louis chez Jean-Luc Lagarce dans Juste la fin du monde.
VOIR : sur Odysseum, « Le retour à la maison et la force du lien fraternel »

Les œuvres antiques sont les fondements à partir desquelles la littérature française s’est développée en un mouvement continu fait de réécritures, d’écarts et de ruptures : le personnage de Médée par exemple s’étudie de la pièce d’Euripide (431 Av. J.-C .) jusqu’à Max Rouquette (1989) et Laurent Gaudé (2003) en passant par Sénèque (Ier siècle) et Corneille (1635).
Une étude de l’histoire littéraire pourra aussi s’intéresser à la formation des genres : la prédominance de l’épopée (l’Iliade, l’Odyssée, l’Énéide…) et de la tragédie (Eschyle, Sophocle, Euripide, Sénèque ...), la tardive apparition d’une forme romanesque ( Achille Tatius, Longus, Apulée, Pétrone), les formes variées de la poésie (Sappho, Pindare, Ovide, Catulle, Juvénal…).
À l’instar de la littérature étrangère, pour être lus dans leur intégralité, les textes antiques sont accessibles aux élèves par le biais de la traduction. Cela ne doit pas apparaître comme un frein, mais comme un levier pour interroger le rapport à la langue et comparer les choix du traducteur.

La littérature antique est présente dans les programmes de français au collège et au lycée.

EXEMPLES

> Collège, cycle 3, 6e
Le monstre aux limites de l’humain / Récits d’aventure : Homère, l’Odyssée (le cyclope, les sirènes, Charybde et Sylla…)

> Collège, cycle 4, 5e
Vivre en société, participer à la société.
« Autrui, familles, amis, réseaux » : une comédie de Molière associée à une comédie de Plaute

> Au lycée
Nous renvoyons à la lettre des programmes :

Dans la mesure du possible, en fonction des œuvres et parcours au programme, le professeur veille à ménager, parmi les lectures proposées aux élèves, une place aux littératures francophones et étrangères, depuis les textes de l’Antiquité jusqu’aux grands textes de la littérature moderne et contemporaine, en s’appuyant sur des traductions de qualité. [1]

La littérature antique s’insère naturellement dans les programmes de l’enseignement de complément LCA au collège et dans l’enseignement optionnel au lycée.
Elle fait l’objet d’un programme limitatif dans la classe de terminale de la spécialité LLCA où les élèves sont incités à confronter des œuvres d’époques différentes pour les faire dialoguer autour d’un thème commun. L’exercice de la confrontation fait émerger les continuités et les ruptures, les écarts et les évolutions qu’engendrent des contextes d’écriture et de lecture éloignés.

TEXTES DE RÉFÉRENCE
Spécialité LLCA programmes limitatifs de la classe terminale
(BO 21 ; 21 Mai 2020)
> GREC. Années scolaires 2020-2021, 2021-2022 : La Vie d’Alcibiade de Plutarque et Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald.
> LATIN. Années scolaires 2020-2021, 2021-2022 : Les Métamorphoses (livres 1 à 3) d’Apulée ; La Maison aux esprits (chapitres 1 à 4) d’Isabel Allende
Mots-clés associés
lecture modalités - LCA

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