Séance 6. Les trois gouttes de sang sur la neige : l’initiation amoureuse de Perceval

, par PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie

Objectifs

 A travers l’analyse d’un épisode clé de l’histoire de Perceval, analyser l’évolution et l’initiation progressive du héros en matière amoureuse.

 Travailler également le devenir littéraire de cette scène, véritable modèle pour la littérature médiévale et moderne.

Supports

LE CONTE DU GRAAL

 de la p. 110 « Il fallait voir emplir les malles de couvertures » à p. 119 « Et la pucelle remercie. »

LECTURES EN CORRESPONDANCE

1) Le retour du chevalier à la cour du roi Arthur

 Chrétien de Troyes, Erec et Enide, vers 3979 à 4155, p. 186 à 192 : le retour d’Erec à la cour du roi Arthur se fait selon le même schéma que celui de Perceval : Keu tente de contraindre Erec à gagner la cour du roi Arthur, mais est vaincu en combat singulier, tandis que Gauvain y parvient courtoisement.

2) L’extase amoureuse du chevalier courtois

 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, vers 710 à 771 : l’extase de Lancelot
 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, vers 2781 à 2828 : La folie d’Yvain, condamné par sa dame

3) Keu, un personnage marqué par son manque de courtoisie et sa parole « folle »

 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, vers 86 à 135, p. 714 à 715 : Insultes de Keu à l’égard de Calogrenant, et reproches de la reine Guenièvre à son encontre.
 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, vers 610 à 627, p. 731 : Nouveaux reproches adressés par la reine à Keu

4) Portrait féminin et image poétique

 Chrétien de Troyes, Cligès, vers 682 à 856, p. 310 à 314 : Plaintes d’Alexandre, blessé par la flèche de l’Amour et beauté de Soredamor, dont le portrait est assimilé métaphoriquement à l’image de la flèche du désir.

5) Le motif des trois gouttes de sang sur la neige et son devenir littéraire

 Parzifal de Wolfram von Eschenbach
 Parzifal de Wagner
 Un roi sans divertissement de Giono
 Eventuellement des réécritures très contemporaines comme Un tout petit monde de David Lodge

Questions

1) Comment et pourquoi Chrétien de Troyes retarde-t-il les retrouvailles entre Perceval et la cour du roi Arthur ?

2) Comment le texte est-il structuré et quelle est l’importance de l’épisode des trois gouttes de sang sur la neige au sein du Conte du Graal ?

3) Analysez les différents points de vue portés sur la méditation de Perceval : point de vue de Perceval lui-même, des autres chevaliers, de l’auteur, du lecteur ? Quel est l’effet produit ?

4) Quelle est la place de cet épisode dans la transformation progressive que connaît Perceval depuis le début du Conte ?

Suggestion d’analyse

Ici encore, l’analyse d’un extrait du Conte permet d’ouvrir sur une interprétation plus générale de l’œuvre de Chrétien en tant que modèle littéraire. Cette scène complexe, qui joue sur des effets de miroirs et d’attente permet en effet à Chrétien de poser la question des valeurs de la cour du roi Arthur : la courtoisie, et ainsi de transposer dans l’univers romanesque l’éthique et la poétique de la lyrique d’oc des troubadours.

L’assimilation du héros dans l’univers arthurien se fait en effet non seulement par la prouesse, mais aussi par la courtoisie, toutes deux reconnues par le parangon de la chevalerie qu’est traditionnellement Gauvain. Par cette rencontre, et par l’importance de la couleur vermeille, Chrétien fait également de cet épisode un lieu clé dans la « conjointure » de son œuvre.

La scène des trois gouttes de sang sur la neige est également importante pour mesurer le renouveau romanesque de la lyrique courtoise que met en place Chrétien dans ses œuvres. Cet aspect est en effet essentiel pour appréhender l’œuvre en tant que modèle littéraire : là encore, Chrétien s’appuie sur des modèles antérieurs, mais les transpose et leur donne un retentissement nouveau. A travers cette image, Chrétien reprend et transforme les acquis de la poésie courtoise. La lecture en correspondance du portrait de Soredamor montre le travail de l’image poétique opéré par Chrétien dans ses portraits féminins, images qui ouvrent sur l’expression métaphorique du désir. Cette analyse précise du motif des trois gouttes de sang peut d’ailleurs être reliée au motif de la couleur vermeille dans l’œuvre et à l’autre occurrence de la goutte de sang : celle de la Lance qui saigne. Autant d’éléments qui montrent que Chrétien, à partir d’un topos folklorique, crée un signe complexe qui confine au mythe. Mythe qui ne cessera de hanter la littérature, et la séance peut alors s’ouvrir à une comparaison avec Wolfram von Echenbach, Wagner et surtout l’autre œuvre au programme : Un Roi sans divertissement de Giono.

Suggestion de lectures critiques

 Dominique Boutet et Armand Strubel, La Littérature française du Moyen Age, chap. III : « De la féodalité à la chevalerie », PUF, coll. Que Sais-Je, 1978.
 Daniel Poirion, « Du sang sur la neige : nature et fonction de l’image dans le Conte du Graal », », dans Polyphonie du Graal, textes réunis par Denis Hüe, Orléans, Paradigme, 1998.

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