Séance 8. Le voyage de Gauvain vers Escavalon : Gauvain et la Pucelle aux petites manches

, par PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie

Objectifs

 Approfondir la question du Gauvain paradoxal inauguré par Chrétien, déjà abordée lors de la séance précédente.

-Analyser la figure de l’autre héros du Conte du Graal pour comparer les deux chevaliers, leurs trajets, leurs relations et la signification de la dualité du Conte.

 Analyser l’art de la conjointure de Chrétien en analysant cet épisode-pivot au regard de la partie Gauvain, puis de l’ensemble du Conte du Graal

 Replacer Le Conte du Graal dans son contexte idéologique et esthétique lié à la notion de courtoisie. Repérer ainsi les modèles littéraires antérieurs que reprend et retravaille Chrétien pour analyser en quoi sa vision de la courtoisie devient un modèle littéraire pour les romans de chevalerie postérieurs.

Supports

LE CONTE DU GRAAL

de la p. 124 : « C’est sur la lande qu’il rencontre une troupe de chevaliers » à la p. 141 : « Et tous à Dieu le recommandent. »

LECTURES EN CORRESPONDANCE

1) Comparaison entre le tournoi de Tintagel et d’autres tournois des romans de Chrétien de Troyes

 Chrétien de Troyes, Erec et Enide, vers 2132 à 2265 : le tournoi de Danebroc
 Chrétien de Troyes, Cligès, vers 4565 à 4997, p. 429 à 442 : le tournoi d’Oxford, et notamment les vers 4626 à 4647, qui montrent que dans ce tournoi, à l’inverse de celui de Tintagel, la gloire et plus importante que le gain matériel.
 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, vers 5359 à 5379 : le tournoi de Noauz, organisé en vue du mariage de deux demoiselles
 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, vers 5575 à 5596 : le tournoi de Noauz, un lieu ouvert
 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, vers 5632 à 5705, p. 661 à 663 : « au pis » : Lancelot accepte, par amour pour Guenièvre, de passer pour un lâche au tournoi de Noauz, avant d’obtenir à nouveau son ordre de faire de son mieux.

2) Passages des romans de Chrétien de Troyes où la question des gains matériels est mise en valeur

 Chrétien de Troyes, Erec et Enide, : vers 2931 à 2935, p. 153 : les brigands cupides

3) Querelle entre une sœur aînée et une sœur cadette

 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, vers 4697 à 4724, p. 866 à 867 : une sœur aînée essaie de voler l’héritage de sa sœur cadette par l’intermédiaire d’un tournoi entre chevaliers, ce qui a parfois été rapproché de l’attitude de la fille aînée du seigneur de Tintagel qui souhaite voir son fiancé prendre un tournoi à son père, tournoi qui se révèle être proche d’une prise de ville.
 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, vers 5073 à 5102, p. 878 à 879 : Yvain décide de participer au tournoi pour défendre le bon droit de la cadette, à l’image de Gauvain dans le Conte du Graal.

Questions

1) Comment cet épisode s’inscrit-il dans le programme narratif introduit par l’accusation de Guiganbrésil ? Est-il attendu du lecteur ? Quel est son effet dans le voyage de Gauvain vers Escavalon ?

2) Quelle image de la chevalerie est ici développée ? Analysez la nature des combats, leur motivation, leurs effets, etc.

3) Pourquoi Gauvain porte-t-il deux écus ? Quel est l’effet de ce redoublement ? Trouve-t-il d’autres exemples dans l’épisode ? Comment pouvez-vous l’interpréter ?

4) Analyser l’importance de cet épisode dans la « conjointure » de la partie Gauvain, puis de l’ensemble du Conte du Graal : les différents éléments de cet épisode (personnages, actions, objets, etc.) n’en appellent / rappellent-ils pas d’autres, passés ou à venir ?

Suggestion d’analyse

Le choix de cet épisode est important car il est au cœur des débats sur la « partie Gauvain ». Cet épisode, qui peut apparaître comme une péripétie dilatoire dont la fonction est de retarder l’arrivée de Gauvain à Escavalon, semble justifier l’impression d’une quête jamais aboutie et toujours retardée de la part de Gauvain : quête d’Escavalon d’abord, puis de la Lance qui saigne ensuite. Pourtant cette étape, qui peut se rapprocher par certains côtés de l’esthétique du récit bref qu’est le lai est bien plus complexe qu’il n’y paraît. On a souvent reproché à Gauvain de ne connaître qu’une pratique mondaine de la chevalerie, marquée par des tournois sans réel enjeu et par son côté « joli-cœur » ou « Dom Juan courtois », notamment vis-à-vis de la Pucelle aux Petites Manches. Cette interprétation est justifiée, mais l’épisode de Tintagel permet de la problématiser : s’agit-il seulement d’une pratique mondaine de la chevalerie ? Gauvain se comporte-t-il vraiment à l’égard de la Pucelle comme un chevalier servant ou est-il seulement amusé par sa jeunesse et décidé, en combattant pour elle, à la défendre comme Yvain défendait le droit d’une sœur cadette dans le Chevalier au Lion ?

L’importance de la « partie Gauvain » et de cet épisode en particulier dans le Conte du Graal et sa « conjointure » peut alors apparaître, levant les doutes sur le caractère composite de l’œuvre et un prétendu remaniement posthume : cet épisode, apparemment futile, est essentiel à Chrétien pour la construction de son nouveau Gauvain, ambigu et paradoxal,pour la « conjointure » de la « partie Gauvain » dont il annonce l’ensemble des aventures », et pour la « conjointure » de l’ensemble du Conte puisqu’il réécrit, en changeant les perspectives, l’ensemble des aventures de Perceval.

Suggestions de lectures critiques

 Paule Le Rider, Le chevalier dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, chap. IX : « Le voyage au royaume d’Escavalon », Sedes, 1978.
 Romaine Wolf-Bonvin, « Gauvain et la Demoiselle aux Petites Manches : l’enfance de l’aventure », dans Le Conte du Graal, ouvrage dirigé par Danielle Quéruel, Ellipses, 1998.
 Fabienne Decorsaire, « Gauvain à Escavalon », L’Ecole des Lettres, n° spécial « Le Conte du Graal » 15 janvier 1996.

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