Les démarches qui peuvent être mises en œuvre pour consolider la compréhension de lecture engagent aussi bien le professeur que les élèves, ce qu’explicite la figure ci-dessous.
Modalités d’organisation
Des dispositifs variés
Tous les dispositifs peuvent se prêter à un travail sur la lecture dans toutes ses composantes. On jouera utilement de leur complémentarité, avec souplesse, pour mieux s’adapter au contexte et aux besoins.
On peut ainsi articuler AP et travail en classe, travailler la compréhension de lecture en interdisciplinarité et dans la transversalité. Cela donne à entendre aux élèves que les compétences de lecture sont fondamentales dans toutes les disciplines et cela permet de donner du temps à un travail qui ne porte ses fruits que dans la durée. Si le travail du phrasé est un travail spécifique au français, la lecture oralisée au service d’une meilleure compréhension peut être l’affaire de tous.
Des configurations diverses
Lire seul ou avec quelqu’un, à une voix, à plusieurs voix ou ensemble, lire pour soi ou pour un public, ne sauraient être confondus.
On peut ainsi distinguer diverses situations qui demandent toutes à être exploitées :
- L’élève avec lui-même : s’enregistrer, s’écouter
- L’élève et un pair
- L’élève avec un lecteur expert (professeur (pas seulement de lettres), parent……)
- Les élèves ensemble
- Les élèves en lecture serpentine [1]
- L’élève pour le professeur et la classe
- L’élève pour un public
Il s’agit de jouer sur les lieux, les instances, les acteurs, les supports, pour donner le goût par la pratique.
Une mise en situation non cloisonnée
Lecture et champs du français
À bien y réfléchir, la prosodie a sa place dans tous les champs du français. Lecture, travail de la langue et écriture peuvent être travaillés en synergie autour de cette question de la lecture oralisée pour renforcer les compétences en compréhension.
Penser la différenciation
Travailler la lecture à voix haute n’est pas une tâche qui vient s’ajouter aux autres, mais un biais à prendre, au service de la langue, au service de l’écriture, pour aider les élèves à renforcer leurs compétences. On veillera à accompagner plus précisément la compréhension et le plaisir du texte, pour les élèves à besoins spécifiques, sans réduire la fluence aux seules dimensions du décodage et de la vitesse. L’entraînement, prenant en compte l’ensemble des dimensions et centré sur la prosodie (phrasé et expressivité), gagne à être répété, régulier et progressif. En la matière, le réinvestissement est crucial ; il est donc bienvenu de faire participer les autres disciplines à cet effort.
Propositions de pratiques
Il est important de donner une grande place à la lecture en classe. Toutes les compétences de lecture doivent être travaillées, pour elles-mêmes et de façon combinée.
Voici les grande familles de travail pour consolider la compréhension. Le travail peut être conduit, aussi bien, en AP ou dans des séances de consolidation - en classe entière ou en dehors de la classe (Devoirs faits ou travail à la maison).
Pour favoriser la progression de tous, il est bon d’opérer des variations dans les modalités de travail autour de l’exercice d’une même compétence, et, dans la durée, de travailler toutes les compétences.
A- Intégrer la lecture à voix haute dans une séance de lecture
Comme en avant-propos, nous attirons votre attention sur le fait qu’il faut veiller à ne pas assimiler lecture à voix haute et lecture théâtralisée.
La lecture à voix haute, « une forme d’art à part entière »
La lecture à voix haute est une « forme d’art à part entière en ce qu’elle invente une relation inédite au texte, ni exégèse ni incarnation. […] Le liseur veille à ne pas occuper le territoire du texte afin de le laisser disponible à d’autres interprétations, aux reprises silencieuses que les personnes dans le public pourront vouloir effectuer à leur tour, livre sous les yeux ». Martine Burgos
La lecture - dans toutes ses dimensions - est au centre du travail en classe de français. Nous reprenons ici le canevas général d’une séance de lecture.
Nous proposons, à titre d’exemple, de l’appliquer à la lecture de la fable de La Fontaine Le renard et la cigogne.
Parce que nous nous assignons ici comme objectif principal de travailler la lecture oralisée comme vecteur pour travailler la compréhension des textes et comme indice de cette même compréhension, il nous paraît intéressant d’ajouter au schéma général, en fin de séance ou dans son prolongement, un temps consacré à la lecture du texte, oralisée par les élèves. Celle-ci témoignerait de la bonne compréhension de chacun et, dans le prolongement du travail de compréhension et d’interprétation du texte, en constituerait comme l’aboutissement.
B- Appareiller le texte pour préparer la lecture
Il s’agit de construire et d’utiliser un codage reposant sur des indiçages visuels de façon à souligner la segmentation pertinente du texte et de marquer l’intonation, les effets d’accélération et de ralentissement, etc.
– Couleurs du texte
– Barre : // ou ponctuation forte entourée
– Flèches :
– Repérage des groupes de mots qu’on ne peut séparer
– Repérage des groupes syntaxiques
– Place des respirations
– Émotions ressenties, à transmettre
Ce codage déterminé avec les élèves est utilisé toute l’année en lecture comme en étude de la langue.
– être placé par le professeur
– être placé par chaque élève
– faire l’objet d’un débat à partir d’une proposition de lecture
– faire l’objet d’un débat en petits groupes pour aboutir à une proposition de lecture
On propose ici un exemple de codage qui emprunte au codage musical. Mais tout codage, construit avec les élèves, peut être tout aussi opérationnel.
C- Débattre des choix prosodiques
Le marchand de la rue Rimbaud a assisté à l’incident.
=> Le marchand de la rue Rimbaud / a assisté à l’incident.
=> Le marchand / de la rue Rimbaud / a assisté à l’incident.
Le stratagème lui permet souvent de se tirer d’affaire.
=> Le stratagème lui permet souvent de se tirer d’affaire.
=> Le stratagème/lui /permet souvent de se tirer d’affaire.
Il s’agit de mettre les élèves en situation de :
- discuter la manière dont on peut segmenter le texte en vue de sa lecture à voix haute ;
- lever, en fonction de la manière dont on segmente, des ambiguïtés possibles ;
- discuter des intentions du texte et donc de l’intention que l’on va mettre dans sa lecture ;
- se mettre d’accord sur un effet en lien avec l’intentionnalité du texte.
D- Travailler la syntaxe en lien avec le phrasé pour renforcer la compréhension
L’idée générale consiste à expliciter et faire expliciter, avec le moins possible de métalangage, des structures syntaxiques qui s’avèrent utiles pour le phrasé, et donc pour la compréhension.
On retiendra par exemple :
- une complémentation différée
« Ils parvinrent, après une heure de marche, à une rivière. » - une complémentation inversée
« sur un arbre perché » - « par l’odeur alléché » [2] - « Du palais d’un jeune lapin / Dame Belette […] s’empara. » [3] - une structure « groupe sujet + groupe verbal », notamment dans les cas :
– où elle n’ouvre pas la phrase
« Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé / Six forts chevaux tiraient un coche. »
– où le groupe verbal est différé (apposition, relative qui s’interpose) :
« Victor Hugo, célèbre poète français, a écrit… » - « Elle, qui n’avait jamais supporté l’injustice, fut indignée en apprenant… » - le discours direct : ouverture et fermeture ; la ponctuation (« .. », tiret, ?, !, …, etc.)
- les incises et la mélodie qui en découle :
« Sire, répond l’agneau, que… » [4] - les incidentes entre virgules ou entre tirets :
« …, dit-on, … », « …, vous le savez,… » ; « … - elle ne devait l’apprendre que plus tard - … » « … ˗ soit dit en passant - … ».
Quelques pistes d’activités
- Sélectionner et (faire) oraliser uniquement les éléments qui composent la structure à comprendre et à dire :
« Sire / reprit l’agneau / que.. »
Du palais d’un jeune lapin / Dame Belette […] s’empara.
- Mettre en relief visuellement, par un codage, des éléments de structure à prendre ensemble pour les dire en leur donnant du sens :
Sire, répond l’Agneau, que votre...Du palais d’un jeune lapin,
puis
Du palais d’un jeune lapin… Dame Belette […] s’empara [du]
- Faire rétablir l’ordre des mots le plus facile à comprendre :
Maître Corbeau, sur un arbre perché -> Maître Corbeau, perché sur un arbre ;
Maître Renard, par l’odeur alléché -> Maître Renard, alléché par l’odeur.Du palais d’un jeune lapin, Dame Belette un beau matin s’empara ->
Un beau matin, Dame Belette s’empara du palais d’un jeune lapin.
E- Varier les modalités de lecture
– Lecture partagée avec un modèle (professeur, parent, pair expert, enregistrement)
– Lecture chorale
– Lecture serpentine
– Lecture ping-pong
...
F- Travailler la lecture-compréhension en AP
Le dispositif d’AP permet de mettre à profit deux modalités temporelles distinctes - courte et longue - pour proposer aux élèves qui en ont besoin un travail ciblé en lecture-compréhension.
La modalité courte peut être réservée à :
- des activités de consolidation ciblées, ponctuelles, différenciées, en fonction des besoins identifiés chez les élèves ;
- un travail de lecture en lien avec le travail de compréhension mené en classe entière pour soutenir et mieux accompagner ceux qui en auraient besoin.
La modalité longue sera privilégiée pour :
- un projet long - engagé par un professeur ou une équipe - autour du travail de la compétence stratégique de lecture-compréhension ;
- un travail spiralaire, progressif, sur la compétence travaillée.
Pour une évaluation de la lecture à voix haute au fil de l’eau
Élaborer un tableau de bord
Le travail sur la fluidité en lecture (fluence et compréhension), on ne saurait trop le répéter, s’inscrit dans la durée.
Il paraît judicieux d’élaborer une sorte de tableau de bord partagé qui permette tout à la fois de :
- repérer les difficultés de chaque élève,
- situer les différents domaines d’intervention en explicitant chaque entrée,
- faciliter une évaluation entre pairs,
- évaluer les progrès de chaque élève.
Nous proposons dans l’encadré ci-dessous la liste des items qui peuvent être retenus. À charge pour chacun d’élaborer une grille adaptée au contexte d’enseignement et de travail de la compétence.
– Ne pas hésiter sur les mots du texte
– Lire suffisamment fort pour que l’ensemble de la classe entende
– Bien articuler
– Respecter la ponctuation
– Ne lire ni trop vite, ni trop lentement de manière à ce que la classe comprenne
– Ne pas faire de pauses au milieu d’un groupe de mots
– Transmettre des émotions ressenties par les personnages (joie, colère, peur, tristesse, étonnement...)
– Insister sur tel ou tel mot ou groupe de mots
– Prendre en compte son auditoire : le regarder, tenir compte de ses réactions...
Cette grille permet de :
- repérer les difficultés de chaque élève,
- situer les différents domaines d’intervention en explicitant chaque entrée,
- proposer une évaluation entre pairs,
- évaluer les progrès de chaque élève.
De l’usage de l’échelle multidimensionnelle de fluence
En simplifiant et en travaillant les critères de façon concertée avec les élèves, on peut, à partir de l’échelle multidimensionnelle de fluence ci-dessous [5], élaborer une grille de positionnement qui serve de document commun de référence pour des pratiques variées d’évaluation : auto-évaluation, co-évaluation, évaluation par un tiers.
Dans un deuxième temps, peut alors être créée une fiche de suivi individuelle sur laquelle les élèves seront invités à colorier leur score pour chaque item.
On peut imaginer faire s’évaluer les élèves, à partir de cette fiche, sur un même texte, à plusieurs reprises, et/ou sur un texte différent de difficulté équivalente, de façon à les aider à mesurer leur évolution ; ou au contraire, pour accompagner les élèves dans le développement de ces compétences, on peut également envisager d’utiliser de façon systématique cette fiche de suivi sur des textes de plus en plus résistants.
SYNTHESE
Dans le cadre d’un travail sur l’oralisation de la lecture, le choix des types d’exercices permet de cibler plus spécifiquement une compétence. Cela peut donner lieu à des ateliers très ludiques, et efficaces.
– La lecture orale en classe de 6e
– Travailler la lecture à voix haute
– Fluence, fluidité, compréhension - Comprendre les enjeux didactiques