Une expérience d’enseignement intégré des humanités Ecrire en Lettres-Histoire

, par SOURY-GRAVE Stéphanie

Cet article est une expérience menée dans le cadre d’un groupe de travail dirigé par plusieurs IA-IPR de lettres, histoire-géographie, arts plastiques et éducation musicale au cours de l’année 2012-2013. Ce travail mené de nouveau l’an dernier est le fruit d’une collaboration entre un professeur de lettres et un professeur d’histoire pour le niveau 3ème. Il s’agit de travailler de manière étroite la période de la Première Guerre Mondiale et d’arriver à une production écrite, une lettre de poilu.

Définir les humanités

Les humanités sont au cœur des préoccupations de l’enseignement au collège, si l’on considère tout particulièrement le pilier 5 sur la culture humaniste du socle commun de connaissances et de compétences actuel (Palier3). « La culture humaniste contribue à la formation du jugement, du goût et de la sensibilité et permet d’acquérir des repères : en histoire (événements fondateurs), en géographie (paysages et territoires, populations, etc.), en littérature et en arts (les grandes œuvres). Une approche sensible des œuvres initie l’élève à l’histoire des arts. Il est engagé dans des pratiques artistiques personnelles.  » L’enseignement des humanités concerne alors selon la logique du socle, toutes les disciplines, dont les programmes distincts contiennent eux aussi des ponts qu’il convient de bâtir. L’objectif des travaux menés dans quelques collèges de l’académie fut d’essayer de donner ponctuellement ou sur un plus long terme, plus de sens aux apprentissages aux yeux des élèves. Il convient de créer une cohérence quand elle n’apparaît pas de manière évidente à nos collégiens.

Plusieurs équipes se sont alors mises au travail pour contribuer ensemble à des productions, des séquences et des projets, communs, non sans difficultés, mais avec le but de croiser au mieux et de façon la plus poussée les enseignements. Ce travail est passé par des concertations et une découverte des programmes des autres disciplines, avec leurs convergences et leurs spécificités.

Les points de convergence entre les disciplines

Il est apparu que les points de convergence pouvaient venir :
 d’un corpus, d’une thématique, d’une problématique, d’un objet d’étude commun à deux ou plusieurs disciplines.
 d’un dispositif d’enseignement lié à une ressource locale, un partenariat, une organisation spécifique à un établissement, des heures d’accompagnement...
 des capacités transversales menant à des productions communes à plusieurs disciplines. Les expériences menées, dans une logique de recherche pédagogique, ont conduit certains enseignants à se rendre compte que des écueils pouvaient vite être rencontrés, notamment l’instrumentalisation d’une discipline par une autre : le professeur de lettres est-il le seul garant de la maîtrise de langue ? le professeur d’histoire-géographie de la contextualisation ? le professeur d’arts plastiques de l’illustration ? Ces activités transdisciplinaires ont donc conduit à dépasser ces pratiques faciles pour croiser de façon pertinente les programmes et les compétences des élèves.

Une expérience lettres-histoire

L’origine du projet

Il est courant de travailler en collaboration avec son collègue d’histoire, il est aussi courant de superposer sur un espace-temps l’étude d’une période historique et littéraire, enfin la lettre de poilu est un exercice d’écriture souvent pratiqué.
Mais il est plus difficile d’imbriquer de manière étroite et fine nos enseignements pour tirer chez les élèves des résultats de compétences communes, capacités pour le professeur d’histoire, notamment celle d’écrire. Nos deux disciplines exigent des productions écrites longues, mêlant contenu, organisation et correction de la langue. Le DNB évalue d’ailleurs cela dans chacune des épreuves de Français et d’Histoire-Géographie.

Les programmes de Français en 3ème n’invitent pas spécifiquement les professeurs à travailler sur l’écrit autour de la Grande Guerre. On a simplement la mention de l’étude de formes de récits, « Romans et nouvelles des XX° et XXI° siècles porteurs d’un regard sur l’histoire et le monde contemporains ». A ce titre, nous pouvons consacrer du temps sur différents types d’écrits portant sur cette période.

En Histoire, le professeur doit travailler environ quatre heures sur ce conflit, temps bien réduit si l’on considère l’ampleur de la période et l’intérêt que cette dernière suscite chez les élèves. Le cours de Français peut alors devenir un vrai prolongement, une autre porte d’entrée sur ce qui est abordé en histoire pour apporter un regard problématisé sur les écrits contemporains de la période et les écrits récents sur la même période.

Le travail en collaboration

La collaboration a consisté à faire enchaîner autant que faire se peut, sans modification d’emploi du temps, des heures de français et d’histoire en reprenant des connaissances et compétences vues dans telle ou telle séance. L’idée est de voir que sans dispositif spécifique, avec seulement une coordination des professeurs, on peut tout à fait travailler les humanités de manière étroite.
Vous trouverez ci-dessous l’organisation globale de notre travail dans un tableau qui montre l’imbrication de nos séances. Le déséquilibre provient en partie du temps consacré au chapitre dans chacune de nos matières. Par ailleurs, la compétence d’écriture de travail qui consiste pour les élèves à faire la trace écrite de manière régulière en cours de français a été reprise par le professeur d’histoire. En ce qui concerne les supports, ils étaient repris ou enrichis d’un cours à l’autre dans chacune des disciplines, quand il s’agissait par exemple de s’appuyer sur une lettre de poilu, sur un tableau, une photographie ou encore un texte littéraire.

L’évaluation

Le fruit de cette collaboration fut d’arriver à un écrit commun consistant à écrire une lettre de Poilu qui ferait intervenir des connaissances et des compétences étudiées pendant la séquence ou le chapitre, aboutissant à une évaluation en deux temps : celle d’un brouillon d’abord, puis d’une production finale ensuite. Compétences d’écriture courte et connaissances de la période ayant été croisées très souvent au cours des séances, les élèves se sont vus donner par le professeur d’histoire une « rédaction », exercice donné habituellement par le professeur de français. Ce travail a donné lieu à une correction commune et à une note dans les deux disciplines.

L’évaluation se compose d’un sujet simple (p.1) mêlant des consignes sans mention d’une matière plus concernée que l’autre, accompagné d’une échelle descriptive. Dans ce tableau (p.2) les élèves avaient les clés pour rendre la production la plus complète possible et pour accomplir cette tâche complexe en toutes connaissances des indicateurs de réussite. Dans la colonne la plus à gauche les compétences du socle commun, dans la colonne la plus à droite, le niveau de production le plus élevé. Voici un extrait de cette échelle descriptive.

Une fois passée l’explication de cette évaluation singulière, les élèves se sont mis au travail en plusieurs phases.
 Dans un premier temps, à la maison, ils ont rédigé leur production, la laissant à l’état de brouillon. Ils avaient quelques jours pour le faire.
 Les professeurs, s’étant partagé les items, ont corrigé successivement cette première version en entourant en vert le niveau de compétence acquis pour chaque item. Les copies ont été rendues aux élèves avec des conseils pour faire progresser leur écrit mais la précision des items était pour eux presque aussi riche pour comprendre ce qu’on attendait d’eux pour la version la plus aboutie.
 A la maison, les élèves ont repris leur écrit, toujours sur leur brouillon. Certains ont refait un brouillon complet, d’autres se sont contentés de corriger sur le premier.
 En classe enfin, le professeur de français a pris les élèves en salle multimédia, où chaque élève a pu écrire et mettre en page son texte sur un document-texte. Ces derniers ont envoyé par le biais de la messagerie du collège leurs textes aux professeurs. Les professeurs ont alors corrigé une dernière fois ce travail, beaucoup plus abouti, en entourant le niveau de compétence en rouge sur l’échelle descriptive. Les élèves avaient alors une évaluation de certaines compétences du socle, mais aussi une note, importante à leurs yeux. La note était une moyenne globale liée aux différents niveaux des items.

Une expérience réussie et intégrée à deux disciplines

Outre la richesse d’un tel travail pour les professeurs, les élèves les premiers ont tiré profit de cette collaboration. En effet, l’activité d’écriture a pris une autre dimension en cours d’histoire ; la richesse d’une production écrite a été mise en lien avec des connaissances acquises ailleurs que dans le cours de français invitant les élèves à croiser les disciplines et à problématiser leurs connaissances. Les élèves ont été demandeurs de travaux similaires à celui-ci.

Un prolongement possible

Les 17, 18 et 19 novembre 2014, le PNF des lettres qui portait sur « Les métamorphoses de la parole à l’heure du numérique » a mis en avant la nécessité et la portée de l’oral dans les pratiques pédagogiques actuelles.
Nous pourrions très bien envisager alors une production orale pour clore ce travail, qui ne viendrait pas illustrer mais interpréter les énoncés écrits et donner une dimension émotionnelle nécessaire à ces lettres.
Un travail similaire pourrait tout à fait être envisagé sur la période de la 2ème Guerre Mondiale.

Médiathèque

 Le site de la Mission du Centenaire : http://centenaire.org/fr avec un espace pédagogique riche et de nombreuses ressources.

Stéphanie Soury, professeur de lettres et Sébastien Gautier, professeur d’histoire-géographie-éducation civique.

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