Le passage : traduction, interprétation ou la lecture comme geste

, par SAULNIER Sophie, Lycée Jean Jaurès d’Argenteuil (95)

Le contexte

Une classe à PAC (interdisciplinarité Lettres / Anglais / HDA) est élaborée à l’intention des élèves d’une 1ère STI du lycée Jean Jaurès d’Argenteuil. Le partenariat est construit avec la Maison du Geste et de l’Image.

La séance de travail se déroule sur deux jours, dans les locaux de la MGI et dans le quartier des Halles pour la prise de photos en extérieur. Les séances ont lieu en fin d’année ; elles s’inscrivent à la fin de la séquence sur la poésie. Les quatre poèmes support du travail ont déjà été étudiés en classe :

  • Marot Petite épître au roi
  • Baudelaire L’albatros
  • Corbière Sonnet avec la manière de s’en servir
  • Apollinaire La cravate et la montre.

Le travail des élèves est lié explicitement à une pratique artistique : la photographie (ou la vidéo) et le montage d’images.

Les étapes du projet

La mise en place du projet

 Une demande de classe à PAC est déposée auprès du rectorat fin mai début juin.

  • La problématique est énoncée ainsi : montrer que l’acte de lecture (langue maternelle ou langue étrangère) relève aussi du geste, du transport de sens.
  • On rappelle aussi les deux types de questions qui sont au fondement de nos disciplines :
    • pour les lettres : Comment comprendre un poème ou un récit ? Comment passe-t-on des mots au sens (c’est-à-dire à la représentation que l’on s’en fait) ? Que fait-on quand on lit un texte ? Qu’est-ce que commenter, interpréter un texte ?
    • pour les langues : Comment passe-t-on d’une langue à une autre ? Peut-on dire le même monde dans une langue ou une autre ? Comment s’effectue le passage ?

 Rencontre avec le directeur artistique de la MGI et choix des intervenants : trois artistes prendront en charge les élèves.

 Rencontre avec les intervenants, le collectif faux amis http://fauxamis.net, et mise au point du projet en fonction de leurs pratiques personnelles.

La réalisation

Compte rendu rédigé par le collectif.

« Pour ce projet de deux jours, il s’agissait de produire des POM (petites œuvres multimédia) à partir de poèmes étudiés en classe de français comme L’albatros de Baudelaire ou La cravate et la montre d’Apollinaire.

La classe a été répartie en deux groupes, l’un photo et l’autre vidéo. Les élèves avaient à leur disposition le matériel de la Maison du Geste et de l’Image (appareils photo numériques pour la photo et la vidéo, appareils de prise de son, ordinateurs et tables de montage). Les images ont été prises dans le quartier des Halles, autour de la MGI.

Chaque groupe a été amené à produire des images (fixes ou en mouvement) dans le but, non pas d’illustrer le texte choisi, mais de se l’approprier. Dans cette optique, les élèves ont été encouragés à modifier les poèmes, les mélanger, en recréer d’autres.

Par exemple, les élèves ont été amenés à travailler sur la mise en abyme en faisant de l’image dans l’image par le biais de leur téléphones portables ou à l’aide d’images découpées dans des magazines. De la même façon, des fragments de textes ont pu être incrustés dans les prises de vues.
Il s’est ainsi opéré une réactualisation des poèmes, l’albatros devenant le pigeon de Châtelet les Halles, les muses des mannequins de grands magasins, le poète fou un clochard…

Que ce soit en photo ou en vidéo, la phase finale du projet consistait à réaliser un montage entre image fixe ou mouvement et du son (texte lu ou/et musique). Cela a permis aux élèves de travailler sur la notion de rythme : rythme des images, de la langue, de la musique.

Grâce à ce travail, les analogies entre image et langage se sont faites plus évidentes. Les élèves ont joué sur la répétition, les métaphores visuelles, les silences, les décalages etc.
Ainsi un groupe a évoqué la notion d’infini par une répétition de la même image ; un autre a rythmé son diaporama par une image représentant cinq, puis quatre, puis trois jeunes gens, jusqu’au vide final, afin de retranscrire l’angoisse du temps qui passe.
D’autres élèves ont recomposé un poème à partir de phrases glanées dans ceux qui étaient proposés : l’histoire d’un sac à dos, objet qui devient symbole de sentiments tels que l’amitié, la nostalgie ou la peur.
Dans un autre travail, le rêve baudelairien se transforme en road trip raeggae…

Les quatre POM produites pendant ces deux journées ont amené les élèves à jeter un œil différent sur la poésie et le processus de création. »

Réinvestissement du travail et modalités d’évaluation

 Argumentation et prise de parole : devant les autres élèves, les enseignants et les intervenants, les élèves présentent à l’oral leur production, défendent leurs choix esthétiques et explicitent le travail qu’ils ont opéré sur le texte-source. La présentation a lieu dans l’auditorium de la MGI.

 Les textes-sources sont les textes présentés à l’EAF ; les créations des élèves figurent dans les documents complémentaires présentés pour l’oral de l’EAF et nourrissent l’entretien.

 Les petits films réalisés par les élèves avec l’aide de la MGI figureront sur le site du lycée.

Remarques

Tout le monde est content du déroulé du travail et du résultat, et les élèves et les intervenants. L’étude préalable des textes permet d’être plus efficace (le temps alloué était tout de même court), sans pour autant bloquer le processus d’interprétation et de création des élèves.

Ce type d’action ne doit pas être prévu trop tard dans l’année si on veut avoir la possibilité de communiquer le film réalisé par les élèves à l’ensemble de la communauté du lycée. Cette dernière étape du projet est importante : elle permet bien sûr de valoriser les élèves, mais aussi d’affirmer la place des disciplines littéraires et artistiques dans un lycée à dominante technologique et scientifique.

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