Héroïsme d’hier et d’aujourd’hui Quelle(s) place(s) pour les femmes ? (5e)

, par GADEN Elodie

Notions EFG : stéréotypes ; agentivité ; réception littéraire
Échelle : séquence incluant une lecture cursive

Présentation du projet

En classe de 5e, dans le cadre de la thématique « Agir sur le monde », les programmes proposent aux enseignants et enseignantes de consacrer un groupement de textes au questionnement : « Héros / héroïnes et héroïsmes ». La double flexion au masculin et au féminin (« héros / héroïnes ») invite à problématiser la séquence en fonction du genre du personnage et à faire découvrir de façon inclusive une diversité de figures, sans omettre ni minorer le rôle des femmes. La séquence proposée dans cet article s’inscrit dans cette perspective, en s’appuyant sur des extraits d’œuvres de genres littéraires variés, de l’Antiquité à nos jours, dans le but de s’interroger sur la place – entre présence et absence – des personnages féminins fictifs ou des femmes ayant réellement existé, dans la construction de la notion d’héroïsme.

Le projet présenté ici vise dans un premier temps à relire des textes patrimoniaux au prisme de l’égalité, rejoignant ainsi l’une des missions fondamentales de l’École formulées dans le Code de l’Éducation : garantir l’égalité des chances des filles et des garçons, contribuer à tous les niveaux à la prévention des préjugés sexistes [1]. Dans une perspective réflexive, on entend faire comprendre la dimension construite de l’héroïsme littéraire, fondé sur des qualités supposées viriles, et montrer comment les femmes ont pu être exclues de ce paradigme. Le cours de lettres est l’occasion de développer l’esprit critique des élèves en leur faisant prendre conscience que les représentations sont parfois élaborées à partir de stéréotypes [2] et que les savoirs sont situés [3].

Après avoir affûté le regard de l’élève, en l’invitant à chausser les « lunettes du genre » [4], on propose dans un second temps l’étude de textes représentant des figures féminines héroïques, qu’elles soient fictives ou réelles, dans l’objectif de donner à lire divers portraits de femmes inspirantes.

Adossée à l’objectif de développer une « pédagogie de l’égalité » (Isabelle Collet), cette séquence vise donc non seulement à pointer et à interroger les stéréotypes à l’œuvre dans des textes canoniques, mais aussi à œuvrer en faveur de l’égalité en rendant « visibles les groupes socialement dominés [5] » – ici, des femmes. On conjuguera ainsi l’éducation à l’égalité aux enjeux propres à la discipline des lettres que constituent la lecture, l’analyse et l’interprétation, ainsi que le rappellent les attendus de fin de cycle 4 : « Lire, comprendre et interpréter des textes littéraires en fondant l’interprétation sur quelques outils d’analyse simples », « Situer les textes littéraires dans leur contexte historique et culturel [6] » .

Le cœur du travail à mener durant toute la séquence, ainsi qu’à l’occasion de la lecture cursive proposée en complément, part de questionnements simples, à la portée de chaque élève de 5e. Dans les textes étudiés :

  • Qui agit ?
  • Qui s’exprime et comment ?
  • Comment les personnages féminins et masculins interagissent-ils ?
  • Quel personnage fait preuve d’héroïsme ?

Au fur et à mesure des séances, on pourra affiner la problématisation de la notion, par des questionnements plus complexes :

  • L’héroïsme est-il réservé aux hommes ? / L’héroïsme a-t-il un genre ?
  • Existe-t-il plusieurs manières d’être une héroïne ?
  • Quel regard le narrateur porte-t-il sur les personnages héroïques ? Un regard neutre ou véhiculant des stéréotypes ?

L’objectif pourrait être d’amener les élèves à réfléchir à ce qu’est, au fond une héroïne : « simple féminin accolé au héros, décalque de vertus purement masculines ou figure dotée de qualités particulières » ?
Pour envisager ce questionnement, nous proposons un corpus permettant d’étudier différentes manières d’être une femme héroïque, à partir de différentes figures, fictives ou réelles, littéraires ou cinématographiques :

  • la jeune Diana, future Wonderwoman, dans le film éponyme de Patty Jenkins
  • le personnage romanesque de Nadia, dans Michel Strogoff de Jules Verne
  • Marie Marvingt, aviatrice française (mais aussi alpiniste, infirmière et journaliste) (1875-1963)
  • Parvana, jeune héroïne de littérature de jeunesse dans le roman Une enfance en Afghanistan.

On analysera comment l’héroïsme des amazones dans Wonderwoman est construit sur l’exaltation et la mise en relief du courage physique et moral, là où l’héroïsme du personnage féminin du roman de Jules Verne est minoré, par contraste avec celui du personnage masculin, Michel Strogoff. On verra également dans quelle mesure Marie Marvingt se comporte de façon héroïque en dépassant les limites que sa condition féminine lui imposait, entre la fin du XIXe siècle et les années 1950. On terminera enfin le parcours de lecture en envisageant comment le déguisement de Parvana, jeune Afghane, en garçon, lui permet de sortir sous le régime des Talibans : Parvana n’est pas une héroïne guerrière comme le sont les amazones, elle ne répond pas à l’appel de l’aventure comme Marie Marvingt, elle n’est pas non plus une héroïne de l’ombre comme Nadia dans l’œuvre de Jules Verne ; elle est une figure de résistance, et en cela, peut certainement faire partie des héroïnes modernes de la littérature de jeunesse.

En filigrane, s’élabore ainsi, petit à petit, une réflexion sur l’agentivité – c’est-à-dire la capacité d’agir sur le monde – des filles et des femmes, dans les représentations fictionnelles comme dans la société.

Séance d’introduction

Fiche d’activité 1 _ Séance d’introduction
La fiche est téléchargeable à la fin de l’article au format Word si vous souhaitez la retoucher.

En introduction, il est proposé de faire réfléchir les élèves, sans indiquer préalablement ni le titre ni les enjeux de la séquence, à la notion d’héroïsme, déjà abordée lors des précédents cycles d’enseignement. Cette séance inaugurale permet non seulement à l’enseignant ou à l’enseignante de percevoir les représentations qui innervent l’imaginaire des élèves, mais aussi de commencer par questionner une notion qui peut sembler simple de prime abord. Ainsi, comme on peut le lire dans la fiche d’activité proposée, demander en deux temps : « qu’est-ce qu’un héros ? » puis « qu’est-ce qu’une héroïne ? » laisse parfois des élèves perplexes, et a le mérite de placer la classe dans une situation de questionnement actif des évidences. Pour une partie des élèves, la question semble inutile car les qualités attendues d’une femme et d’un homme pour être héroïques sont les mêmes. Pour d’autres, la question peut appeler une réponse affirmant des différences constitutives, souvent fondées sur des stéréotypes, que ce début de séquence peut commencer à faire émerger et à définir comme tels.

Diffuser la ressource proposée par la Bibliothèque Nationale de France [7] permet de clore la séance d’introduction en ouvrant des perspectives pour faire percevoir la diversité des figures héroïques de l’Antiquité à nos jours. À ce stade de la séquence, il ne s’agit pas de figer une définition de l’héroïsme, mais de montrer au contraire la complexité de la notion, préalable nécessaire pour (re)penser la place des héroïnes. Pour ce faire, on proposera aux élèves de terminer la séance en rédigeant leur définition de l’héroïsme, en s’appuyant sur ce qui a été abordé pendant l’heure.

L’héroïsme épique, d’Achille et Hector à Wonderwoman

Consacrer une séance à l’héroïsme épique dans le cadre de cette séquence est requis. En effet, il s’agit de mettre en évidence les caractéristiques qui fondent l’héroïsme antique – notamment le désir de gloire et de postérité –, mais aussi d’initier à l’analyse du style épique. Nous suggérons d’organiser l’étude en deux volets, dans le but d’offrir une mise en perspective féministe de l’héroïsme épique.

Ainsi, on étudie d’abord un extrait au choix de L’Iliade d’Homère – par exemple le combat d’Achille et Hector [8] à partir duquel on peut faire « comprendre le caractère d’exemplarité qui s’attache à la geste du héros / de l’héroïne », comme le proposent les programmes de 5e. En effet, ce passage anthologique du texte homérique permet de mettre en évidence les caractéristiques du héros épique, entre désir de vengeance, désir de gloire et désir de postérité. Dans ce cadre, l’extrait choisi sera l’occasion, en fin de séance, d’interroger les valeurs guerrières virilistes et l’exaltation hyperbolique du désir de gloire et de vengeance d’Achille ou Hector. On pourra notamment s’appuyer sur certains traits stylistiques de l’écriture épique qu’on aura mis en évidence pendant l’étude, parmi lesquels l’hyperbole ou l’emploi d’adjectifs laudatifs.

Ensuite, est visionné un extrait du film Wonderwoman de Patty Jenkins (2017), plus particulièrement la scène de l’entraînement des amazones, au début de l’œuvre [9]. On analysera avec les élèves comment cet extrait, perçu du point de vue de Diana, future Wonderwoman, alors toute jeune fille, offre un contre-point au « regard masculin » (male gaze) dont la narration de L’Iliade précédemment abordée est un exemple. Iris Brey, spécialiste en études cinématographiques et en littérature, cite ce passage du film Wonderwoman comme un modèle exemplaire de « regard féminin » (female gaze).
En effet :

des héroïnes qui manient des armes, on en a évidemment vu avant, mais jamais en nombre si important et sans la présence d’aucun homme (alliés ou attaquants). Ensemble, entre femmes, elles ont l’air invincibles. Les corps sont, certes, à peine couverts, mais l’impression qui se dégage des ralentis pendant leurs saltos arrière, ainsi que la vue d’ensemble en plongée laissent à penser que toutes ces femmes ont la capacité d’agir [10].

C’est pour cette raison que ces guerrières sont une source d’inspiration pour la jeune Diana qui les admire.

Après le visionnage de ces quelques minutes du film, un travail d’écriture est proposé à la classe :
« Faites le récit de l’entraînement des guerrières en adoptant le point de vue de Diana, la jeune et future Wonderwoman. Employez un style épique, en vous aidant de l’analyse du texte d’Homère. Vous pouvez commencer par la phrase suivante : « Je sors de notre demeure et je découvre que les guerrières sont en plein entraînement. ».

Cette activité présente l’avantage de réinvestir la notion de style épique étudié précédemment à travers l’extrait choisi de L’Iliade, mais aussi de transférer les connaissances sur des personnages féminins, absentes de l’œuvre antique. Le travail d’invention permet, par le geste d’écriture, de conférer aux femmes un statut d’héroïnes, dotées de qualités guerrières habituellement réservées aux personnages masculins. Le choix de la focalisation interne à la petite fille n’est pas anodin : la présence de modèles est une condition nécessaire pour que les jeunes filles (et les jeunes garçons) puissent projeter leur propre capacité agissante, autrement dit, leur agentivité. Mona Chollet l’explique ainsi dans Sorcières, La Puissance invaincue des femmes :

Il ne faut pas sous-estimer le besoin que nous avons de représentations – partagées par la majorité ou issues d’une contre-culture – qui, même sans que nous en soyons clairement conscients, nous soutiennent, donnent sens, élan, écho et profondeur à nos choix de vie. Nous avons besoin de calques sous le tracé de notre existence, pour l’animer, la soutenir et la valider, pour y entremêler l’existence des autres et y manifester leur présence, leur approbation [11].

Faire rédiger à une classe de 5e un texte dans lequel des amazones, regardées avec émerveillement par la jeune Diana, sont dotées de qualités physiques et morales comparables à celles d’Achille et Hector, c’est offrir à des élèves de douze ans, filles ou garçons, une représentation de femmes capables d’héroïsme ; c’est ouvrir le champ des possibles en proposant des modèles d’existence pour tous et toutes.

J. Verne, Michel Strogoff : la figure de Nadia en question

Fiche d’activité 2 _ Michel Strogoff

Cet extrait de l’œuvre de Jules Verne est régulièrement choisi pour faire émerger les qualités du héros de roman d’aventures : Michel Strogoff incarne la bravoure dans une aventure périlleuse face aux Tartares. La force de son courage moral et physique est renforcée par la couardise des bateliers effrayés, dont on met souvent en évidence la vénalité, puisqu’ils n’agissent qu’en échange d’une promesse d’argent. Ainsi, si l’on s’en tient à ce seul extrait, souvent présenté dans les manuels scolaires, il ressort que le seul personnage héroïque est Michel Strogoff, et que le seul autre personnage nommé, Nadia, n’a qu’un rôle secondaire : elle est une jeune femme qu’il faut guider et protéger, et c’est à cela que Michel s’astreint bien volontiers.

Il paraît pertinent, à ce stade de la séquence, de faire interroger aux élèves le rôle et la place de Nadia, seul personnage féminin du texte, en regard du rôle et de la place de Michel Strogoff : s’exprime-t-elle ? Comment ? Agit-elle pour permettre à la collectivité de se sortir du péril ? Fait-elle preuve d’abnégation ? On attirera à cet égard l’attention des élèves sur la voix des verbes employés dans la dernière phrase de l’extrait (« elle était saisie, enlevée, et déposée dans une des barques. »). La voix passive indique clairement – grammaticalement – qu’elle est un personnage qui subit l’action, contrairement à Michel qui fait l’action.

Pourtant, s’en tenir à cette analyse contribuerait à transmettre une image stéréotypée de femmes représentées à l’ombre des actions héroïques des personnages masculins. Il s’agit de problématiser l’extrait en le mettant en perspective de deux manières.
D’abord, il est nécessaire de recontextualiser l’écriture et la publication de l’œuvre de Jules Verne : l’asymétrie dans la geste héroïque est le fait d’un choix d’écrivain, daté et inscrit dans un contexte historique et culturel d’une société qui entrevoit les femmes moins comme agissantes que comme exécutantes [12]. Cette asymétrie est une construction littéraire, non un reflet du réel et des possibles.
Ensuite, il est nécessaire de s’appuyer sur un portrait plus complet de Nadia dans le reste de l’œuvre. On peut ainsi expliquer aux élèves qui est Nadia, soit par un récit oral pris en charge par l’enseignante ou l’enseignant, soit par un document polycopié la présentant grâce à quelques phrases complémentaires. Cette jeune fille, à la recherche de son père exilé, rencontre Michel Strogoff qui la prend sous sa protection au début du roman. On fera notamment observer la différence avec laquelle est traité le personnage de Nadia, selon que le récit est pris en charge par Michel Strogoff ou par le narrateur. En effet, celui-ci la qualifie à plusieurs reprises dans le roman de « courageuse » et met en évidence son sang-froid. Michel Strogoff, quant à lui, dans une forme de prévenance paternaliste, s’étonne régulièrement du courage de Nadia face aux dangers qu’ils rencontrent :
« Et seule, Nadia, seule, tu osais t’aventurer à travers les steppes de la Sibérie ! ».

Il l’exhorte à plusieurs reprises à ne pas avoir peur (l’extrait choisi n’est ainsi pas un exemple isolé dans l’ouvrage), et s’il concède à Nadia, après plusieurs aventures, sa témérité, il la renvoie malgré tout à sa condition de femme, faible par nature :
« — Je ne doute pas de ton courage, Nadia, mais il est des fatigues physiques qu’une femme ne peut supporter. »

On aura donc à cœur de faire lire aux élèves l’extrait de « l’Attaque des Tartares » à l’aune de ces extraits ou explications complémentaires, de nature à éclairer et à nuancer l’interprétation. La classe pourra ainsi analyser les qualités qui font de Michel un héros d’aventures, mais aussi réfléchir à l’héroïsme de Nadia, souvent minoré par le personnage principal, et réfléchir à la place qui lui est réservée dans la narration.

Pour nuancer les analyses, on gagnera à tisser des liens entre Nadia et les amazones du film Wonderwoman de Patty Jenkins, étudiées précédemment, afin de faire percevoir les points communs et les différences entre ces personnages et d’esquisser une « palette variée de représentations » de l’héroïsme féminin [13]. Ainsi, tandis que l’héroïsme des amazones du film Wonderwoman exaltait le courage physique et moral, celui de Nadia, minimisé, invisibilisé par le personnage principal masculin, se construit en sourdine, dans les creux du texte, et nécessite de déployer des compétences fines de lecture et d’interprétation.

Un court travail d’écriture peut être proposé en guide de synthèse des notions :
« Nadia a finalement réussi à réchapper de l’attaque des Tartares. Des années plus tard, devenue âgée, elle se souvient de cette scène avec Michel Strogoff et la raconte à sa petite-fille. Elle lui confie l’attitude héroïque dont elle a fait preuve pendant la captivité. »

Marie Marvingt, pionnière dans l’aviation : une héroïne ?

Fiche d’activité 3 _ Marie Marvingt

Après avoir abordé des œuvres de fiction, il est profitable de donner à lire le témoignage d’une femme ayant existé, au destin hors du commun, dans l’objectif de continuer à problématiser la définition de l’héroïsme, en en affinant les contours.
On peut proposer aux élèves de mesurer les qualités héroïques de Marie Marvingt, pionnière dans le domaine de l’aviation et de l’alpinisme, mais aussi infirmière, journaliste, sportive ou encore aérostière, ayant vécu de 1875 à 1963, à une époque où il était mal accepté qu’une femme exerce ces fonctions. Elle réalisa de nombreux exploits, témoignant d’une forme de dépassement de soi en tant qu’être humain et en tant que femme, comme le montre l’extrait proposé : il s’agit d’une lettre destinée à paraître dans un journal quotidien, dans laquelle Marie Marvingt relate une aventure en avion particulièrement périlleuse pendant laquelle elle a failli perdre la vie, mais qu’elle raconte avec humour.
Ce récit de Marie Marvingt est un exemple parmi tant d’autres possibles. Nous le choisissons car il présente l’avantage d’offrir divers angles d’approche littéraire : le genre littéraire ; l’énonciation, puisqu’on donne à lire la voix d’une femme s’exprimant à la première personne ; l’organisation de la narration et la tension dramatique ; le comique de situation… Un questionnaire visant à élucider le sens du texte et à impliquer les élèves dans l’analyse est proposé dans la fiche d’activité.

De Parvana à Shamsia Hassani, des femmes afghanes héroïques ?

Lecture cursive : Parvana, une enfance en Afghanistan de Deborah Ellis.

L’œuvre de Deborah Ellis, Parvana, une enfance en Afghanistan, publiée initialement en 2001, a été adaptée au cinéma sous le même titre en 2017, et trouve, depuis 2021, un écho particulier dans l’actualité et l’histoire de l’Afghanistan. Ce roman relate l’histoire de Parvana, une jeune fille afghane de onze ans, qui met tout en œuvre pour réussir à faire vivre sa famille, alors que son père est emprisonné et que sa mère et ses sœurs sont dans l’impossibilité de sortir dans l’espace public, en tant que femmes.

On propose de se saisir de l’ouvrage de Deborah Ellis pour prolonger avec les élèves la réflexion sur la variété des formes d’héroïsmes que peuvent représenter les personnages féminins. Parvana est caractérisée par des qualités qui la rendent exceptionnelle et singulière : la bravoure, dont elle fait preuve pour dépasser les graves contraintes imposées à sa famille ; l’altruisme, en se mettant parfois en danger physique pour permettre aux siens de survivre ; la ruse et l’intelligence, qui lui permettent de se travestir en garçon pour braver l’interdiction faites aux filles et aux femmes de sortir seules dans les rues de Kaboul.

Pour accompagner la lecture cursive, un atelier d’écriture filée peut être proposé pour rythmer la découverte du roman. Deux sujets sont proposés au choix.

Le premier prend appui sur le personnage de la mère de Parvana : il s’agit d’une personne lettrée, qui a fait des études à l’Université, et était rédactrice pour la radio, avant l’arrivée des Talibans qui ont interdit aux femmes toute activité professionnelle intellectuelle. On propose aux élèves d’imaginer le journal intime qu’elle rédige pour confier ses souffrances, frustrations et difficultés de vie au quotidien.
Le second sujet possible s’inspire du personnage de Madame Weera, une amie bienveillante de la famille qui, au chapitre 9, explique publier des articles de résistance dans une revue clandestine au Pakistan. On propose à la classe de rédiger collectivement les rubriques de ce journal clandestin, pour dénoncer le pouvoir des Talibans et revendiquer une vie libre.

Quel que soit le sujet d’écriture choisi, il pourra prendre la forme d’un atelier d’écriture en séances d’AP pendant plusieurs semaines, et aboutir à une mise en forme réaliste du journal intime ou des rubriques du journal clandestin. On gagnera à travailler en collaboration avec l’enseignante ou l’enseignant d’EMC pour enrichir la réflexion des élèves sur les droits des enfants et sur les discriminations, ou avec le ou la professeure d’arts plastiques, pour envisager des liens interdisciplinaires avec les artistes afghanes réelles, comme Shamsia Hassani, femme peignant des graffitis à Kaboul pour sensibiliser le public aux restrictions de liberté [14].

Tâche finale de la séquence : réaliser le podcast des héroïnes de la classe !

Seul(e) ou à deux, choisissez une héroïne : elle peut être fictive ou réelle. Vous pouvez vous inspirer des héroïnes rencontrées dans la séquence, ou en choisir une nouvelle.
Rédigez ensuite son portrait élogieux, vantant son héroïsme : vous devez mettre en valeur ses qualités physiques et morales ainsi que son exemplarité.
Choisissez une forme originale et éloquente ! Par exemple une énigme, une devinette, une interview fictive...
Enregistrez le portrait en 60 à 120 secondes !
Chaque portrait sera un épisode du podcast des héroïnes de la classe.

Cette tâche finale vient remobiliser les connaissances et les compétences acquises pendant la séquence, qu’elle vient prolonger sous la forme d’un projet collectif qui engage les élèves à faire entendre sa voix, et à travers lui, la voix d’une héroïne. En terme de différenciation pédagogique, ce projet est pensé pour donner la possibilité à chaque élève, selon son degré de compétences et/ou de difficultés à l’écrit comme à l’oral, de réinvestir les notions travaillées : soit en faisant le portrait d’une des héroïnes découvertes à l’occasion des différentes lectures, tout en en livrant une interprétation sensible personnelle, soit en choisissant une figure de son socle culturel individuel. Le format oral court (une à deux minutes) impose une concision qui permet d’éviter les informations non pertinentes, et la proposition de divers formats du type devinette, interview, énigme, fait travailler deux compétences fondamentales du socle commun : s’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un auditoire ; exploiter les ressources expressives de la parole.
On travaille ainsi plusieurs sous-compétences de l’oral :

  • Savoir faire partager son point de vue sur une lecture, une œuvre, une situation
  • Savoir utiliser les ressources de la voix, de la respiration, du regard, de la gestuelle, pour (…) donner du relief à sa propre parole lors d’une prestation orale.

Pour approfondir la réflexion sur la mise en œuvre d’une production orale, plusieurs ressources sont disponibles sur La Page des Lettres de l’Académie de Versailles et sur le site de l’Académie de Normandie :

Conclusion

Tout au long de cette séquence, on aura eu à cœur de mobiliser trois des grands champs de la discipline des lettres – la lecture, l’écriture, l’oral – pour (re)penser la place des femmes dans la construction de la notion d’héroïsme : d’abord, en œuvrant à faire prendre conscience aux élèves de certains stéréotypes ; ensuite, en proposant une diversité de manières d’incarner l’héroïsme ; enfin, en faisant entendre la voix de femmes héroïques, parfois réduites au silence, souvent minorées, mais qui gagnent à ne plus être méconnues.

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