Femmes en poésie : les enjeux
La présence d’autrices dans les corpus de lecture proposés en classe est un des enjeux majeurs du cours de lettres en matière d’égalité Filles-Garçons. Les données [1] rassemblées par le collectif George, Le deuxième texte [2] montrent de manière éloquente l’éviction des écrivaines de l’institution scolaire. Celles-ci sont en effet sous-représentées, que ce soit dans les programmes du collège, dans les séquences de cours de français de première ou dans les sujets proposés au diplôme national du brevet ou aux épreuves anticipées de français. Il est intéressant de noter que, d’après ces mêmes données, les poétesses sont particulièrement absentes des corpus alors que les évocations de femmes aimées, désirées, fantasmées par les poètes sont pléthoriques. En poésie, les femmes semblent donc réduites à la place de muses prises dans le regard désirant du poète.
Dans l’avant-propos de son Anthologie de la poésie féminine, Françoise Chandernagor, étonnée de ne pas connaître autant de poétesses que de poètes au début de son projet éditorial, fait ce même constat en consultant les manuels scolaires des années 1990 et les anthologies de poésie française les plus lues. Elle conclut : « bonne élève, j’avais tout simplement appris et retenu ce que l’école tenait à m’enseigner – qu’il n’existait pas, en France, de poétesses dignes de ce nom » [3]. L’essayiste suggère donc que le panorama de la littérature que dessinent les corpus scolaires ne serait pas sans conséquence et conduirait en effet les élèves à penser que la poésie est une affaire d’hommes.
La séquence ébauchée ici a pour ambition de redonner de la visibilité aux femmes en poésie et de montrer que ce genre a été, tout au long de l’histoire littéraire, le lieu de l’affirmation d’une parole créatrice féminine porteuse d’une revendication égalitaire. Toutes les poétesses présentes dans le corpus ont en effet thématisé les obstacles auxquels elles ont été confrontées en tant que femmes. « Écrire pourtant », pour reprendre un vers de Marceline Desbordes-Valmore, est donc toujours un geste féministe. Aussi s’agit-il, dans cette séquence, d’amener les élèves à prendre conscience des mécanismes d’invisibilisation des autrices et à étudier des textes qui, par la réécriture de topoï poétiques, thématisent et transgressent les interdits qui pèsent sur la parole des femmes.
Dans cette optique, la tâche finale proposée aux élèves a pour objectif de diffuser dans l’établissement ces voix trop longtemps tues au moyen d’affiches et d’un podcast publié sur le site du lycée.
De la prêtresse Enheduanna, autrice des plus anciens écrits littéraires actuellement connus, à l’« instapoet » Rupi Kaur, en passant par la figure incontournable de Marceline Desbordes-Valmore [4], il s’agit d’offrir aux élèves une variété de voix et de tons replaçant les femmes au cœur de la création poétique d’hier et d’aujourd’hui. Des autrices méconnues côtoient ci-après des noms déjà bien établis dans le canon scolaire comme celui de Louise Labé.
Notons pour finir le choix historique de faire figurer Mes forêts [5] de la poétesse contemporaine Hélène Dorion dans le programme national d’œuvres pour l’enseignement de français de première pour l’année scolaire 2023-2024 : à nous, enseignant.es, de permettre désormais aux lycéennes et aux lycéens de découvrir que poésie est un nom féministe.
Séance 1 - Où sont les poétesses ?
– Travailler sur les représentations des élèves
– Prendre conscience de l’absence des poétesses dans les corpus scolaires
Durée : 1 heure
1er TEMPS
Pour ouvrir cette séquence, et avant même d’en avoir annoncé le titre, on demande aux élèves d’inscrire sur un post-it le nom d’un poète (le masculin est employé ici à dessein) ou le titre d’un poème rencontré au cours de leur scolarité. Toutes et tous viennent coller leur proposition sur le tableau : sans trop de surprise, on s’attend à trouver des noms comme La Fontaine, Victor Hugo, Paul Éluard… On note l’absence de femmes, ou leur sous-représentation lors de la mise en commun et on interroge les élèves à ce propos. On peut également leur demander s’ils connaissent le féminin de ce mot et s’ils l’ont beaucoup entendu.
2èmeTEMPS
On distribue aux élèves répartis en groupe de travail un ou plusieurs sommaires de manuels scolaires et on leur demande d’étudier la fréquence des noms de femmes dans les corpus proposés par les éditeurs.
Le groupe doit répondre à l’écrit à la question suivante : « Quel constat concernant la présence de poétesses dans les manuels scolaires faites-vous ? Réfléchissez aux causes et aux conséquences de ce phénomène. »
3ème TEMPS
On projette ensuite l’interview de Françoise Chandernagor à La Grande librairie [6] et les élèves prennent des notes afin d’approfondir la réflexion esquissée au deuxième temps.
Après mise en commun des réponses (on peut revenir sur la dimension quelque peu essentialisante de certains propos et inviter les élèves à s’exprimer à ce sujet), on distribue aux élèves le sommaire de l’anthologie de Françoise Chandernagor.
On annonce alors à la classe que cette séquence a pour objet de redonner de la visibilité à des poétesses et d’étudier la raison pour laquelle elles sont méconnues.
En fin de séance, les élèves notent ce qu’ils ont retenu :
- Les élèves connaissent pas ou peu de poétesses (ce mot lui-même leur est le plus souvent inconnu).
- Tout au long de l’histoire littéraire, les femmes ont pourtant écrit de la poésie.
- La raison de cette ignorance est à chercher du côté du patrimoine littéraire transmis par l’école comme le montre l’étude de quelques sommaires de manuels scolaires.
- Cette invisibilisation a des conséquences sur les élèves, car elle véhicule de fausses idées (la littérature est une affaire d’hommes) et sur les femmes qui désirent écrire et vont parfois limiter leurs ambitions.
- Question : cette absence des poétesses est-elle le résultat d’une domination masculine dans la société et plus particulièrement dans les institutions littéraires ?
Séance 2 - Le premier écrivain… est une poétesse ! L’histoire d’Enheduanna
Durée : 2 heures
1ère HEURE - Lecture d’un extrait du livre de Titiou Lecoq, Les grandes oubliées, Comment l’histoire a effacé les femmes
Extrait : Les grandes oubliées - Titiou Lecoq
Les élèves lisent le texte avec deux objectifs :
- Rédiger une courte présentation d’Enheduanna
- Répondre à la question : « D’après Titiou Lecoq, pourquoi Enheduanna a-t-elle été oubliée ? »
Pour accompagner les élèves à besoin dans la vérification de leur compréhension du texte, on peut diffuser une interview de Titiou Lecoq sur Enheduanna [7] qui reformule les enjeux du texte de façon plus accessible et permettra aux autres élèves de compléter leurs réponses.
On attend une reformulation des éléments suivants :
- Présentation d’Enheduanna :
– Enheduanna est une poétesse mésopotamienne ayant vécu en 2300 avant notre ère.
– Elle est nommée grande prêtresse d’Ur par son père Sorgon, roi d’Akkad, avant d’être contrainte à l’exil par un rival de ce dernier.
– En exil, elle écrit des poèmes sacrés dans lesquels elle s’adresse à la déesse Inanna. C’est la plus ancienne trace connue d’un « je » dans la littérature mondiale.
- Réponse à la question :
– Une erreur a eu lieu dans l’attribution à Enheduanna de certains textes. Lorsque cette erreur a été mise en évidence, elle a jeté le discrédit sur l’ensemble des tablettes découvertes.
– Certains historiens remettent en question la possibilité même pour Enheduanna d’avoir eu du pouvoir en raison de son genre. Cela viendrait en partie du fait que nous avons tendance à penser l’Histoire comme un chemin à sens unique vers l’égalité, le passé étant par essence plus inégalitaire que l’avenir.
2ème HEURE - Enregistrement d’une capsule audio
Répartis en groupes, les élèves écrivent une interview fictive d’Enheduanna. Les informations recueillies lors de la première séance sont donc reformulées à la première personne. En conclusion de cette capsule, les journalistes expliquent le phénomène d’invisibilisation dont Enheduanna a été victime. Il pourra être intéressant, lors de l’écoute de ces capsules, de prêter attention à la répartition genrée de la parole au sein du groupe [8] et de revenir dessus, le cas échéant, avec les élèves.
Séance 3 - Le premier fabuliste en langue française est… une fabuliste !
Durée : 2 heures
1er TEMPS
En ouverture de cette séance, on revient sur un poète incontournable du patrimoine scolaire qui aura très probablement été cité de nombreuses fois dans le sondage de début de séquence : La Fontaine. On évoque alors avec les élèves les sources antiques des Fables avant de leur distribuer le prologue et l’épilogue des Fables de Marie de France.
On pose alors les questions suivantes aux élèves, dans l’optique de leur faire découvrir une posture auctoriale singulière, entre humilité et affirmation d’une identité de femme de lettres :
- 1- D’après le prologue, quelles fonctions ont les fables ?
Les fables ont une fonction morale, d’après Marie de France. Elles permettent en effet aux individus de corriger leurs défauts. Les enseignements qu’elles transmettent doivent également permettre aux puissants de se garder des traitres. La poétesse leur attribue donc également une dimension politique.
- 2- D’après la poétesse, quelle est l’origine de ce genre littéraire ?
La fabuliste fait remonter l’origine du genre à « Romulus, empereur romain » du Vème siècle, commanditaire de l’œuvre écrite par Ésope. Considéré comme l’inventeur de la fable, ce dernier aurait vécu au VIème siècle avant Jésus-Christ. Cette généalogie, pour fantaisiste qu’elle soit, a pour but d’octroyer au genre ses lettres de noblesse en le rattachant au monde grec et au monde latin. Marie de France s’inscrit ainsi, en traduisant la première ces textes en langue vulgaire, dans une lignée prestigieuse.
- 3- Quelle est l’origine de son projet ?
D’après le prologue, le projet de Marie de France répond à la demande d’un commanditaire masculin anonyme et prestigieux (« fleur de la chevalerie, / Fleur de savoir et courtoisie. » (v. 31-32)) qui sera nommé dans l’épilogue (« Pour l’amour du comte Guillaume » (v. 9)). Obéissant à ce chevalier illustre (« devant les mettre en vers » (v. 27)), elle semble s’effacer derrière lui et lui soumettre sa volonté.
- 4- Pourquoi Marie de France signe-t-elle son œuvre en se nommant dans l’épilogue ?
« Marie ai nom et suis de France » : par ce vers, la poétesse revendique la maternité de son œuvre « pour remembrance ». Ce geste a pour objectif de protéger son travail d’une appropriation mensongère par un clerc. On peut donc y lire la crainte d’être invisibilisée.
- 5- Diriez-vous que l’autrice s’affirme ou qu’elle s’efface dans ces deux textes ? Expliquez.
Dans ces deux textes liminaires, la poétesse adopte une posture auctoriale singulière, entre effacement et affirmation. Au topos d’humilité du prologue fait place une volonté de revendiquer une dignité d’écrivaine. Le geste de signer son œuvre est en effet suffisamment rare à cette époque pour être lourd de sens. La construction d’une figure auctoriale féminine au travail (« Je ne veux en nulle manière / Compter mon travail et ma peine » (v. 34-35)) et faisant œuvre de création (« Moi, je l’ai rimé en français » (v. 18)) lui permet de répondre à ses détracteurs dont elle fait entendre la voix entre parenthèses dans le prologue : « (Quelque indigne que l’on me tienne) » (v.36). Cette indignité est-elle liée au fait qu’elle soit une femme ?
2nd TEMPS : travail d’écriture
Dans le but de renforcer la compréhension des enjeux des deux textes de Marie de France, on propose aux élèves de se mettre dans la peau d’éditeurs et d’éditrices de poésie. Réunis en comité éditorial, les élèves rédigent un courrier aux enseignant(e)s pour leur présenter leur projet de réédition des Fables de Marie de France et les inviter à les préférer à celles de La Fontaine.
Leur argumentaire contient :
- une présentation de l’autrice,
- une présentation de l’origine de son projet (en prenant appui sur les réponses aux questions de la première étape),
- un résumé d’une fable (de préférence une fable qui illustre la veine politique du recueil, comme « Les oiseaux et leur roi » ou encore « Le roi des colombes »)
- une reformulation de sa moralité ainsi qu’une illustration.
Ce texte mettra l’accent sur l’objectif de la maison d’édition de redonner de la visibilité aux poétesses.
Séance 4 - Christine de Pizan : écrire pour défendre la cause des femmes
– Découvrir la figure de Christine de Pizan considérée comme la première féministe française
– Prendre conscience de la misogynie à l’œuvre dans le processus d’invisibilisation
Durée : 2 heures
1er TEMPS
La séance débute par un travail de prise de notes à partir du visionnage de l’épisode de Virago [9] intitulé « Être féministe au moyen-âge – Christine de Pizan » [10]. Pour compléter cette prise de notes, on distribue l’article consacré à la poétesse dans le recueil Ni vues ni connues [11] .
Les élèves réalisent une synthèse de ces deux sources d’informations dans laquelle figurent les éléments suivants :
– Christine de Pizan (1364 – 1430) est la première femme de lettres à vivre de sa plume.
– Elle prend part à la querelle de la Rose autour du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung pour dénoncer leur misogynie.
– Son œuvre, diverse, va du traité didactique sur l’art de la guerre au récit allégorique. Dans La Cité des dames, elle bâtit une société idéale dans laquelle figurent les femmes illustres du passé. Pour toutes ces raisons, elle est considérée comme une des premières féministes.
2nd TEMPS
On lit alors aux élèves la ballade n°2 du recueil Cent ballades d’amant et de dame et on les invite à réagir à ce texte lors d’un débat de compréhension [12].
Les élèves formulent des hypothèses sur la situation d’énonciation et dégagent le sens global du texte collectivement. À la fin de ces échanges, on précisera que cette ballade répond à la ballade n°1 rédigée par l’amant dans laquelle celui-ci déclare sa flamme.
La lecture de cette ballade peut être l’occasion d’une discussion sur la notion de consentement [13], en demandant ensuite aux élèves quelle réaction est attendue du destinataire et pourquoi. On reviendra à cette occasion sur les termes précis de la ballade exprimant une fin de non-recevoir explicite, renforcée par le vers qui sert de refrain. On conviendra alors que la seule réponse respectueuse de la volonté de la dame est le silence.
Pour finir, on propose aux élèves de faire le commentaire de cette ballade. Les informations recueillies dans le premier temps de cette séance leur permettent de rédiger une introduction.
Séance 5 - Louise Labé : poétesse ou courtisane ?
– Découvrir un mécanisme d’invisibilisation : le « déni d’auctorialité [14] »
– Agir pour la reconnaissance de la contribution des femmes à l’Histoire
Durée : 2 heures
On rappelle, avant de commencer cette séance, que le nom de Louise Labé a déjà été rencontré au début de la séquence dans les sommaires de manuels scolaires. C’est le seul nom de poétesse qui revient plusieurs fois, preuve de son appartenance au canon classique. Il est intéressant pour les élèves d’avoir cela à l’esprit au moment de découvrir les tentatives d’invisibilisation qu’elle subit encore aujourd’hui.
1er TEMPS
Les élèves prennent des notes pendant le visionnage de la vidéo « Louise Labé, fantasme poétique » de France Culture [15] et répondent aux questions suivantes :
- 1- Qui est Louise Labé ?
- 2- Quelle thèse Mireille Huchon défend-elle à son sujet ?
Mireille Huchon ne remet pas en question l’existence de Louise Labé mais conteste la maternité de ses œuvres. Pour elle, un groupe de poètes français du XVIème siècle aurait utilisé le nom de cette courtisane pour signer leurs productions, par jeu. Elle ne serait donc en réalité qu’un prête-nom, une « créature de papier ».
2ème TEMPS
Les élèves visionnent la présentation des Œuvres complètes de Louise Labé par François Busnel [16] et prennent des notes. Un temps de mise en commun permet de revenir sur la thèse de Mireille Huchon et sur les contre-arguments apportés par le présentateur de la Grande librairie qui la désigne comme « farfelue » et « misogyne ».
3ème TEMPS
On effectue l’explication linéaire du sonnet XVIII de Louise Labé.
On veillera donc à mettre en évidence la tension qui existe entre la sensualité des quatrains et les tercets, plus métaphysiques, qui ouvrent l’amour à une autre dimension.
Séance 6 - Marceline Desbordes-Valmore : écrire pourtant
Durée : 1 heure
Support : textes
1er TEMPS
Lecture du poème « Une lettre de femme » de Marceline Desbordes-Valmore.
On invite les élèves à s’interroger sur le sens global du poème. Ils et elles formulent des hypothèses sur le destinataire de la lettre et sur les circonstances de son écriture.
– Le poème se présente par son titre comme une lettre adressée par un « je » féminin à un « tu ». La disposition strophique et l’hétérométrie (alternance d’alexandrins et de vers de quatre syllabes) mettent cependant à mal l’illusion référentielle.
– Le destinataire de la lettre est le bien-aimé de l’expéditrice dont le départ est connu des lecteurs et des lectrices dès la fin de la première strophe. On ne connaît pas la raison de son départ et l’on en est réduit à des conjectures invérifiables. Cette distance est le présupposé où s’origine l’écriture : la séparation entre celle qui écrit et celui qui reçoit, entre l’amante et son bien-aimé, entre l’autrice et le lecteur.
– Ce poème liminaire, qui ouvre le recueil Poésies inédites de 1860, a une dimension d’art poétique. Cette fausse lettre est donc un manifeste authentique où s’affirme une parole poétique de femme transgressant les mœurs de l’époque.
– L’interdit énoncé dans le premier vers porte moins sur l’écriture d’une lettre, genre autorisé car relevant de l’intime, que sur la publication du recueil.
2ème TEMPS
On distribue à une moitié de la classe un extrait de l’avant-propos de Françoise Chandernagor à son Anthologie de la poésie féminine concernant l’invisibilisation de Marceline Desbordes-Valmore.
Parallèlement, l’autre moitié lit des extraits d’un essai de l’historien du XIXème siècle Jules Michelet [17]. Les élèves dressent ainsi un état des lieux de la condition féminine au XIXème siècle qui éclaire les deux premiers vers du poème de Desbordes-Valmore.
3ème TEMPS
On constitue des binômes composés d’élèves des deux groupes. Ils et elles rédigent une synthèse commune à partir de leurs notes, en une dizaine de lignes, pour présenter Marceline Desbordes-Valmore, les obstacles qu’elle a rencontrés dans son siècle, sa place dans la littérature du 19ème siècle et le sort que la postérité lui a réservé.
Tâche finale
Élaboration d’un podcast « Poétesses »
Sur le principe de la capsule audio réalisée lors de la séance 2 pour Enheduanna, en groupes, les élèves rédigent et enregistrent une interview fictive d’une des poétesses découvertes au cours de la séquence. Chaque groupe s’intéresse à une poétesse différente. On peut également proposer aux élèves les plus à l’aise de réaliser une capsule sur le phénomène d’invisibilisation ou sur une des œuvres proposées en lecture cursive.
Chaque capsule audio contient :
- une interview fictive de la poétesse
- une mise en voix d’un poème
- une courte explication du texte
- l’expression d’une émotion ou d’un goût personnel.
On évaluera la qualité du travail de recherche ainsi que les compétences orales et l’on valorisera l’implication individuelle dans la réalisation du projet.
Critères de réussite :
- Les informations reformulées à la première personne dans l’interview fictive sont complètes, sourcées et mettent en avant la question de l’invisibilisation.
- L’expression de la sensibilité esthétique s’appuie sur des arguments précis qui renvoient au texte.
- Les paramètres de l’oral sont maîtrisés (débit, fluidité, ressources expressives et créatives de la parole…).
- Le lexique est précis, la langue est maîtrisée.
L’ensemble des capsules audio, réunies en podcast, peuvent être diffusées sur le site du lycée afin d’offrir de la visibilité aux poétesses étudiées.
Le génially ci-dessous présente un échantillon des productions des élèves.
AUTRES PROPOSITIONS DE TÂCHES FINALES
Compétences d’écriture
Compétences orales
Proposition de lectures cursives
- Je transporte des explosifs, on les appelle des mots, Poésie & féminismes aux Etats-Unis, Cambourakis, 2021
Cet essai de la poétesse Jan Clausen réfléchit aux enjeux d’une poésie féministe contemporaine et introduit une anthologie bilingue où figurent des voix majeures comme celle d’Audre Lorde, Adrienne Rich et Bell Hooks. Cette lecture permet aux élèves de découvrir les prolongements contemporains de la problématique abordée dans la séquence ainsi que l’histoire du mouvement afroféministe. - Lisette Lombé, Brûler brûler brûler, L’iconopop, 2020
La poétesse belgo-congolaise aborde des thèmes tels que la discrimination liée à la couleur de peau ou à l’orientation sexuelle. À travers poèmes et collages, elle évoque également les nombreuses injonctions qui pèsent sur les femmes (et en particulier sur les femmes racisées) dans une langue musclée qui rappelle le slam dont elle vient. - Rupi Kaur, Lait et miel, Seuil, 2017
L’ « instapoet » aux 4,5 millions d’abonné(e)s aborde de manière délicate des sujets aussi sensibles que les violences sexuelles et sexistes dans ce recueil conçu comme un chemin vers la guérison.
Conclusion
Cette séquence a permis aux élèves de prendre conscience du fait que la poésie est aussi, tout au long de l’histoire littéraire, un genre qui a pu accueillir l’expression d’une revendication égalitaire des femmes et que les poétesses, en s’appropriant les codes du genre et en les subvertissant, s’étaient émancipées du discours poétique masculin en affirmant une voix propre et une manière originale. De plus, la lecture des textes a mis en évidence l’existence d’une invisibilisation des poétesses dont l’institution scolaire est en partie responsable. Enfin, la tâche finale a permis aux élèves de faire entendre leurs noms, de faire connaître leurs histoires et de transmettre leurs textes, de les rendre, en définitive, acteurs et actrices d’une visibilité retrouvée.