Baudelaire Les Fleurs du Mal - S’approprier les œuvres au programme de 1ère

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

Les quatre parcours proposés dessinent une circulation possible dans Les Fleurs du mal à (re)lier au contexte qui est le nôtre. Selon le travail réalisé antérieurement, on pourra tous les traiter ou se concentrer plus particulièrement sur l’un d’eux. Pour chaque parcours, on invitera les élèves à sélectionner, noter et mémoriser, au choix, un florilège de vers ou un poème. Les restitutions orales se font par groupes sur le mode de la chaine téléphonique.

Parcours 1 - Les Fleurs du mal, une œuvre à confiner ?

Ces dernières semaines, la crise sanitaire a conféré au verbe se confiner une portée positive : nous sommes calfeutrés, séparés de l’extérieur pour limiter la propagation d’un virus que l’on connait depuis peu. Mais, employé transitivement, à la voix active, le verbe confiner désigne l’acte d’enfermer quelqu’un ou quelque chose…
Baudelaire n’est jamais allé en prison, mais son recueil Les Fleurs du mal a lui bel et bien été condamné en 1857 pour offense à la morale publique et aux bonnes mœurs. Pourquoi ?

Modalités de mise en œuvre
Les activités 1, 2 et 3 peuvent être réalisées individuellement ou en petits groupes, en autonomie et à distance.
L’activité 4 nécessite un accompagnement plus soutenu.
On pourra conseiller aux élèves de garder une trace de l’activité 2 dans leur carnet de lecture.
Un outil collaboratif permet de noter et compiler les réponses au fur et à mesure.

1- Éclairer le contexte

Pour éclairer le contexte, lisez cette phrase [1] de Maxime du Camp, ami de Flaubert :

« Nous étions à la fin de 1856. La presse périodique vivait – expirait – sous le règne de l’arbitraire et… l’administration n’avait qu’à serrer les doigts pour nous étrangler au coin d’un décret »

Souvenirs littéraires, tome II, p. 147.

Questions

  • Quel est le régime politique évoqué ?
  • Les historiens de la période écrivent que ce régime a le souci de « l’ordre moral » : comment comprenez-vous cette expression ?

Consigne complémentaire
Aidez-vous de vos notes de cours.
Sinon la date en gras vous donne un indice pour orienter votre recherche.

2- La société face aux Fleurs du Mal

Pour mesurer les réactions indignées suscitées par la publication des Fleurs du mal, voici la première phrase d’un rapport rédigé à la Direction générale de la Sûreté publique (Ministère de l’Intérieur) :

« Les « Fleurs du Mal » constituent un défi aux lois qui protègent la religion et la morale ».

Il se poursuit ainsi :

« XXXX », « XXX », « XXX », « XXX » sont un tissu de blasphèmes […]. « XXX » et « XXX » présentent à chaque instant les images les plus licencieuses avec toute la brutalité de l’expression.

Consignes

  • Essayez de compléter les titres qui manquent à ce rapport. Plusieurs réponses sont possibles.
  • Comparez à deux vos propositions.
  • Expliquez-les en faisant un lien avec la recherche effectuée en 1. Aidez-vous de la définition des termes en gras.
POUR APPROFONDIR

 Un autre auteur, en 1857, a lui aussi été inquiété par la justice.
De qui s’agit-il ? Comment s’intitule son œuvre jugée immorale ?

N.B.1 :
Pour répondre, aidez-vous de votre manuel, si vous en avez un ; sinon, vous trouverez la réponse à la première question, dans la première partie « Éclairer le contexte ».

 Un chapitre en particulier a été vivement attaqué.
Voici ce qu’ écrit un ami à l’auteur :

Il ne s’agit pas de plaisanter. Ta scène du fiacre est impossible. Non pour nous tes amis […], mais pour la police correctionnelle […] on nous guette et on ne nous raterait pas à l’occasion.

Cette scène vous paraît-elle choquante. Pourquoi ?

N.B.2 :
Si vous avez le livre, relisez la scène en question – elle se trouve au chapitre 1 de la IIIème partie. Vous la trouverez également ici : https://gallica.bnf.fr/essentiels/flaubert/madame-bovary/fiacre

3- Une question de style ?

Le procureur chargé d’instruire le procès contre Baudelaire lui reproche son

« réalisme grossier et offensant pour la pudeur ».

Étape 1
Aidez-vous de votre manuel pour répondre.

  • Comment comprenez-vous cette expression ?
  • À quoi correspond traditionnellement le terme « réalisme » ?

Étape 2
Reprenez ensuite l’un des poèmes que vous avez proposés à la question 2 « La société face aux Fleurs du Mal » et essayez de voir si cette expression est vraiment pertinente.

4- Un autre point de vue

Julien Gracq, romancier du XXème siècle, écrit à propos de Baudelaire :

« Le scandale des Fleurs du mal n’a pas tenu à l’époque à ce qu’Eros y régnait (…) mais à ce que pour la première fois il y régnait en majesté. »

Carnets du grand chemin, José Corti, 1992, p. 264.

  • Eros désignait chez les grecs le dieu du désir amoureux : essayez de reformuler avec vos mots le propos de Gracq.
  • Prêtez un soin particulier à l’expression « en majesté ».
     Voici la définition de la locution « en majesté » dans le dictionnaire [2] :

    ICONOGR. [En parlant du Christ ou d’un saint] En majesté, loc. adj. Assis sur un trône dans une attitude hiératique. (...) Un Christ en majesté, sur un vitrail latéral, rappela à Lewis son premier conseil d’administration (Morand, Lewis, 1924, p. 6).


     Pour vous aider : consultez cette représentation du Christ en majesté (XIIème) sur le site du musée de Cluny.
     Comment comprenez-vous l’affirmation de Gracq ?
     Selon Gracq donc, quelle représentation Baudelaire donne-t-il d’Eros dans les Fleurs du Mal ? À quoi tient la provocation de Baudelaire ? En quoi cela a-t-il pu être choquant à l’époque ?

  • Remplacez l’expression « en majesté » par « en poésie » : pouvez-vous établir un lien avec le titre du parcours associé « Alchimie poétique : la boue et l’or » ?

Parcours 2 - Les Fleurs du mal, journal d’un confiné ?

Le confinement que nous venons de vivre a pu nous confronter à la solitude et à l’ennui. À la mélancolie peut-être aussi. Il nous a engagé, parfois malgré nous, à l’introspection.
Autant de sentiments dont Les Fleurs du mal se font l’écho.

Modalités de mise en œuvre
Les réponses sont notées au fur et à mesure sur le pad de façon à élaborer une trace écrite collective.
Les activités 1, 2 et 5 sont réalisées en petits groupes.
Les activités 3, 4 et 6 individuellement.
L’activité 4 peut donner à des restitutions orales sous forme de capsules enregistrées et une reprise collective sous forme de classe virtuelle.

1- Le « spleen »

  • Pour désigner cet état d’ennui, Baudelaire a recours à un mot anglais, le « spleen ». Pourquoi selon vous ?
  • Avez-vous rencontré ce terme dans vos explications linéaires ? lesquelles ?
  • Relisez-les et notez, dans votre carnet de lecture, un vers qui vous semble emblématique de ce « spleen ».

2- « Quand le ciel bas et lourd ... »

  • Lisez, relisez le poème « Spleen », qui commence par le vers « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle… ».
  • Plusieurs images pourraient laisser penser que Baudelaire l’écrit, comme confiné chez lui… Lesquelles ?
    Pour vous aider : soyez particulièrement attentifs aux strophes 1, 2 et 3.

3- « Le Lac » Alphonse de Lamartine

  • Lisez à présent ce poème d’Alphonse de Lamartine, intitulé « Le Lac ».
  • Quel rôle la nature joue-t-elle dans la plainte amoureuse du poète ? Intéressez-vous en particulier aux strophes qui précèdent et suivent la prise de parole entre guillemets.

4- Le rapport à la nature

  • Reprenez maintenant les images que vous avez relevées dans le poème de Baudelaire (question 2).
  • En quoi Lamartine et Baudelaire entretiennent-ils un rapport différent à la nature qui les environne ?
    Votre réponse devra citer au minimum les vers suivants :

5- S’évader

Le poète semble chercher un ailleurs, une manière de s’échapper.

  • Reprenez-vos vos explications linéaires et cherchez une trace de cet ailleurs.
  • Relisez les poèmes suivants : « Élévation », « L’homme et la mer », « Parfum exotique », « Harmonie du soir », « Le beau navire », et « L’invitation au voyage ».
  • Puis complétez : si cet ailleurs était ...
    > un lieu, il serait… ;
    > un moment de la journée, il serait… ;
    > une saison, il serait… ;
    > une personne, il serait… ;
    > une sensation, il serait… ;
    > une action, il serait… .

6- Florilège pour un journal de confinement

Et si Baudelaire nous aidait à garder une trace des semaines qui viennent de s’écouler ?
Une maison d’édition vous demande d’illustrer chacune des huit semaines passées par un poème des Fleurs du mal. Proposez une sélection et justifiez-en la pertinence.

Parcours 3 - Sortir, déambuler, retrouver la ville et les autres

Les Fleurs du mal ne sont pas seulement l’œuvre d’un poète « confiné ». Les « Tableaux parisiens », section ajoutée après le procès de 1857, sont ainsi consacrés à la ville de Paris que le poète arpente de quartiers en quartiers.
Dans l’« Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du Mal » en 1861, Baudelaire écrit à propos de la capitale : « Tu m’as donné ta boue, et j’en ai fait de l’or. » Quel Paris le poète nous donne-t-il à voir ?

Modalités de mise en œuvre
Les activités 1, 2 et 5 sont menées individuellement.
La production attendue en 1 peut donner lieu à une lecture enregistrée.
Les activités 3 et 4 sont menées en petits groupes.
Si elle est possible, une classe virtuelle est utile pour confronter les reformulations attendues en 5.

1- « Le cygne »

  • Lisez ou relisez « Le cygne » : quel quartier de la ville de Paris le poète évoque-t-il ? Quelle impression dominante se dégage-t-elle ?
  • « Paris change ! », écrit le poète.
    Les semaines qui viennent de passer ont peut-être changé votre ville, votre quartier, vos environs… Sortez vous promener quelques instants puis rédigez un court texte qui commencera par « mon quartier/ma ville/XXX change »… Quelle(s) impression(s) souhaitez-vous transmettre à vos lecteurs ?

2- « Le vieux Paris n’est plus »

« Le vieux Paris n’est plus » écrit le poète au vers 7 du Cygne : Baudelaire connait les travaux engagés par le Baron Haussmann pour « moderniser » la ville de Paris.
Relisez le poème : comment le poète accueille-t-il le nouveau Paris ? Que peut représenter le cygne évoqué ?

3- Le peuple de Paris

Le Paris de Baudelaire est peuplé d’étranges créatures.

  • Partagez-vous les poèmes qui composent les « Tableaux parisiens » et relevez les personnages et figures qui apparaissent.
  • Qu’ont-elles en commun ?
  • Est-il habituel de les rencontrer dans un poème ?

4- Pour comprendre

  • Écoutez l’analyse d’Olivia Gesbert, dans l’émission Écoutez, révisez ! : « Baudelaire, une esthétique de la ville ». – [15 :10 – 19 :40].
  • Reformulez-en les points principaux ; faites apparaître les mots clé. Interrogez votre professeur pour éclairer les points que vous ne comprenez pas.
POUR APPROFONDIR
Plusieurs poèmes des « Tableaux parisiens » sont dédiés à Victor Hugo. Olivia Gesbert évoque la compassion que partage le poète des Fleurs du mal avec son ainé.
Si certains camarades d’autres classes ont étudié cette année Les Contemplations également au programme, choisissez pour chaque poète un poème caractéristique de cette compassion.
Préparez une lecture expressive de ces poèmes.

5- Pour synthétiser l’ensemble

Reprenez le vers cité en introduction à cette partie

Tu m’as donné ta boue, et j’en ai fait de l’or.

  • Indiquez en quoi votre lecture en éclaire la signification.
  • Insistez sur ce qui peut relever de la « boue » et ce qui peut relever de l’« or ».

Parcours 4 - Une œuvre déconfinée … l’alchimiste transmuté

Si Les Fleurs du mal ont fait scandale à leur parution, le recueil a rapidement été considéré comme un chef d’œuvre et Baudelaire comme un maître à saluer.

Modalités de mise en œuvre
Les activités 1 et 2 se font individuellement ou à deux.
L’activité 3 est individuelle.
Le pad permet d’éditer les productions attendues.

Voici deux exemples d’hommage.

L’hommage de Tristan Corbière

En 1873, Tristan Corbière publie un recueil poétique intitulé Les Amours jaunes, qui compte sept sections comme Les Fleurs du mal, une section éponyme – les deux expressions désignent en effet le titre des recueils mais aussi le titre d’une section de chaque recueil – et qui se clôt, comme le recueil baudelairien, par des poèmes qui évoquent la mort.

Lisez le poème suivant :

« Bonne fortune et fortune »
Moi, je fais mon trottoir, quand la nature est belle,
Pour la passante qui, d’un petit air vainqueur,
Voudra bien crocheter , du bout de son ombrelle,
Un clin de ma prunelle ou la peau de mon cœur…

Et je me crois content – pas trop ! – mais il faut vivre :
Pour promener un peu sa faim, le gueux s’enivre…

Un beau jour – quel métier ! – je faisais comme ça,
Ma croisière. – Métier !... – Enfin, Elle passa
– Elle qui ? – La Passante ! Elle, avec son ombrelle !
Vrai valet de bourreau, je la frôlai… - mais Elle

Me regarda tout bas, souriant en dessous,
Et… me tendit sa main, et…
M’ a donné deux sous.
(Rue des Martyrs [3])

Questions
À quel poème de Baudelaire Corbière fait-il allusion ?
Comment qualifierez-vous l’hommage qu’il rend à son aîné ?
Demandez à votre professeur de vous aider à préciser votre réponse.

L’hommage de Camille Goemans

Au XXème siècle, le poète surréaliste belge, Camille Goemans, rend hommage au poète en collant dans un poème quatorze vers écrits par Baudelaire :

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Sous un climat de flamme ou sous un soleil blanc,
En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l’espace affreux et captivant…

Dans les plis sinueux des vieilles capitales
Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamant,
Chambre d’éternel deuil où vibrent de vieux râles,
Voici le soir charmant, ami du criminel.

Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres,
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain,
Allume ta prunelle à la flamme des lustres !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Ô fureur des cœurs murs par l’amour ulcérés,
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !

  • Identifiez pour chaque vers le poème dont il est extrait. Vous pouvez vous aider d’un moteur de recherche.
  • Puis préparez une lecture chorale des quatorze poèmes ainsi retrouvés.
POUR APPROFONDIR
Le poète Mallarmé a également rendu hommage à Baudelaire dans un sonnet intitulé « Le Tombeau de Charles Baudelaire » que vous pouvez consulter à l’adresse suivante :
http://www.poetes.com/mallarme/baudelaire.htm
  • Avant de lire, cherchez les différents sens du mot « tombeau ».
  • Après votre lecture, notez dans votre carnet de lecture vos réactions, vos interrogations.

Mallarmé, Corbière, Goemans… trois hommages différents… auquel êtes-vous le plus sensible ?

À votre tour, devenez alchimiste !

Imaginez un poème « hommage » à Baudelaire et aux Fleurs du mal.
En prose ou en vers, votre poème pourra procéder par allusion explicite, comme Corbière, ou par collage de citations, comme Goemans.

Notes

[1Cette citation et celles qui suivent sont extraites de l’article de Georges CESBRON, « 1857, deux procès en littérature », in Les dossiers de l’Ecole des Lettres, 2011.

[3À cette époque, rue parisienne considérée comme un haut lieu de la prostitution.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)