Présentation du projet
Objet d’étude & parcours la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle (livres VII à XI) / Imagination et pensée au XVIIe siècle
Classe : première générale
Durée : 4 séances
Objectifs :
Lecture et analyse d’un article scientifique en lien avec l’OI.
Maîtrise de l’OI : élaboration d’une réflexion à partir d’un corpus.
Langue : articulation des connaissances grammaticales et de l’analyse de texte.
Oral : dans le cadre d’une récitation, percevoir et exploiter les ressources expressives de la parole
Écoute active d’une émission radiophonique / utiliser les ressources du numérique
Histoire des idées : mise en perspective de la culture humaniste en montrant l’actualité d’une question éthique
Ouverture de la culture littéraire aux différents champs du savoir et sur la société.
Écrit argumentatif d’appropriation : rédaction d’un discours (réquisitoire) avec mise en voix.
Mise en œuvre
Étape 1 - L’« animal pervers »
En amont : lecture de l’extrait d’un article d’analyse littéraire
Modalités
Distanciel, en autonomie ;
Article proposé à la lecture
« Un Fabuliste, dans l’antre du roi lion - Jean de La Fontaine peintre de la cour de Louis XIV », Patrick Dandrey
À lire sur Odysseum
Ce paragraphe vient conclure une analyse de la fable qui ouvre le second recueil, Les Animaux malades de la peste (VII, 1)
Une approche anthropologique [1], si l’on peut dire, pourrait même y déceler une mise en cause de la conduite universellement « bestiale » des sociétés humaines, ou simplement de l’espèce humaine : tandis que la pensée dominante oppose l’animal et l’homme comme la nature et la société, l’instinct et la conscience, la barbarie et le droit, la première fable du Livre VII paraît nier que l’état social empêche l’homme d’être pour l’homme autre chose qu’un loup ; la raison du plus fort, du pire prédateur, est à tout jamais la meilleure. Dans cette optique, la leçon de la fable formerait un duo avec celle de « L’Homme et la Couleuvre ». Cet apologue qui introduit le livre X reproduit dans la sphère inférieure d’une ruralité de convention [2] le procès inique [3] du faible par le fort, en procédant lui aussi au passage en revue des espèces. Le Serpent, la Vache, le Bœuf et l’Arbre même (!) y sont appelés à la barre pour plaider la cause des bêtes contre la méchanceté et l’ingratitude de l’homme, prédateur suprême. La conclusion fatale à la Couleuvre rejoint celle des « Animaux malades de la peste », qui blâme la mauvaise foi et la tyrannie des puissants en obligeant les humbles à « parler de loin ou bien se taire » : c’est la légitimation du choix du bestiaire pour instruire à la faveur de cette médiation [4] plaisante le procès de l’ordre établi auquel se livrent souvent les Fables.
Les élèves répondent aux questions suivantes :
- Quel paradoxe relatif aux rapports entre l’homme et l’animal cette analyse formule-t-elle ?
- Pourquoi, selon vous, « le choix du bestiaire » s’imposait-il à La Fontaine dans le cas de la fable des Animaux malades de la peste ? Était-ce seulement une « médiation plaisante » ?
- Comment peut-on articuler le dernier vers de la fable L’Homme et la couleuvre « Parler de loin ou bien se taire » avec le choix du masque animal propre au genre de la fable ? Trouvez d’autres fables du second recueil qui pourrait également justifier cette morale.
- La fable L’Homme et la Couleuvre adopte la forme du procès : en quoi est-il « inique » ? Relevez les différents protagonistes du jugement en précisant leur rôle.
- Dans la même fable, en quoi finalement le procès décrit dans le récit sert-il « le procès de l’ordre établi auquel se livrent souvent les fables ? » De qui, de quoi La Fontaine se fait-il l’accusateur ? Comment ? Quelle progression peut-on déceler entre le récit et la morale ?
Correction de l’étude de l’extrait de l’article de P. Dandrey
Modalités
Présentiel ou à distance, en classe virtuelle.
Objectifs
- Revoir avec les élèves les différentes virtualités didactiques, allégoriques et ludiques du masque animal.
- À partir des deux fables évoquées dans l’article et de celles proposées par les élèves (cf. question 3), mise en évidence du statut complexe des rapports entre l’Homme et l’animal.
Bilan
Les analyses menées en cours feront l’objet d’une synthèse sur l’ENT (élève + relecture du professeur).
Prolongements possibles
- Lecture du Loup et l’Agneau I, 8 - Référence implicite de l’article de Patrick Dandrey.
- Citation de Hobbes De Cive, « homo homini lupus » 1642 - Point de réflexion : Hobbes évoque ici la cruauté des hommes les uns envers les autres à l’état sauvage, sans organisation politique.
- Lecture commentée d’un extrait des Caractères de La Bruyère 1688 - « Des Jugements », 119 : argumentation directe, tonalité polémique, à comparer avec la stratégie plurielle des fables de La Fontaine.
Étape 2 - La fable comme théâtre de paroles
Le travail est mené en distanciel et en présentiel, en alternance.
La fable comme théâtre de paroles : parler avant de se taire.
Préparation de la mise en voix chorale
Modalités
La séance est conduite en présentiel ou à distance, en classe virtuelle.
Objectif
- Préparer la mise en voix chorale de la fable L’Homme et la Couleuvre :
– répartition des rôles,
– points de versification (e muets, diérèses etc ),
– effets rythmiques propres à l’hétérométrie. - Étude de la langue :
– La délimitation des différents discours sera l’occasion de réactiver les connaissances des élèves sur un point de langue, les différents types de discours rapportés (DD, DI, DIL).
– Le repérage des différentes voix énonciatives permettra une révision des valeurs du présent dans la fable. On pratiquera ainsi l’articulation de la grammaire et de l’analyse de texte.
Supports complémentaires
Pour un exemple de lecture expressive, on pourra proposer de visionner la lecture de la fable par Fabrice Luchini :
– Impromptu dans la loge
– Fabrice Luchini raconte ses Fables de La Fontaine, pour l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut, le 08/01/2011 : écouter en ligne.
Récitation de la fable : 3’37-7’51
Commentaire par A. Finkielkraut : 17’02-21’00
Mise en place de la récitation chorale de la fable
Modalités
Le travail se fait en distanciel, en autonomie, par groupe.
Objectifs
Pour la récitation chorale, les élèves ont le choix entre :
- une récitation en présentiel
Dans le cas de la récitation en présentiel, on invitera les élèves à une préparation d’une scénographie minimale. - un enregistrement [5]
Dans le cas d’un fichier audio, les élèves pourront faire le choix d’un accompagnement musical ou de bruitages.
Selon le temps accordé à la préparation de cette activité, le volontariat des élèves et les temps de classe en présentiel, on peut imaginer une mémorisation de la fable.
Prestation orale
Selon les modalités retenues,
- les fichiers audio sont diffusés (mis en ligne sur l’ENT par exemple),
- les groupes proposent leur mise en voix scénarisée en direct devant leurs camarades.
Prolongement possible
Supports
Projection d’un extrait du spectacle monté à la Comédie Française dans une mise en scène de Robert Wilson en 2007 (49’39 à 59’23) [6].
En complément : le programme du spectacle à la Comédie Française.
Objectifs
- Commenter l’articulation complexe des discours et la théâtralité de la fable.
- Discuter notamment du choix de la répartition des rôles avec la distinction narrateur (une grenouille, absente de la fable) / fabuliste.
Étape 3 - « C’est de l’homme qu’il faut se plaindre seulement »
Préparation en amont
Modalités
En amont, le travail se fait à distance, en autonomie.
Il peut être envisagé en groupes.
TRAVAIL 1 - Lire trois fables
Corpus
La Perdrix et les coqs X, 7
Le loup et les bergers X, 5
Le chien à qui on a coupé les oreilles X, 8
Questions
- Dans ces trois fables, relevez les points de convergence avec l’Homme et la couleuvre, en ce qui concerne la thématique de la cruauté humaine.
- Comparez la fin de La perdrix et les coqs avec celle la fable d’Ésope, Le Coq et la Perdrix « Cette fable montre que les hommes sensés supportent facilement les outrages de leurs voisins, quand ils voient que ceux-ci n’épargnent même pas leurs parents. » (trad. Emile Chambry ed. Les Belles Lettres). Commentez les écarts de La Fontaine avec son modèle.
TRAVAIL 2 - Écouter la chronique « Retour de la vie sauvage »
Support
On propose aux élèves l’écoute du podcast d’une chronique diffusée sur France Culture : La Transition (Les Matins de France Culture 02-04-2020), « Retour de la vie sauvage » 3 mn.
Questions
- Qu’est-ce que la résilience ?
- Que signifie l’expression utilisée par le journaliste « franchir un dangereux Rubicon » ?
- En quoi le pamphlet (définition à vérifier) évoqué en fin de chronique (L’humanité disparaîtra, bon débarras !) paraît-il soutenir une position radicale ?
Mise en commun
Modalités
La séance est conduite en présentiel ou à distance, en classe virtuelle.
Activité
On procède à la mise en commun des éléments de réflexion qui ont été préparés en amont.
À propos de l’hypotexte ésopique, on peut évoquer la position modérée de La Fontaine dans la querelle des Anciens et des Modernes :
Épitre à Huet
... me laissant guider,
Souvent à marcher seul j’ose me hasarder.
On me verra toujours pratiquer cet usage
Mon imitation n’est point un esclavage.
Prolongements possibles
- Lecture de la fable d’ouverture du livre XII (hors programme)
Les compagnons d’Ulysse
Confrontation entre la leçon implicite du récit et la morale explicite : double lecture à discuter. - Discussion d’un problème éthique à partir de la fable
Le chien à qui on a coupé les oreilles X, 8
Quelle position le fabuliste semble-t-il adopter par rapport à la mutilation animale ?
Étape 4 - L’Homme en procès
Modalités
Travail en distanciel.
Lecture d’un extrait du conte philosophique de Cyrano de Bergerac
Histoire comique contenant les Etats et Empires de la Lune et du Soleil, 1657-1662
Cyrano de Bergerac raconte les aventures extraterrestres d’un homme, Dyrcona, et son voyage dans d’« autres mondes ». Sur le Soleil, il découvre une république gouvernée par des oiseaux civilisés qui le jugent en tant qu’homme, leur ennemi juré. Après avoir été défendu par une pie, le voilà accusé par une perdrix nommée Guillemette la Charnue qui, ayant été blessée par la balle d’un chasseur, demande réparation « à l’encontre du genre humain » devant un tribunal.
Plaidoyer fait au Parlement des oiseaux, les Chambres assemblées, contre un animal accusé d’être homme.
« Examinons donc, messieurs, les difficultés de ce procès avec toute la contention [7] de laquelle nos divins esprits sont capables.Le nœud de l’affaire consiste à savoir si cet animal est homme et puis, en cas que nous avérions qu’il le soit, si pour cela il mérite la mort.
(…)
Je pense, messieurs, qu’on n’a jamais révoqué en doute que toutes les créatures sont produites par notre commune mère [8], pour vivre en société. Or, si je prouve que l’homme semble n’être né que pour la rompre, ne prouverai-je pas qu’en allant contre la fin [9] de sa création, il mérite que la nature se repente de son ouvrage ?
La première et la plus fondamentale loi pour la manutention [10] d’une république, c’est l’égalité ; mais l’homme ne la saurait endurer éternellement : il se rue sur nous pour nous manger ; il se fait accroire que nous n’avons été faits que pour lui ; il prend, pour argument de sa supériorité prétendue, la barbarie avec laquelle il nous massacre, et le peu de résistance qu’il trouve à forcer notre faiblesse, et ne veut pas cependant avouer à ses maîtres [11], les aigles, les condors, et les griffons, par qui les plus robustes d’entre eux sont surmontés.
Mais pourquoi cette grandeur et disposition de membres marquerait-elle diversité d’espèce, puisque entre eux-mêmes il se rencontre des nains et des géants ?
Encore est-ce un droit imaginaire que cet empire dont ils se flattent ; ils sont au contraire si enclins à la servitude, que de peur de manquer à servir, ils se vendent les uns aux autres leur liberté. C’est ainsi que les jeunes sont esclaves des vieux, les pauvres des riches, les paysans des gentilshommes, les princes des monarques, et les monarques mêmes des lois qu’ils ont établies. Mais avec tout cela ces pauvres serfs ont si peur de manquer de maîtres, que comme s’ils appréhendaient que la liberté ne leur vînt de quelque endroit non attendu, ils se forgent des dieux de toutes parts, dans l’eau, dans l’air, dans le feu, sous la terre.
Savinien de Cyrano de Bergerac, États et Empires du Soleil, 1662.
Écrit d’appropriation : Le réquisitoire du pangolin
Sujet
Sur le modèle du discours de la perdrix, imaginez le réquisitoire que le pangolin, animal faisant l’objet de nos jours d’un vaste trafic international, pourrait formuler à l’encontre de l’Homme.
Détail (le pangolin) d’une planche extraite de L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Ressources
On pourra proposer aux élèves comme ressources deux articles du Monde (accessibles via « Europresse » sur l’ENT) :
- « Le pangolin tient-il sa revanche avec le nouveau coronavirus ? »
- Arrêter de maltraiter les animaux et les écosystèmes est aussi un impératif de santé humaine
On pourra également inviter les élèves à réécouter la mise en voix que Luchini propose de la fable L’Homme et la Couleuvre et le commentaire qu’en fait Alain Finkielkraut [12] de façon à ce qu’ils s’en nourrissent, dans la perspective de l’élaboration du « Réquisitoire du Pangolin ».
Projet final
- Après échanges entre élèves et enseignant (relecture/réécriture), la lecture du réquisitoire sera enregistrée et déposée sur l’ENT ( plateforme collaborative).
- Les élèves éliront le discours qui leur semble le plus légitime et le plus percutant (éléments de justification à fournir).
Bilan
Le bilan de l’exercice pourra faire l’objet d’une synthèse sur les caractéristiques de l’éloquence judiciaire / épidictique (blâme).
Proposition d’activités complémentaires
Elles seront à adaptées selon les profils et intérêts des élèves :
> Enseignement de spécialité HLP : « Les représentations du monde » / « L’Homme et l’animal »
> Enseignement de spécialité SVT : « Enjeux contemporains de la planète »
Recherches sur l’éthologie / la notion de « bien être » animal / le droit animal
- Voir Podcast de l’émission scientifique La tête au carré diffusée sur France Inter le 01-11-2016 « Les révolutions animales » (15’ à 27’)
- Voir le site de l’EnvA (École nationale vétérinaire d’Alfort) : « Recherche bien-être animal »