Apport potentiel des neurosciences à la pédagogie

, par Lauriane VAREILLE

En prolongement de la conférence Neurosciences en éducation, ce que la science peut apporter au monde éducatif proposée à l’occasion du salon EDUCATEC EDUCATICE des 21,22 & 23 novembre 2018, cet article en propose un compte-rendu et offre des pistes de réflexion sur l’apport potentiel des neurosciences à la pédagogie.

INTRODUCTION

Le salon EDUCATEC EDUCATICE permet de favoriser les échanges entre différents acteurs clés : on peut y rencontrer des prestataires, découvrir des produits nouveaux, mais aussi partager les retours d’expériences ou encore approfondir ses connaissances sur un sujet.

Deux univers sont proposés aux visiteurs.

  • D’un côté, l’univers EDUCATEC présente les avancées scientifiques pures et les instruments de spécialisations utiles au monde de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation technologique. Nous pouvions par exemple, en se rapprochant du pôle des sciences et des technologies, découvrir des squelettes et modèles anatomiques robotisés .
  • De l’autre, l’univers EDUCATICE s’inscrit davantage dans la logique de l’enseignement du premier et du second degrés. Il était notamment possible de tester des innovations pour la classe, qu’elles soient matérielles ou encore pédagogiques.
    La programmation des conférences et ateliers de l’univers EDUCATICE demandait une sélection préalable de la part des visiteurs. La visite du salon pourrait, à l’avenir, être envisagée en équipe dans une logique d’efficacité et rendre compte par la suite des conférences suivies sous la forme d’un écrit collaboratif.
Programmation

Nous avons fait le choix de nous concentrer sur la conférence consacrée aux neurosciences , parce que, de notre point de vue, c’est la plus belle pépite que nous avons emportée dans notre besace en quittant le salon.

Qu’est-ce que la science peut apporter au monde éducatif ?

Telle est la question initialement posée lors de cette conférence : Qu’est-ce que la science peut apporter au monde éducatif ? Dans quelle mesure ?

Conférence n°1 : neurosciences en éducation

Bases définitionnelles

Irène Altarelli, chercheuse au Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Education de l’Enfant de Grégoire Borst, Paris Descartes, CPSC, débute la conférence en posant des bases définitionnelles :
« Les neurosciences cognitives s’intéressent à l’étude du cerveau et à la façon dont on comprend, dont on apprend (…) »
Selon I. Altarelli, l’étude du cerveau nous donne des informations supplémentaires, mais les résultats les plus pertinents sont ceux de la psychologie expérimentale qui livrent des informations pour le travail à l’école.

Réception des sciences cognitives

J-L. Berthier, enseignant et coordinateur du projet « Prim’ à Bord – Le portail du numérique pour le 1er degré », souligne les possibilités conjointes que les sciences cognitives et les sciences de l’éducation sont capables de proposer.
Sur le terrain, il semble qu’il y ait plus d’enthousiasme que de craintes concernant l’apport des sciences cognitives au monde de l’éducation.
Cet intérêt croissant se perçoit également à travers les possibilités de formations, notamment le Master Spécialisé de l’ENS en sciences cognitives.

Apport des sciences cognitive

L’apport potentiel des sciences cognitives à la pédagogie est indéniable.
En faisant le détour par les sciences cognitives, l’enseignant est conduit à repenser sa pratique.
Il ressort de la conférence que sont ainsi mis en question trois thèmes essentiels :

  • la manière dont les élèves se sentent dans la classe,
  • la notion de performance dans les apprentissages,
  • le concept même d’apprentissage et de sa représentation du côté des élèves.
    En définitive, l’enjeu semble d’abord de conscientiser l’acte d’apprendre. 

L’association « Apprendre et former avec les sciences cognitives »

Qui est-elle ?

En synthétisant les informations recueillies sur le site internet , nous apprenons que l’association « Apprendre et former avec les sciences cognitives » est née en 2011 à l’initiative de J-L Berthier, ancien responsable de la formation des personnels de direction à l’Ecole Supérieure de l’Education Nationale (ESEN ESR). L’équipe constituée regroupe des profils variés tous porteurs d’une solide formation en sciences cognitives. L’association travaille avec les laboratoires universitaires (LaPsyDé, Grene, plateforme LEA.fr pour le premier degré) et l’Inspection Générale de l’EN notamment. L’association fonde ses formations sur des règles éthiques exigeantes et met en lumière la convergence de quatre courants réunissant les acteurs nommés précédemment : un socle de connaissances sur le cerveau humain, un souhait très fort des acteurs de l’éducation, un système soumis à d’importants dysfonctionnements et le levier du numérique. 

Que fait-elle ?

D’abord, l’association s’appuie sur un socle de connaissances sur le cerveau validé par la communauté scientifique.
Elle répond à un souhait très fort des acteurs de l’éducation qui désirent adapter leur pratique et s’intéresser au fonctionnement du cerveau des apprenants.
Ensuite, elle affirme sa volonté de réduire la fracture sociale et d’améliorer le rapport de l’élève à l’école. Elle revendique, par son action, d’avoir un effet de loupe plus pertinent sur ce que l’élève doit apprendre pour envisager son intégration dans la société de demain.
Enfin, l’association conçoit le numérique comme un véritable levier à différentes échelles : dans la dynamique de différenciation, d’implication de gestion des mémoires comme dans les phases de tests.

Synthèse de la présentation de J-L Berthier [1] : les neurosciences et la conception de la métacognition

Jean-Luc Berthier

Zoom sur les neurosciences

J-L Berthier expose la vision de l’association : les sciences cognitives regroupent un large champ disciplinaire au sein duquel les neurosciences se distinguent par leur rapport à l’apprentissage.
L’association se concentre singulièrement sur les trois notions suivantes :

  • la définition même du terme « apprentissage »,
  • la sélection des informations à apprendre,
  • les façons d’apprendre.

Le rôle de l’enseignant

Ces trois notions primordiales pointent le rôle de l’enseignant et l’importance de l’individualité de chaque élève au sein du processus d’apprentissage.

  • Du côté des élèves, il s’agit de valoriser leurs propres savoir-faire, de leur donner des clefs et de les inscrire dans un système d’apprentissage conscient.
  • Du côté de l’enseignant, cela passe d’abord par une explicitation des objectifs à atteindre et des typologies de tâches à effectuer
    car le processus de compréhension est lié au processus de mémorisation.

L’enseignant doit également accorder de l’importance au processus de l’attention.
Il s’agit de :

  • définir le terme même d’attention,
  • montrer aux élèves le rôle de l’attention,
  • de mettre en oeuvre des dispositifs pour aider les élèves à développer leurs capacités d’attention.

Pour aller plus loin : s’informer et se former

L’association « Apprendre et former avec les sciences cognitives » se fait le relais entre la recherche sur les neurosciences et la mise en pratique dans les classes. Elle propose aux professeurs :

  • des modules de formation
    On trouvera sur le site de l’association différents parcours de formation en neuroéducation autour de 6 thèmes clefs : l’attention, la compréhension, l’implication, la mémorisation, la métacognition et la neuroéducation.
  • une base de données
    Le lien renvoie à la page d’accuel ; les ressources sont réparties sous les divers onglets.
    L’association recense et donne accès à des documents sélectionnées , commentés et classés autour des sciences cognitives : compte-rendus de colloques, visuels de conférences ou présentations de livres. Les travaux s’appuient notamment sur les recherches de Stanislas Dehaene, titulaire de la chaire de psychologie cognitive au Collège de France.

Les projets « Cogni’classe »

Une « Cogni’classe » est un projet pédagogique mené par :

  • l’enseignant d’une classe, dans le premier degré ;
  • un à trois enseignants de la même classe, dans le second degré.
    Dans ce contexte, les thématiques fondamentales que l’on peut travailler sont : la mémorisation, la compréhension, l’attention, l’implication active, l’évaluation ou encore l’éveil des élèves eux-mêmes à leur cognition [2].

Ce travail en équipe met en place plusieurs modalités issues des pistes d’application des sciences cognitives et des pistes concernant l’apprentissage, explicitées par l’association.
L’équipe pédagogique doit donc, en amont :

  • fixer les objectifs du projet qui doivent concerner l’ensemble de la classe
  • proposer une mise en œuvre pensée avec des outils numériques pertinents.

Tout au long du projet, différents acteurs se retrouvent pour échanger, se former ou transmettre leurs retours d’expériences. La plateforme m@gistère est le lieu privilégié de cet échange entre les enseignants et l’équipe de l’association, les membres de la DANE, les référents numériques, les responsables pédagogiques.
Les enseignants peuvent également se connecter directement sur l’interface du site de l’association pour communiquer sur le thème choisi.

Nous vous invitons à consulter le site de l’association pour vous renseigner plus avant.
De nombreux projets « Cogni’classe » sont consultables sur internet sur :

La thématique de la mémorisation

Lors de la conférence, J-L Berthier a souhaité mettre en lumière la thématique clef de la mémorisation. Les enseignants comme les chercheurs sont particulièrement désireux de mieux comprendre le travail de transfert immanent à la mémoire.

Les stratégies de mémorisations sont souvent différentes de celles que l’on imagine. « Si les neurosciences ont des limites, ce sont les neuromythes » selon Irène Altarelli. La pratique enseignante semble avoir un rôle déterminant dans la construction de ces stratégies chez les élèves ; l’enseignant ne doit pas fonder sa pédagogie sur ce qui fonctionne pour lui, mais bien ouvrir le champ des possibles à d’autres savoir-faire.

J-L Berthier donne l’exemple de l’expérimentation menée en primaire, expérimentation qu’il souhaite poursuivre dans le secondaire.
Il s’agit de travailler à la mémorisation durable des informations et de trouver des pratiques permettant d’actualiser comme de reconvoquer ces informations sur le long terme. Selon J-L Berthier, une stratégie pourrait consister à mettre en œuvre un enseignement de type spiralaire : un professeur traite d’un chapitre et invite ses élèves à le reprendre 4 ou 5 fois dans l’année grâce à des fiches de mémorisation. Ce système simple permettrait de bien ancrer les connaissances.
L’utilisation de l’outil numérique et notamment d’applications favorisant la mémorisation peut s’intégrer à ces expérimentations pédagogiques : on donnera pour exemple Ankiweb - la version libre du logiciel anki qui permet un apprentissage en ligne par cartes flash - ou les outils h5p qui peuvent être intégrés dans la plateforme d’e-éducation Eléa ou encore dans les ENT [oze, moncollege.net, monlycee.net] [4]. Ces deux applications présentent un potentiel pédagogique singulier. En effet, Ankiweb permet à l’élève de gagner en autonomie dans le processus d’apprentissage en proposant « la révision active » et « le système de répétitions espacées ». L’utilisation de ce logiciel peut constituer un rituel en classe comme à la maison. Il est aussi représentatif du système de différenciation proposé par l’enseignant. Enfin, h5p est un logiciel permettant de créer des activités pratiques pour la classe ou encore des accompagnements différés pour l’aide aux devoirs à la maison. Ce logiciel permet au professeur d’envisager des modules interactifs pouvant prendre diverses formes (QCM, schémas à compléter, vidéos ou images interactives…). H5p reconnaît la place de l’apprenant et lui permet de devenir acteur de ses apprentissages en lui laissant notamment le choix du degré d’aide nécessaire à la rédaction d’un devoir par exemple. Ce logiciel rend possible la constitution de paliers d’apprentissages et met en évidence une dynamique positive qui pointe progressivement du doigt l’avancée de chaque élève.

J-L Berthier insiste sur la nécessité d’expérimentations sur le terrain. Les enseignants participant à un tel projet ont aussi pour rôle de faire remonter les informations relatives aux expérimentations menées afin d’affiner les pratiques et de proposer des protocoles possiblement réutilisables et adaptables [5].

CONCLUSION

Il ressort de cette conférence que les sciences cognitives sont compatibles avec la pensée pédagogique et qu’elles encouragent une vision bienveillante et renseignée de l’accompagnement de nos élèves. Il appartient à chacun de faire intervenir les neurosciences sans systématisme afin d’en faire une réponse adaptée aux besoins des élèves sur le terrain. Finalement, la question des bons ou mauvais usages des neurosciences dans les classes relance le besoin des enseignants de se former dans une logique de perfectionnement de leur pratique.

Une pédagogie qui pense les neurosciences avec les élèves doit être renseignée et encadrée, mais surtout pensée en amont à travers les pistes offertes par l’association « Apprendre et former avec les sciences cognitives ». En effet, du côté des enseignants, J-L Berthier prône l’expérimentation pédagogique, des pratiques telles que le co-enseignement, l’utilisation de l’outil numérique ou encore des gestes mettant en exergue la motivation donnée aux élèves pour devenir complices de leurs apprentissages.

Pour aller plus loin

  • Sur le site Prim’ abord - le portail du numérique pour le premier degré - Qu’est-ce que les neurosciences cognitives ?
  • Parcours en autoformation du réseau Canopé proposé sur m@gistère : Découvrir le cerveau à l’école : les sciences cognitives au service des apprentissages - Autoformation
Présentation du parcours m@gistère
  • Se former aux sciences cognitives - Webinaire dans le cadre des Jeudis de la recherche - Enregistrement consultable en ligne.
  • REPORTAGE. Cogni’classe : quand les sciences cognitives entrent à l’école
    Par Joël Ignasse - Sciences & Avenir - Publié le 30.05.2018 à 20h00
  • Sur le site de la Fédération pour la Rechercher sur le Cerveau [FRC] :
    À la découverte du cerveau

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