Propositions autour de la femme au théâtre en classe de 2nde

, par LEGANGNEUX Patricia, collège Jean-Jaurès, Levallois-Perret, PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie

Ces propositions sont extraites d’un article de Patricia Legangneux consacré à l’analyse consacré à l’étude du théâtre en classe de seconde : Propositions pour l’étude du théâtre en classe de seconde . Nous mettons ici en avant les propositions qui s’appuient sur des variations autour d’une figure féminine, qu’il s’agisse d’un type (la coquette), d’une situation (l’infidélité) ou d’un mythe (Iphigénie, Antigone, Andromaque).

Le personnage féminin et le genre de la comédie

Réflexion sur la condition féminine au théâtre

La condition féminine à travers L’Ecole des femmes de Molière : la comédie comme procédé de critique des mœurs

Il s’agira ici de faire la part entre discours argumentatifs et procédés comiques, et d’essayer de comprendre comment la thèse est servie à la fois par le dialogue et par le jeu et la mise en scène.

L’étude s’appuiera sur la vidéo du spectacle de la Comédie Française avec Isabelle Adjani et Bernard Blier (1973). Le CNDP diffuse également une mise en scène de 1995 avec Galabru. L’analyse sera centrée l’évolution du personnage de la jeune fille ignorante. Il s’agira de montrer comment un personnage conventionnel de la comédie prend ici des aspects originaux pour illlustrer la thèse. Pour commencer, les élèves auront à lire l’intégralité de la pièce afin de déterminer toutes les actions d’Agnès qui permettent de faire avancer l’intrigue et de les comparer avec son temps de présence sur scène.

  • comparer la 1ère apparition d’Agnès (I, 3) et son récit enflammé et naïf de sa rencontre avec Horace (II,5) : la soumission et l’ardeur ; le sentiment de culpabilité avec le vol du ruban : quel jeu, quelles expressions du visage, quelles intonations ?
  • Les 2 rivaux : (III,4) Horace lit à Arnolphe la lettre d’Agnès. Le jeu du jaloux. Evolution du personnage d’Agnès toujours vue à travers le regard d’un homme : Intérêt d’utiliser un récit et une lettre qui ne sont pas des procédés visuels théâtraux ?
  • La révolte (V,4) : la jeune fille s’affirme. Face à elle, Arnolphe essaie de la dominer, puis de l’amadouer. Le ridicule du barbon amoureux. L’éducation amoureuse et son influence libératrice. Comparer le jeu d’Agnès dans cette scène avec son comportement dans l’acte II.
Evolution de cette réflexion sur la condition féminine et évolution du genre comique dont le discours devient plus nettement politique

A la suite de l’étude de L’Ecole des femmes , on peut proposer un cours groupement de textes montrant un autre aspect du discours de Molière concernant les femmes et l’évolution de cette réflexion dans le théâtre du XVIIIe. On se posera aussi la question de l’évolution des personnages et du genre comique dont le discours devient plus nettement politique :

  • Molière : Les Femmes savantes (1672) Deux discours antithétiques sur la vie des femmes ; l’affrontement d’Henriette et Armande en I, 1.
  • Marivaux : La Colonie (1750) Sur le modèle de L’Assemblée des femmes d’Aristophane, des femmes constituent un gouvernement. Dans la scène 9, Arthénice explique ce que sont les femmes et le piège que représente la séduction.
  • Beaumarchais : le Mariage de Figaro (1784) Marceline se justifie de sa conduite passée et accuse la société en III,16.

Quelques stéréotypes féminins liés au registre comique

Le registre comique joue sur des stéréotypes que les élèves ont souvent bien étudiés au collège : ils savent en général ce qu’est le comique de caractère, de situation ou de langage. Les groupements de textes que nous proposons ici serviront à prolonger ou à annoncer l’étude d’une œuvre intégrale. Ils permettront aussi de parcourir l’histoire du théâtre et de voir comment un même stéréotype évolue ou au contraire reste figé au fil du temps, ainsi que la thèse qu’il illustre.

Un personnage stéréotypé : la coquette

Le comique de caractère peut être étudié à travers différents types de personnages. Au collège, les élèves ont souvent étudié le bourgeois ridicule grâce au Bourgeois gentilhomme ou L’Avare. Le groupement de textes que nous proposons ici peut accompagner l’étude des Femmes savantes (comédie que l’on peut lire aussi bien en 3e qu’en 2e) ou de L’Ecole des femmes. Il peut aussi être mis en parallèle avec l’argumentation concernant la condition féminine. On repèrera dans chaque texte les informations récurrentes concernant le comportement des coquettes et ce qui fait le comique du dialogue : le point de vue de la servante (conflit de classe) ou la rivalité de deux femmes avec l’hypocrisie de la fausse amitié.

  • Molière : Le Misanthrope (III,4). Le portrait que tracent l’une de l’autre Arsinoé et Célimène (la prude et la coquette)
  • Marivaux : L’Ile des esclaves (scène 3) : portrait d’une coquette fait par sa servante.
  • Goldoni : La Manie de la villégiature (II, 12) : Deux coquettes, victimes de la mode
Une situation stéréotypée : le jaloux trompé

Le comique de situation que les élèves de collège connaissent le mieux est le quiproquo. Nous avons cherché ici un groupement de textes qui permette en début de 2e de faire le point sur les conditions propres au théâtre : un espace, des accessoires, des comédiens en jeu qui dialoguent devant un public (double énonciation). Ce groupement peut accompagner une lecture du Barbier de Séville, de L’Ecole des femmes, ou de L’illusion comique. Il doit surtout montrer comment la situation comique s’appuie toujours sur une utilisation complexe de l’espace ou d’objets qui peuvent trahir, ainsi que sur la double énonciation, puisque le public est complice des amants et en sait plus que le jaloux. La lecture de textes allant du XVIIe au XIXe siècle montre une absence d’évolution de cette situation : le trio amoureux fonctionne toujours de la même façon, quelle que soit l’époque.

  • Molière, Georges Dandin (III, 6) : jeu avec la porte de la maison : c’est d’abord Angélique qui est dehors, puis elle inverse la situation et Dandin se retrouve à la porte de chez lui.
  • Beaumarchais : Le Barbier de Séville, ( II, 15) : jeu avec une lettre
  • Beaumarchais : Le Mariage de Figaro ( II, 12,13) : Chérubin est caché dans le cabinet de la Comtesse. Comparaison avec la scène précédente : l’amant est devenu le mari jaloux.
  • Labiche : Le chapeau de paille d’Italie (V,9,10) : une femme, un amant, un mari et un chapeau.

II. Le personnage féminin et le genre de la tragédie

Le personnage féminin au théâtre et les mythes antiques

Il s’agira de se demander quel est l’intérêt de situer, même dans les tragédies du XXe siècle, l’action dans l’univers mythologique grec. La tragédie nécessite, au contraire de la comédie, une distance temporelle et culturelle.

Comparaison entre Antigone de Sophocle et Antigone d’Anouilh

Les élèves liront au préalable les deux tragédies et feront une fiche comparative portant sur l’intrigue, les personnages présents, les différences qu’ils perçoivent en première lecture dans l’attitude d’Antigone et Créon, ainsi que dans le langage utilisé.

  • Comparaison des dialogues entre Antigone et Ismène : mettre en évidence les enjeux différents de la tragédie. Chez Anouilh, Antigone se présente d’emblée comme la révoltée de la famille, alors que chez Sophocle, elle est dans une logique religieuse et familiale.
  • Les deux récits de l’arrestation d’Antigone : le geste d’Antigone, chez Anouilh, est réduit à celui d’une « petite bête », elle insiste sur sa « petite pelle. » Malgré le matériau mythique, Anouilh enracine son personnage dans la banalité.
  • Comparaison des deux scènes d’affrontement entre Antigone et Créon : chez Anouilh, Créon essaie de la persuader, alors que chez Sophocle, il est avant tout le chef de la cité. Anouilh place l’enjeu du dialogue autour de l’idée de bonheur, tandis que Sophocle argumente sur ce qui est juste.

En conclusion, il est important de noter la désacralisation du mythe chez Anouilh. Le tragique moderne est dans la résistance individuelle à l’autorité, et dans le refus d’un bonheur fait d’acceptation et de compromissions ; le tragique antique était l’affrontement de deux idées de la justice, et une réflexion sur le destin humain soumis à la volonté divine (interventions du chœur qu’Anouilh a pratiquement supprimées).

Iphigénie de Racine

Pour se faire une idée de la tragédie d’Euripide qui a servi de modèle à Racine, Iphigénie à Aulis, il est possible de voir le film réalisé en 1977 par Cacoyannis intitulé Iphigénie. Les élèves devront d’abord avoir fait une recherche sur l’ensemble du mythe des Atrides dans un dictionnaire de mythologie. Il existe une série de diapositives éditées par le CNDP sur le travail d’Ariane Mnouchkine concernant ce mythe et les tragédies grecques qui le racontent : « La tragédie grecque. Les Atrides au Théâtre du Soleil », Théâtre aujourd’hui, n°1. L’étude s’efforcera de montrer l’adaptation du mythe antique aux conventions de la tragédie classique( personnages et situations) et à la morale du XVIIe siècle (noblesse des sentiments, vertu, morale héroïque).

  • le dilemme tragique d’Agamemnon (I,3)
  • le personnage d’Eriphile inventé par Racine : la passion tragique vouée à l’échec et à la mort (II,1)
  • un héros au courage exemplaire : Achille (III,6)
  • une héroïne pathétique : Iphigénie face à son père (IV,4)
  • le conflit de l’honneur et de l’amour : Achille /Iphigénie (V,2)

2. Le personnage féminin et le registre tragique

Au XVIIe siècle, le mot « tragique » signifiait : « qui appartient à la tragédie », ou « ce qui est funeste ». Ce n’est qu’au XIXe siècle, qu’on commence à s’intéresser à l’essence du tragique. Pour les dramaturges du XVIIe siècle, le tragique est donc indissociable de ses effets spectaculaires. Leurs préoccupations consistaient à trouver la meilleure façon de construire une tragédie. Les catégories du « tragique » que nous définirons ici doivent donc être associées à une étude des moyens scéniques les mettant en œuvre.

Les effets pathétiques dans une tragédie : Lire Andromaque de Racine

Il est possible de faire un groupement de textes réunissant des portraits d’héroïnes tragiques pathétiques comme Bérénice, Junie, Iphigénie. Nous préférons nous attacher à une seule œuvre (que l’on peut étudier en 3e ou en 2e) afin de déterminer tous les éléments produisant des effets pathétiques : caractère, destin du personnage, situation (une victime innocente et impuissante livrée au bon vouloir d’un tyran). On étudiera aussi le langage pathétique : interrogations rhétoriques soulignant l’impasse, exclamations, vocabulaire hyperbolique. La comparaison ponctuelle avec des scènes de tragédies grecques permet de montrer l’évolution des conventions spectaculaires du pathétique.

  • Une situation pathétique : une mère à qui l’on propose un marché impossible (I,4)
  • Une rivale cruelle et prête à tout : Hermione (II,1)
  • La scène conventionnelle de supplication rejetée (III,7) que l’on peut mettre en parallèle avec une scène similaire par exemple dans Hécube d’Euripide où la supplication avait une valeur religieuse contraignante.
  • Le dilemme tragique : rôle de la confidente pour accentuer le pathétique (III,8)
  • Le dénouement inattendu : Racine sauve Andromaque et son fils, alors qu’Euripide dans Les Troyennes raconte l’exécution d’Astyanax. (comparer les 2 versions)

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