Écrire un « roman choral »

Projet et objectifs

Ce projet prend appui sur la volonté de rompre avec les travaux d’écriture habituels qui demandent à l’élève de répondre à un sujet précis, en vu d’une évaluation chiffrée. Cet atelier d’écriture inter-degrés (5 binômes de classes de CM2 et de 6ème) proposé par le CDDP et la DSDEN des Hauts-de-Seine et animé par un auteur, s’inscrivant dans la thématique « arts, territoire, culture », amène ainsi l’élève à écrire pour le plaisir d’écrire, d’échanger, de se savoir lu et publié.
Le projet a en effet conduit à la création d’un livre version papier et version numérique : www.cddp92.ac-versailles.fr/atelier/atelier.htm

Objectifs pédagogiques

 Lire et se documenter pour écrire : visiter le cadre spatial des chapitres du roman, lire les écrits des collégiens des autres communes afin de tenir compte des éléments inventés pour poursuivre le récit
 Développer l’imagination
 Réfléchir aux spécificités de l’écrit (écriture individuelle, collective)
 Favoriser la démarche de projet, le travail en équipe
 Favoriser la maîtrise de la langue
 Inscrire le numérique dans une démarche pédagogique, utiliser des outils innovants
 Développer la liaison CM2-6ème
 Découvrir le patrimoine culturel de sa commune par une sortie de classe et des communes de son département par la lecture finale de ce « roman choral »

Démarche et activités

- Calendrier  

Novembre-décembre : mise en place du projet
Janvier : mise en place de la correspondance numérique, définition de la trame d’écriture par l’écrivain, visite du lieu culturel (cadre spatial des chapitres à imaginer)
Février-avril : rencontre avec l’écrivain, écritures et réécritures des chapitres définis avec l’écrivain

- Communication  

La correspondance entre les dix classes et l’écrivain s’est fait au travers de l’ENT afin de suivre l’évolution des travaux des élèves et d’avoir accès aux différentes ressources pédagogiques et documentaires transmises par chacun des intervenants.

- Histoire  

Une élève du collège a disparu… Créons ce personnage ensemble, donnons-lui des caractéristiques, inventons-lui une histoire, une trajectoire… Chaque groupe inventera son propre personnage et la relation qu’il avait avec l’élève disparue dans un lieu culturel lié à la commune de l’établissement (exemples : sa meilleure amie, une amie d’enfance, ses frères et sœurs, le contrôleur du RER, le gardien d’un musée, un commerçant, un passant…)

- Etapes du projet

  1. Trame proposée par l’écrivain qui en concertation avec les enseignants et les élèves s’est développée.
  2. Sortie au Jardin Albert Kahn, lieu principal des chapitres rédigés par les élèves de Boulogne (Premier contact entre les élèves de CM2 et les élèves de 6ème) : visite, repérage de détails pouvant servir à l’intrigue, prises de photos…
  3. Rencontre avec l’auteur : constitution des groupes, choix des personnages de chaque groupe, lecture des textes des communes précédentes, début de la rédaction des chapitres en suivant les consignes de l’auteur et en tenant compte des textes des autres communes.
  4. Travail d’écriture et de réécriture au fil des semaines, tenant compte des remarques de l’auteur (Plusieurs rencontres avec les CM2 renforçant ainsi nos exigences communes CM2-6ème lors des passages à l’écrit de nos élèves respectifs, puis travail de reprise en classe en demi-groupe), puis saisie informatique de chaque texte.
  5. Travail final de relecture au CDDP de Boulogne, uniquement entre intervenants adultes afin de corriger les éventuelles incohérences du récit.

Organisation précise de l’atelier d’écriture

→ Les élèves se mettent par groupes de 2 à 4, selon leur nombre (afin d’obtenir entre 10 et 20 textes par binôme de classes)

→ Chaque groupe d’élèves se charge d’écrire le texte de l’un des personnages narrateurs.

→ Avant le début de l’atelier, l’écrivain fixe l’identité de chaque personnage narrateur, ainsi que le lieu où il a croisé l’héroïne. Nous obtenons une double indication personnage/lieu, type « la caissière du cinéma qui a croisé l’héroïne au cinéma Jean Vigo ».

→ L’écrivain définit également l’ordre des textes : ils suivent la trajectoire de l’héroïne et induisent sa progression.

→ Les élèves ont toute liberté pour donner une identité à leur personnage, définir sa personnalité, son apparence, sa façon de s’exprimer… Chaque personnage narrateur a une histoire personnelle, même si on ne fait que l’évoquer. La caissière du cinéma Jean Vigo peut ainsi, par exemple, raconter qu’elle a vendu un ticket à une fille seule qui lui a rappelé sa propre fille, évoquer leurs rapports conflictuels, dire qu’elle a eu une dure journée, etc. Si l’héroïne est centrale pour certains personnages (ses proches et ceux qui ont une vraie interaction avec elle), elle peut aussi n’être qu’une brève rencontre, voire une image fugitive, pour d’autres. Le livre sera aussi une galerie de portraits, même si le parcours de l’héroïne restera son fil rouge.

→ Il y a des personnages qui n’apparaissent qu’une fois (ceux qui croisent l’héroïne lors de son parcours sans la connaître) et des personnages récurrents (ses proches). Les personnages récurrents peuvent être traités par plusieurs groupes d’élèves, qui doivent donc lire ce qu’ont écrit leurs camarades avant d’écrire leurs textes. Les personnages récurrents ne doivent intervenir qu’une fois par atelier, pour que les élèves aient le temps de prendre connaissance de ce qui a été écrit précédemment.

→ La taille des textes peut être très variable : du fragment très court à des textes beaucoup plus narratifs, étoffés.

→ Les textes sont toujours commencés en atelier, en la présence de l’écrivain. Ils peuvent être éventuellement modifiés en cours de route en fonction de l’évolution de l’ensemble.

→ En marge de l’écriture des textes, les élèves sont amenés à se rendre sur le lieu culturel choisi (en sortie avec la classe si possible) et, éventuellement, sur d’autres lieux de la ville où ont pu se trouver leurs personnages. Ils doivent en ramener des « indices » : photographies, éventuellement mises en scène (par exemple, photographier une silhouette qui pourrait être l’héroïne), croquis, objets rapportés (tickets de bus, tickets de caisse, empreintes…), prise de notes, etc. Ces éléments servent ensuite à étoffer le récit et sont éventuellement utilisés pour l’illustration du livre.

- Indications d’écriture

→ Tous les textes sont écrits à la première personne : c’est le personnage narrateur qui parle.

→ Les élèves ont à réfléchir à la personnalité, à l’histoire de leur personnage, mais aussi à sa langue : selon son âge, son milieu social, son mode de vie, il faut lui trouver une manière de s’exprimer qui lui est propre. La richesse du texte global est aussi le kaléidoscope de ces différentes écritures.

→ Tous les textes sont écrits au présent et au passé composé : présent quand le personnage parle de lui, de ses habitudes, etc, passé composé quand il évoque sa rencontre avec l’héroïne (ex : « cette fille, je me souviens que je l’ai trouvée bizarre quand je l’ai vue monter dans le bus. Je dis ça parce que je suis plutôt habitué à voir les jeunes en groupe… »). Le ton est celui du témoignage : on fait comme si chaque personnage racontait à un tiers ce qu’il a perçu de l’héroïne.

→ Les lieux ont une grande importance : le lieu culturel choisi, mais aussi tous les autres lieux que les élèves connaissent et qui font l’identité de leur ville. Il est important d’ancrer l’histoire de chaque personnage dans des lieux réels et précis. Les élèves doivent être sensibles à ce qui les entoure pour pouvoir le restituer, notamment dans les descriptions, et l’utiliser dans la peinture qu’ils font de la vie quotidienne de chaque personnage.

- Exemples de chapitres rédigés collectivement

Bilans

Les nombreux échanges, de visu ou à distance, ont été riches et productifs et les objectifs ont été atteints, sûrement parce que les élèves se sont sentis responsables et principaux acteurs de ce projet collectif, cadré par les attentes oralisées d’un « écrivain en chair et en os » et par un calendrier strict annoncé dès le début afin que le roman soit publié à temps, c’est-à-dire avant la fin de l’année scolaire.
Au cours des séances d’écriture, l’implication et la motivation des élèves de CM2 et de 6ème ont permis des moments de partage productifs. Ainsi, par exemple, les notions de paragraphe, d’alinéa et de respect des temps verbaux sont devenues familières pour les élèves de CM2 et réactivées pour les élèves de 6ème.
De même, les plus timides au sein des groupes ont pu s’exprimer car le travail s’est construit en plusieurs temps : travail d’écriture individuel, puis confrontation des écrits au sein du groupe avant l’écriture commune. Les heures de demi-groupe et la présence d’une étudiante en EAP ont permis de réaliser ces différentes étapes de travail afin que chaque élève soit entendu et acteurs au sein du projet. Les nombreuses interventions enseignantes ont été nécessaires afin de cadrer les idées et les choix de chaque groupe ainsi que la saisie informatique des différents travaux pour l’envoi aux autres établissements du projet.
Tous les participants étaient également conscients que l’enseignant ne serait pas amené à évaluer par une note chiffrée le travail produit individuellement ou collectivement. L’appréciation qualitative des multiples lecteurs permettrait ainsi d’aboutir aux améliorations successives et naturelles des textes produits, sans être mal vécues et de permettre à l’élève de s’exprimer sans craindre la critique, le jugement ou la note.
Cependant, certains élèves ne se sont pas sentis suffisamment libres dans leur imagination et par moments, certains groupes ont été démotivés quand leurs idées ne pouvaient pas convenir car elles étaient incompatibles avec la trame imposée et les textes écrits précédemment par les autres établissements. Les élèves ont ainsi compris l’importance des contraintes d’un sujet à respecter pour pouvoir réaliser un travail collectif.
Tous les participants ont enfin eu la chance de garder la trace de ce travail collectif et peuvent retrouver leurs textes dans le roman choral publié et offert personnellement à chacun. Leur regard sur « l’écrit » a changé au cours de ce projet… Lire, se relire, améliorer son écrit pour être bien compris leur semblait une nécessité en juin, le livre dans les mains, leurs noms et prénoms sur les premières pages du roman, avec l’envie de lire la fin de l’histoire pour en découvrir le dénouement resté mystérieux…

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