Comment faire écrire ?

, par BREYER Véronique, Collège Lakanal, Colombes

LE LIEU DE L’ÉCRITURE

Le lieu de l’écriture : collège ou maison dépend de la situation des élèves auxquels on s’adresse mais tout autant, bien entendu, de la situation d’écriture elle-même.

Le cas des élèves qui n’ont pas d’aide possible à la maison

Travail en classe et aide individualisée

Ayant travaillé pendant de nombreuses années dans des collèges dans lesquels les élèves étaient peu encadrés à la maison, je me suis rendu compte qu’il y avait intérêt à ce que la plupart des exercices écrits se fassent en classe. Ceci a pour avantage de permettre un travail « sérieux » sur l’écrit proposé ainsi qu’un suivi du professeur ou d’un élève « tuteur ». En effet, pour un élève que les parents ne peuvent aider, le rôle du professeur peut se concevoir comme celui d’un médiateur qui remplit le rôle qu’aurait un parent dont le niveau d’études serait suffisant pour qu’il puisse offrir une aide à son enfant. Dans la classe, une aide individualisée peut être ainsi envisagée. On peut aussi mettre les élèves par deux en usant des niveaux de compétence différents.

Travail en classe et démarche progressive vers l’autonomie de l’élève et la responsabilisation de l’écriture

Un fait me semble certain : plutôt qu’à se lamenter sur l’absence de travail à la maison, il vaut toujours mieux se poser la question du pourquoi et tenter d’y apporter des solutions. Faire en sorte que les élèves progressent en travaillant exclusivement en classe est bien préférable à une situation de blocage dans laquelle il n’y a pas de progression possible. Si l’on accepte pendant un certain temps le travail en classe avec l’aide, les explications et le dialogue avec le professeur, les élèves peuvent parvenir à une certaine autonomie dans l’écriture et le travail chez soi deviendra, au moins partiellement, possible. Dans les endroits où les parents sont peu présents ou peu aptes à aider leurs enfants, ce n’est que progressivement que l’on peut conduire les élèves à une forme d’autonomie ou de responsabilisation du travail d’écriture. Tout cela est à adapter en fonction de la classe et de son évolution.

Le collège, lieu d’explications, de socialisation, de distanciation de l’écriture

Les explications

 Le temps de l’appropriation des consignes

Dans tous les cas, le travail d’écriture comprend le temps nécessaire à la mise en écriture. Qu’il s’agisse d’un travail de type « atelier créatif » ou d’un travail plus dirigé et normé, le temps de l’appropriation de la / des « consignes » ou de la « proposition d’écriture » apparaît nécessaire. L’expérience prouve qu’un exercice improvisé d’un quart d’heure pour finir le cours est rarement productif (dans toutes les implications du terme)...

Le temps de l’appropriation n’est pas seulement celui de l’explicitation des consignes, de l’écriture des divers conseils, du vocabulaire, des structures syntaxiques que l’on se propose de voir mis en oeuvre dans un devoir donné.

L’expérience prouve que, passé ce premier temps de questions / réponses autour d’un sujet, passée aussi la prise de notes organisée des réponses, le questionnement des élèves est rarement terminé. Le temps du silence lors du passage à l’écriture doit, bien évidemment être institué. Certains élèves laisseront leur feuille blanche et il faudra retourner vers eux. Mais faire l’économie de ce temps serait dommageable car c’est malgré tout toujours un temps de réflexion.

 De la préparation de l’écriture à l’écriture proprement dite
Le premier temps de concentration est très souvent suivi d’un questionnement très fourni. Cela s’explique de manière très simple : tant que le travail concret d’écriture n’est pas encore commencé, pour l’élève la préparation en reste encore au stade de l’abstration. La plupart des élèves ne prennent conscience de l’intérêt de la préparation qu’au moment où ils doivent réellement mettre en œuvre ce dont on a parlé.

Le hiatus entre la préparation et l’écriture proprement dite doit être souvent conçue comme un second temps d’appropriation, une nouvelle phase d’explication : celles des questions concrètes qui se posent ax élèves lors de leur propre mise à l’écriture. Très souvent, alors que l’on croit avoir tout expliqué, ils disent et répètent : « je n’ai pas compris » ou « je ne sais pas ce qu’il faut écrire ». Cette phase de ré-explication que j’appelle la ré-explication concrète et (souvent) individuelle est un temps à part entière du travail d’écriture. Il permet de calmer les inquiétudes, de lever les incompréhensions, de rapprocher les élèves de l’objet de leur travail. La classe est un lieu privilégé pour cela, permettant au professeur de jouer son rôle de recours et de ressource. Elle est aussi le lieu qui permet de se rendre compte que nos « préparations » ne sont pas miraculeuses et qu’elles laissent très souvent des problèmes auxquels nous n’avions pas pensé et qui sont ceux sur lesquels butent beaucoup d’enfants.

 Les pré-requis de l’écriture

La quantité des pré-requis d’une écriture est rarement envisageable. On cherche à simplifier des opérations qui sont d’une très grande complexité, on fixe des objectifs limités à un type d’acquisitions... Il faut bien penser que, quel que soit le cadrage envisagé, quelles que soient les limites des objectifs visés par tel ou tel exercice, rarement ils pourront prendre en compte tout ce qui est en jeu dans ce qui est proposé, si ce qui est en jeu comporte un enjeu... Ecrire, c’est très, très complexe et c’est, d’une certaine façon, cette complexité devant laquelle nous mettons régulièrement nos élèves et que nous ne voyons pas toujours car nous la maîtrisons bien plus qu’eux, « naturellement ».

La socialisation / la distanciation

 Temps d’écriture et temps de lecture

Pour faciliter l’écriture, choisir le collège comme lieu de travail permet de fixer un temps d’écriture puis un temps de lecture. Et cela est d’une très grande utilité. Le passage par l’oralisation des textes m’est apparu de plus en plus comme une nécessité, dans les situations d’atelier « ouvert » comme dans celui d’une écriture plus « cadrée ». Précédemment, la phase d’explication est pour le professeur un moyen de prendre conscience des questions et problèmes qui se posent aux élèves. Corrélativement, elle est un moyen pour les élèves de prendre conscience progressivement des attendus du professeur. La lecture permet le même type d’interactions.

 Lecture à voix haute et retour du professeur

La lecture à haute voix est un très bon moyen pour le professeur de se rendre compte des réussites et des problèmes rencontrés par les élèves. Et il est très important qu’il verbalise les deux aspects auprès de la classe. C’est le « retour » du professeur qui peut permettre à la fois de ne pas se décourager, de prendre conscience de ce qu’il convient de conserver ou de revoir.

 Lecture à voix haute et socialisation

Dans le cadre d’un atelier d’écriture collective ou individuelle, c’est un bon moyen de socialisation, d’émulation, de mise en valeur. Silence et respect sont assez faciles à mettre en place, même dans le cadre de classes qui ne sont pas « faciles ».

 Lecture à voix haute et distanciation

C’est aussi un bon moyen de mise à distance, de prise de conscience de son texte : est-ce que mon texte « tient » si je le lis à la classe ? Telle est la question que chacun est conduit à se poser.

 Comment instituer la lecture à haute voix ?

Bien sûr, la confiance que nécessite le passage à l’oral doit se mettre en place. Au début, il ne faut pas forcer les choses ; les élèves acceptent petit à petit de livrer leur écrit au groupe. Progressivement, l’intérêt de l’exercice de lecture apparaît comme une nécessité. Dans tous les cas, si un élève est totalement réfractaire à la lecture, il ne faut pas le forcer. Le passage par l’oral / le corps doit être considéré dans toute sa complexité, l’adolescent ou le pré-adolescent dans toute sa possible fragilité dans son rapport à l’autre, au corps, à ses difficultés.

D’autres stratégies propres à la classe peuvent être mises en place pour faciliter socialisation et/ ou distanciation.

LES ÉTAPES DE L’ÉCRITURE

Ecrire en plusieurs étapes : le suivi de l’écriture au collège

Importance du suivi de l’écriture des élèves au collège

Le suivi de l’écriture des élèves au collège peut se faire de différentes mainères, chacune ayant ses particularités. Le plus important tient précisément dans cette notion de suivi qui instaure un questionnement permanent, condition d’une autonomie possible.

Comment mettre en place le suivi de l’écriture ?

Dans les classes très faibles, où l’aide est très importante, on peut choisir de travailler en se donnant des moments d’écriture « surveillés » par le professeur qui donne des conseils individualisés aux élèves, par exemple en instaurant une table à laquelle les élèves viennent le trouver lorsqu’ils rencontrent des difficultés. L’idée ici est encore de jouer le rôle du professeur en même temps que celui d’un médiateur.
Dans d’autres classes, on peut simplement faire commencer l’écriture en classe, voir comment elle évolue puis laisser poursuivre à la maison avant de passer à une lecture à haute voix qui permet de donner des conseils.

Les étapes de l’écriture

La première version, c’est-à-dire le brouillon en fin d’élaboration, est d’abord lue par une partie des élèves. J’appelle la seconde version celle qui, dans tous les cas, doit être rendu au professeur.

Améliorer le brouillon par une lecture à haute voix qui permet :

D’élaborer avec les élèves une grille d’évaluation

Avoir lu préalablement les textes au brouillon permet d’instaurer une grille d’évaluation qui tienne compte des réussites, des échecs, des erreurs commises en cours d’élaboration du brouillon. Etablir ainsi une grille d’évaluation a posteriori permet d’éviter de présenter aux élèves des critères qu’ils concevraient comme abstraits puisqu’ils ne renverraient pas à ce qui a déjà été écrit par eux.

De rendre l’élève sensible aux problèmes de langue

Ajoutons que la lecture à haute voix ou l’analyse d’un / de plusieurs brouillons au rétroprojecteur peut rendre sensible une classe entière non seulement aux problèmes de langue qui se posent spécifiquement pour le type d’écrit demandé mais aussi à des questions plus fines d’adéquation entre ce que l’on veut exprimer et ce qui est, de fait, exprimé et que l’élève juge pour une raison ou une autre insatisfaisant. Ceci répond aussi à l’une des remarques les plus souvent entendues chez les élèves : je voudrais bien dire telle ou telle chose mais je ne sais pas comment faire. La résolution alors est souvent de deux ordres : un problème d’expression réel se pose qu’il faut résoudre (par exemple la suppression des répétitions) ; mais le plus souvent il s’agit d’un problème d’adéquation entre l’idée que l’on a en tête et l’idée qui se trouve sur le papier. Ce second problème est souvent très intéressant car il permet souvent la discussion sur un problème d’écriture qui engage la question du rapport entre le fond et la forme, quelle que soit la manière dont cette question se joue. Il y a souvent des solutions simples (souvent un vocabulaire trop pauvre ou une tournure qui échappe...) mais là n’est pas le problème. Ce qui est important, c’est ce qui se joue à cet endroit-là pour l’élève dans son rapport à l’écriture. Qu’il s’habitue à ne pas se satisfaire de ce qui ne le satisfait pas, qu’il s’habitue à chercher des solutions, même « approchantes ». C’est pourquoi là encore l’important me semble être l’accompagnement. Permettre de rentrer dans la complexité et l’engagement de l’acte d’écrire.

De questionner l’écriture au collège

L’écriture pourra être questionnée pour soi uniquement dans la mesure où le professeur est là pour ouvrir le questionnement. Questionner l’écriture « de soi à soi » n’est donné qu’à un nombre extrêmement restreint d’élèves qui ont déjà l’habitude de donner du sens à un écrit personnel. Et, même pour ceux qui ont déjà cette habitude, il est tout aussi important que le professeur fasse exister cette part de questionnement à l’école car c’est cela même, me semble-t-il, qui rend l’écriture vivante des « deux côtés à la fois » : pour soi et pour autrui.

Travailler la réécriture

Les difficultés de la réécriture

On entend souvent dire que la réécriture est difficile, voire impossible pour les élèves, spécialeemnt ceux pour qui l’écriture est problématique, bien sûr.

Réécrire, de fait, fait appel à de multiples opérations possibles. D’où la difficulté de réaliser quelque chose que l’on désigne sous le signe de l’unique alors que cela devrait être désigné sous le signe de la multiplicité. En fait, on peut distinguer plusieurs éléments possibles de réécriture : la réécriture syntaxique et orthographique, la réécriture stylistique (plus fine que les précédentes), la réécriture de cohérence textuelle et tant d’autres... Là encore, c’est la complexité de l’acte d’écrire que l’on est conduit à considérer.

Réécriture et progression des compétences de l’élève en écriture

La correction de rédaction qui reprend les errers les plus communément commises si elle est associée à des exercices de remédiation peut avoir une efficacité. Cependant, l’expérience prouve que c’est la (re)confrontation à son propre écrit qui permet le plus sûrement à l’élève de progresser. La progression en écriture ne passe que par la mise en place d’un véritable (ré)investissement individuel.

Ajoutons que réécrire plus juste orthographiquement et syntaxiquement est possible grâce à des notations en marge de la copie jusqu’à un certain seuil seulement. Si la copie est saturée d’annotations cela est souvent le signe que l’élève a tant de problèmes avec la maîtrise de la langue qu’il ne sert à rien d’attendre qu’il puisse régler en même temps tous les problèmes qui se posent à lui. Plusieurs possibilités s’offrent alors au professeur : choisir de faire corriger à l’élève un seul type d’erreurs ; corrélativement, en corriger lui-même un certain nombre ; choisir de faire corriger à l’élève dix lignes uniquement (au moins) de la totalité de la copie : ceci permet de conserver intacte la concentration et d’en retirer une forme de satisfaction... Dans tous les cas, éviter un vocabulaire trop technique qui s’avère souvent inopérant. Préférer la parole et l’explication. Pour les élèves « moyens », souvent la reprise systématique des erreurs permet une véritable progression.

La réécriture qui met en jeu la cohérence textuelle demande souvent tout à la fois une explication écrite et une explication individuelle et orale.

Le temps nécessaire à la réécriture

Enfin, pour parvenir à des améliorations plus « fines », il faut compter avec le temps. Réécrire n’est pas seulement corriger, c’est aussi réinvestir différemment ce qui a été écrit, et cela demande un déplacement par rapport à ce qui a été écrit. Et ce n’est pas simple... Le déplacement n’a pas lieu dans une forme d’immédiatement à l’écrit ou alors exceptionnellement. Avant de concevoir les points possibles de développements, de précisitons, de changements, un recul est nécessaire : l’effet miroir existe pour l’adulte qui écrit, alors pourquoi n’existerait-il pas pour l’adolescent ? Le problème me semble identique dans les deux cas et il se complexifie, bien évidemment, parce que l’adolescent tient à son texte même s’il le sait « fautif » de bien des côtés au regard de ce qui lui est demandé et des critères sur lesquels il est jugé.

On a bien souvent l’occasion de constater qu’un élève à qui on demande de lire son texte, parfois s’arrête, se rendant compte subitement que « cela ne va pas ». Mais, si on « laissait poser » un texte au moins une semaine, avant d’en demander la lecture à voix haute, l’effet serait encore plus important. Il y a alors déconnexion des circonstances dans lesquelles on a écrit, et souvent, acceptation de reprise du texte. Cette opération n’est pas du tout la même que celle qui consiste à retravailler une erreur sur un devoir déjà noté car l’élève sait ce que l’erreur lui a « coûté » et cela peut être une entrave à l’écoute. Psychologiement, avoir le soulagement de se corriger avant d’être évalué, c’est très important. Le processus est différent et ne renvoie pas, au final, à la même image de soi ni du travail qui se fait ou qui est fait.

Donner de l’importance au brouillon

Bien sûr, on peut montrer des bouillons d’écrivains... mais cela n’a que peu d’impact si l’élève ne sais pas lui-même gérer son brouillon et s’il n’en mesure pas l’importance. Donner de l’importance au brouillon passe donc par toute une série de procédures simples :

 Le lieu du brouillon (quel qu’il soit) bien que, personnellement, je préfère qu’il ne soit pas déconnecté du lieu où le cours est pris... le brouillon et le cours ’est pas le « sale » versus « le propre », ce sont des lieux de travail et d’exploration différents
 La discussion systématiquement organisée autour du brouillon et non uniquement autour de l’objet terminé
 Rendre lisible l’évaluation en fonctin de ce qui a été constaté dans les brouillons
 Eventuellement le refus de la gome, de l’effaceur et du blanc : apprendre que ce qui est barré peut resservir... Et là encore l’impact psychologique est important : écrire puis barrer parce que l’on n’est pas satisfait de ce qui est écrit n’a pas le même effet « intérieur » qu’une page sur laquelle ne subsiste aucune trace du travail.

ORGANISER DES EXERCICES D’ÉCRITURE BREFS ET RÉGULIERS : L’EXEMPLE DE L’AUTOBIOGRAPHIE

Les problèmes d’écriture spécifiques à l’autobiographie

L’autobiographie pose des problèmes d’écriture spécifiques car elle touche nécessairement à l’intime. Nul ne peut se garder qu’un texte révèle le problème majeur d’un élève, qu’il s’agira alors de prendre en compte, éventuellement, hors du cadre du cours. Mais nous pouvons faire en sorte de concevoir des propositions d’écriture ouvertes au sens où elles permettent le « détour » si l’élève le souhaite. C’est dans cet esprit qu’on été pensées les propositions d’écriture qui suivent.

Tous les « petits » textes issus de ces séances d’atelier seront regroupées dans un « dossier de mémoire » et évalués, dans le sens d’une valorisation de la qualité de l’expression et de l’investissement dans le travail. Mais, là encore, les critères de l’évaluation suivent ce qui a été entendu lors des lectures, point d’appui de ce qui peut être fixé comme objectifs aux élèves, sans créer de dommages à l’ouverture des propositions.

Proposition d’écriture n°1 : Ecrire les dix premières lignes d’une autobiographie, réelle ou fictive

 Consignes :
Il s’agit de demander aux élèves d’écrire les dix premières lignes de leur autobiographie, réelle ou fictive.

 Objectifs :
Cette proposition permet d’introduire à l’étude des incipits. Elle réserve en effet souvent des surprises et en général, on y retrouve des formes et des contenus qui sont assimilables à des autobiographies déjà existantes, en ce sens, cette proposition est pleinement préparatoire à la lecture.

Proposition d’écriture n°2 : Ecrire un autoportrait « voilé »

 Consignes :
Il s’agit de faire écrire un autoportrait « voilé ». Pour cela, demander aux élèves d’écrire les lettres de leur prénom à l’envers puis leur demander d’écrire à la première personne le portrait de la personne qui porterait ce prénom « à l’envers ».

 Objectifs :
La force de cette proposition tient avant tout en cela qu’elle permet d’écrire des autoportraits dont la cohérence est souvent frappante parce qu’elle part d’un nom imaginaire et très inhabituel. La puissance poétique du langage apparaît ici comme une évidence aux élèves, avec tous les commentaires que l’on peut penser sur ce thème.

Proposition d’écriture n°3 : Ecrire un journal de bord

 Consignes :
Il s’agit de faire écrire un journal de bord sur une semaine. Des exemples peuvent être donnés et privilégieront des journaux « non intimes » car demander l’écriture d’un journal intime tient évidemment de l’absurdité. Des extraits du journal de Jules Renard ou de Kafka, des Carnets de Louis Guilloux... peuvent être lus, en préparation au travail. Là, l’écriture se fait hors temps scolaire.

 Objectifs :
Cette proposition oblige l’élève à se placer sur un autre terrain que sur celui de l’introspection. Comment donner une qualité littéraire à ce qui relève du champ du « vécu » devient alors une question que l’on peut leur / se poser et qui semble aujourd’hui primordiale, étant donné l’envahissement du champ littéraire par le psychologisme...

Proposition d’écriture n°4 : Croiser histoire personnelle et histoire contemporaine

 Consignes :
Cette proposition a pour point de départ le livre de G. Pérec : W. Il s’agit de penser à un croisement possible de son histoire personnelle avec l’histoire contemporaine.

 Objectifs :
Là encore, cette propsition est une manière de faire en sorte que les élèves pensent autrement leur rapport aux événements qui défilent sur les ondes ou en images. C’est aussi une proposition, bien sûr, plus ouverte sur une matière personnelle mais qui les conduit à mêler réflexion et éléments autobiographies. Cette proposition donne souvent des textes d’une surprenante force et maturité, à condition de bien en définir l’enjeu tout en la rendant concrète et abordable, par les mots utilisés pour l’introduire.

Expression écrite issue des annales de brevet

Le sujet choisi a été proposé en 1998, paru donc dans les annales 1999. Il suit un texte d’Andreï Makine, extrait du Testament français.

 Sujet :
Un jour, par hasard, vous découvrez un vieil album de photographies. Vous le feuilletez et découvrez une photographie qui retient particulièrement votre attention parce qu’elle évoque de nombreux souvenirs. Vous décrirez cette photographie avec le plus de précision possible puis vous développerez tous les sentiments et réflexions autour de la question de la mémoire et de son importance qui apparaissent alors dans votre esprit.

 Objectifs :
Ce sujet a pour mérite de permettre aux élèves de prendre appui sur un élément concret, une photographie, qui leur permet de mieux développer des sentiments et réflexions sur le passé.

MENER UNE ÉCRITURE LONGUE ET INDIVIDUELLE SUR LE THÈME DES POINTS DE VUE DANS LE RÉCIT

Séance d’écriture n°1 : Ecrire un texte à partir d’un tableau de Magritte : Le Mal du Pays

Les consignes

Au cours de cette première séance, il s’agit de faire écrire à partir d’un tableau de Magritte : Le Mal du Pays. La proposition d’écriture sera très libre : écrire un texte qui « parte » du tableau quelle que soit la façon que l’on a d’intégrer ce tableau au texte. Temps proposé : trente minutes. Cette propostion, pour le moins ouverte, permet, en fait l’éclosion de textes qui développeront de nombreux points de vue.

Lecture des textes

Les élèves sont alors invités à lire leurs textes. Personne n’y est forcé. La lecture est tout à la fois une manière de valoriser les textes écrits, de permettre une mise à distance, une socialisation. C’est tout cela à la fois. Durant cette phrase du travail, le professeur s’applique à montrer à chaqun la singularité de chaque écrit, tout en relevant les problèmes de langue ou de cohérence textuelle qui peuvent se poser.

Comme tous les types de points de vue vont apparaître dans les textes, il s’agit aussi de les relever et de montrer les effets très différents qu’ils ont sur le lecteur.

Réécriture / mise au propre

Aucun texte n’est laissé « dans la nature ». Les élèves sont invités à les recopier et à reprendre les points qui leur ont été signalés. Chaque texte est corrigé et l’élève bénéficie de « points d’expression écrite », qui sont attribués au fur et à mesure des exercices d’écriture et qui valorisent tout à la fois correction de la langue et originalité, c’est-à-dire, dans ce cas, l’investissement consenti puisque originalité il y a toujours dans cet exercice.

Synthèse

Ce cours introductif est suivi d’une synthèse de constats essentiels centrés sur la question des points de vue. Cette synthèse s’attache à citer des extraits de textes écrits par les élèves. On peut aussi reprendre certains textes à titre d’exemples, les taper et les distribuer à la classe au moment où l’ont fait la synthèse.

Séances suivantes : Ecrire un récit en variant les points de vue à partir d’une anecdote

Les principes du travail

Les séances se font toutes en classe et selon trois phases : écriture avec durée indicative, lecture / commentaire puis réécriture sont toujours présentes. Cependant, comme il s’agit, de fait, d’un exercice d’écriture longue (mais morcelé pour la facilité de la gestion), une fiche d’évaluation est donnée à chaque étape, qui insiste, en particulier, sur la notion de continuité du récit. Ces fiches sont établies grâce aux lectures qui permettent de se rendre compte à chaque fois des lieux de difficultés des élèves. Il n’y a donc pas de modèle. Ce sont des fiches évaluatives et pleinement (ou cherchant à l’être !) « formatives ».

L’anecdote support des activités d’écriture

Anecdote de départ : Une famille composée d’un couple et de deux enfants (un garçon adolescent ; une fille un peu plus jeune) vit dans une HLM de banlieue. La mère rêve depuis très longtemps d’aller passer des vacances sur la Côte d’Azur ; un poster, collé dans la cuisine, témoigne de ce désir, de ce regret permanent de ne pouvoir y aller. Ils n’en ont pas les moyens. Un jour, pourtant, le père parvient à réunir l’argent et les voilà partis. Ils découvrent la mer, la plage... C’est le rêve réalisé malgré la location bien pauvre dans laquelle ils demeurent. L’argent, pourtant fait vite défaut : le père décide de voler pour subvenir aux besoins de la famille. Il entraîne son fils. La police les arrête...

Cette anecdote est issue du texte de Philippe Raulet, Pitiés, magnifique roman publié aux Editions Verticales, dont voici la première page, pour hommage.

 Une femme rêvait de
voir la mer, pas n’importe où, et
c’est le drame, ou presque, on va comprendre

 elle est mariée, ils
manquent d’argent, ça se paie cher,
pitié, c’est déjà commencé

 à cette heure-ci on
ne trouvera chez eux que l’homme, prénom
Louis, assis en bout de table et immobile
- le temps peut s’égoutter - on croit
voir une image

 cuisine peinte en jaune, murs
et plafond que barre un long néon,
mais éteint pour l’instant, l’après-midi début à peine

 assis sans être infirme
ni même âgé, la quarantaine,
sur une chaise, sa chaise que personne d’autre
en général ne prend s’il n’est
pas là, s’il est sorti, ça
lui arrive, mais pour l’heure il y est

 les deux coudes plantés
sur le bord de la table, de ses paumes il
soutient son menton comme si sa tête
était trop lourde, trop lourde de
pensées, ce qui est vrai

 encore que ce ne soient pas
des pensées mais des choses flottantes,
des bouts de phrases et d’idées fixes
qui tournent et s’associent, se défont
et reviennent, on connaît ça,
ruminations, et sans qu’il soit fou, non

 sans qu’il soit ce qu’on appelle
fou, ou bien alors ni plus ni moins que
beaucoup d’autres qui se lèvent à
heure dite, vont au travail, rentrent et
se couchent, ainsi de suite, sans que pourtant
non plus s’arrête la moulinette dans
leur tête, il a dans la main droite
une télécommande, et la télévision
trône là-haut sur le frigo

 dans le coin gauche et non
pas face à lui se trouve la fenêtre
sans rideaux, fermée pour cause de
chaleur et qui affiche un ciel d’après-midi
de juin très bleu, trop même
que c’en est un scandale, si ce n’est au
loin un nuage aux allures de dragon, mais
il ne le voit pas, pas plus qu’il ne voit
le ciel bleu à travers les carreaux

(Philippe Raulet, Pitiés,
pages 11, 12)

Proposition d’écriture °1 :Ecriture au point de vue externe

La famille est dans la cuisine. Il s’agit pour vous de décrire les lieux et les personnes, « comme une caméra », c’est-à-dire sans rentrer ni dans leurs pensées ni dans leurs sentiments. Vous vous attacherez essentiellement à la description du poster, point central du départ du récit.

Proposition d’écriture n°2 : Ecriture au point de vue interne

La famille est toujours dans la cuisine mais vous rentrer « dans la tête » d’un ou plusieurs personnages en développant leurs désirs, leurs pensées, leurs sentiments...

Proposition d’écriture n°3 : Ecriture au point de vue omniscient

Ils sont arrivés sur la Côte. Vous pouvez décrire :

 la découverte de leur location
 la découverte de la mer et de la place
 les sentiments et réactions des différents personnages

Vous raconterez aussi les ennuis du père qui se rend compte qu’il n’a pas assez d’argent pour subvenir aux besoins de sa famille. Il se décide alors à voler et entraîne son fils mais la police les arrête.

Proposition d’écriture n°4 : Ecriture d’un retour en arrière

Bien longtemps après, on retrouve un (ou plusieurs) personnage(s) qui repense(nt) à ce qui s’est passé. Selon le(s) personnage(s), vous pouvez développer :

 le séjour en prison
 la période où la famille a dû vivre sans la présence du père
 la période des retrouvailles...

Exemples de réalisations par des élèves de niveaux différents

 Exemple 1

<span
style='font-size:11.0pt;'> 14.0pt;font-family:Arial;"Times New Roman"'>La femme qui rêvait de voir la mer

<span
style='font-size:11.0pt;'> Ils étaient là, l’homme,
la femme et les deux enfants...

<span
style='font-size:11.0pt;'> La cuisine était sombre et
peu luxueuse. La seule affiche sur le frigo
donnait un peu de couleur à cette
pièce morne et triste.
<span
style='font-size:11.0pt;'> La mer représentée
était bleue, étincelante ;
un voilier passait sur l’étendue
calme, surplombée d’un soleil d’été.
Des centaines de personnes étaient
étalées sur le sable chaud,
respirantle bonheur et la sérénité,
presque toutes étaient abritées
sous un parasol. Au premier plan, un olivier
sec, grillé par le soleil cachait
une partie de l’affiche. En haut, à
l’intérieur d’une bordure blanche,
autour de la photo on pouvait lire les mots
 : "La Côte du rêve !".
Le papier un peu jauni laissait penser que
l’affiche était sur le frigo depuis
quelques années déjà.
En bas à droite, sur le coin un peu
grignoté par on ne sait quels mites
ou animal était collée une
étiquette prête à tomber
 :
"affich’ boutique" PROMO
50 35
<span
style='font-size:11.0pt;'> Quand on se trouvait dans cette pièce,
on ne pouvait que rêver à ce
paysage flamboyant et joyeux.

<span
style='font-size:11.0pt;'> La femme prit la parole :
– Comment s’est passée votre
journée ?
– Banale, répondit l’un des
deux enfants, une fille, tout en remuant
quelque chose de liquide dans son assiette,
sûrement de la soupe. Elle n’avait
pas l’air décidée à
raconter sa journée.
– Et toi, Duncan ? continua l’homme
en s’adressant au jeune garçon, à
côté de la fille.
– Pareil, rien de spécial.
– Je suis crevée, souffla la
jeune fille en glissant ses coudes sur la
nappe à carreaux vieillie, tu as
de la chance de ne pas travailler, papa.
Elle avait la tête dans les mains,
semblant avoir du mal à la tenir.
– Je serais toi, je ne dirais pas
ça, tu ne sais pas ce que c’est d’être
au chômage, s’exclama d’un air maussade
et sans énergie le père.
Alors, tout le monde se tut et ils continuèrent
à manger leur soupe.

<span
style='font-size:11.0pt;'> La soeur pensa alors à ce
qu’elle venait de dire. Elle savait ce que
voulait dire "être au chômage"
mais elle aurait bien passé ses journées
à flâner sur le canapé
détraqué du salon. Alors,
tournant son regard vers la photo du frigo,
elle se demanda bien pourquoi sa mère
pouvait rêver d’un endroit pareil,
tous ces gens, ça devait être
étouffant pensa-t-elle. Elle préférait
le calme, et voyager ne lui disait rien.
Elle se rendait bien compte que cette cuisine
était délabrée et sombre
comparée à ce paysage rayonnant
mais pour tout dire elle n’était
jamais motivée pour rien. Ce dont
elle rêvait, c’était plutôt
d’un jean et d’un haut à la mode
car elle n’avait dans sa garde robe que
des vieux jeans de sa mère et des
pulls larges, tellement larges qu’on aurait
pu y mettre trois personnes, au moins, de
son maigre gabarit.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Sa mère par contre rêvait
pleinement de ce paysage depuis le jour
où sa propre mère lui avait
raconté qu’ele passait ses vacances
là-bas, avec ses parents. Elle en
avait de magnifques souvenirs et Christelle
repensa alors aux anecdotes et aux descriptions
merveilleuses qu’elle lui contait alors
que celle-ci n’avait que dix ans. Sa mère
alors morte, elle avait aperçu dans
une petite boutique lors d’une sortie en
ville avec son mari et ses enfants cette
photo lumineuse représentant le paysage
que lui avait décrit sa maman de
sa voix douce, "La Côte d’Azur".
Et depuis ce soir-là, l’affiche était
collée sur le frigo et Christelle
n’avait cessé de rêver à
ces vacances dont elle ne pouvait jouir.
Elle en rêva ce soir encore.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Le père vit dans les yeux
de sa femme une lassitude ; seule cette
photo venait y réveiller une lueur
de bonheur. Il savait qu’elle voulait partir.
Il avait prévu d’économiser
pour racheter un nouveau lave-linge mais
il se dit que ce voyage valait beaucoup
plus.

<span
style='font-size:11.0pt;'> Ca avait été très
rapide. Le père avait trouvé
l’argent, la location. Ils étaient
partis. Cela faisait déjà
trois jours qu’ils étaient dans ce
petite paradis grâce à la mer,
parce que l’appartement où ils séjournaient
était plus petit que celui où
ils habitaient habituellement. La location
n’était pas non plus face à
la mer, c’était bien trop cher. Elle
était dans un coin retiré,
à deux kilomètres de la plage.
Et ils y allaient tous les jours à
pied. Elle était semblable à
la photographie du frigo, étincelante.
Elle était chaude et douce.
<span
style='font-size:11.0pt;'> La mère et la fille s’étaient
déjà approrpiées un
carré de terrain sur lequel, allongées
sur une vieille paillasse trouvée
dans un bazar, elles pouvaient bronzer.
Mais une seule pouvait avoir le privilège
de se détendre sur la paillasse,
l’autre devait rester sur une serviette.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Ils étaient à cet instant
dans l’appartement. Le fils lisait un magazine,
sur le vieux canapé et le père
aussi. La mère était, elle,
dans la salle de bain en train de mettre
son maillot de bain. La fille sortit du
fond de la location, vêtue d’un maillot
une pièce uni et d’un paréo
en guise de jupe que son père avait
accepté de lui acheter. Ceci avait
ravi la jeune fille, et le père aussi.
Sandrine portait aussi une besace à
longue bandoulière sur l’épaule.
Elle était resplendissante. Elle
dit avec joie :
Bon, je vais à la plage, puis poursuivit,
je prends un peu d’argent. Elle alla chercher
dans une grosse boîte posée
sur une étagère trois pièces
de dix francs et claqua la porte en partant.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Le père se leva pour regarder
combien la jeune fille avait pris et ce
qui restait : cent francs seulement. Et
il n’en avait pas plus, il n’irait pas en
tirer au distributeur non plus. Comment
allait-il faire pour payer toutes les glaces
que sa fille mangeait lors de ses sorties
à la plage ? Elle les méritait
bien. Et pour pouvoir manger, le reste de
la semaine ? Ce n’était pas possible.
Ils ne pouvaient pas rester ici, dans ce
petit paradis qu’ils aimaient tant, il le
sentait, ce séjour faisait beaucoup
de bien à sa famille : elle pouvait
enfin respirer. Ce lieu les changeait tellement
de leur appartement de banlieue. Mais il
n’y avait point de solution ! A moins qu’il
ne trouve quelque moyen de se procurer de
l’argent. Malheureusement, il n’y avait
pas de possibilité de travail en
vacances. Voler était la seule possibilité,
pensa-t-il bien songeur. Profitant du fait
que sa femme était sortie faire des
courses, il décida donc d’agir et
se dirigea vers le canapé, prit son
fils par le bras et d’un air inquiétant
lui dit : "Viens".
<span
style='font-size:11.0pt;'> Le père était dérouté
et angoissé. Ce qu’il allait lui
dire, il ne l’avait jamais souhaité.
Il le redoutait.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Alors ils allèrent à
la porte, sortirent, en fermant la porte,
sans clé car c’est automatique ;
la seule modernité de cette location,
ils descendirent l’escalier et se retrouvèrent
dehors.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Le père fit alors signe de
marcher et lui expliqua ses problèmes
d’argent et le seul moyen d’en avoir. Il
voulaient rester ici. Le fils prit alors
un air grave mais compréhensif ;
il accepta d’aider son père à
voler. Ils le commencèrent cet après-midi-là
et le lendemain pendant que les femmes bronzaient
à la plage. La plage était
l’endroit le plus stratégique et
ses sacs étaient souvent généreux.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Mais le père détestait
faire cela.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Un jour alors qu’il fouillait dans
un sac et que son complice guettait les
alentours, une jeune femme les vit et pianotant
le plus délicatement sur son portable,
le plus discrètement possible, appela
la police sans que les deux voleurs s’en
aperçoivent.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Quelques minutes plus tard, un groupe
de cinq policiers les arrêta, en flagrant
délit, vingt mètres plus loin.

<span
style='font-size:11.0pt;'> La soeur était sur le chemin
de retour de plage. Elle repensait à
ce qu’elle venait devoir. Deux hommes s’étaient
fait arrêter.
<span
style='font-size:11.0pt;'> Elle était sur la plage lorsque
ceci s’était passé. Elle était
en train de bronzer, les yeux fermés,
sentant la chaleur caresser son corps lorsqu’elle
avait entendu des voix et une sirène
de police. Elle avait ouvert les yeux, interpellée
par ces bruits, s’était levée
et, laissant ses affaires, avait marché
jusqu’à l’attroupement, dix mètres
plus loin.
<span
style='font-size:11.0pt;'> La jeune fille ne demanda rien, elle
jeta un coup d’oeil aux deux accusés
 ; les voyant de loin et de dos elle ne reconnut
nullement son frère et son père.
Ceux-là furent mis dans une voiture
qui partit, laissant sa longue mélodie
retentir dans toute la ville. Sandrine revint
là où étaient sa serviette
et son paréo qu’elle accrocha autour
de sa taille ; elle regroupa dans son sac
plastique, livre, et lunettes de soleil
en plastique, laissant paraître un
air troublé. Elle prit ses espadrilles
pleines de sable à la main et marcha
le long de la digue, partant du côté
opposé à la foule qui commençait
à se disperser. Les gens allaient
eux aussi prendre le chemin du retour alors
qu’il était dix-sept heures.

<span
style='font-size:11.0pt;'> La mère était sur le
canapé, assise les mains sur les
jambes, regardant à l’extérieur
par la fenêtre, elle semblait attendre
quelqu’un, sans doute le retour de sa fille
et du reste de la famille. La jeune fille
frappa à la porte et elle vint lui
ouvrir :
– Ah, tu es rentrée, dit-elle,
soulagée de revoir quelqu’un, je
me sentais un peu seule.
– Papa et Duncan ne sont pas là
 ?
Sandrine réfléchit un moment,
ne parlant point puis releva la tête
pour dire :
– Deux hommes se sont fait arrêtés
sur la plage.
– Ah bon ? Et pourquoi ? dit la mère
d’un air très posé.
– Je sais pas, j’ai pas cherché
à savoir.
Elle baissa la tête. Il y eut un long
silence. Puis le téléphone
sonna : "Qui ça peut bien être ?",
s’écria la mère, un peu inquiète.

<span
style='font-size:11.0pt;'> Elle décrocha et la fille
alla dans la pièce du fond, sa "chambre".

A.D.

 Exemple 2

La femme qui rêvait de voir la mer

            Ils étaient là, l'homme, la femme et les deux enfants. Dans leur appartement de trois pièces très modeste qui comportait deux chambres, un petit salon et une cuisine avec une gazinière, un lavabo et un frigo. La famille le regardait car il y était accroché une carte postable. Cette carte représentait les vacances, le soleil, la mer et les jeux de plage. Cette famille n'était jamais partie aux vacances. Le père était assis sur une chaise à moitié cassée. Il était habillé avec un pull et un pantalon assez usés. La mère était assise par terre, elle portait une simple robe. Le frère et la soeur étaient habillés de la même façon que leurs parents.

            Georges le père pensait qu'il n'était pas un bon père pour ses enfants ni un bon mari pour sa femme. Puisqu'il ne les avait jamais emmenés en vacances, cela l'énervait beaucoup. Claude sa femme regardait la carte postale. Dans sa tête elle se disait qu'elle donnerait tout pour partir avec son mari et ses deux enfants. Quand elle voyait la carte, son visage s'éblouissait de bonheur ; le soleil et la mer étaient son rêve. Franck, le fils, aurait voulu changer d'air.

            Georges décida d'emmener toute sa famille à Cannes avec les économies qu'ils avaient faites. Il était dix heures matin gare de Lyon, toute la petite troupe allait pour la première fois monter dans un un train. Céline la petite fille était tout heureuse de le prendre. Dans la gare, elle courait, sautillait, riait et s'amusait avec sa poupée. Franck l'adolescent ne montrait pas encore sa joie.

            Après cinq heures de voyage, ils arrivèrent. Ils découvrirent leur location. Elle ressemblait beaucoup à leur appartement. Il y avait la chambre des enfants et celle des parents. Le père dit : "De toute façon, nous ne sommes pas venus pour la maison mais pour la plage." Les deux enfants étaient impatients de pouvoir aller nager. Mais le père n'était pas de cet avis. Il décida qu'il fallait d'abord bien s'installer et que le lendemain ils iraient tous se baigner. Le lendemain matin, Céline et Franck étaient prêts à partir dès huit heures. Franck réveilla son père et sa mère. Dix minutes plus tard, ils étaient sur la route. Enfin arrivés, ils jetèrent tour à tour leurs affaires sur le sable et ils coururent dans l'eau. Céline remercia de tout son coeur son père et Franck fit la même chose. Pendant deux jours, tout se passa bien mais Georges s'aperçut qu'il ne restait pas beaucoup d'argent pour terminer la semaine. Alors il décida avec son fils de voler sur les plages.

            Dès qu'ils voyaient qu'une personne allait se baigner, ils prenaient son sac et repartaient aussitôt. Pendant une journée tout se passa bien. Mais un maître nageur les avait remarqués. Il décida de prévenir la police. Les deux agents attendirent de pouvoir les prendre la main dans le sac. Ils les placèrent alors en garde à vue. Georges déclara que son fils n'avait rien fait. Et le fils fut relâché.

            Georges fut placé dans une cellule, seul. Le soir il eut très froid puisqu'il n'avait qu'une petite couverture. Toute la nuit il pensa à sa famille et il se dit qu'il était arrivé au point le plus bas de toute son existence. (...)

S.G.

ÉCRITURE COLLECTIVE OU INDIVIDUELLE ?

Ecriture collective et écriture dans le cadre d’un projet

L’écriture collective est souvent liée à l’écriture dite en projet : contes, nouvelles... Ce type d’écriture est d’un grand intérêt dans le cadre de ce que l’on appelle l’écriture longue, afin d’éviter de rester trop longtemps sur un récit mais aussi afin d’aider un processus de socialisation dans des classes dites difficiles.

Atouts et écueils de l’écriture collective

L’écriture colletive, cependant, peut comporter des écueils :

 elle permet à des élèves en difficulté de travailler avec des élèves dont les compétences sont supérieures et de se sentir « concernés » par l’écriture, valorisés par le travail d’un groupe mais elle ne permet pas toujours de travailler plus spécifiquement les problèmes des enfants qui ont des blocages ou de graves problèmes avec l’écrit
 une écriture longue parfois s’essoufle et l’on cherche à re-dyamiser le projet
 un passage du projet d’écriture longue demande un travail sur un point particulier

En fait, comme bien souvent, on se rend compte qu’il n’y a pas d’exclusive. C’est une palette variée d’exercices qui permet d’intéresser les élèves à l’écrit. Ecritures individuelles et collectives peuvent se compléter.

Ecritures individuelle et collective peuvent se compléter : l’exemple d’un concours d’écriture de nouvelles

Ainsi, l’écriture d’une nouvelle collective peut faire alterner l’individuel et le collectif. Pour faire travailler les élèves au concours de la nouvelle des Hauts-de-Seine, j’ai souvent commencé par donner le thème ainsi que toutes les contraintes. Je les faisais alors écrire individuellement une sorte de scénario possible. Chacun, dans un second temps, lisait son texte. Puis, nous discutions des éléments qui nous semblaient intéressants dans chaque scénario, de ceux aussi qui semblaient narrativement les plus productifs.

La seconde phrase était alors collective : c’était la construction du « schéma narratif » de la nouvlle, « farci » de tous les éléments qui semblaient intéressants.

Deux procédures pour mener une écriture collective

Une fois le scénario collectif établi, deux procédures, entre autres, peuvent être utilisées :

 Ecriture individuelle étape par étape puis lecture de tous les récits, choix des meilleurs passages, copié-collé, étape par étape d la nouvelle collective, harmonisation. On voit ici les avantages d’un processus particulier de va et vient entre collectif et individuel : conservation d’une écriture individuelle mais travail très serré sur la cohérence textuelle.

 Division du traail d’écriture en étapes et travail de chaque étape par un groupe précis, harmonisation des étapes. Ici, le travail est plus rapide mais l’on se heurte assez facilement à une forme de sécheresse des textes. L’écriture individuelle peut alors prendre la forme d’exercices précis dont le contenu pourra être réinvesti ensuite dans le récit collectif.

Exemples d’activités d’écriture individuelle que les élèves doivent apprendre à réinvestir dans une écriture collective

Des exercices sous forme d’ateliers d’écriture, en temps limité, en cours, pourront donner de l’intérêt et du relief au travail, qu’ils soit organisé selon la première ou selon la seconde procédure. Par exemple, faire rédiger le portrait d’un personnge à partir d’un tableau ou d’une photographie, sans donner de contrainte particulière, peut donner des résultats très divers et conduira souvent les élèves vers des « découvertes » : l’introduction d’éléments biographiques, psychologiques, l’apparition de retours en arrière... Bien sûr, le portrait pourra avoir déjà été étudié et avoir faire apparaître cela.... A la limite, ce n’est pas le problème : le vrai problème est de trouver le biais pour que les élèves trouvent leur propre nécessité de réinvestir les éléments canoniques du portrait, que cela leur vienne « naturellement ». Ensuite le re-travail sur le style n’en sera que plus intéressant pour eux.

Mélanger individuel et collectif lors d’une participation au concours de la nouvelle des Hauts-de-Seine : tableau des séquences

Les premières séquences de cette progression annuelle se sont attachées à une révision et un approfondissement de l’étude de la narration, conformément aux Instructions Officielles. Ce choix est lié à la perspective de participer au Concours de la Nouvelle des Hauts-de-Seine. Cette participation constitue le projet de la classe et donne lieu à un projet de travaux crosés avec le professeur de technologie.

Ainsi, l’objectif essentiel de la première séquence sera de mettre en évidence le travail de l’écriture chez deux auteurs : Emile Zola et Jean Giono.

Séquence n°1 : Le travail de l’écriture, du brouillon au texte définitif

L’objectif essentiel de la première séquence est de mettre en évidence le travail de l’écriture chez deux auteurs : Emile Zola et Jean Giono.

Parallèlement l’étude des transformations en termes de contenu et de forme, les élèves seront conduits, dans un travail d’écriture, à mesurer l’écart entre la prise de notes et l’écriture « définitive ».

En langue, bien sûr, cette mise en parallèle est éclairante. Elle permet de prendre en compte des éléments essentiels : la construction des phrases, l’enrichissement des groupes nominaux, l’organisation en paragraphes...

Séance Dominante Description
1 Lecture Lecture en parallèle, à l'aide d'un tableau, de deux textes d'Emile Zola : Carnets d'enquête et Germinal
2 Langue Les différentes formes de phrases, étude menée à partir des textes étudiés
3 Ecriture Prise de notes par groupe de 4 élèves
4 Oral Lecture à haute voix des textes écrits
5 Lecture Etude de deux extraits de Jean Giono : Un Hussard sur le toit et Angelo
6 Langue Etude des expansions du nom dans les extraits de Giono et Zola. Le discours descriptif
7 Lecture Mise au point méthodologique : répondre à des questions de lecture
8 Langue Métaphore et comparaison
9 Ecriture Expression écrite : travail sur les prises de notes : insertion obligatoire d'une description et d'un portrait + utilisation des divers éléments de langue
10 Oral Lecture à haute voix des textes écrits
11 Ecriture Etablissement collectif d'une fiche d'évaluation
Séquence n°2 : Lire et écrire une nouvelle

Au cours de cette seconde séquence, s’effectue le lancement effectif de la nouvelle. L’objectif de la séquences est donc de mettre en parallèle l’étude d’une nouvelle avec la conception de l’écriture de la nouvelle en classe. La difficulté essentielle réside cependant dans le fait qu’il n’est pas possible de savoir quel sera le thème imposé, ni le genre qui, finalement, « émergera » des textes écrits par les élèves...

Les objectifs sont donc les suivants : apprentissage de la lecture méthodique d’une nouvelle, mise en jeu des différents éléments de la lecture dans un travail d’écriture long, réutilisation des notions de grammaire « en situation ».

Séance Dominante Description
1 Lecture Etude de Aux Champs de Guy de Maupassant : la progression du récit, les personnages. Etude faite en groupes.
2 Langue Grammaire de texte. La structure de la nouvelle
3 Langue Vocabulaire. L'importance du champ lexical
4 Langue Les temps du passé : conjugaison et utilisation
5 Oral Synthèse orale des questions de lecture par les différents groupes
6 Lecture Reprise collective et mise en place des notions de nouvelle et de réalisme
7 Lecture En liaison avec l'écriture de la nouvelle, projection et étude de la fin du film La nuit du Chasseur, Charles Laughton
8 Oral Reprise orale du contrôle sur les nouvelles extraites du K de Dino Buzzati. Mise en place de la notion de "fantastique".
9 Oral Discussion autour de l'extrait du film La nuit du Chasseur
10 Oral Première lecture à haute voix de la totalité de la nouvelle
  Ecriture En parallèle à tout cela :
a) Lecture des règles et contraintes de participation au concours de la nouvelle
b) Ecriture individuelle d'un premier jet
c) Lecture à haute voix des scénarios les plus complets
d) Travail par groupes sur une structure de la nouvelle
e) Choix du point de vue
f) Choix de la meilleure structure
g) Retravail de la structure afin d'obtenir une structure définitive
h) Ecriture individuelle de la nouvelle, découpée étape par étape
Séquence n°3 : Adopter un point de vue dans le récit

Cette séquence, du fait du projet d’écriture, devient concrète. Elle s’organise sur deux plans. Un plan général : qu’est-ce que le point de vue dans le récit ? Un plan particulier : l’intérêt du point de vue interne dans le récit fantastique, choisi par les élèves pour leur nouvelle.

Séance Dominante Description
1 Lecture Un auteur, trois narrateurs : trois extraits de textes de Victor Hugo : Choses vues, Le Dernier Jour d’un condamné, Les Misérables
2 Lecture Etude de trois écrits à la troisième personne : Extrait de Moderato Cantabile, M. Duras ; Extrait de Une vie de Maupassant  ; Extrait de Colline de Giono.
3 Ecriture
Oral
Continuation du travail autour de la nouvelle  :
a) Justification orale du choix de la première personne dans la nouvelle de classe
b) Réécriture, séquence par séquence
c) Reprise de diverses parties du texte
d) En parallèle, frappe du texte en collaboration avec le professeur de technologie
e) Choix du titre
f) Relecture finale
4 Langue Savoir reconnaître le point de vue dans un récit
5 Oral Visionnage complet du film La nuit du Chasseur et discussion autour du film : le point de vue, le rôle de la chanson dans la montée de la peur
6 Lecture Synthèse sur la question des points de vue
7 Ecriture Ecriture d’un texte court, selon un point de vue choisi
8 Lecture Etude du texte de Maupassant, Apparition  : point de vue et récit fantastique, étude d’un extrait de la nouvelle écrite par la classe.
9 Ecriture Contrôle de séquence : Analyse d’un extrait de Frankenstein de Mary Shelley

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