Les Liaisons dangereuses : analyse de l’adaptation cinématographique par Stephen Frears
Présentation de la séquence
– Durée de la séquence : 2 heures.
– Axe d’étude : du roman au film par les mots
Fiche d’identité du film
– Choderlos de Laclos, Les Liaisons Dangereuses, 1782
– Réalisateur : Stephen Frears, Dangerous Liaisons 1988 / Version française 1992
– Interprètes :
- Glenn Close (Merteuil)
- John Malkovitch (Valmont)
- Michelle Pfeiffer (Tourvel)
- Uma Thurman (Cécile de Volanges)
– Scénario : Christopher Hampton
Voir la fiche du film sur la base IMDB (en anglais)
Introduction
La littérature et le cinéma sont deux arts n’utilisant pas les mêmes outils mais ayant un même but : créer une émotion pour mieux transmettre un message.
Quels sont les outils du cinéma ?
L’image
Le générique s’ouvre sur une image chargée de sens : deux mains féminines, dont l’une est ornée d’un bracelet à triples rangées de perles, tiennent une lettre, cachetée à la cire rouge, sur laquelle apparaît le titre du film, « Dangerous Liaisons ». Cette image nous apporte plusieurs informations primordiales : nous sommes à une époque où l’on écrit à la plume et où l’on cachète les lettres à la cire (ici XVIIIe) ; le bijou nous laisse entendre que l’intrigue va se dérouler dans un milieu riche (ici la petite aristocratie) ; les mains étant féminines, on peut imaginer que l’intrigue sera menée par une femme (Merteuil en l’occurrence, comme nous l’indique le bracelet).
Les costumes et décors
La différence sociale entre Valmont et M. Armand, paysan, est très fortement soulignée par l’excessive pauvreté des costumes paysans, qui tombent véritablement en loques. (22e mn)
Le décor peut à lui seul rendre une scène comique. Lorsque Merteuil reçoit chez elle Mme de Volanges et lui révèle la liaison épistolaire entre Cécile et Danceny, Valmont est caché derrière un paravent. Il se rend soudain compte que le miroir situé derrière lui trahit sa présence et on le voit littéralement plonger derrière un canapé. (39e mn)
Le jeu des comédiens
Valmont est revenu passer quelques jours chez sa tante, Mme de Rosemonde. Il est chargé d’une lettre de Danceny pour Cécile. Afin de la lui remettre, il crée une diversion, prétend que Mme de Tourvel se sent mal et a besoin de prendre l’air. Tout le monde sort. Il retient Cécile, lui prend son châle et l’invite à revenir le chercher afin qu’ils puissent être seuls un moment ce qui permettra à Valmont de lui donner sa lettre. Cécile sort. Valmont se cache derrière une plante, à gauche de la porte-fenêtre. Cécile revient et cherche Valmont à droite, là où il se tenait quelques secondes plus tôt. Ne le trouvant pas, elle a tout un mouvement de tête qui montre son étonnement et souligne son inexpérience en matière d’intrigues amoureuses. Ainsi, c’est uniquement son jeu corporel qui nous fait mieux connaître son personnage. (45e mn)
Le raccourci temporel
Cécile, terrorisée en repensant à ce qui s’est passé avec Valmont la nuit précédente, écrit à Merteuil afin d’obtenir des conseils et un réconfort moral. Deux images se succèdent, avec pour lien la voix-off de Cécile lisant ce qu’elle écrit : la première nous montre la jeune fille en pleurs à son secrétaire, la seconde Merteuil, un large sourire sur le visage. Les deux images enchaînent en quelques secondes ce que la réalité séparent de plusieurs heures. Le raccourci met ici en évidence la différence de vue entre Cécile et la marquise, et l’hypocrisie de cette dernière. (53e mn)
Le mouvement de la caméra
Lorsque Merteuil confie à Valmont comment elle s’est endurcie elle-même, la caméra réalise un zoom avant qui nous fait entrer dans l’intimité de sa conscience. De même, lorsque Merteuil révèle à Valmont qu’elle a joué sur son amour propre pour l’amener à quitter Tourvel qu’il aimait pourtant et qu’il aime toujours, la caméra se met à tourner autour du Vicomte, concrétisant ainsi le bouleversement et l’égarement qu’il ressent alors.(101e mn)
I. Comparaison entre les structures générales du roman et du film : une structure composée
Le roman ne présente pas l’intrigue de façon linéaire. Souvent, il faut attendre plusieurs dizaine de pages avant de voir s’accomplir un événement annoncé. Par exemple, avec la lettre 4, Merteuil demande à Valmont de séduire Cécile afin de la venger de Gercourt ; la lettre 5 nous apprend le refus du Vicomte : c’est trop facile ; retournement de situation à la lettre 44 : Valmont finalement accepte, afin de punir Mme de Volanges de le desservir auprès de Tourvel ; les lettres 96 et 97 annonce sa « victoire » à Merteuil, selon le point de vue de Valmont puis selon celui de Cécile. On voit ici que la séduction demandée à la page ... n’aboutit qu’ à la page ... ! Entre temps, d’autres intrigues se nouent, la relation entre Tourvel et Valmont ou Cécile et Danceny par exemple.
Le film ne fonctionne pas autrement. Le réalisateur a souvent recours à la voix-off de tel ou tel pour mettre en évidence le lien entre deux événements ou deux personnages. On voit alors le destinataire lire la lettre qu’on entend dite par le destinateur (ex : Valmont off et Merteuil - 64e mn - et inversement - 86e mn -). Il arrive aussi que l’image nous montre ce que raconte la voix-off du locuteur ou destinateur, superposant ainsi les moments et les lieux (ex : Valmont présentant Tourvel à Merteuil - 16e mn- ).
II. Du texte de Laclos au dialogue du film
A. Roman et dialogues
Le scénario (= continuité dialoguée) s’inspire très largement du roman.
Exemple sur les lettres 4, 5 et 6.
Les lettres 4, 5 et 6 dans le film
Intérieur, jour / Valmont, Merteuil
(La marquise vient de demander à son complice de séduire Cécile.) 11e et 12e mn
VALMONT « Je ne puis y souscrire.
MERTEUIL Pourquoi ?
VALMONT C’est trop facile. Allons, elle n’a rien vu. Elle ne connaît rien, et par simple curiosité, elle ne voudra pas me résister et cédera dès mon premier assaut. En cette affaire, vingt autres que moi triompheraient d’elle et j’ai ma réputation, je dois la sauvegarder. (bref silence) De crainte de vous fâcher, il faut donc que j’avoue tout.
MERTEUIL Ah, vous en doutiez ...
VALMONT (l’interrompant) M’oui, bien. Ma tante a de la société au château en ce moment ; elle y reçoit une jeune personne de ses amies. Une Madame de Tourvel.
MERTEUIL (moqueuse) Je ne puis vous croire !
VALMONT Quoi, séduire une femme célébrée pour ses vertus morales, sa ferveur et l’éclatant bonheur de son mariage, baste, que puis-je espérer de plus prestigieux !
MERTEUIL (méprisante) Je trouve quelque peu dégradant d’avoir devant soi un mari pour rival. C’est humiliant si l’on échoue et tristement banal si l’on réussit. A propos, où est Monsieur de Tourvel ?
VALMONT En Bourgogne, où il préside les débats d’un procès interminable.
MERTEUIL N’espérez pas obtenir un quelconque plaisir de cette aventure.
VALMONT Au contraire, sachez-le, je n’ai point l’intention de briser aucun de ses préjugés antiques, je veux qu’elle se cramponne à son dieu, à la vertu et à la sainteté du mariage, tout en étant incapable de dominer son coeur. Je veux goûter le suprême bonheur de la voir trahir tout ce qui est le plus important à ses yeux. »
Les lettres 4, 5 et 6 dans le roman
LETTRE IV : LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A PARIS
(...)
Ne vous fâchez pas et écoutez-moi. Dépositaire de tous les secrets de mon coeur, je vais vous confier le plus grand projet que j’aie jamais formé. Que me proposez-vous ? de séduire une jeune fille qui n’a rien vu, ne connaît rien ; qui, pour ainsi dire, me serait livrée sans défense ; qu’un premier hommage ne manquera pas d’enivrer et que la curiosité mènera peut-être plus vite que l’Amour. Vingt autres peuvent y réussir comme moi. Il n’en est pas ainsi de l’entreprise qui m’occupe ; son succès m’assure autant de gloire que de plaisir l’Amour qui prépare ma couronne hésite lui-même entre le myrte et le laurier, ou plutôt il les réunira pour honorer mon triomphe. Vous-même, ma belle amie, vous serez saisie d’un saint respect, et vous direz avec enthousiasme : « Voilà l’homme selon mon coeur. » Vous connaissez la Présidente Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères. Voilà ce que j’attaque ; voilà l’ennemi digne de moi ; voilà le but où je prétends atteindre :
Et si de l’obtenir je n’emporte le prix,
J’aurai du moins l’honneur de l’avoir entrepris.
On peut citer de mauvais vers, quand ils sont d’un grand Poète [La Fontaine].
Vous saurez donc que le Président est en Bourgogne, à la suite d’un grand procès (j’espère lui en faire perdre un plus important). Son inconsolable moitié doit passer ici tout le temps de cet affligeant veuvage. Une messe chaque jour, quelques visites aux Pauvres du canton, des prières du matin et du soir, des promenades solitaires, de pieux entretiens avec ma vieille tante, et quelquefois un triste Wisk, devaient être ses seules distractions. Je lui en prépare de plus efficaces. Mon bon Ange m’a conduit ici, pour son bonheur et pour le mien. Insensé ! je regrettais vingt-quatre heures que je sacrifiais à des égards d’usage. Combien on me punirait, en me forçant de retourner à Paris ! Heureusement il faut être quatre pour jouer au Wisk ; et comme il n’y a ici que le Curé du lieu, mon éternelle tante m’a beaucoup pressé de lui sacrifier quelques jours. Vous devinez que j’ai consenti. Vous n’imaginez pas combien elle me cajole depuis ce moment, combien surtout elle est édifiée de me voir régulièrement à ses prières et à sa Messe. Elle ne se doute pas de la Divinité que j’y adore.
(...)
Du Château de ..., 5 août 17**
LETTRE V : LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT
(...)
Allons, Vicomte, rougissez vous-même, et revenez à vous. Je vous promets le secret.
Et puis, voyez donc les désagréments qui vous attendent ! quel rival avez-vous à combattre ? un mari ! Ne vous sentez-vous pas humilié à ce seul mot ? Quelle honte si vous échouez ! et même combien peu de gloire dans le succès ! Je dis plus ; n’en espérez aucun plaisir. En est-il avec les prudes ? j’entends celles de bonne foi : réservées au sein même du plaisir, elles ne vous offrent que des demi-jouissances. Cet entier abandon de soi-même, ce délire de la volupté où le plaisir s’épure par son excès, ces biens de l’Amour, ne sont pas connus d’elles. Je vous le prédis ; dans la plus heureuse supposition, votre Présidente croira avoir tout fait pour vous en vous traitant comme son mari, et dans le tête-à-tête conjugal le plus tendre, on reste toujours deux. Ici c’est bien pis encore ; votre prude est dévote et de cette dévotion de bonne femme qui condamne à une éternelle enfance. Peut-être surmonterez-vous cet obstacle, mais ne vous flattez pas de le détruire : vainqueur de l’Amour de Dieu, vous ne le serez pas de la peur du Diable ; et quand, tenant votre Maîtresse dans vos bras, vous sentirez palpiter son coeur, ce sera de crainte et non d’amour. Peut- être, si vous eussiez connu cette femme plus tôt, en eussiez-vous pu faire quelque chose ; mais cela a vingt-deux ans, et il y en a près de deux qu’elle est mariée. Croyez-moi, Vicomte, quand une femme s’est encroûtée à ce point, il faut l’abandonner à son sort ; ce ne sera jamais qu’une espèce .
(...)
Paris, ce 7 août 17**
LETTRE VI : LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL
(...)
J’ai dirigé sa promenade de manière qu’il s’est trouvé un fossé à franchir ; et, quoique fort leste, elle est encore plus timide : vous jugez bien qu’une prude craint de sauter le fossé [On reconnaît ici le mauvais goût des calembours, qui commençait à prendre, et qui depuis a fait tant de progrès]. Il a fallu se confier à moi. J’ai tenu dans mes bras cette femme modeste. Nos préparatifs et le passage de ma vieille tante avaient fait rire aux éclats la folâtre Dévote : mais, dès que je me fus emparé d’elle, par une adroite gaucherie, nos bras s’enlacèrent mutuellement. Je pressai son sein contre le mien ; et, dans ce court intervalle, je sentis son coeur battre plus vite. L’aimable rougeur vint colorer son visage, et son modeste embarras m’apprit assez que son coeur avait palpité d’amour et non de crainte. Ma tante cependant s’y trompa comme vous, et se mit à dire : « L’enfant a eu peur » ; mais la charmante candeur de l’enfant ne lui permit pas le mensonge, et elle répondit naïvement : « Oh non, mais. » Ce seul mot m’a éclairé. Dès ce moment, le doux espoir a remplacé la cruelle inquiétude. J’aurai cette femme ; je l’enlèverai au mari qui la profane : j’oserai la ravir au Dieu même qu’elle adore. Quel délice d’être tour à tour l’objet et le vainqueur de ses remords ! Loin de moi l’idée de détruire les préjugés qui l’assiègent ! ils ajouteront à mon bonheur et à ma gloire. Qu’elle croie à la vertu, mais qu’elle me la sacrifie ; que ses fautes l’épouvantent sans pouvoir l’arrêter ; et qu’agitée de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu’alors, j’y consens, elle me dise : « Je t’adore », elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu’elle aura préféré.
Du Château de ..., ce 9 août 17**
Interprétation
On voit ici que le scénariste a non seulement respecté l’esprit du roman, mais aussi, et à plusieurs reprises, sa lettre même !
On notera d’autre part que, pour écrire un dialogue, il a fallu passer du type de communication unidirectionelle des lettres à l’échange de la conversation vivante.
Schémas de communication pour les lettres 4, 5 et 6 dans le roman et dans le film
(—> = s’adresse à)
– Roman (communication unidirectionnelle) :
- Lettre 4 : A —> B
- Lettre 5 : B —> A
- Lettre 6 : A —> B
– Scénario (communication bi-directionnelle) :
- Scène créée à partir des lettres 4, 5 et 6 : A <—> B
Cette métamorphose a supposé un travail de recoupement, le scénariste rebondissant d’une lettre à l’autre pour trouver les répliques et les enchaîner, et de raccourci temporel : les lettres sont écrites du 5 au 9 août mais la conversation ne dure que 3 minutes !
B. Paroles et images
L’image vient souvent soutenir les paroles. Ainsi, lorsque Cécile écrit son désespoir à Merteuil, l’image nous la montre en pleurs, échevelée et fragilisée par son costume puisqu’elle est en chemise de nuit, terrifiée par le bruit de la porte à laquelle frappe Valmont qui espérait passer une seconde nuit avec elle.
Tout cet appareil illustre et complète le sens de ses paroles : « Ô Madame, à qui d’autre pourrais-je confier le désespoir qui est le mien ? mais je n’ose écrire les mots qu’il faudrait ... »
La voix de Cécile devient « off » à partir du mot clé « désespoir », qui sert d’articulation à deux séquences : Cécile écrivant, éperdue, puis Merteuil lisant, ravie. Cet enchaînement acquiert tout son sens précisément parce qu’il se joue sur ce mot-là : il nous confirme en effet que le « désespoir » de l’une est la victoire de l’autre.
De même, l’image associée aux paroles peut créer des liens entre deux séquences éloignées de plusieurs minutes. A la 33e minute, Valmont, sur son lit, écrit à Tourvel : Émilie, courtisane avec qui il vient manifestement de faire l’amour, lui sert de table. Plus tard, à la 72e minute, la même scène se reproduit, mais les protagonistes sont alors Valmont, qui joue le rôle de la table, et Cécile. Les paroles créent un lien entre eux qui accentue le dévergondage de la pucelle :
– Intérieur, jour (chez Valmont)
Danceny, Merteuil, Valmont
DANCENY : « Je viens d’avoir la plus belle lettre du monde, d’un tout autre style que ses autres lettres. Comment dire ... à croire qu’elle a soudain une autre voix. »
– Intérieur, nuit (chez Cécile)
Valmont, Cécile
CÉCILE : « Mon cher et tendre Danceny, oh je vous le jure ...
VALMONT (dictant) : ... sur ma chasteté, si ma mère me contraint à accepter ce mariage, c’est à vous que j’appartiens. Point à la ligne. Votre ami le Vicomte de Valmont ne cesse pas de s’activer de tout son coeur en votre nom : vous ne sauriez en faire plus que lui ... »
Sur un autre plan, créant un lien entre la jeune fille et la courtisane, l’image souligne également, en sus des paroles de Danceny qui précèdent, l’évolution de Cécile.
C. Paroles, images et intrigue
Il arrive que l’image aide à comprendre l’intrigue. Ainsi, à la 80e minute, commence une scène où l’on voit Valmont réclamer sa récompense à Merteuil à qui il vient d’annoncer sa « victoire » auprès de Tourvel. Celle-ci se refuse car elle soupçonne le vicomte d’aimer la Présidente.Il lui affirme le contraire et lui dit vouloir « rentrer au port » ...
– Intérieur, jour (chez Merteuil)
Valmont, Merteuil (82e mn)
VALMONT : « Je n’ai plus d’illusions. Elles ont coulé au fil de mes aventures. » Il s’avance vers la marquise. La caméra change d’angle de vue et nous montre Valmont de dos, Merteuil de face. Elle paraît émue. « A présent, je veux rentrer au port. » Nouveau changement de cadrage : le Vicomte de face. « Quant à cette passion qui m’assaille, elle va s’éteindre, mais là je ne peux pas lutter. Ce n’est pas ma faute. » Nouveau cadrage : Merteuil de face. Son sourire s’efface brusquement. Elle recule ; s’en va, sans dire un mot. (83e mn)
Le jeu de la caméra est ici primordial car il charge les paroles, et les silences, de sens. Ainsi, la déconfiture de Merteuil ne nous est pas indiquée par des mots mais par une image qui a elle seule explique la scène de l’abandon de Tourvel par Valmont.
Il peut aussi arriver que l’image se substitue aux paroles tout en faisant progresser l’intrigue. Ainsi aux 42e et 43e minute du film s’enchaînent deux scènes sans paroles dont l’une est la conséquence de l’autre.
En effet la première nous montre Madame de Volanges entrant dans la chambre de sa fille, allant droit à son secrétaire, tirant un tiroir et découvrant la liasse des lettres que Danceny a envoyées à Cécile. Celle-ci, effarée, se lève et s’évanouit.
La seconde scène s’ouvre sur le salon de Madame de Rosemonde. Madame de Volanges est là, avec sa fille, éloignée de Danceny sur les conseils de Merteuil. Valmont tourne à l’intérieur du cercle que forment Volanges, Cécile, Tourvel et Rosemonde, chacune à son activité. Il agite discrètement une lettre de Danceny destinée à Cécile. Celle-ci, naïve, ne réagit pas.
Cette deuxième séquence nous lance sur une autre phase de l’intrigue : la séduction de Cécile par Valmont (affaire de la clé), et cela sans paroles.
CONCLUSION
On voit que passer d’un roman à un film nécessite une adaptation, c’est-à-dire une métamorphose du texte qu’il va falloir adapter à de nouveaux moyens d’expression. Parmi ceux-ci retenons les plus importants : le passage d’une parole écrite à une parole vivante avec tout ce que cela suppose d’échange et d’allègement du style ; un jeu permanent sur les images dont aucune n’est vraiment anodine ; un enchaînement rapide, grâce au texte ou aux images, des grands moments de l’intrigue.