Travail personnel du professeur Le professeur à son bureau

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Concevoir un cours est un travail invisible essentiel qui passe par une invention personnelle et un travail assuré sur ses propres ressources. L’organisation didactique et pédagogique ne peut se passer de cette phase sans laquelle le professeur n’aura guère de ressources pour réagir en classe, ajuster, adapter.

Espaces-temps du travail enseignant

Le travail du professeur se déploie dans plusieurs espaces et selon des temporalités différentes :

  • Au bureau, le temps long du travail de préparation de cours, le temps court d’ajustement des séances d’un jour sur l’autre, le temps dense de lecture et annotation des copies.
  • En classe, le temps long de la construction de la relation pédagogique et de la construction des compétences des élèves ; le temps court de la réactivité aux comportements et interventions des élèves (questions, relances, remises en cause parfois)…
  • En salle des professeurs, dans l’établissement, le temps long des relations professionnelles qui se tissent, des solutions collectives qui s’ajustent ; le temps court des décisions pédagogiques ponctuelles (sujets d’examens blancs, projet culturel…) et des échanges informels.

Lorsqu’on envisage ces espace-temps, on mesure la complexité, l’ajustement permanent de la posture professionnelle enseignante – et la part invisible du travail. On comprend également que la capacité à circuler entre ces espace-temps, entre un temps linéaire et spiralaire, demande du … temps.

Travail au bureau

L’espace-temps du travail au bureau est par excellence celui qui fait de l’enseignant un intellectuel, un chercheur, un créateur qui puise dans sa connaissance disciplinaire mais aussi dans sa sensibilité, comme dans son positionnement éthique, pour conduire la classe vers des savoirs, en souplesse et en confiance. En effet, c’est dans ce temps premier, long, très proche du travail universitaire et créatif, que se construit l’expertise disciplinaire qui permet de poursuivre une finalité tout à la fois éthique et esthétique, dépassant l’urgence du temps de la classe.
En situant les interventions des élèves dans le contexte du cours (que faisons-nous à ce moment précis ? se sentent-ils en difficulté ? lisons-nous un texte susceptible de convoquer, et parfois contre toute attente, les émotions ou l’intimité des élèves ?), il est aisé de les rattacher à des problématiques de savoirs, des questionnements proprement littéraires, s’ils ont été identifiés, explorés en amont. Cet élève de cinquième interrompt la lecture de la fable de Jean de La Fontaine « Les Deux amis » : « Mais pourquoi ça se passe la nuit ? ». Veut-il perturber la classe ou a-t-il simplement compris l’intensité dramatique de la situation ? Cet élève de lycée lance à la cantonade : « Cette Princesse de Clèves, c’est une sainte-nitouche ! ». Provocation à épingler ou perche tendue pour explorer l’étymologie et l’histoire du mot « vertu » ?

Une modalité singulière

Si le travail au bureau est intimement lié au travail en classe, il s’en dégage une modalité singulière : le temps de l’invention créative, le temps de l’étude et de la recherche, pour construire une approche savante des corpus et les choisir de manière éclairée, pour faire l’état des lieux scientifique sur le sujet, pour créer une circulation des savoirs littéraire, culturel, artistique, anthropologique. Cette étape est dynamique, car une fois ce travail exploratoire lancé, le professeur peut exploiter judicieusement l’actualité : programmation de théâtre ou de cinéma, opération culturelle nationale ou académique (prix de lecture, événements, etc.), projets pédagogiques… Les démarches intellectuelles fondamentales qui consistent à tisser des liens et donner du sens sont à l’œuvre.
L’espace-temps du bureau est donc au cœur de la professionnalisation de l’enseignant. Le travail savant guide les gestes professionnels en classe, les réactions de la classe invitent à revisiter et approfondir le travail savant. C’est pourquoi l’expertise disciplinaire, la pédagogie, la didactique et la conduite de la classe sont intimement liées.

Mots-clés associés
séance/séquence - démarche / pédagogie de projet - culture littéraire et artistique

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