Madame de La Fayette La Princesse de Clèves - S’approprier les œuvres au programme de 1ère /1 Représentation du mariage et système des personnages

, par PASTORINO Sandra

Ce parcours est conçu pour être mené intégralement à distance, tantôt en groupes, tantôt de manière individuelle pour à la fois partager la relecture et faciliter l’appropriation de chacun. Les régulations du professeur se font à chacun des moments de bilan, sur un mur collaboratif par exemple, qui devient progressivement le parcours de révision de la classe.

S’approprier La Princesse de Clèves : consulter la proposition 2
« Représentation du mariage et système des personnages »

Présentation du projet

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle.

Œuvre & parcours : Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves / Individu, morale, société

Classe : première générale

Durée : 4 séances

Objectifs :

  • Lecture et analyse d’un article scientifique, en lien avec l’œuvre étudiée
  • Maîtrise de l’œuvre intégrale : circulation dans l’œuvre, élaboration d’une réflexion (synthèse / approfondissement) à partir de lectures croisées, analyse des personnages (relations au sein de la fiction & enjeux)
  • Pratique de l’oral : mise en voix, argumentation en prise de parole continue et en interaction

Mise en œuvre

Le principe retenu pour ce travail sur la Princesse de Clèves est de renouer avec l’œuvre, la fréquenter, pour la relire et se l’approprier en prenant appui sur un article de type universitaire invitant à un point de vue analytique et surplombant.

Support - « La représentation du mariage dans La Princesse de Clèves »

« Droit et fiction : la représentation du mariage dans La Princesse de Clèves », Christian BIET, In : Littératures classiques. Supplément au n°12,1990. Mme de La Fayette, La Princesse de Montpensier, La Princesse de Clèves pp. 33-54 [1]

Sur le Prince de Clèves

Clèves est en infraction par apport à la discipline matrimoniale classique. Cette morale, élaborée par les théologiens, enseignée par les directeurs de conscience et traduite en de nombreux catéchismes exclut formellement la passion des relations entre époux : aimer sa femme de passion, c’est commettre le péché d’adultère.
Or Clèves, le jeune Clèves maintenant sans père, donc sans chef de famille capable de lui imposer une théorie reconnue du mariage, confond tout et veut même se tromper sur cette confusion. En effet, il lie indissolublement mariage et passion, en se voulant à la fois mari, amant, conseiller et ami : c’est ce qui le perdra. On voit donc pourquoi Mme de La Fayette place dans son roman de si nombreuses scènes où Clèves revendique la confusion entre le statut de mari et celui d’amant. La scène liminaire de la première rencontre est, à cet égard, emblématique. Dès le premier regard adressé à sa future femme, Clèves mêle les deux statuts sans choisir l’un ou l’autre : il crut que « c’était une fille, mais ne lui voyant point de mère, et l’Italien qui ne la connaissait pas l’appelant Madame, il ne savait que penser ». La passion immédiate s’ordonne d’emblée autour des deux termes que Clèves veut rassembler : mari et amant, confusion des sentiments adressés à la fois à une fille à marier et à une femme mariée. […]
Clèves transgresse ainsi les lois les plus saintes du mariage en refusant l’amitié conjugale déterminante pour qualifier ces liens. Le droit canonique [2] et les moralistes qui l’interprètent parlent en effet, à ce propos, d’amicitia, entre mari et femme, une amicitia située entre l’amour et l’amitié, capable d’empêcher les débordements passionnels. Il est question, dans le mariage, de s’aimer d’un amour cordial, de s’assister mutuellement, d’allier la beauté, le lignage, les mœurs et les biens de la femme à la vertu, au lignage, à la beauté et à la sagesse et au savoir de l’homme.

Sur le Duc de Nemours

Nemours, présenté au début du roman comme le dépositaire des techniques brillantes de la galanterie, embrasse un autre univers et devient un être d’exception à mesure que le roman se concentre sur son amour. Parfois tenté par une stratégie galante, il considère pourtant le mari de celle qu’il aime comme un rival et fait preuve de mesquinerie, lui le chevaleresque seigneur, pour le discréditer aux yeux de sa femme et va même jusqu’à espérer la mort du rival. Une dernière fois, il utilise la tactique galante pour parler à Mme de Clèves en se servant du Vidame et puis il sombre et s’écarte de la cour. Extraordinaire parce que plus galant, plus beau, plus courtisan, plus tout enfin que tous ceux qui font la cour, Nemours devient extraordinaire en s’écartant extraordinairement de ce qui l’a façonné : l’homme de cour devient un amoureux surprenant. C’est l’amoureux transi qui prend une chambre pour épier la princesse, qui gît sur un banc, comme enseveli, qui se bat encore et pense expirer de douleur.
Parallèlement à M. de Clèves, Nemours envisage lui aussi l’amour dans le mariage après l’avoir conçu hors du mariage, dans un premier temps, et avoir envié le mari, dans un second temps. Finalement, le mari et l’amant proposent à la princesse la même confusion des sentiments et des statuts. Cependant Nemours est « né avec toutes les dispositions pour la galanterie et toutes les qualités qui sont propres à y donner des succès heureux » comme le lui dit Mme de Clèves à la fin du roman. Ce qu’elle craint de lui, c’est l’inconstance naturelle qui le caractérise, a fortiori parce qu’il sera soumis aux liens du mariage. Hormis M. de Clèves, elle ne reconnaît donc à aucun autre homme la constance de la passion dans le mariage et surtout pas à Nemours.

Sur la Princesse de Clèves

Au centre des débats, de plus en plus isolée à mesure que le roman avance, [Mme de Clèves] est confrontée au vide de toute référence à une loi commune. Rien ne s’impose à elle et, des solutions proposées, celles qui auraient un sens sont incompatibles entre elles. Il faut donc élaborer un chemin individuel, fait de tensions, soumis à l’évidence naturelle qu’il est impossible de vivre une relation matrimoniale dans la société que le roman a patiemment déconstruite sous couvert de la décrire. C’est là que la princesse, exceptionnelle en tous points, comme son mari et bien plus encore que Nemours, devient un personnage à proprement parler. D’abord être social, au début du roman, elle devient un individu particulier, s’écartant, du fait de ses rapports avec deux autres personnages eux-mêmes en défaut de loi commune, des lois existantes. De là son destin individuel qui la place hors du monde.
Hésitant jusqu’au bout à refuser l’amour-passion de Nemours dont elle craint l’affaiblissement et la perversion galante, elle ne l’attribue qu’à un mort qu’elle n’a elle-même jamais aimé, comme si l’idéal du mariage-passion était un leurre, dès lors qu’il est partagé. C’est dire à quel point ce chemin fait de refus perpétuels ne peut se terminer que par le refus du monde déterminé par la rencontre de la mort. […]
Puisque rien n’est possible dans l’univers des lois humaines […], Mme de Clèves suit et dépasse l’avis de sa mère.

[(De l’amour et du mariage… Quelques éclairages pour mieux comprendre l’article de C. Biet :

 Le verbe latin amare (aimer) donne en français les noms « amour » et « amitié » dont la frontière n’est pas clairement définie dans la catégorie des sentiments. Le latin amicus se traduit selon les contextes tantôt par « ami » tantôt par « amant ». Dans le monde romain amicitia désigne l’amour stable et mesuré entre époux.

 Le mariage à la cour d’Henri II obéit à un fonctionnement particulier. Il s’agit d’un sacrement encadré par les règles édictées par l’Eglise : se marier dans le sein de la même religion avec une personne issue de la même catégorie sociale, ne pas pratiquer l’inceste. Les époux se doivent fidélité, et l’un des enjeux de leur union est la naissance d’une descendance. Dans la noblesse, le mariage n’est pas affaire de sentiment, mais d’alliance entre familles ; il est donc soumis à l’approbation du père de famille.

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Étape 1 - La société de Cour

Modalités
Le travail se fait à distance, seul ou en petits groupes.

Objectifs
> Initier l’activité de révision sur La Princesse de Clèves.
> Réactiver ce qui a été dit et fait sur l’œuvre et son contexte culturel.

Activités

1- Récapituler, sous la forme de leur choix (synthèse écrite, carte mentale), les caractéristiques de la société de Cour représentée dans le roman.

  • Ils pourront notamment s’appuyer sur la présentation initiale de la Cour d’Henri II (du début jusqu’à l’apparition de Mlle de Chartres).
  • On pourra si nécessaire guider la réflexion des élèves à l’aide du parcours de réflexion suivant :
     quelles qualités y sont valorisées, et en expliquent « la magnificence » ?
     quels sont les principes et les valeurs qui en règlent le fonctionnement ?
     comment y sont définis la galanterie ? le mariage ?

[Les applications (Pad, Carte mentale) de l’ENT pourront être ici mises à profit.]

2- Rappeler les circonstances précises qui conduisent au mariage entre Melle de Chartres et M. de Clèves.

Ajustement
En fonction du travail mené préalablement en classe, on pourra fournir aux élèves l’encadré « De l’amour et du mariage » pour éclairer leur réflexion d’emblée, ou en transition avec l’étape suivante.

Étape 2 - Lecture de l’article de Christian Biet

Modalités

  • Travail individuel, à distance.
  • Séparation de la classe en 3 groupes.
  • Envoi à chaque groupe de l’extrait de l’article correspondant au personnage qu’il a un charge : le Prince de Clèves, le Duc de Nemours, la Princesse de Clèves.

Questions

  • Comment Christian Biet caractérise-t-il le personnage ? Comment le situe-t-il par rapport aux règles morales et sociales en usage à la cour d’Henri II ?
  • Expliquez au choix un des deux passages surlignés en gras dans votre partie d’article en vous appuyant sur votre connaissance du roman.
  • Sélectionnez un extrait (10 à 20 lignes) du roman qui illustre le passage de l’article choisi et expliqué & préparez sa mise en voix

Étape 3 - Réflexion collective autour des 3 personnages

Modalités
Travail en groupe qui peut se faire en présentiel ou à distance, en classe virtuelle.

Mise en commun
Chaque groupe procède à une mise en commun des éléments de réflexion préparés en amont (cf. étape 2). En présentiel, le professeur pourra éclairer les passages en gras qu’aucun élève n’aurait expliqués.

Pour soutenir la réflexion
Une question :

D’après Christian Biet, qu’est-ce qui rend ce personnage extraordinaire par rapport aux normes de la société dans laquelle il est situé ?

Objectif final
Élaboration collective, par groupe sur chacun des personnages, d’une réflexion argumentée, illustrée par de 2 ou 3 extraits de l’œuvre (parmi ceux sélectionnés à l’étape précédente).

Étape 4 - Présentation orale

Modalités
Le travail pourra se faire en classe, en présentiel ou à distance, en classe virtuelle. On imaginera consacrer l’équivalent de 3 « séances ».

Oral en continu
Présentation orale par chaque groupe du résultat de sa réflexion, éclairée par la mise en voix de 2 ou 3 extraits du roman.

  • On peut envisager d’enregistrer et de mettre ensuite le podcast à disposition des élèves n’ayant pas pu se connecter ou n’étant pas présents en classe.
  • Les auditeurs sont chargés pendant l’écoute :
     de préparer une question de relance suite à la présentation, à poser au groupe (entraînement à l’entretien) ;
     d’évaluer la mise en voix des extraits choisis (3 critères – fluidité, justesse, expressivité).

Oral en interaction
Pour prolonger la réflexion, les élèves auditeurs ont pour charge de mener l’entretien en prenant appui sur les questions de relance préparées pendant la prestation de leurs camarades.

Retours sur la mise en voix des extraits

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