Introduction

, par BLACKSTONE Jacqueline, Lycée Gustave-Monod, Enghien, CONGIU Christian, Lycée Jean-Perrin, Saint-Ouen-l’Aumône, d’ARCY Sophie, Lycée Jean-Pierre Timbaud, Brétigny-sur-Orge, DES GROTTES Catherine, Lycée de l’Essouriau, Les Ulis, GARGANO Alice , Lycée Eugène-Ionesco, Issy-les-Moulineaux, MANGEOT Philippe, Lycée Georges-Pompidou, Villenveuve-la-Garenne, PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie, RODRIGUES Jean-Marc, Lycée Mansart, Saint-Cyr-l’Ecole

Cet article date de 2005. S’il répond à des programmes qui n’ont plus cours, la question pédagogique et didactique abordée conserve, elle, toute sa pertinence. La démarche décrite peut être réinvestie avec quelques adaptations.

I. Les problèmes que posent les exercices d’écriture au lycée

« C’est en écrivant qu’on devient écriveron » : la nécessité de travailler autrement l’écriture au lycée

« C’est en écrivant qu’on devient écriveron. » Le proverbe de Raymond Queneau dans Exercices de style devrait devenir un des sésames de nos élèves face aux exercices d’écriture auxquels nous les préparons. Une des finalités des objets d’étude « Travail de l’écriture », « Ecrire, publier, lire », « Réécritures » est d’ailleurs de nous aider à faire leur faire prendre conscience qu’un chef-d’œuvre est le plus souvent une œuvre achevée à force de travail, et que l’œuvre est souvent précédée de carnets, notes, brouillons, et vit dans des états successifs avant sa version définitive. Pourtant nous voyons nos élèves ne pas faire de brouillon, et se contenter d’écrire au crayon une version qu’ils se contenteront de recopier, s’ils en ont le temps. C’est ce fantasme de l’écriture automatique et des mots qui coulent de source que nous devons combattre car il est un alibi trop facile pour expliquer, justifier et entériner des difficultés et l’absence de progrès.

« Avant de se mettre à écrire un roman, il faut apprendre l’orthographe » : la maîtrise de la langue en question

Est-ce de la même manière que l’oncle auquel Nathalie Sarraute présente son premier « roman » que nous devons réagir face aux exercices d’écriture qui nous sont proposés aujourd’hui par nos élèves ? Comment les lire et les évaluer ? A l’absence de réelle pratique du brouillon s’ajoutent d’autres écueils que le professeur de français doit affronter aussi bien au collège qu’au lycée : orthographe, grammaire, syntaxe, vocabulaire. Autant de raisons qui nous font dire et entendre trop souvent : « Ils ne savent pas écrire ». Constat dramatique lorsque nous devons en plus apprendre à nos élèves la maîtrise de trois exercices difficiles en seulement deux courtes années : commentaire, dissertation, écriture d’invention. Il ne s’agit pas ici de déplorer un état de fait qui doit d’ailleurs être modulé car nos élèves, avec leurs difficultés en matière d’écriture notamment, ont cependant des capacités remarquables dans des domaines que les générations précédentes ne maîtrisaient pas : informatique, analyse de l’image, etc. Souvent d’ailleurs, ils sont scripteurs et écrivent des textes non scolaires : poésie, journal intime, correspondances, qui revêt parfois cette forme si déroutante pour nous qu’est le texto, langage autre, avec ses codes et ses règles, et qui apparaît dans leurs prises de notes. Les idées avancées dans le cadre de la partie « collège » de la brochure sont dignes d’intérêt également pour le lycée, tant il est vrai que les élèves de seconde sont encore à bien des égards, des collégiens : fréquence des exercices d’écriture dont la forme, la longueur et l’évaluation doivent être repensées.

« A la recherche du temps perdu » : prendre le temps de travailler autrement l’écriture au lycée

Il n’en demeure pas moins qu’une question demeure : celle du temps. La partie collège de la brochure s’interroge également sur ce problème dans le chapitre « quand faire écrire ? », mais la formulation pour le lycée serait plutôt : « comment trouver le temps de faire écrire ? » En effet, comment répondre à toutes les exigences du baccalauréat tout e prenant le temps de mener un travail approfondi sur l’écriture avec les élèves. Il est évidemment absurde de ne pas travailler l’écriture quand l’écrit est un des écueils sur lesquels ils buttent lors des EAF, mais il est déjà difficile de tenir toutes les objectifs d’un programme très ambitieux. Non seulement nous manquons de temps, mais nous devons également lutter contre l’émiettement du cours de français, en seconde surtout, entre classe entière, module, aide individualisée, etc. Risque double : pour le professeur, perdre du temps devant un programme très lourd, et pour l’élève, ne plus percevoir la cohérence de la discipline et des apprentissages d’écriture. Cloisonnement dont il n’est pas inutile de rappeler qu’il est une des difficultés récurrentes de nos élèves : nous avons trop souvent l’occasion de constater leur incapacité à réinvestir ailleurs que dans le cours, de français par exemple, ce qui aura été appris à l’occasion du cours de français. La méthode de la dissertation, travaillée en français, en histoire, en économie et en philosophie en est un bon exemple. Dès lors, la question du temps s’avère cruciale : quelle gestion du temps pour l’écriture au lycée ?

II. Axes de réflexion : réfléchir à des pratiques diversifiées pour permettre un meileur apprentissage des compétences d’écriture au lycée

Des pratiques d’écriture liées à la séquence, son objet d’étude, sa problématique

Comme les professeurs de collège, aux travaux desquels nous faisons ici référence, nous avons, au cours de nos réflexions, abouti à la conclusion qu’il faut développer les petits exercices en les articulant étroitement à un travail sur la langue : orthographe, grammaire ou vocabulaire. Chaque chois qu’il est possible, il faut mettre l’élève en situation de produire un discours. Il faut d’abord qu’ils écrivent, la correction et l’amélioration de la langue doit venir après.

Ces petits exercices s’inscrivent, avec d’autres, dans une optique de diversification des pratiques d’écriture. On ne peut demander aux élèves d’écrire des commentaires et des dissertations s’ils n’en ont jamais vus et s’ils n’en maîtrisent pas encore les compétences, comme la délibération par exemple. L’échec est dès lors quasiment systématique lors des premières tentatives et risque de décourager un grand nombre d’entre eux. Au contraire, en partant d’exercices divers, et en créant progressivement les compétences exigées pour le commentaire ou la dissertation, les codes et les règles des épreuves de l’EAF sont mieux intégrées et mises en pratique.

La confrontation de nos expériences respectives, réussies ou non, nous a également permis de mesurer à quel point l’acquisition des nouvelles compétences exigées par les exercices très codifiées que sont les épreuves du baccalauréat est facilitée par une articulation avec les objets d’étude et la séquence. Les pratiques d’écriture les plus diverses, les plus ponctuelles ou les plus stimulantes pour l’élève deviennent alors très cohérentes. Par ailleurs, lorsque les exercices que nous proposons sont concrètement articulés aux textes étudiés en classe, la question du temps et de son émiettement ne se pose plus. Il faut exploiter davantage les possibilités offertes par les programmes pour diversifier les pratiques d’écriture.

Un apprentissage progressif des compétences d’écriture exigées par l’EAF

Il s’agit dès lors de ne plus penser la seconde et la première séparément, mais d’envisager une véritable progression sur deux ans en vue de l’acquisition des méthodes de l’EAF. L’accent a été mis sur l’idée qu’il faut partir d’un travail visant à développer les pratiques d’écriture pour atteindre progressivement les exigences de l’EAF, et non pas partir d’emblée sur les méthodes précises des épreuves de l’EAF. Il s’agit ainsi de partir de compétences diversifiées pour amener ensuite les élèves à la méthode spécifique de chaque épreuve. La question du manque de temps en classe de première surtout ne se pose plus : dans la mesure où on accepte d’élargir les exercices d’écriture en seconde, des habitudes peuvent se prendre et ensuite être reproduites en première. Les pratiques d’écriture au lycée doivent dès lors être diversifiées pour s’inscrire dans un apprentissage sur deux ans. On peut aborder les épreuves de l’EAF par des biais variés, sans que l’exercice soit toujours formaté à la manière d’un commentaire ou d’une dissertation. Le parcours peut se faire par des approches très libres : certaines formes d’écriture ne correspondent pas directement aux EAF, mais y contribuent.

Enfin, ces pratiques d’écriture diversifiées, liées aux EAF ne manière plus souple, permettent de développer chez l’élève des compétences plus vastes, susceptibles d’être réutilisées dans d’autres matières, voire plus tard, après le bac. Il ne faut pas oublier en effet que le français au lycée reste une matière pivot au sein de l’ensemble des disciplines enseignées. Il ne s’agit plus seulement de l’acquisition d’une culture : diversifier les pratiques d’écriture en les appuyant les textes permet aussi de faire en sorte que ces compétences d’écriture soient le socle sur lequel les élèves pourront se reposer après le baccalauréat : il faut que les élèves quittent le lycée en ayant appris à écrire souvent, des textes différents.

III. Notre démarche

Progression méthodologique, selon les objectifs de chaque exercice

Nous proposons, dans la deuxième partie de cette brochure ce que nous avons appelé une « boîte à idées » qui regroupe des exemples de pratiques d’écriture diversifiées, effectivement mises en place dans les classes. Ces exercices, qui peuvent reposer sur des supports aussi divers que des nouvelles, des films, des groupements de textes, des images, etc., peuvent également être de formes variées : depuis l’exercice ponctuel, mené au cours d’une séquence, ou même d’une séance, à des travaux plus larges et demandant un investissement plus important de l’élève. Leurs objectifs sont également variés et c’est à partir d’eux que nous avons opéré notre classement : déclencher l’écriture ou écrire pour déclencher autre chose, lecture ou prise de parole, travailler tous les stades de l’écriture, depuis la prise de note jusqu’à la rédaction définitive, améliorer l’écriture, valoriser l’écriture. Malgré toutes ces différences, ces pratiques ont un point commun : toutes sont une initiation et un apprentissage progressif, parfois par des voies détournées, des spécificités des trois épreuves de l’EAF.

Quelques pistes de réflexion sur l’évaluation

Ces pratiques d’écriture diversifiées appellent également une évaluation diversifiée pour laquelle nous proposons quelques pistes. L’évaluation doit être la plus régulière possible et peut toucher les brouillons. Il faut varier les modes d’évaluation, y compris en jouant sur les coefficients. L’évaluation de la langue peut ainsi s’opérer sur quelques phénomènes seulement, préalablement définis. Un travail sur la correction doit donc s’appuyer sur une réflexion sur la formulation des sujets : il faut des critères qui permettent de cadrer les éléments d’appréciation sans devenir des critères de fragmentation du jugement. Nous renvoyons ici au travail fait par les professeurs de collège dans la partie « Comment utiliser les appuis ? »

Diversification, mais pas diversion. Il s’agit aussi de construire des critères de correction qui permettent à l’élève d’évaluer au mieux ses qualités et ses défauts afin de progresser. Dès lors comparer l’écriture d’invention et les exercices canoniques que sont le commentaire et la dissertation devient possible. Même si les sujets du baccalauréat n’ont pas toujours une visée argumentative, il faut s’agir ici d’un premier point commun. On peut en trouver d’autres qu’il s’agira d’approfondir : les consignes du sujet d’invention sont implicites, et renvoient à la connaissance de l’objet d’étude, comme le commentaire et la dissertation. Ainsi, les points communs qui peuvent permettre de construire une évaluation diversifiée mais raisonnée ne se limitent pas à la qualité d’expression.

Progression chronologique des activités d’écriture

Ce classement méthodologique ne doit pas faire oublier que l’objectif a toujours a été d’articuler ces pratiques au programme, à l’objet d’étude de la séquence et à sa problématique, pour permettre une apprentissage plus progressif et plus efficace des compétences d’écriture exigées par l’EAF. C’est l’objet de la dernière partie de la brochure qui inscrira dans leur contexte quelques unes de ces expériences. On verra ainsi comment la préparation du baccalauréat peut concrètement s’inscrire dans un travail de formation des compétences littéraires sur deux ans. Il ne s’agit pas ici d’une présentation de séquences, mais des travaux d’écriture, et de la manière dont ils s’articulent étroitement avec l’objet d’étude, la séquence, les textes. C’est en s’appuyant précisément sur la séquence que l’ont peut efficacement diversifier les activités d’écriture.

Afin de mieux souligner la progression sur deux ans vers les EAF, nous avons choisi de nous appuyer sur des objets d’étude communs à la seconde et à la première : l’argumentation, le théâtre, la lecture. Il convient d’emblée de souligner que, si elles ont toutes été testées, l’ensemble des activités d’écriture proposées n’ont pas forcément été mises en pratique au cours de la même séquence. Nous avons ainsi choisi parfois de décliner toutes les pratiques d’écriture à partir d’un même texte ou d’une même séquence. Certains comptes-rendus d’expériences ont également été plus développés que d’autres, mais l’important n’est pas ici de proposer des pratiques d’écriture clé en main. Nous savons tous que certains exercices fonctionnent avec certains élèves et pas avec d’autres. L’important était pour nous de souligner l’articulation de l’activité d’écriture avec la séquence et sa problématique, la cohérence du cours de français qui, en dépit de sa fragmentation en classe entière, module et aide individualisée, peut dès lors donner un surcroît de sens à l’exercice écrit pour l’élève.

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