Heure Hebdomadaire en 6ème - Reconnaître et employer le verbe

, par PROUST Julie

Dans le cadre de la Nouvelle sixième, cet article propose un projet qui se donne pour objectif essentiel l’acquisition de l’orthographe grammaticale. Il s’agit de proposer aux nouveaux élèves de 6ème une activité centrée sur de la découverte du collège, qui les conduise à employer les verbes les plus fréquents en contexte, dans une session croisant étude de la langue et écriture.

Présentation générale de la session

La session [1] proposée pourra trouver sa place en début d’année, avant même les résultats des évaluations nationales, puisqu’elle est reliée à la découverte du collège. Adaptée, elle pourra également prendre place à un autre moment. Menée intégralement, elle correspond à six séances hebdomadaires (une heure de français hebdomadaire entre deux vacances). Dans les établissements qui ont choisi de distribuer les six heures de la session aux mathématiques et au français, le professeur se concentrera sur les trois premières séances et une production.

La session a pour objectif disciplinaire de remobiliser et de consolider les acquis antérieurs des élèves sur le verbe - syntaxiques et morphologiques principalement - dans un travail centré sur la production d’écrits. Il s’agit ainsi de réaffirmer la place de l’étude de la langue dans les savoirs fondamentaux sans considérer l’enseignement de la grammaire comme sec et mécanique. Au contraire, la démarche proposée invite les élèves à s’exprimer (écrits de travail, écrits créatifs) et à développer leur posture réflexive face à leurs textes et à ceux de leurs camarades.
Tous les points abordés au cours de la session ont déjà été travaillés les années précédentes. On ne vise pas une trace écrite doctorale, mais la verbalisation de procédures par les élèves et la production d’écrits qui attestent de leur maîtrise du verbe.

Du CM2 à la 6e, des prérequis aux attendus : rappels des points du programme traités.
Repères annuels de progression pour le cycle 3

La session proposée s’inscrit en outre dans la continuité des démarches préconisées
https://www.education.gouv.fr/bo/18/Special3/MENE1809041N.htm

  • Démarche de la récurrence et de la répétition (approche ritualisée)
  • Leçon de grammaire en quatre étapes : observation, manipulation, structuration et formulation des règles, consolidation, mémorisation et automatisation par un entraînement.
  • Travail sur corpus
  • Travail en lien avec l’écriture

On privilégie des situations d’écriture motivées par une réelle intention de communiquer et on fait réfléchir sur la langue, principalement sur le verbe dans ce cas (et non des exercices à trous traités de manière machinale).

On choisit de mettre l’accent sur le verbe parce qu’il occasionne de nombreuses erreurs chez les élèves, qui ont par exemple tendance à l’accorder avec le mot le plus proche (*Il les trouves bons). C’est aussi l’occasion de donner une vision plus globale de son fonctionnement puisqu’il est souvent étudié de manière éclatée (orthographe, grammaire et conjugaison) en classe entière.

Déroulement de la session

Selon l’organisation retenue par le collège, en liaison avec les équipes de mathématiques, le professeur de français ne disposera pas du même nombre d’heures. Il devra adapter les contenus présentés pour ne retenir que les premières séances, la difficulté des séances proposées étant croissante.

Au fil de la session, on enrôle les élèves dans la production de trois écrits au choix :

  • [1] Réalisation d’un livret d’accueil au collège, dont l’objectif grammatical sera d’employer de nombreux verbes en veillant à leurs accords
  • [2] Création d’une page de manuel : bilan sur le verbe et quiz
  • [3] Création d’un conte sur « Les pouvoirs du verbe »

Le numéro indique quelle production les séances permettent de préparer.

Si on ne dispose que de trois heures, la création d’une page de manuel paraît la plus adaptée.

Séance 1 - Où est le verbe ? Où est le nom ? Comment reconnaître le verbe ?

[1] [3]

Objectif : distinguer la classe grammaticale des noms et celle des verbes

Activité : devinettes sur les noms et verbes homonymes / évaluation formative entre pairs

  • Série 1 : livre, tombe, lit, rêve, cours, montre, ferme, asperge, nuit, etc.
  • Série 2 : un appel / il appelle ; un conseil / il conseille ; l’ennui / il s’ennuie ; le travail / on travaille ; l’entretien / il entretient ; un emploi / il emploie ; un défi / il défie…
Première étape

Les élèves sont répartis en plusieurs groupes (à définir selon l’effectif). Les équipes reçoivent différents mots de la série 1.
En soutien, pour chacun d’entre eux, ils doivent rédiger deux phrases, dans lesquelles le mot a un sens différent.
Ex. Ma sœur est grande comme une asperge. / Quand il fait très chaud, je m’asperge souvent d’eau.
En approfondissement, on demande de rédiger, pour chacun des mots de la série, deux phrases dans lesquelles le mot joue un rôle différent.
Ex. Cette ferme, on y cultive des légumes. / Il a un ton ferme. / Ferme la porte.

Dans les deux cas, l’activité proposée permet de rappeler la notion de classe grammaticale ainsi que les propriétés du verbe et du nom sans introduire trop tôt la terminologie grammaticale.
Seconde étape

Dans un second temps, le professeur donne à l’oral un mot de la série 2.
Cette fois-ci, les groupes rédigent deux phrases, l’une employant le mot en tant que nom et l’autre en tant que verbe. On note les phrases au tableau et, dans un moment de révision collaborative, les élèves justifient l’orthographe retenue.
Ex. Mon ami m’a donné un bon conseil. / Mon ami me conseille de m’inscrire à l’AS.
Quand les élèves distinguent oralement le nom du verbe, on les invite à rédiger des phrases au pluriel (les livres / ils livrent).

Lorsque les élèves commettent des erreurs, le professeur peut leur demander s’ils sont capables de justifier leur choix (Mon ami me conseil* de m’inscrire à l’AS). Une fois que l’erreur a été levée, il peut demander à l’élève s’il est en mesure d’expliquer l’origine de son erreur. Il est probable qu’il ait répondu trop vite, sans résister à certains automatismes. On peut demander aux élèves de noter en fin d’heure ce qu’ils doivent faire pour ne pas reproduire les mêmes erreurs (Ex. « Je dois prendre le temps de me relire, de raisonner, d’identifier le verbe et de vérifier que je ne l’ai pas écrit comme un nom ».)
Ainsi, le développement de compétences métacognitives devrait permettre celui de la confiance en soi.

Séance 2 - Prendre conscience de la spécificité du verbe et de ses variations morphosyntaxiques

[1] [2] [3]
Le travail effectué lors de cette séance pourra être réinvesti lors des trois productions écrites.

En binômes, les élèves rédigent d’abord les règles de vie de la classe à l’infinitif.

Ensuite, ils rédigent une visite commentée du collège au présent de l’indicatif, en utilisant les verbes les plus fréquents de la langue française, ceux qu’il leur faut absolument maîtriser [2].

En soutien, on demande aux élèves de se limiter à l’emploi de la 3e personne du singulier et de la 3e personne du pluriel ainsi qu’aux 20 premiers verbes de la liste de fréquence.

En approfondissement, on invite les élèves à varier les personnes et à utiliser le plus grand nombre possible de verbes de la liste (qui n’est que très partiellement reproduite ici).
On pourra également encourager l’emploi de :

  • sujets plus complexes : « Chacun a le droit de… », « Tout le monde peut…. » ; comprenant un complément du nom pluriel : «  Le délégué des élèves participe au conseil de classe. »
  • accords complexes
  • sujets éloignés des verbes : « Tous les élèves, en cas d’alerte incendie, sortent… »
  • pronom antéposé : « Le délégué les représente (les élèves) »

Selon les propositions des élèves, on peut faire observer les différentes constructions possibles du verbe [3]. Ils peuvent ainsi apprécier les variations sémantiques et prendre l’habitude de manipuler la langue.

  • Les surveillants passent dans les couloirs. [Passer dans]
  • Les élèves passent en cinquième. [Passer en]
  • La journée passe vite. [Passer - Sujet inanimé, emploi intransitif].
  • Si l’idée vous passe par la tête de…. [Sens figuré. Passer par la tête de qq. ]
  • On fait passer les visiteurs par le portail de droite. [Faire passer qq (par…)]
En fin de séance, certaines phrases rédigées sont projetées pour que la classe dresse le bilan des finales qui varient en fonction du sujet et des verbes à connaître. On met l’accent sur les régularités des marques de la personne (telles que « -s » avec tu, « -ons » avec nous, « -ez » avec vous, « -nt » avec ils/elles).
Les élèves prennent le temps de noter leur bilan individualisé en termes de savoirs et de savoir-faire, ce qu’ils savent (ex. conjuguer le verbe avoir au présent) et ce qu’ils doivent apprendre (ex. réfléchir au verbe et à la personne employés avant d’écrire « ai/ es/ est »). Ce bilan métamémoriel leur permet de se repérer dans l’avancée des apprentissages.

Séance 3 - Accorder le verbe et le sujet / Manipulations

[1] [2] [3]

Consigne : rédiger des conseils que les élèves s’adresseraient entre eux, ou destinés aux élèves de CM2 pour qu’ils se préparent à la 6e.

En soutien, on propose une rédaction au futur simple de l’indicatif, principalement à la 2e personne du singulier et à la 2e personne du pluriel, adaptées aux situations de communication.
On fait comparer les marques de la personne au futur et au présent pour faire observer les similarités (tu -s / nous – ons / vous -ez / ils – nt). On distingue ces marques de celles du temps. Ex. présent : « vous rentr/ez » vs futur : « vous rentr /er/ez »).

En approfondissement, si l’emploi du futur est maîtrisé, on encourage l’emploi de tournures plus variées (« Je te conseille de… », « il faut… »), voire de l’impératif présent (être, avoir, verbes du 1er et du 2e groupes, verbes faire, aller, dire, venir, pouvoir, voir, vouloir, prendre), en fonction des acquis des élèves et du moment de l’année.

Les élèves se relisent les uns les autres en identifiant le verbe dans les phrases rédigées pour vérifier l’accord avec le sujet. Les procédures d’identification [4] sont systématiquement rappelées lors de la révision : critères sémantiques, morphologiques, syntaxiques. Pour ce faire, on commence par demander aux élèves qui proposent des formes ou des corrections, pertinentes ou non, quelles opérations ils ont utilisées. Le test de l’encadrement à la forme négative (ex. « Tu prépareras ton sac en consultant ton emploi du temps » -> « tu ne prépareras pas ton sac »…) permet notamment d’identifier le verbe.

Séance 4 - Accorder le verbe et le sujet dans les phrases interrogatives

[1] [2] [3]
De nouveau, cette séance repose sur le travail d’écriture.

Consigne : rédiger des questionnaires qui seront envoyés aux acteurs de l’établissement (CPE, psychologue scolaire, infirmier, AED, intendant, etc.).

En soutien, lors de l’accompagnement, le professeur fait varier la position du verbe dans la phrase.
Ex. « Enfant, vous vouliez travailler dans un CDI ? » -> Enfant, est-ce que vous vouliez travailler dans un CDI ? » -> « Enfant, vouliez-vous travailler dans un CDI ? »). Ainsi, il fait rédiger des phrases interrogatives de constructions syntaxiques différentes qui font prendre conscience des différences de niveau de langue entre l’oral et l’écrit et qui imposent d’accorder le verbe avec le sujet inversé.

En approfondissement, à partir du corpus de questions rédigées, on fait nommer les temps verbaux employés (les temps du discours, a priori : passé composé, présent, futur, imparfait, éventuellement conditionnel) et justifier leur emploi. On sensibilise ainsi les élèves aux valeurs aspectuelles des temps (sans les nommer, ni les faire apprendre) et on fait réécrire certaines phrases, pour les corriger ou pour varier l’effet produit. Les tableaux de conjugaisons figurant dans les manuels ou sur les murs de la classe sont laissés à disposition.

[Séance 4 bis]

Éventuellement, si le nombre d’heures de la période le permet, une autre séance peut être consacrée à l’envoi des courriels, en salle informatique ou sur les tablettes dont disposent les élèves dans certains collèges. On ferait alors travailler de nouvelles compétences, les bases de l’écriture au clavier, les règles de la correspondance électronique. On permet également aux nouveaux collégiens de se familiariser avec l’ENT de l’établissement (annuaire, notamment).

Séance 5 - Finalisation de la production

[1] Réalisation d’un livret d’accueil au collège

Le travail déjà accompli sur les règles de vie et sur les acteurs de l’établissement pourra éventuellement être enrichi par un travail interdisciplinaire, par exemple sur les lieux (réalisation d’un plan en mathématiques)

[2] Créer sa propre page de manuel

Objectif : rédiger un bilan sur le verbe ; rédiger un questionnaire destiné à l’autre groupe (de soutien ou d’approfondissement) ou à la classe entière.

Pour cette séance, on met l’accent sur la métacognition, la mise en mots de ce qui a été appris ainsi que sur l’interaction entre les groupes qui doivent valider le travail effectué.

  • Les élèves font le bilan de ce qu’ils ont appris sur le verbe.
  • À partir de leur production écrite, ils rédigent un questionnaire sous forme de « Vrai / Faux » ou de phrases interrogatives.
    Exemples :
    - Certaines phrases ne comprennent pas de verbe conjugué. Vrai / Faux
    - Le sujet est toujours placé devant le verbe. Vrai / Faux
    - Un verbe peut avoir plusieurs sujets. Vrai / Faux
    - Le verbe indique toujours l’action de la phrase. Vrai /Faux
  • On demandera aux élèves qui reçoivent le questionnaire de justifier leur réponse par la rédaction d’une phrase exemple.
    Ex. Le sujet est toujours placé devant le verbe. Faux : « Dans une forêt, vivait une sorcière… » ; « Veux-tu du sel ? »
[3] Création d’un conte métagrammatical sur « les pouvoirs du verbe »

Dans un bref récit dont les mots sont les protagonistes [5], les élèves sont invités à réfléchir sur les pouvoirs du verbe et ses limites.
Ils sont ainsi amenés à recenser, sous forme ludique et métaphorique, les constats de la session : le verbe se métamorphose, en passant parfois totalement inaperçu (puisqu’on n’entend pas toujours ses transformations), en se faisant parfois passer pour un nom, en commandant différents objets ou en s’en passant. Alors qu’il voudrait régner sur la phrase, il peine néanmoins à s’émanciper de son… sujet avec lequel il est bien obligé de s’accorder, quel que soit son genre et où qu’il soit.

Pour mener d’autres sessions

Comme la session d’HHSA (heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement) qui réunit les élèves de plusieurs classes est le plus souvent décorrélée des progressions annuelles des cours de français, cette proposition n’envisage pas d’exploiter le lien avec la lecture menée en classe entière. Elle privilégie les travaux d’écriture brefs qui suscitent le réemploi en langue de notions fondamentales déjà travaillées à l’école primaire, à la manière des autrices de La Grammaire pour écrire (CE2 et cycle 3) [6].
Pour renforcer la cohérence des différentes séances, on choisit de superposer à la progression grammaticale de la session un objectif éducatif transversal et une unité thématique, ici, la découverte du collège et de ses acteurs. Ce faisant, on entraîne les compétences relevant de la « Formation de la personne et du citoyen » du socle commun [7] : on favorise la confiance, le bien-être et l’autonomie des nouveaux collégiens qui exercent leurs compétences psychosociales, entendues comme les « capacités d’une personne à répondre aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement  ».

La démarche consiste donc à associer le travail d’une compétence disciplinaire clé en français à un champ transversal. À un autre moment de l’année, on pourrait, par exemple, choisir de travailler la lecture de documents composites qui porterait sur la découverte de différents milieux professionnels ou encore utiliser trois heures pour mener un travail de production (orale, écrite) en lien avec la semaine de lutte contre le harcèlement, la liberté d’expression, par exemple.

RESSOURCES
  • Philippe Monneret, Fabrice Poli, La grammaire du français du CP à la 6e
  • Claudine Garcia-Debanc, Marie-Noëlle Roubaud, Mélissa Béchour, La grammaire pour écrire, édition Retz, 2022
  • Suzanne Chartrand (dir.), Mieux enseigner la grammaire au primaire et au secondaire : pistes didactiques et activités pour la classe ; Montréal, Éditions du Renouveau, 2016, notamment les chapitres 8 et 9 (L’enseignement d’une notion-clé au primaire : le verbe ; l’enseignement du système de la conjugaison pour en favoriser l’apprentissage)
  • Claudie Péret, parcours Magistère, « Le verbe au centre de la compréhension » (En cours de réédition. Bientôt accessible en auto-inscription)
  • Jean-Luc Berthier, Grégoire Borst, Mickaël Desnos, Frédéric Guilleray, Les neurosciences cognitives dans la classe, ESF Sciences humaines, 2e édition actualisée, 2021

Notes

[1période de classe entre deux vacances

[2Le site Éduscol propose des listes de fréquence auxquelles on peut appliquer des filtres : https://eduscol.education.fr/186/liste-de-frequence-lexicale

[3Les corpus de phrases obtenus pourront servir pour une autre séance consacrée à l’identification du Groupe Verbal et à la distinction entre les Compléments d’Objet et les Compléments Circonstanciels.

[5Comme dans La Grammaire est une chanson douce d’Erik Orsenna (chapitres X et suivants puis XVII).

[6Claudine Garcia-Debanc, Marie-Noëlle Roubaud, Mélissa Béchour, La grammaire pour écrire, édition Retz, 2022

[7Par exemple « faire preuve d’empathie et de bienveillance », « faire preuve de responsabilité vis-à-vis d’autrui », « participer activement à l’amélioration de la vie commune ».

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)