« C’est en écrivant que l’on devient écriveron » Présentation du dossier

, par BLACKSTONE Jacqueline, Lycée Gustave-Monod, Enghien, CONGIU Christian, Lycée Jean-Perrin, Saint-Ouen-l’Aumône, d’ARCY Sophie, Lycée Jean-Pierre Timbaud, Brétigny-sur-Orge, DES GROTTES Catherine, Lycée de l’Essouriau, Les Ulis, GARGANO Alice , Lycée Eugène-Ionesco, Issy-les-Moulineaux, MANGEOT Philippe, Lycée Georges-Pompidou, Villenveuve-la-Garenne, PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie, RODRIGUES Jean-Marc, Lycée Mansart, Saint-Cyr-l’Ecole

I. Constats et problématique

« C’est en écrivant qu’on devient écriveron » : de la nécessité de travailler l’écriture au lycée

« C’est en écrivant qu’on devient écriveron. » Le proverbe de Raymond Queneau dans Exercices de style ne devrait-il pas devenir un des sésames de nos élèves face aux exercices d’écriture auxquels nous les préparons ? Une des finalités des objets d’étude « Travail de l’écriture », « Écrire, publier, lire », « Réécritures », est d’ailleurs de nous aider à leur faire prendre conscience qu’un chef-d’œuvre est le plus souvent une œuvre achevée à force de travail, et que l’œuvre est souvent précédée de carnets, notes, brouillons, et vit dans des états successifs avant sa version définitive. Pourtant, nous voyons nos élèves ne pas faire de brouillon, et se contenter d’écrire au crayon une version qu’ils recopient ensuite, s’ils en ont le temps. C’est ce fantasme de l’écriture « automatique » et des mots qui coulent de source que nous devons combattre car il est un alibi trop facile pour expliquer, justifier et entériner des difficultés et l’absence de progrès.

« Avant de se mettre à écrire un roman, il faut apprendre l’orthographe » : la maîtrise de la langue en question

À l’absence de réelle pratique du brouillon s’ajoutent d’autres écueils que le professeur de français doit affronter aussi bien au collège qu’au lycée : orthographe, grammaire, syntaxe, vocabulaire. Autant de raisons qui nous font dire et entendre trop souvent : « Ils ne savent pas écrire ». Constat dramatique lorsque nous devons en plus apprendre à nos élèves la maîtrise de trois exercices difficiles en seulement deux courtes années : commentaire, dissertation, écriture d’invention. Il ne s’agit pas ici de déplorer un état de fait, qui doit d’ailleurs être modulé car nos élèves, avec leurs difficultés en matière d’écriture notamment, ont cependant des capacités remarquables dans des domaines que les générations précédentes ne maîtrisaient pas : informatique, analyse de l’image, etc. Souvent d’ailleurs, ils sont scripteurs et écrivent des textes non scolaires : poésie, journal intime, correspondances, qui revêtent parfois cette forme si déroutante pour nous qu’est le texto, langage autre, avec ses codes et ses règles, et qui apparaît dans leurs prises de notes.

Comment prendre le temps de travailler l’écriture au lycée

Une question demeure : celle du temps. Comment trouver le temps de faire écrire ? En effet, comment répondre à toutes les exigences du baccalauréat et prendre le temps de mener un travail approfondi sur l’écriture avec les élèves ?

Il est difficile de tenir tous les objectifs du programme. Risque double : pour le professeur, perdre du temps devant un programme lourd, et pour l’élève, ne plus percevoir la cohérence de la discipline et des apprentissages d’écriture, en seconde surtout, entre classe entière, module, aide individualisée. Néanmoins, il est évidemment absurde de ne pas travailler l’écriture quand l’écrit est un des écueils sur lesquels les élèves butent lors des EAF. Dès lors, la question du temps s’avère cruciale : quelle gestion du temps pour l’écriture au lycée ?

II. Des pratiques diversifées pour permettre un meilleur apprentissage des compétences d’écriture au lycée

Des activités d’écriture diversifiées liées à la séquence, son objet d’étude, sa problématique

Nous avons, au cours de nos réflexions, abouti à la conclusion qu’il faut développer les pratiques d’écriture en les articulant étroitement à un travail sur la langue : orthographe, grammaire ou vocabulaire. Chaque fois qu’il est possible, il faut mettre l’élève en situation de produire un discours. Il écrit d’abord ; la correction et l’amélioration de la langue viennent ensuite.
Ces activités s’inscrivent, avec d’autres, dans une optique de diversification des pratiques d’écriture. On ne peut demander aux élèves d’écrire des commentaires et des dissertations s’ils n’en ont jamais vus et s’ils n’en maîtrisent pas encore les compétences, comme la délibération par exemple. Le risque est patent de décourager un grand nombre d’entre eux. Au contraire, en partant d’exercices divers, et en créant progressivement les compétences exigées pour le commentaire ou la dissertation, les codes et les règles des épreuves de l’EAF sont mieux intégrés et mis en pratique.
La confrontation de nos expériences respectives, réussies ou non, nous a également permis de mesurer à quel point l’acquisition des nouvelles compétences exigées par les exercices très codifiés que sont les épreuves du baccalauréat est facilitée par une articulation avec les objets d’étude. Les exercices sont concrètement articulés aux textes étudiés ; les pratiques d’écriture les plus diverses, les plus ponctuelles ou les plus stimulantes pour l’élève deviennent alors très cohérentes, intégrées dans la problématique littéraire de la séquence.
L’on peut exploiter davantage les possibilités offertes par les programmes.

Un apprentissage progressif des compétences d’écriture exigées par l’EAF

Il s’agit de ne plus penser la seconde et la première séparément, mais d’envisager une véritable progression sur deux ans en vue de l’acquisition des méthodes de l’EAF. L’accent a été mis sur l’idée qu’il faut partir d’un travail visant à développer les pratiques d’écriture pour atteindre progressivement les exigences de l’EAF. Il s’agit ainsi de développer des compétences diversifiées pour amener ensuite les élèves à la méthode spécifique de chaque épreuve. Dans la mesure où on accepte d’élargir les exercices d’écriture en seconde, des habitudes peuvent se prendre et ensuite être reproduites en première. On peut aborder les épreuves de l’EAF par des biais variés, sans que l’exercice soit toujours formaté à la manière d’un commentaire ou d’une dissertation. Le parcours peut se faire par des approches très libres : certaines formes d’écriture ne correspondent pas directement aux EAF, mais contribuent au développement des compétences nécessaires à la réussite de l’écrit des épreuves.

Enfin, ces pratiques d’écriture diversifiées, liées aux EAF de manière plus souple, permettent de développer chez l’élève des compétences plus vastes, susceptibles d’être réutilisées dans d’autres matières, voire après le baccalauréat. Il ne faut pas oublier en effet que le Français au lycée reste une matière pivot au sein de l’ensemble des disciplines enseignées. Il ne s’agit plus seulement de l’acquisition d’une culture : diversifier les pratiques d’écriture en les appuyant sur les textes permet aussi de faire en sorte que les élèves quittent le lycée en ayant appris à écrire souvent, des textes différents.

Nous proposons ce que nous appelons une « boîte à idées », à votre disposition sur le site académique de lettres de l’académie : elle regroupe des exemples de pratiques d’écriture diversifiées, effectivement mises en place dans les classes. Ces activités, qui peuvent reposer sur des supports aussi divers que des nouvelles, des films, des groupements de textes, des images, etc., peuvent également être de formes variées : depuis l’exercice ponctuel, mené au cours d’une séquence, ou même d’une séance, à des travaux plus larges et demandant un investissement plus important de l’élève. Leurs objectifs sont également variés et c’est à partir d’eux que nous avons opéré notre classement : déclencher l’écriture ou écrire pour déclencher lecture ou prise de parole, travailler tous les stades de l’écriture, depuis la prise de notes jusqu’à la rédaction définitive, améliorer l’écriture, valoriser l’écriture. Malgré toutes ces différences, ces pratiques ont un point commun : toutes sont une initiation aux formes d’écrit et construisent un apprentissage progressif, parfois par des voies détournées, des spécificités des trois épreuves de l’EAF.

Progression chronologique des activités d’écriture par l’EAF

L’objectif a toujours a été d’articuler ces pratiques à l’objet d’étude de la séquence et à sa problématique, pour permettre un apprentissage plus progressif et plus efficace des compétences d’écriture exigées par l’EAF. La préparation du baccalauréat peut concrètement s’inscrire dans un travail de formation des compétences littéraires sur deux ans. C’est en s’appuyant précisément sur la séquence que l’on peut efficacement diversifier les activités d’écriture.
Afin de mieux souligner la progression sur deux ans vers les EAF, nous avons choisi de nous appuyer sur des objets d’étude communs à la seconde et à la première : l’argumentation, le théâtre, la lecture. Il convient d’emblée de souligner que, si elles ont toutes été testées, les activités proposées n’ont pas forcément été mises en pratique au cours de la même séquence. Mais nous avons choisi parfois de décliner toutes les pratiques d’écriture à partir d’un même texte ou d’une même séquence. Nous savons tous que certains exercices fonctionnent avec certains élèves et pas avec d’autres. L’articulation de la production écrite avec la séquence et sa problématique, la cohérence entre cours en classe entière, module et aide individualisée, peuvent dès lors donner un surcroît de sens à l’activité d’écriture pour l’élève.

III. Quelques pistes de réflexion sur l’évaluation

Ces pratiques d’écriture diversifiées appellent une évaluation également diversifiée pour laquelle nous proposons quelques pistes. L’évaluation gagne à être la plus régulière possible et peut toucher les brouillons. On varie les modes d’évaluation, y compris en jouant sur les coefficients. L’évaluation de la langue peut ainsi s’opérer sur quelques phénomènes seulement, préalablement définis. Un travail sur la correction doit donc s’appuyer sur une réflexion sur la formulation des sujets : les critères permettent de cadrer les éléments d’appréciation.

Diversification, mais pas diversion. Il s’agit aussi de construire des critères de correction qui permettent à l’élève d’évaluer au mieux ses réussites et/ou ses erreurs afin de progresser. Dès lors, comparer l’écriture d’invention et les exercices canoniques que sont le commentaire et la dissertation devient possible. Même si les sujets du baccalauréat n’ont pas toujours une visée argumentative, il s’agit ici d’un premier point commun. On peut en trouver d’autres qu’il s’agira d’approfondir : les consignes du sujet d’invention sont en partie implicites, et renvoient à la connaissance de l’objet d’étude, comme le commentaire et la dissertation. Ainsi, les points communs qui peuvent permettre de construire une évaluation diversifiée, mais raisonnée, ne se limitent pas à la qualité d’expression.

IV. Quelques pistes de lecture

 A.Bouillaguet, L’écriture imitative, Nathan Université 1996

 Serge Cabioc’h, Stratégies d’écriture, Didact français, PUR 1997

 Ecritures créatives, revue « Le Français aujourd’hui », n°127, septembre 1999

 Images du scripteur et rapports à l’écriture, revue « Pratiques », n°113-114, juin 2002

 Marc Campana, Une grammaire pour mieux écrire, « Repères pour agir », CRDP de Créteil, CNDP 2002

 J.C. Chabanne, D. Bucheton, Ecrire en ZEP, Delagrave, CNDP 2002

 Littérature & enseignement, Actes du colloque « Carrefour des écritures », avril 2003, collection « Littératures & langages », Scéren CNDP-CRDP, 2004.

 Pierre Bayard, Comment améliorer les œuvres ratées ? Les Editions de Minuit, 2000.

 A.BARRERE, N. SEMBEL, Sociologie de l’éducation, Nathan Université, 1998.

 Ouvrage collectif sous la direction de J.M. FOURNIER, La rédaction au collège, INRP 2000.

 Yves REUTER, Enseigner et apprendre à écrire, ESF éditeur.

 Revue « Pratiques » : La réécriture, n° 105-106, Juin 2000.

 Revue « Pratiques » : L’écriture et son apprentissage, n° 115-116, décembre 2002.

 O. VESLIN, Corriger des copies, évaluer pour former. Hachette éducation, 1996

 Jean-Marie DE KETELE, L’évaluation : approche descriptive ou prescriptive, De Boeck Université - 1991

 Violaine HOUDART-MEROT, La culture littéraire au lycée depuis 1880, PUR, 2000.

 Violaine HOUDART-MEROT, Réécriture et écriture d’invention, Hachette, Profession enseignant, 2004.

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