René Char

, par ISSAURAT ML, IA-IPR

Académie de Versailles

Centenaire de la naissance de René CHAR

Journée académique de rencontre et d’échange
jeudi 5 avril 2007 au Théâtre de Gennevilliers

« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. »
René Char

Les lectures, les formes théâtrales, les textes, les réalisations plastiques et musicales présentées lors de la journée académie « René Char » au Théâtre de Gennevilliers sont des traces du travail des élèves. Des traces modestes d’une étape de travail, d’un moment d’apprentissage. Celles aussi d’une rencontre avec un poète.
Il suffit de lire, d’écouter, de regarder, d’interroger les élèves pour mesurer à quel point la découverte de textes forts comme celle d’artistes et d’écrivains est pour eux importante, formatrice.
Nous avons fait le pari que les élèves, même - voire surtout- les plus en difficulté, s’enrichissent à rencontrer une écriture « résistante ». Dans tous les sens du terme. Ecriture substantielle, nourrissante pour l’esprit comme pour la sensibilité. Ecriture qui résiste à l’indigence. A la non pensée. Ecriture qui permet de mesurer la différence de l’autre, de trouver la sienne, de grandir...

La complexité n’est pas la complication pas plus que l’exigence l’ambition ni la simplicité le simplisme. La « difficulté » des textes réside le plus souvent dans ce qu’on demande aux élèves à partir de ces derniers. Demande excessive qui conduit à renoncer aux textes, là où il s’agit bien plutôt d’adapter l’exercice. Qu’un texte « résiste » n’est pas inquiétant si on conduit l’élève à s’y aventurer comme en ces villes étrangères, que l’on découvre peu à peu et qui gardent de l’inconnu... Cette part d’inconnu n’exclut ni le travail ni l’apprentissage. Elle porte simplement un « à-venir ». Vers lequel il s’agit de conduire l’élève. Vers l’autonomie. Vers l’affrontement à une complexité, que l’on ne peut sans cesse différer en attendant l’illusoire moment où il serait prêt. Pour apprendre à lire et à écrire, les élèves doivent d’abord et avant tout lire et écrire. Le plus possible. Des textes nombreux et divers. A travers des exercices variés. Cette lapalissade en forme de paraphrase des instructions officielles est au c¦ur de l’enseignement comme elle est au centre de cette action.
On a lu René Char, tout simplement... Mais à travers des approches de pratique artistique (dire du texte, mise en voix et en espace, réalisation de petite formes théâtrales, écriture à partir de ou avec, approches plastiques et musicales etc.) conjuguées avec les exercices canoniques de lecture analytique, d’écriture codée (on en propose d’ailleurs un exemple dissertatif), de travail lexical et grammatical. Ces démarches ne sont pas antinomiques mais complémentaires. Elles concourant au même but : éveiller la curiosité et le goût d’apprendre - parfois les réanimer tellement est abîmée la confiance et grande la peur d’échouer...- fortifier la confiance en rappelant qu’on n’apprend que par essais et erreurs, développer des compétences et autant le jugement que l’imaginaire, la raison que la sensibilité, la capacité de reproduire que celle d’inventer, travailler le rapport à soi et à l’autre toujours en jeu dans le langage.

Et les élèves le disent. Dans cette évidence de la rencontre singulière qu’incarnent toujours l’art et la littérature. Eveil d’un sujet, relation de sujet à sujet dans une expérience sensible. L’émotion n’empêche pas la rigueur quand le terme puise à sa racine de mise en mouvement. Et qu’est-ce d’autre apprendre sinon un « mouvement vers » de celui qui apprend et que seuls déclenchent la curiosité de comprendre et l’éveil de l’imaginaire ?
Comme le rappelait Claude Simon, la littérature n’est pas l’apanage des clercs ; elle s’adresse à n’importe qui. A l’école de favoriser des rencontres avec ceux que Michaux nommait « les copains de génie ». De multiplier ces rencontres où chacun élira la sienne car il en est des rencontres artistiques comme de celles des êtres. Elles ne se décident pas de l’extérieur. Elles ne s’imposent pas à tous identiquement au même instant. On ne peut que les favoriser. En proposer le plus large éventail. Les multiplier avec confiance à la fois dans les élèves, dans la littérature et dans l’école.

Car ce qui se dégage à la lecture et à l’écoute des travaux des élèves donne raison à cette confiance obstinée dans leur capacité à tous de rencontrer les textes les plus consistants et dans la capacité de la littérature d’atteindre l’autre dans sa diversité et son énigme. C’est, plus généralement encore, l’illustration de la puissance de levier de l’art, quel qu’il soit, théâtre, arts plastiques, musique, cinéma ou écriture, pour entrer dans la symbolisation et le symbolique.

Ensuite vient le moment d’approfondir les apports spécifiques, d’évaluer en termes de savoirs, de compétences, d’attitudes les acquis des élèves. Et cela est du rôle de l’école. Et cela se fait. Vient aussi le moment de se poser la question de la transversalité à laquelle appelle l’expression « dimension artistique et culturelle » et, avec elle, celle de la transposition des acquis dans le quotidien de la classe. Et ces moments font tout autant partie de l’ouvrage que le plaisir de la découverte des textes et de la pratique artistique. Ils ne se soustraient pas. Ils s’additionnent.
Les travaux présentés sont exceptionnels en cela qu’ils se montrent en une occasion qui les rassemble mais ils renvoient aussi au quotidien de l’enseignement. Ils ont été réalisés par les élèves sous la conduite de professeurs, de documentalistes, d’artistes partenaires dans le cadre de classes, options théâtre, ateliers, classes à PAC, séquences de cours. Ils ont pris place dans le projet pédagogique des professeurs, dans leur progression, dans la démarche des élèves. C’est simplement du travail scolaire quand le mot ne signifie pas ennui ou rigidité mais capacité à la fois d’innovation et d’efficacité, de rigueur et d’imaginaire, de plaisir et de travail sans opposition entre les termes qui invitent à un équilibre, une complémentarité, qui constituent même la tension - dramaturgique serions-nous tenté de dire...- la dynamique d’un enseignement vivant et formateur.

ML Issaurat
IA-IPR de lettres chargée du théâtre

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