I. Cerner les données et les difficultés de la situation. Les différents problèmes liés au transfert des savoirs
De la conférence à la diversité des situations d’enseignement : de la théorie des « savoirs savants » au cours de français.
A. La conférence et son contenu
Exposé fait par un Jean-Pierre Leduc-Adine (Paris III- Centre des manuscrits Zola) : travaux sur Zola constituant des « savoirs savants », et proposant différents contenus pour dépasser, modifier, démentir, corriger la « vulgate » zolienne.
Le conférencier a annoncé un contenu dans lequel tout n’a pas été repris au cours de l’exposé, mais des précisions ont été apportées en fonction des interventions du public (dimension critique et polémique de certains romans comme La Curée, interrogations sur le « cas Maupassant »). En particulier n’ont pas été reprises les deux questions des mythes chez Zola et de la fascination du machinisme.
B. La situation du professeur de Lettres dans sa classe
La question du transfert didactique réside dans la manière d’adapter les « savoirs savants » à des classes de niveaux différents, à des moments différents de l’année, dans une double orientation, qui est celle de l’approche culturelle et celle de la préparation à l’examen. On peut représenter la situation de la manière suivante :
– En amont : le travail du professeur, ses lectures, ses propres recherches sur le Naturalisme, ses connaissances, des préparations diverses + le contenu de la conférence avec les références de lectures qui s’y rattachent (Philippe Hamon, Henri Mitterand, Colette Becker, Michel Serre, Michel Tournier...)
– En aval : une classe d’un niveau X , formée peut-être de lecteurs pas très passionnés, avec une certaine attitude face à la littérature et aux études littéraires, et la mission pour le professeur de préparer l’examen tout en apprenant à réfléchir sur les spécificités d’un courant qu’il faut découvrir à travers la lecture d’une œuvre et sur des situations qui transcendent à la fois l’époque et le courant.
– Au centre : la démarche de transfert qui revient à chercher par quels biais pédagogiques il sera possible de faire comprendre ce qu’est le Naturalisme, avec en arrière-plan les questions (que se posent toujours les élèves, clairement ou non) : pourquoi le Naturalisme ? Qu’est-ce que cela peut bien nous apporter ?
II. Les éléments de la conférence à transposer : réflexions et savoirs théoriques. Reprise des grandes orientations : le Naturalisme, pourquoi ? à travers quelles démarches générales ?
A la question « Pourquoi le Naturalisme ? », la conférence apporte des réponses.
A. Le Naturalisme est un important courant esthétique du XIXe siècle, indissociable de l’histoire, ainsi que de l’histoire sociale, culturelle, scientifique.
C’est là une occasion de s’interroger sur les relations de réciprocité entre le cadre historique et les productions artistique. Ce phénomène a été abordé par le conférencier à travers l’idée d’un « roman miroir », d’un roman reflet d’une manière de vivre , d’un roman témoignage parce qu’il est le produit d’une très abondante et très riche documentation. Mais en même temps, le roman zolien est différent des dossiers préparatoires et des recherches : s’il y a témoignage sur la vie sous le Second Empire, et sur le milieu ouvrier, il faut rappeler, comme cela a été fait par Jean-Pierre Leduc-Adine, que ce milieu ouvrier ne s’est pas toujours reconnu dans les romans de Zola.
B. Le roman naturaliste offre l’originalité d’avoir été considéré par Zola, et de manière systématiquement définie, comme un domaine d’expérimentation des théories de Claude Bernard et du Docteur Lucas, ce que l’on retrouve dans Le Roman expérimental.
La démarche scientifique appliquée au roman et à ses personnages, sa nature, ses limites, présentent un intérêt en ce qui concerne la démarche du romancier et les théories du roman.
C. Le passage de l’observation et de la documentation (deux éléments caractéristiques du Naturalisme) à la littérature révèle une maîtrise savante du roman, de sa structure, des effets d’écho, d’une construction très travaillée.
L’abandon assez rapide de l’idée d’expérimentation, dont Zola semble avoir vu les limites assez tôt , lui a laissé toute liberté pour mettre en œuvre une poétique du roman que l’on retrouve dans les éléments suivants, repris et analysés par le conférencier :
– Travail sur la structure du récit (structure « en chapeau de gendarme » de L’Assommoir, par exemple)
– Importance du schéma actanciel
– Travail subtil sur les différents types de discours (informatif, descriptif, narratif, argumentatif)
– Utilisation variée et toujours signifiante des différents types de discours rapportés
– Focalisation interne fréquente
– Motifs récurrents et phénomènes d’écho dans la composition
D. Le conférencier a signalé, sans la reprendre en détail, l’importance de l’intertextualité et des mythes dans la série des Rougon-Macquart (Rappel du roman La Curée présenté comme une Phèdre moderne), et le fait que les romans de Zola relèvent d’une « combinatoire » de nombreux éléments dont certains présentent des paradoxes et des contradictions.
L’œuvre combine en effet une époque (le Second Empire), un genre, avec sa poétique, ses codes, ses fonctions, différents registres, des types de discours, des objectifs scientifiques, une écriture, un tempérament. On pourrait la définir de la manière suivante : une époque vue par un tempérament et transcrite à travers un genre avec comme finalité une expérimentation scientifique conduisant à la découverte et à l’analyse de la nature humaine
Ces quelques éléments étant posés, il n’est pas question de donner à des élèves de première une définition théorique et globale du Naturalisme pour chercher en quoi Zola est « bien » naturaliste. Par rapport à d’autre courants littéraires, il y a cependant une relative facilité d’approche dans la mesure où « l’idéologie » naturaliste zolienne a été définie au moment même de sa mise en œuvre, et non après. Dans la démarche d’approche pédagogique, il y a donc la possibilité de partir d’un projet initial (défini par Zola en 1868) et de mêler ainsi ce qui est inductif et ce qui est déductif.
On peut alors envisager différentes démarches « applicables » à l’étude de plusieurs romans et constituant des activités regroupables en séquences. Les romans de référence seront La Curée (1872), L’Assommoir (1877), Germinal (1885) et La Bête humaine (1890).
III. Différentes démarches pédagogiques. Applications, travaux divers adaptables à différentes œuvres, activités de séquences
Avant d’aborder le domaine strictement pédagogique, et après le choix de l’œuvre à étudier, selon des critères propres à chaque professeur, mais également liés aux différentes classes et à leur nature, il est intéressant de s’arrêter sur la question de l’édition puis sur celle des procédures de lecture.
A. La question de l’édition
Il est intéressant d’avoir des éditions diverses dans une classe. Cela permet :
– une prise de conscience des composantes de chaque édition et de la nature du paratexte (préface, notes, dossier, éléments biographiques et bibliographiques, iconographie).
– une interrogation sur « qui fait quoi » dans une édition : établissement du texte, auteur(s) de la préface ou des préfaces (Zola et un universitaire spécialiste), fonction des préfaces, utilité du paratexte, destinataire, adaptation au public lycéen...
– une réflexion sur différents types de présentation : sens de l’illustration de couverture, de la quatrième de couverture, choix éditoriaux...
– une réflexion sur la question des dates et sur la manière dont elles sont indiquées : date d’écriture du roman, date de publication, date de l’édition de poche, notion d’œuvre tombée dans le « domaine public »
Ces quelques réflexions, qui peuvent conduire à de véritables travaux éditoriaux des élèves : élaboration de notes adaptées, rédaction d’une préface, d’une quatrième de couverture, études comparées d’édition en fonction de l’adaptation du paratexte au public lycéen. (Voir les propositions « transférables » à différents romans faites dans un article de la revue Argos, CRDP de Créteil, n°22, « Le Colonel Chabert, oui, mais lequel ? ») ont pour objectif une sensibilisation à l’objet-livre et une initiation des élèves à des questions dont les réponses permettent de ne pas prendre n’importe quel volume de Zola comme un « produit fini » destiné à être tronçonné en lectures méthodiques.... La littérature n’est pas uniquement centrée sur la composition et sur l’écriture, elle englobe ce qui touche à la production.
B. Quelle procédure de lecture ?
Les procédures habituelles sont celles qui consistent à faire lire une œuvre intégrale pour une date donnée et à vérifier que la lecture a été faite au moyen d’un « contrôle de lecture » ou d’une « fiche de lecture ». On lit puis on étudie. On peut se demander quelles en sont les justifications et s’il n’est pas possible, et souhaitable, de procéder autrement.
Pourquoi ne pas donner aux élèves l’occasion d’une découverte progressive de l’œuvre, étape par étape, avec des temps d’arrêt pour les petits lecteurs, et pour les autres la possibilité d’aller plus loin plus vite ? Pourquoi ne pas modifier complètement les « entrées en lecture » en mettant les élèves en activité de choix et de lecture orientée (établissement d’une « anthologie de textes » voir ci-dessous) ? La difficulté pour beaucoup d’élèves est celle de d’une double maîtrise : lecture globale et lecture de détail, compréhension des enjeux généraux du roman et connaissance de sa structure. Certaines démarches pédagogiques différentes peuvent favoriser une entrée dans la lecture moins contraignante ou plus active.
C. Différents types de travaux à mettre en œuvre
1. Traiter la question historique (par exemple à travers des recherches qui peuvent être faites en groupe)
– Situation du roman étudiée sous deux formes
- La date de publication du roman : comment la connaître ? (éventuellement recherches sur la genèse du roman, quelle date de début, quelle date d’achèvement ?)
- La date et la durée de l’action romanesque : tous les romans de la série ont été écrits après 1870 mais tous se situent avant .
– Recherche historique sur le contexte : La révolution de 1848, 1851, le coup d’état, le Second Empire, 1870 (interférences au passage avec Hugo et son rôle au moment du coup d’état)
– Autres recherches d’orientation thématique en relation avec chaque roman : les transformations de Paris par Haussmann pour La Curée, les machines à vapeur et les trains pour La Bête humaine, les mines pour Germinal (dates et faits précis de l’évolution du monde industriel, iconographie, textes divers d’orientation économique, textes informatifs)
Constitution d’un dossier. Ces travaux, qui peuvent être faits sous des formes diverses (exposés, dossiers), et qui visent à utiliser l’image, ont pour objectif de préparer et d’initier l’entrée dans le roman en mettant en place le contexte historique, économique et social, qui, lui, n’appartient pas à la fiction romanesque. Entraînement à la recherche documentaire, ils permettent de poser le cadre du roman et de préparer ainsi une réflexion sur le travail de documentation de Zola lui-même. Ce travail préalable sert en effet à nourrir une réflexion dont l’étude d’un roman naturaliste ne peut pas faire l’économie : comment s’est effectué le passage de la documentation initiale de Zola (cf les Dossiers préparatoires et les Carnets d’enquête, éd. Plon, collection Terres humaines) à un contenu de fiction romanesque qui apporte au lecteur une masse de connaissances techniques relatives à l’époque.
2. Réfléchir sur l’appartenance du roman à une série : importance et signification d’un titre contraignant et révélateur
Recherches dans la biographie de Zola du caractère concerté du plan général (Histoire naturelle et sociale...) : projet en 1868, premier arbre généalogique en 1869. Mise en évidence du projet initial , puis explicitation des différents éléments du titre.
– Histoire naturelle : référence à la science, à la méthode scientifique, à la classification des espèces (comparaison avec Balzac et sa référence à Buffon, rapprochement avec les Histoires naturelles de Jules Renard) ; insistance sur l’esprit de recherche (et donc sur le goût de la documentation, présenté par le conférencier comme un élément clé du Naturalisme) ; référence affirmée à Claude Bernard et au Dr Lucas (Traité de l’hérédité naturelle, 1845) ; polysémie du mot « naturalisme », les déterminations qu’il contient.
– Histoire sociale : importance accordée de la diversité des milieux (des ouvriers à la haute finance et aux cabinets ministériels) ; mise en scène de la société du Second Empire dans ses différentes ramifications , avec, à l’arrière-plan, la question suivante : s’agit-il d’une reproduction exacte (cf le goût de la photo chez Zola) ou d’une transposition esthétique très travaillée , comme le montrent à la fois les recherches concernant une « langue du peuple » entièrement retravaillée dans L’Assommoir) et l’utilisation des procédés d’agrandissement épique et mythique dans la plupart des romans les faisant accéder à un registre épique ? Où peut se trouver la frontière entre les deux ?
– Une famille : le choix concerté est matérialisé par l’arbre généalogique , qui peut servir de base à toutes sortes de réflexion sur la manière de procéder du romancier dans l’invention de ses personnages (utilisation des travaux de Ph. Hamon, Le personnel du roman, éd. Droz, et du dossier « Foliothèque » de La Bête humaine, qui montre les problèmes de choix concernant Jacques).
Ces différents travaux donnés à faire aux élèves, recherches, exposés, doivent permettre l’entrée dans le monde des Rougon-Macquart en suivant chronologiquement la démarche de Zola : mettre en évidence le projet, le titre, l’organisation, l’arbre généalogique, c’est poser, d’emblée, que le roman zolien répond à un ensemble de contraintes déterminées a priori, sorte de cahier des charges, qui en conditionnent le contenu, la structure et les enjeux.
Dès lors la situation est intéressante : étudier un roman naturaliste revient à définir des caractéristiques d’écriture et de structure romanesque en cherchant si elles sont pertinentes par rapport à une démarche de création et de démonstration scientifique posée et définie a priori par Zola.
Les grands axes d’étude applicables à différents romans de la série pourraient être les suivants (sans hiérarchie dans l’ordre) : structure du roman, contexte social et économique particulier, écriture romanesque, intrusion de la mythologie, utilisation de la documentation, détermination des personnages à partir de leur appartenance familiale.
3. Le choix et les modalités de passages à étudier : un travail « anthologique »
Au lieu d’imposer un ensemble de passages choisis par le professeur, mettre les élèves en activité par groupes (2 à 4 participants) : lecture et repérages de passages particulièrement représentatifs d’un ou des thèmes dominants du roman en relation directe (ou non) avec le titre, qui peut lui-même donner lieu à différentes analyses : sens, polysémie, métaphore, détermination, réactions du lecteur
– La Curée : les spéculations immobilières / destruction / construction/ la ville / l’argent.
– Germinal : la mine, les lieux, le travail, la vie des mineurs, quelles images du monde industriel ?
– L’Assommoir : le quartier de la Goutte d’or à Paris, la vie des ouvriers parisiens, les petits métiers
– La Bête humaine : les trains, les gares, le réseau ferroviaire.
La finalité de ce travail est de faire lire avec un objectif précis de repérage, donc de faire réfléchir à l’élaboration de critères de choix, de justification, pour conduire les élèves à une sorte « d’imprégnation » de la thématique du roman (thématique et cadre de l’action. Il conviendra ensuite pour l’élargir ensuite à l’étude de la « famille » avec retour à l’arbre généalogique et à la question de l’hérédité. Cette double recherche (passages représentatifs du thème, et extraits révélateurs de l’intrigue humaine) peut aboutir à la constitution d’ anthologies (éléments sélectionnés par les élèves) donnant lieu à des études plus précises dans lesquelles chaque texte serait présenté avec quelques lignes de paratexte.
Ces recherches conduisent à mettre en évidence trois orientations d’étude (orientations de base sur lesquelles viendront se greffer d’autres travaux) portant sur les lieux , les activités et les personnages dans les romans considérés.
4. Etudier les lieux, les activités et les personnages (dans un contexte historique déjà précisé) à travers les différents types de discours et des procédés d’écriture romanesque
L’importance des lieux et le discours descriptif / la topologie : la question des lieux et de leurs relations avec les milieux sociaux, les activités et les êtres conduit à envisager les points suivants : des lieux réels ou inventés, ayant quelle relation avec la documentation, présentés selon quel point de vue, avec quelles fonctions de la description (information témoignage, lieux symboliques, lieux mythiques) ?
Un travail révélateur consiste alors à mettre en parallèle les éléments informatifs des Carnets d’enquête et ce que ces notes sont devenues dans les romans (l’hôtel particulier de Renée, la serre, le lavoir, les corons...). L’étude comparée met en relief les spécificités d’une écriture romanesque liée à un projet initial et le dépassant ou le contournant.
Les documents préparatoires de Zola peuvent aussi être pris comme base de travaux d’écriture : utilisation des notes pour rédiger une description, réflexion sur l’écriture informative, documentaire, puis passage à la fiction romanesque (travaux d’élèves). > réflexion sur la situation d’énonciation et sur le statut du narrateur.
L’importance des activités et le discours narratif : la même question se pose à propos des enjeux et des objectifs des activités rapportées et mises en scène : s’agit-il d’information, de témoignage, d’argumentation, de narration ? Le même travail de mise en parallèle des esquisses et du résultat final (le travail de l’ouvrier zingueur et l’épisode de Coupeau tombant du toit, le travail de l’ouvrier de la forge et l’épisode de découverte de la fabrique de boulons par Gervaise) permet de mieux comprendre la finalité de certains épisodes, et du roman dans son ensemble.
Les personnages et les deux types de discours : ce que font les personnages correspond au récit, ce qu’ils sont passe par des portraits, avec en plus tout ce qui permet de rapporter les paroles (discours direct, indirect , indirect libre, narrativisé). L’étude des personnages (avec éventuellement une véritable fiche d’état civil pour chacun d’eux) conduit à chercher les déterminations qui pèsent sur eux et qui les accompagnent comme des épithètes homériques : nom, prénom, surnom parfois, origine sociale, traits physiques. La récurrence des termes, assez facile à repérer, associe de manière définitive un être à un ensemble d’éléments qui les conditionnent, mais cela n’empêche pas ces personnages d’évoluer dans un environnement qui, dans sa représentation répond aux « codes » du schéma actanciel. Les codes narratifs rencontrent les « impératifs » de l’idéologie naturaliste : quelle est alors la spécificité du roman naturaliste ?
Les relations inter-personnages et la structure des romans : chaque intrigue est construite sur l’évolution des relations affectives entre les personnages : il s’agit donc de la mise en jeu des forces de l’hérédité dans le cadre particulier du milieu choisi. La problématique est celle de la confrontation entre l’idée d’expérimentation conduisant à une découverte (laquelle ?) et la fatalité de l’hérédité, qui peut faire disparaître toute idée de liberté (celle des personnages, celle du romancier) . La réponse est à chercher dans l’organisation des romans (structure globale, division en chapitres) à déterminer au cours de lectures cursives et / ou de résumés des différentes étapes du roman : cela peut aussi conduire à une interrogation sur la division en chapitre et sur les critères qui ont présidé à cette division. Il est possible, ici encore, de partir des projets de Zola et des textes qui posent, de manière schématique, la structure, les objectifs et les enjeux des différents romans .
Le passage des notes et des dossiers aux romans conduit à l’analyse de l’écriture littéraire par rapport à celle de l’information documentaire. Les éléments disponibles pour étudier le roman naturaliste font que le lecteur est en situation de confronter :
– La recherche et l’utilisation qui est faite de la documentation
– La théorie inscrite dans le projet initial et la mise en pratique de l’expérimentation
– Les intentions, reprises dans les préfaces à titre de défense et la réalisation
Le roman naturaliste n’est pas nécessairement ce que Zola souhaitait qu’il fût, mais se trouve être ce que Zola en a fait.
5. Zola défenseur de Zola : travailler l’argumentation
L’étude d’un roman, comme exemple révélateur d’une mise en œuvre du projet initial (travail historique, analyse du titre, réalisation d’une anthologie, étude comparée documents / romans, analyse précise de procédés d’écriture romanesque, rigueur de la structure) peut s’accompagner d’un travail d’argumentation à partir d’une préface, ou d’une réponse de Zola aux attaques dont il a été l’objet (lettre au directeur du Bien Public à propos de L’Assommoir). C’est une manière d’aborder les justifications du romancier et la liberté qu’il s’accorde parallèlement aux contraintes qu’il s’impose.
Il y a là une autre manière d’entrer dans les théories naturalistes, ou de compléter l’étude d’un roman. en s’interrogeant sur la diversité des textes théoriques (essais, articles, préfaces) sur leur contenu, leur structure, leur efficacité a priori ou a posteriori (importance de la chronologie).
Ces différentes orientations peuvent servir de base à l’élaboration de séquences regroupant des activités de lecture, de recherche, d’écriture analytique , de mise en œuvre / découverte / vérification de la connaissance des instruments d’analyse et procédés d’écriture, d’écriture inventive et de réécriture (une scène avec changement de focalisation, ou changement de type de discours rapporté), de constitution de dossiers, d’argumentation écrite ou orale (débats), d’étude de l’image (tableaux de Degas, de Caillebotte, de Manet..., importance de la photo pour Zola, multiplicité des caricatures dénonçant le caractère ordurier de ses œuvres). M.Leduc-Adine a rappelé l’importance des travaux de critique esthétique de Zola, son admiration pour Manet, et le fait qu’il n’aimait pas Caillebotte...
Un autre travail peut se faire à partir des adaptations cinématographiques. Pour Thérèse Raquin, L’Avant-scène cinéma (n°433, juin 1994) donne le texte de la transposition du roman par Marcel Carné : il y a là de quoi mener tout un travail non seulement sur l’image, mais sur le passage de l’écriture romanesque à l’écriture cinématographique.