L’argumentation en 2nde et en 1ère

, par BERTRAND Denis, Université de Paris III , COIRIER Pierre, Université de Poitiers

Cet article renvoie à des programmes qui ne sont plus d’actualité ; néanmoins, les éléments réflexion proposés conservent tout leur intérêt.

CONFERENCE SUR LE THEME DE L’ARGUMENTATION
 Démontrer convaincre et persuader
 L’éloge et le blâme

Introduction

Préliminaires

Rappel des quatre nouvelles perspectives des programmes de seconde de lycée

 Histoire littéraire :

  • Un mouvement et phénomène littéraire du 19ème et du 20ème siècle.
  • Un genre dans son histoire : le théâtre

 Argumentation :

  • Démontrer convaincre et persuader.
  • L’éloge et le blâme.

 Processus d’écriture :

  • Lire, écrire et publier aujourd’hui
  • Le travail de l’écriture (brouillons, notes, esquisses)

 Genre et registre :

  • Romans et/ou nouvelles du 19ème, 20ème siècle
  • Théâtre : le tragique et le comique.

Deux éclairages sur l’argumentation

Denis BERTRAND : éclairage par les contenus

 L’argumentation trouve sa pleine reconnaissance dans les programmes de collège et de lycée.
 Enjeux de cet apprentissage : inscrire le dispositif argumentatif dans un schéma discursif actualisé dans les œuvres littéraires.
 Voir comment cet éclairage peut permettre une lecture plus forte et plus approfondie des œuvres littéraires.
 Déboucher sur des travaux d’écriture.

Pierre COIRIER : éclairage sur la progression de l’enfant dans ses compétences argumentatives

 Envisager l’argumentation comme conduite langagière chez les élèves
 Les conditions d’appropriation des compétences argumentatives

Denis BERTRAND : éclairage par les contenus

Un article de Tzvetan Todorov

Denis BERTRAND aborde sa réflexion en commentant l’article de T.. Todorov paru dans le numéro d’octobre 2000 de L’Ecole des Lettres Lycée : « on nous pousse à enseigner des méthodes plutôt que des œuvres ».

La position de Todorov serait d’étudier des œuvres et de laisser libres les méthodes. Cet article pose le problème de l’enseignement du français en classe de lycée : doit-on privilégier les méthodes ou les œuvres, Todorov reprochant au lycée de mettre en avant les sciences du langage (linguistique, pragmatique, sémiologie) et non la littérature.

Denis Bertrand propose de dépasser cette polarité antagoniste avec l’argumentation. Il rappelle le double statut de l’argumentation à la fois, objet d’étude (collège) et perspective d’étude (lycée).

Rappel de l’essentiel des programmes de collège

Dès la 6e, les nouveaux programmes ont fixé comme objectif la maîtrise des discours. Une réflexion est faite sur l’ambiguité du terme et la nécessité d’arriver à une définition partageable et opérationnelle.

Trois paramètres apparaissent nécessaires pour une définition :
 1. Enonciation : elle focalise la dimension personnelle à toute prise de parole.
 2. Interaction : elle focalise la dimension interpersonnelle à l’action sur autrui, c’est à dire l’effet à produire (approche pragmatique des actes de paroles).
 3. Usage : focalise le caractère impersonnel du discours, c’est à dire, l’enracinement du discours dans la pratique culturelle (enchaînements syntaxiques, catégories d’usage qui déterminent les formes du discours, les grands topoi, les indispensables lieux communs à ne pas interpréter comme clichés mais comme une pertinence partagée.

L’argumentation comme objet d’étude : collège

Au collège le programme chaque année met l’accent sur les modes d’exécution des différentes formes de discours.

  • en 6e, le discours narratif,
  • en 5e, le discours narratif et descriptif,
  • en 4e, le narratif, le descriptif et l’explicatif
  • en 3e, un accent est mis sur l’argumentation avec une mise en perspective des autres dimensions discursives des programmes : exemple une discussion peut être argumentative etc.....

Le collège insiste sur les activités langagières et la maîtrise des outils linguistiques.
 1. A travers la lecture (en légitimant les formes les plus variées de la lecture)

 2. A travers l’écriture au delà des exercices rituels :

  • On dépasse le cadre morpho-syntaxique de la phrase, le niveau des régularités en se posant par exemple la question du mode de progression, de l’agencement entre les phrases (thème - rhème).
  • On introduit davantage la place de la personne dans le discours (l’énonciateur et le destinataire).
  • Le lycée insistera davantage sur les problèmes de modalisation, un point important de l’argumentation, l’attitude du locuteur par rapport à ce qu’il dit, toutes les capacités de modulation du locuteur.

 3. A travers l’expression orale :

  • On met d’accent sur l’importance de l’écoute et de la reformulation.
  • On réinstalle l’argumentation dans son horizon dialogique en adoptant un point de vue assez large : convaincre d’un côté, résister de l’autre côté.
  • L’éthique de l’argumentation étant la régulation de l’espace conflictuel dans le dialogique. Passer par le questionnement, le doute, puis réfuter ou consentir

Le passage du collège au lycée : l’argumentation comme perpective d’étude

 1. L’argumentation permet un mode d’accès aux œuvres. Exemple : voir comment dans un environnement donné, une forme d’écriture a pris naissance : la littérature d’idées, l’ essai comme genre propre

 2. On peut élargir une dimension cognitive de l’argumentation avec une étude des différents registres (forme rationnelle et affective des arguments).

 3. L’argumentation figurative qui passe par des représentations concrètes du monde : le genre du judiciaire, un CV comme preuve de ce qu’on peut faire etc....

Conclusion

L’argumentation est un point d’accès qui permet entre autre, d’éclairer l’objet culturel dans une dimension de partage.

Pierre COIRIER apporte un éclairage sur la progression de l’enfant dans ses compétences argumentatives

Introduction

La progression de l’enfant dans ses compétences argumentatives

Est-il vrai que « Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement. » ?

Dès deux ans, un enfant est capable d’une argumentation simple : « - Mange ta soupe ! - Je n’ai plus faim ! »

A cinq ans, il peut prendre en compte son interlocuteur.

Dès neuf ans, on peut observer des conduites argumentatives pour convaincre un interlocuteur mais il faut attendre quinze pour voir apparaître des conduites argumentatives plus élaborées.

L’argumentation : définition

Autant de définitions que d’auteurs :
 ceux qui se placent du côté de la logique et du raisonnement,
 ceux qui mettent l’accent sur l’interactivité de la communication.

L’argumentation serait une construction qui relève d’opérations logiques en passant par le discours. Combiner le raisonnement naturel et agir sur autrui en se servant du langage.

Contraintes pragmatiques dans l’argumentation
  • Prendre une position.
  • Désir de modifier l’opinion du destinataire.
  • Etayage de son point de vue et prise en compte du point de vue du destinataire.
  • Justification et réfutation. Procédure de contre-argumentation.
  • Procédure de négociation : l’organisation et la coordination d’éléments conflictuels sont nécessaires pour éviter de bloquer la discussion.
Des contraintes pragmatiques au texte argumentatif élaboré

Les paramètres de la situation :

  • 1. La situation est-elle polémique ou coopérative ?
  • 2. Veut-on convaincre ou négocier ?
  • 3. L’information est-elle partagée ?
  • 4. Le thème abordé est-il familier ?

Pour qu’il ait production argumentative, il faut une coopération dialogale, c’est à dire être prêt à résoudre le conflit, il faut qu’il y ait aussi familiarité et connaissance du sujet.

Du CM2 à la 5e, chacun tient sa position sans tenir compte de celle de l’autre, ce n’est que entre 17 et 18 ans que s’opère une coopération argumentative qui intègre la voix de l’autre.

L’argumentation et le processus de composition

L’évaluation et la sélection des arguments

Qu’est-ce qui fait qu’un argument est un bon argument ?

  • La relation entre prémices et conclusions : les prémices fournissant les éléments favorables à la conclusion.
  • Vérité et congruence de l’information compatible avec les croyances : les arguments sont plus ou moins acceptables par rapport à une situation donnée.
Linéarisation et codage linguistique

La conceptualisation et la linéarisation à l’aide des opérations linguistiques impliquent forcément une déformation (comme les cartes de géographie représentent en 2D ce qui est en 3D).

Le problème est de reconstituer le schéma de progression des événements avec des opérateurs textuels.

L’exercice suivant est proposé aux élèves : une conclusion est donnée ainsi que neuf arguments dans le désordre, il faut reconstituer un texte linéaire, c’est à dire mettre les arguments en relation avec des connecteurs logiques.

Prise en compte des difficultés : examen de trois points

  • 1. La ponctuation
  • 2. Les anaphores
  • 3. Les connecteurs, exemple : intérêt des formules concessives sur la thèmatisation de la phrase

Une simulation expérimentale : Contraintes argumentatives et thématiques en alpha-oméga

Donner le début et la fin d’une argumentation. Exemple : « Le village c’est bien.....la ville c’est mieux »

Cet exercice met en jeu des contraintes conflictuelles qui doivent être gérées dans une stratégie argumentative avec une organisation de plans de textes et un choix d’arguments ou la quantité importe moins que la qualité.

Conclusion

«  Ce qui se conçoit bien s’énonce plus aisément ».

Dans le travail argumentatif se posent à la fois :

  • Des problèmes de maturation intellectuelle.
  • Des problèmes de connaissances et d’informations sur un domaine particulier (les sujets abordés aujourd’hui dans les classes exigent une expérience et une culture sociale.
  • Des problèmes linguistiques : beaucoup d’opérations sont à maîtriser (importance de la syntaxe qui est un outil fondamental pour traiter et faire prévaloir l’information).

Si la conceptualisation peut se faire, la linéarisation pose souvent problème.

Prise de notes pendant la conférence : Dominique Cuneo, formatrice IUFM

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