On décomptait cinquante Danaïdes, toutes filles de Danaos, descendant d'Io, qui régnait à proximité du Nil. Leurs cinquante cousins, fils du frère de Danaos, Aegyptos, désiraient les épouser; mais elles étaient résolument hostiles à un tel mariage. Avec leur père, elles embarquèrent à bord d'un navire et prirent la fuite en direction d'Argos, où elles trouvèrent refuge. A l'unanimité, les Argiens jugèrent juste d'accorder leur protection aux Danaïdes et lorsque les fils d'Aegyptos se présentèrent, la cité les rejeta et s'opposa à un mariage forcé.
Telle est résumée succinctement l'intrigue de la tragédie d'Eschyle, les Suppliantes.
Danaos conseille ainsi ses filles à leur arrivée à Argos : Mieux vaut, pour tout
prévoir, mes
filles, vous asseoir
sur ce tertre consacré aux dieux : encore mieux qu'un rempart,
un autel est un infrangible bouclier. Allons, hâtez-vous,
et, vos rameaux aux blanches guirlandes, attributs de Zeus Suppliant,
pieusement tenus sur le bras gauche, répondez aux étrangers
en termes suppliants. |
Le caractère
sacré du sanctuaire se communique à
tout ce qui s'y trouve ( eau, arbres, bosquets, objets consacrés)
et à quiconque y pénètre : il est asylon,
lieu d'asile, ce qui signifie que nul n'a le droit de prise (sylè)
à l'intérieur de son enceinte. Aussi offre-t-il
un refuge sûr à ceux qui viennent s'y installer en
suppliants dans la posture rituelle, qui consiste à s'asseoir
près de l'autel du dieu ou à côté de
sa statue avec le rameau d'olivier orné de bandelettes.
Le non respect de l'asylie est considéré comme sacrilège
entraînant souillure et malédiction divine, et puni
sévèrement par les lois humaines.
Textes authentiques
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Textes d'imitation, notes et remarques
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Le choeur des Danaïdes se lamente en déplorant son sort. Χορός ἱλέομαι μὲν Ἀπίαν βοῦνιν, καρβᾶνα δ' αὐδὰν εὖ, γᾶ, κοννεῖς. πολλάκι δ' ἐμπίτνω ξὺν λακίδι λινοσινεῖ Σιδονίᾳ καλύπτρᾳ. ΙΚΕΤΙΔΕΣ (Suppliantes) v128-131 Le roi d'Argos, venu à la recontre du groupe des jeunes femmes, s'étonne de leur accoutrement. Βασιλεύς ποδαπὸν ὅμιλον τόνδ' ἀνελληνόστολον πέπλοισι βαρβάροισι καὶ πυκνώμασι χλίοντα* προσφωνοῦμεν; οὐ γὰρ Ἀργολὶς ἐσθὴς γυναικῶν οὐδ' ἀφ' Ἑλλάδος τόπων. ὅπως δὲ χώραν οὔτε κηρύκων ὕπο, ἀπρόξενοί τε, νόσφιν ἡγητῶν, μολεῖν ἔτλητ' * ἀτρέστως, τοῦτο θαυμαστὸν πέλει. * ἔτλητ' : a osé (le roi fait référence à la troupe). Le proxène est un citoyen qui assure pour tous les citoyens d'une cité étrangère, en dehors de tout rapport d'alliance, les fonctions ou devoirs qu'assure un hôte pour un individu ou une famille étrangère. Voici, il est vrai, des rameaux que vous avez, suivant l'usage des suppliants, déposés devant les dieux publics. C'est le seul point où je puis conjecturer que vous êtes en accord avec la Grèce. On pourrait justement faire beaucoup d'autres conjectures ; mais tu es là, et tu as la parole pour t'expliquer. ΙΚΕΤΙΔΕΣ (Suppliantes) v234-246 Le roi d'Argos met en doute les affirmations des Danaïdes quant à leurs origines. Βασιλεύς ἄπιστα μυθεῖσθ', ὦ ξέναι, κλύειν ἐμοί, ὅπως τόδ' ὑμῖν ἐστιν Ἀργεῖον γένος. Λιβυστικαῖς γὰρ μᾶλλον ἐμφερέστεραι γυναιξίν** ἐστε κοὐδαμῶς ἐγχωρίαις. ΙΚΕΤΙΔΕΣ (Suppliantes) v277-280 *Participe présent à l'accusatif singulier **Datif pluriel de γυνή, -αϊκος (ἡ) |
Texte d'imitation ἱλέομαι μὲν Ἀπίαν βοῦνιν, καρβᾶνον δ' αὐδὴν εὖ, γῆ, κοννεῖς. πολλάκι δ' ἐμπίτνω ἐν τῷ σχιστῷ ἱμάτιῳ καὶ τῇ Σιδονίᾳ καλύπτρᾳ. σχιστός,-ή,-όν = déchiré ἱμάτιον, -ου (τὸ) = le vêtement Texte d'imitation Πόθεν ὅ δ' ὅμιλος ἐν πέπλοις βαρβάροις ᾧ προσφωνῶ ἔρχονται ; Οὐκ ἑλληνικήν στολὴν ἔχει ἀλλὰ χλίει. Στολὰς τοῦ Ἀργολίδος οὐκ ἔχουσιν αἱ γυναίκες. Χωρίς ἡγεμόνος ἢ πρόξενου εἰς τὴν χώραν ἀτρέστως βλῶσκειν τλῶνται. τοῦτο θαυμαστὸν ἐστιν. ἡγέμων, -όνος (ὁ) = le guide, le chef - στολή, -ῆς (ἡ) = le vêtement - γυνή, -αικος (ἡ) = la femme Ici, le roi, incidemment, pose les trois questions rituelles que l'onadresse à un étranger avant de le considérer comme son hôte... « Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? De quel pays ? » Voir par exemple dans l'Odyssée chez Homère (Odyssée, VI, vers 276). La supplication est le premier geste de ceux qui sont en détresse. Cette coutume, toute grecque, rattache indéniablement les Danaïdes aux Argiens, et le roi ne manque pas de le remarquer. Il demeure toutefois sceptique, en raison de l'étrange accoutrement des Danaïdes... Dans l'Oedipe de Sophocle, le peuple de Thèbes s'adressait à son roi avec les mêmes gestes (Oedipe-Roi, prologue, vers 1-3)... « Ὦ τέκνα, Κάδμου τοῦ πάλαι νέα τροφή, τίνας ποθ' ἕδρας τάσδε μοι θοάζετε ἱκτηρίοις κλάδοισιν ἐξεστεμμένοι ; » Texte d'imitation « ἄπιστους λόγους μυθεῖσθ', ὦ ξέναι · λέγετε ὅτι ἀπόγονοι τῶν Ἀργεῖων ἐστε. Λιβυστικαῖς γὰρ μᾶλλον ἐμφερέστεραι ἐστε · καί οὐδαμῶς ἐγχωρίαις.» ἀπόγονος, -ου (ὁ) ou (ἡ) : le descendant, la descendante. |
Les rites d'hospitalité :
On accueille l'hôte de passage en lui offrant des cadeaux d'hospitalité (xenia), riches si l'on est riche (Homère, Odyssée VIII, vers 392 sqq), simples repas si l'on est pauvre : vin, agneau, fromage frais, couronne (Electre, vers 494-500). De la même façon quand Egisthe sacrifie aux Dieux, Oreste qui dissimule son identité passe le long de son domaine. Egisthe est alors obligé de l'inviter. En assistant au sacrifice, Oreste se trouve dans la même situation que s'il était entré dans sa maison : il devient son hôte (Electre, vers 777-780). Il pose les trois questions rituelles : "Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? De quel pays ?" C'est ce qu'on retrouve chez Homère (Odyssée, VI, vers 276).
Source : http://www.ac-grenoble.fr/lettres/articles.php?lng=fr&pg=78
Remarques grammaticales |
ἐμπίτνειν | S'agenouiller |
ἰλέεσθαι | Supplier |
ἐμπίτνω | Je m'agenouille |
ἰλέομαι | je supplie |
ἐμπίτνεις | tu t'agenouilles |
ἰλέει | tu supplies |
ἐμπίτνει | il s'agenouille |
ἰλέεται | il supplie |
ἐμπίτνομεν | nous nous
agenouillons |
ἰλέομεθα | nous supplions |
ἐμπίτνετε | vous vous
agenpouillez |
ἰλέεσθε | vous suppliez |
ἐμπίτνουσι | Ils
s'agenouillent |
ἰλέονται | ils supplient |
Vocabulaire
Noms |
Adjectifs |
Verbes |
Mots
invariables |
᾿Απία, -ας (ἡ) terre d'Apis Ἀργολὶς, -ιδος (ἡ) l'Argolide γένος, -ους (τὸ) Ἑλλάς, -άδος (ἡ) la Grèce ἐσθής, -ῆτος (ἡ) le vêtement ἡγητήρ, -ῶν (ὁ) καλύπτρα, -ας (ἡ) le voile κῆρυξ, -ύκος (ὁ) λακίς, -ίδος (ἡ) lambeau ὅμιλος, -ου (ὁ) troupe ξένη, -ης (ἡ) étrangère πέπλος, -ου (ὁ) le vêtement long πυκνώμα, -ατος (τὸ) le bandeau τόπος, -ου (ὁ) l'endroit, le lieu χώρα, -ας (ἡ) |
ἀνελληνόστολος, -ος, -ον à
l'accoutrement peu grec ἄπιστος, -ος, -ον incroyable ἀπρόξενός,-ός,-όν sans proxène Ἀργεῖος, -α, -ον argien βοῦνις, -ιδος accidentée, plantée de collines ἐγχωριος, -α, -ον local, du pays, autochtone ἐμφερέστερος, -α, -ον plus ressemblant θαυμαστός,-ή, -όν καρβᾶνος, -ος, -ον barbare Λιβυστικος, -η, -ον Lybien λινοσινής, -ής, -ές déchiré ποδαπός, -ή, -όν venant d'où |
ἐμπίτνω je m'agenouille, je
tombe sur (+datif) ἰλέομαι/ἰλοῦμαι je supplie κλύω j'entends κοννέω/κοννῶ je connais μολεῖν venir (infinitif aoriste de βλώσκω ) μυθέω/μυθῶ je raconte πέλει προσφωνέω/ προσφωνῶ parler à χλίω je suis sensuel, je suis fier |
ἀτρέστως
hardiment, sans crainte μᾶλλον davantage, plutôt νόσφιν à l'écart de ὅπως de quelle manière, le fait que οὐδαμῶς nullement οὐδέ et...ne...pas οὔτε...οὔτε... ὕπο + génitif |
Remarque : en grec il n'est nul besoin de rajouter un pronom pour marquer la personne, sauf s'il y a volonté d'insister sur le sujet du verbe.
Asile !DANAOS
- Rassurez-vous, mes filles : tout va bien du côté d'Argos ; le peuple a rendu un décret décisif.
LE CORYPHEE- Salut, vieillard, porteur de si douces nouvelles! Dis-nous à quoi s'arrête la décision prise, selon la loi du scrutin populaire, où prévaut la majorité.
DANAOS- Argos s'est prononcée d'une voix unanime, et mon vieux cœur s'en est senti tout rajeuni. De ses droites levées le peuple entier a fait frémir l'éther, pour ratifier ces mots : nous aurons "la résidence en ce pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d'asile reconnu ; nul habitant ni étranger ne pourra nous saisir ; use-t-on de violence, quiconque à Argos ne nous prête aide est frappé d'atimie, exilé par sentence du peuple". Telle est la formule qu'a défendue notre patron, le roi des Pélasges, en invitant la cité à ne pas fournir d'aliment pour les jours à venir au terrible courroux de Zeus suppliant.
Eschyle, Les Suppliantes, 600-617
Les contractions
Dans la langue grecque des voyelles peuvent se rencontrer à la suite de divers accidents phonétiques. Cela se produit en particulier dans le corps d'un mot, quand deux voyelles étaient initialement séparées par une consonne qui est tombée, c'est-à-dire qui s'est affaiblie au point de disparaître ; il se produit alors un choc de voyelles, une béance que l'on appelle un hiatus. Ce choc entraîne une modification qui est le plus souvent une contraction . C'est tout particulièrement le cas dans un certain nombre de conjugaisons, et cela s'est produit entre autres pour κοννέω/κοννῶ.
Il suffit de connaître ce que produit la rencontre des principales voyelles entre elles ou avec des diphtongues pour réussir à reconstituer les conjugaisons contractes.
α+ε = ᾶ
α+ει = ᾷ
α+ο = ῶ
α+ω = ῶ
α+ου = ῶ
ε+ε = εῖ
ε+ει = εῖ
ε+ο = οῦ ε+ω = ῶ
ε+ου = οῦ ο+ε = οῦ
ο+ει = οῖ
ο+ο = οῦ ο+ω = ῶ
ο+ου = οῦ
Exemples
εὖ, γᾶ, κοννεῖς
ποδαπὸν ὅμιλον τόνδ' ἀνελληνόστολον / πέπλοισι βαρβάροισι καὶ πυκνώμασι /χλίοντα προσφωνοῦμεν ;Conjugaisons contractes
κοννεῖν connaître
μυθεῖσθαι raconter κοννῶ je connais
μυθοῦμαι je raconte
κοννεῖς tu connais
μυθεῖ tu racontes
κοννεῖ il connaît μυθεῖται il raconte
κοννῶμεν nous connaissons
μυθοῦμεθα nous racontons
κοννεῖτε vous connaissez
μυθεῖσθε vous racontez
κοννῶσι(ν) ils connaissent
μυθοῦνται ils racontent