Zola et le Naturalisme

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Principe de la séance

Cette séance de présentation s’appuie sur le CDRom Le Musée imaginaire de Zola - Cadmos éditions.
Elle peut faire l’objet d’une vidéoprojection de deux heures.
Nous signalons l’utilisation des documents du CDRom par CF. en indiquant ensuite précisément le chemin pour trouver le document sur le CDRom.

Les débuts de Zola

Après un échec au baccalauréat, il s’engage comme docker, puis comme commis chez Hachette. Il travaille rapidement pour la direction du service de presse et il se met à écrire. Il se lance alors avec fougue dans le travail de journaliste, et tout particulièrement de critique d’art.
En 1864, il fait paraître sa première œuvre, Les Contes à Ninon (cf. tableau de Manet) et La Confession de Claude en 1865, où il transpose et sublime sa première expérience amoureuse de la rue Soufflot où, naïf, il a voulu arracher à la prostitution sa maîtresse qui se satisfaisait de son état.
Mais c’est avec Thérèse Raquin 1867 que Zola inaugure véritablement son œuvre ; on y voit le cycle des Rougon à venir.

CF. Document initial sur la page d’accueil : Zola par Manet
Permet de saisir ce que représente Zola et l’univers qui l’habite et qui préside à son écriture.
Thèmes :
 a très vite une grande audience, écrivain reconnu, quand bien même il fait et fera scandale, - avec Thérèse Raquin puis l’Assommoir par exemple.
 ressort aussi de cette présentation initiale l’influence de la peinture sur l’écriture Zolienne

Le projet de Zola

 S’inscrit au départ dans le prolongement de ses prédécesseurs. Pour lui, la vie impose l’« âpre besoin du réel ». Mais il veut par l’écriture préserver les « espérances du rêve » : ce qu’il fait dans La Confession de Claude en 1865. On retrouve donc à l’origine de l’écriture de Zola cette volonté de sublimer le réel que l’on trouvait chez Balzac. Puis il rompt avec cette tendance.

 Il entend d’ailleurs rivaliser avec Balzac - il nourrit même le secret espoir de le détrôner - en réalisant le pendant de La Comédie humaine et en brossant le tableau de la société humaine : cf le sous-titre « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ».
La clef de voûte de cette ensemble, le fil directeur, en sera l’hérédité.

 Il entend ainsi conférer à son œuvre la profondeur tragique, l’hérédité se substituant à la fatalité tragique des œuvres antiques. Et la thématique fondamentale est lancée par son premier grand roman, Thérèse Raquin : avant la lettre, et avant que la terminologie n’existe, Zola voit déjà cette œuvre comme naturaliste. Elle fait scandale et inaugure l’épopée du sexe que l’on verra dans le cycle des Rougon-Macquart. En 1868, Zola écrit aux Goncourt : « Les caractères de nos personnages sont déterminés par les organes génitaux. C’est du Darwin ! La littérature, c’est ça ! »

Le cycle des Rougon Macquart

La naissance du cycle

Dès 1868, le plan d’ensemble du cycle des Rougon est prêt. Le cycle débute donc vraiment avec la Fortune des Rougon, publié en 1870, il se poursuit au rythme d’un roman par an sur une vingtaine d’années pour se clore sur le Docteur Pascal 1893.
Avec la Fortune des Rougon Zola se donne pour projet de montrer les ravages causés dans la descendance par la névrose d’Adélaïde, mariée d’abord à Rougon, puis amante de Macquart, ivrogne. Il entend par suite, à travers cinq générations, suivre « le secret travail qui donne aux enfants d’un même père des passions et des caractères différents à la suite des croisements et des façons particulières de vivre ».
En 1878, Zola livre à ses lecteurs l’arbre généalogique des Rougon et des Macquart dans Une Page d’amour.

Quelques romans clefs

Certains romans du cycle, tout particulièrement, ont fait date.

L’Assommoir, en 1877
Zola y peint « la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs ». Zola veut y voir « le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple ».
CF. Fichier écrivain / assommoir / figures du peuple doc 1 2 3
C’est à la fois la tragédie de Gervaise et de Coupeau, rattrapés l’un et l’autre par l’alcoolisme, que retrace Zola ; il y condamne ainsi du même coup la société qui sécrète l’alcoolisme. C’est aussi une œuvre novatrice où l’auteur se prévaut d’avoir eu « la curiosité littéraire de ramasser et de couler dans un moule très travaillé la langue du peuple ». Derrière Zola s’engageront sur la même voie Céline, Queneau.

Nana 1880
CF. fichier écrivain, Nana, au théâtre doc 1-2-5

Germinal 1885
Avec Germinal, épopée de la mine, Zola s’impose comme le peintre des foules en mouvement. Il y fait le portrait de l’âme collective

Les prétentions scientifiques

Le parrainage intellectuel scientifique, de Zola est triple :

 les théories déterministes de Darwin, que Zola découvre essentiellement à la lumière des théories de Taine. Il croit à l’existence de lois en psychologie comme en physique. Il crée donc des personnages qui sont des bonshommes physiologiques évoluant sous l’influence des milieux.

 Les travaux de Claude Bernard : Introduction à la médecine expérimentale 1865. C’est pour Zola un ouvrage de référence et il fait appel constamment à ses idées. Claude Bernard affirmait que la méthode scientifique rigoureuse appliquée aux corps bruts devait l’être au corps vivant ; par analogie, Zola affirme que cette méthode doit être appliquée « à la vie passionnelle et intellectuelle ». Zola se démarque ainsi de ses prédécesseurs qui ont insisté sur l’importance de l’observation. A l’observation, il ajoute la nécessité de l’expérimentation. Il lui faut donc créer des situations qui permettent de mesurer la modification des rapports de cause à effet en fonction de la variation des données. Zola dit ainsi qu’il lui faut « faire mouvoir les personnages dans une histoire particulière pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l’exige le déterminisme des phénomènes mis à l’étude ». Pour ce faire il faut « prendre les faits dans la nature, puis étudier le mécanisme des faits en agissant sur eux par les modifications des circonstances et des milieux, sans jamais s’écarter des lois de la nature ».
Une telle théorie suppose une conception matérialiste et mécanistique du monde moral, qui dépasse ce que les scientifiques ont jamais affirmé.

 L’ouvrage du Dr Lucas Traité de l’hérédité naturelle 1850, très controversé. Zola veut montrer dans les Rougon la cascade de conséquences de l’aliénation mentale d’une certaine Tande Dide.

Ces théories extrapolées à l’outrance par Zola trouvent leur justification dans le scientisme ambiant et leur absolution dans le génie de Zola, son goût romantique, ses emportements humanistes. Au-delà de l’absolue vérité et de la déduction mathématique, il définit le roman comme un coin de la Création, vu à travers un tempérament.

Poétique de Zola et peinture

L’impressionnisme

Zola, jeune journaliste critique d’art, prend fait et cause pour la révolution qui se fait en peinture contre ses confrères :

 Il défend Cézanne d’abord, l’ami d’enfance qui a éclairé ce qu’il a appelé les « années de larmes » à Aix en Provence
CF. fichier Zola journalisme Cézanne

 Il dit haut et fort la capacité de ces peintres à s’intéresser à ce qui les entoure, à saisir la réalité des choses.
CF. fichier Zola journalisme, Monet premier doc.
Il rend compte dans l’Oeuvre de cette époque fourmillante où cohabitent différentes esthétiques :
CF. index/recherche/toute une époque doc 2 4 5 6
Il dit à travers le personnage de Claude la difficulté à imposer cette esthétique nouvelle qui bouscule les conventions et les idées reçues : CF. fichier Zola Recherche, Animation, Refusés

Impressionnisme et Naturalisme

Zola, en fait, revendique la communauté de pensée entre Impressionnisme et Naturalisme.
CF. Fichier Zola Index, lettre N, Naturalisme et impressionnisme
C’est finalement un véritable dialogue que Zola engage avec les œuvres des artistes de son temps.
CF. fichier Ecrivain, Œuvre /les paysages/ doc. 8On retrouve sous sa plume la volonté comme chez les Impressionnistes de saisir le réel dans le mouvement, dans les impressions laissées sur l’œil.
CF. fichier Ecrivain, Œuvre /les paysages/ doc. 2-3-6Ses œuvres baignent dans quelques couleurs dominantes et symboliques comme le jaune pour La Curée, qui est la couleur de l’opulence. Zola se distingue par un sens pictural et architectural qui caractérise ses compositions, même qi Zola y voyait une autre source de cohérence : « Il est certain que je suis un poète et que mes œuvres sont bâties comme des grandes symphonies musicales. » 1882

Comment définir le Naturalisme ?

 Zola fait remonter le Naturalisme à Diderot. D’un côté le déisme sentimental de Rousseau dans la lignée duquel on trouve Chateaubriand, Lamartine, Hugo, George Sand / de l’autre le scientisme de Diderot dans la lignée duquel on compte Stendhal, Balzac, les Goncourt. Il confirma ainsi sa filiation et cherche avant tout à se démarquer des romantiques ; face à l’idéalisme romantique, il veut affirmer le réalisme scientifique.

 Le Naturalisme est donc pensé par Zola comme un aboutissement, le fruit d’une évolution naturelle. Parce que la littérature s’adapte à son époque et est le fruit de son époque, le Naturalisme est selon Zola le fruit naturel de l’état nouveau de la civilisation.
Plus qu’une école, c’est une méthode.

Conclusion

C’est certainement cette subtilité dans l’écriture qui fait le génie de Zola. On peut emprunter la conclusion à Jean Malignon Dictionnaire des écrivains, Editions du Seuil « Zola » : « Ce qui fait l’intérêt puissant des Rougon-Macquart, au total, ce n’est pas, comme l’escomptait Zola, l’absolue vérité du document qu’il nous soumet. C’est lui-même. C’est l’écriture large, colorée (et d’ailleurs très décriée, comme celle de Balzac et de tous les « baroques » de notre littérature), c’est tout à la fois l’allégresse verbale du poète et la chaude générosité de l’homme, c’est le don prodigieux de transfiguration de la réalité ».

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