La réflexion humaniste sur les violences des guerres de religion : l’allégorie de l’Opinion dans les Discours des misères de ce temps de Ronsard. 1562

, par PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie

Lire le texte de Ronsard

Introduction

L’œuvre poétique de Ronsard est vaste et multiple. Elle reflète, par sa diversité même, les enjeux de l’humanisme. Poète de la Pléiade, il donne à la poésie française les lettres de noblesse que revendiquait la Défense et illustration de la langue française de Du Bellay. Mais c’est aussi un des tous premiers poètes engagés et on peut lire, à travers son œuvre, l’évolution du mouvement humaniste au cours du XVIème siècle. Avec les Discours des misères de ce temps, nous sommes loin, en effet, de l’idéal humaniste que Rabelais décrivait dans l’abbaye de Thélème. L’utopie a été rattrapée par l’Histoire. En 1562, après le massacre de Wassy, 1er massacre de protestants qui signe le début de la 1ère guerre de religion, les doutes assaillent l’humaniste Ronsard, qui lit, avec raison, dans le protestantisme une des conséquences de l’humanisme. La naissance du protestantisme en effet est liée à l’invention de l’imprimerie, et au retour aux textes, qu’ils soient antiques ou bibliques.

Dans les vers qu’il consacre à l’Opinion, Ronsard nous montre les difficultés d’un humaniste pour comprendre les violences de son époque.

I. Le regard d’un poète humaniste sur l’Histoire

1. Le poète se fait historien

L’adresse initiale « O toy historien »

Cette adresse, au v.115, fait de l’interlocuteur de Ronsard un historien, et de ses destinataires les lecteurs futurs. Ronsard s’adresse à l’historien à la 2ème personne du singulier. Mais il destine son texte à « nos enfants » v. 117 > Ce texte s’adresse à un historien et se destine à l’Histoire.

L’allusion à l’Histoire

L’allusion à l’Histoire est récurrente dans le texte, surtout dans les premières strophes : champ lexical de l’Histoire : « historien » (v. 115), « histoire » (v.116), « siècles » (v. 121), « histoire » (v. 122). Ce champ lexical sature les premiers vers de l’extrait. De plus, le champ lexical est renforcé par les nombreuses allusions au titre du poème, à savoir Discours des misères de ce temps : « misères » (v. 120), « notre temps » (v. 116), « ce temps » (v. 122).

Ronsard explique ici son rapport à l’Histoire

Le poète se situe par rapport à l’historien, et situe son écriture poétique par rapport à l’écriture de l’Histoire. Pour Ronsard, la poésie peut dire l’Histoire : allusion à l’histoire récente de la monarchie française, à l’accroissement du pouvoir royal, aux vers 123-124 : « En lisant que l’honneur, et le sceptre de France / Que depuis si longtemps avait pris accroissance. » En effet il ne faut pas oublier que le 16ème siècle voit la fin de la période féodale et la marche progressive mais réelle vers la monarchie absolue qui s’épanouira un siècle plus tard avec Louis XIV.

Non seulement la poésie peut dire l’Histoire, mais surtout, elle peut la faire voir, pour provoquer une émotion. Certes, l’encre avec laquelle écrit l’historien est « non menteuse ». Mais seul le poète maîtrise l’art des registres, des effets de lecture qui peuvent émouvoir les lecteurs et permettre que les lecteurs « pleurent notre mal » (v. 118)

2. L’explication mythique de l’Histoire

Faire voir l’Histoire

Le champ lexical de la vue est présent dans le texte : « de quel œil » (v. 121), « regarder » (v. 123), et tout à la fin de l’extrait : « Tel voit-on » (v. 191). Le thème de la vue se trouve avant et introduit le mythe de l’Opinion, puis l’exemple du poulain. > C’est que Ronsard emploie le mot « voir » selon deux significations : le sens de la vue bien sûr, mais aussi la réflexion intellectuelle de la compréhension [« Je vois » peut signifier aussi bien « j’ai sous les yeux » que « j’ai compris »]. Ronsard cherche à rendre l’Histoire intelligible, compréhensible ; il cherche à l’expliquer. Or rendre l’Histoire compréhensible, pour lui, c’est la faire voir. Or qui peut mieux faire voir que le poète, grâce à ses images ?

Si on reprend l’analyse de ces premières strophes, on peut résumer le trajet du texte ainsi :
 Ronsard montre d’abord la nécessité d’écrire l’Histoire.
 Puis il réclame certaines qualités d’écriture propres à l’écriture poétique (faire voir, provoquer des émotions violentes)
 Conséquence : Ronsard appelle et légitime une écriture poétique de l’Histoire : c’est la valorisation du poète par rapport à l’historien.

En effet, l’Histoire a bien deux fonctions (« afin qu’en te lisant » v. 118) : une fonction qu’on pourrait appeler « pédagogique » (= « qu’ils prennent exemple » v. 119) et une fonction « émotive » (= « ils pleurent notre mal » v. 118). L’écriture poétique est d’une encre plus efficace que celle de l’historien. Cette adresse à l’historien permet surtout de dire la supériorité du poète sur l’historien. Or, comment le poète fait-il voir l’Histoire ? Par le mythe.

Le récit mythologique

Comment est-il introduit ? En plein milieu du rappel historique des progrès de la monarchie française avant les guerres de religion, Ronsard emploie l’expression « une Opinion ». On peut penser ici que l’article indéfini « une » signifie que c’est une opinion parmi d’autres. Mais la majuscule à Opinion introduit déjà la dimension mythologique. De plus, on avait les écrits de l’historien, on va avoir la parole collective, propre au mythe : « on dit que » (v. 127). Enfin, on était dans la référence historique précise (« notre temps » v. 116 et « ce temps » v. 122), on va avoir la temporalité du conte : « Un jour » (v. 131), expression qui rappelle tout à fait le « Il était une fois ».

Comment voit-on qu’il s’agit d’un récit mythologique ? Les verbes d’action sont au passé simple (« choisit », « conçut », « vint », etc.). On a également des références à la mythologie antique que le poète humaniste Ronsard connaît parfaitement : « Jupiter », « Olympe », « Sirènes », « Géants » = toute une généalogie mythologique à la manière des mythes grecs.

Pourquoi faire un récit mythologique ? Il faut faire référence ici à la définition du mythe selon Mircea Eliade : mythe = « récit explicatif ayant trait aux origines ». Le récit que Ronsard est en train d’écrire a trait aux origines de la violence, de la guerre civile qui divise la France. Pour expliquer l’Histoire, Ronsard a recours à un mythe fondateur. C’est la façon dont la poésie rend l’Histoire visible : la poésie ne se contente pas de relater les faits, elle rend l’Histoire incarnée dans des images.

3. L’allégorie de l’Opinion : l’interprétation allégorique des guerres de religion
La dimension mythologique du texte est annoncée dès le vers 116 par l’adjectif « monstrueuse »

Le thème du monstre scande le texte : « monstrueuse » (v. 116), « ce monstre que j’ai dit » (v. 155), « ce monstre » (v. 159 et 167). Or si on se réfère aux dictionnaires de l’époque, on s’aperçoit que le mot « monstre » présente trois sens principaux qui influencent largement le texte.
 Sens 1 : monstre = être mythologique, comme le Sphinx, les Sirènes, etc. On trouve d’ailleurs l’allusion aux « sirènes » v. 143. Le mot « monstre » appelle le mythe, mais aussi le portrait de l’Opinion. Est monstre dans l’antiquité un être hybride, mi-femme mi-lion (le Sphinx), ou mi-femme mi-oiseau (la sirène).
 Sens 2 : monstre = laideur physique et/ou morale. Le mot « monstre » appelle la condamnation, le blâme. Et nous retrouvons dans ce texte tous les procédés du registre épidictique (éloge ou blâme).
 Sens 3 : le monstre est celui qu’on regarde, qu’on montre du doigt, selon l’étymologie. Les définitions du mot « monstre » insistent sur le fait que le monstre est regardé ! Il faut dès lors être très attentif au démonstratif « ce » dans « ce monstre ». Bien sûr le démonstratif a une signification anaphorique (l’Opinion dont Ronsard a parlé plus haut dans son texte : « ce monstre que j’ai dit » v. 155). Mais il y a bien une signification déictique qui apparaît aussi de manière implicite. Le texte de Ronsard a pour objectif de nous montrer le monstre, de nous le faire voir, grâce à une incarnation, une représentation concrète d’une idée abstraite = l’allégorie. L’écriture poétique, par la figure de style de l’allégorie, permet de voir le monstre, elle seule peut véritablement accomplir le souhait du vers 116 : écrire « l’histoire monstrueuse ».

Construction de l’allégorie

Tout le texte est construit autour de la figure majeure de l’allégorie, figure d’assimilation qui consiste en la représentation concrète d’une idée abstraite.

Elle commence à proprement parler au vers 127 et va se terminer au vers 160 car on va glisser de l’allégorie de l’Opinion à la description de la France divisée et en pleine guerre civile. Le choix de l’article nous permet de voir quand commence l’allégorie. On passe de « une Opinion » (v. 125) à « l’Opinion » (v. 134). L’idée abstraite est ici personnifiée. Cette allégorie a bien une valeur explicative : elle permet de comprendre la métaphore du vers 125 : « nourrice des combats » ; cette figure de style caractéristique de l’écriture poétique véhicule un discours sur l’Histoire. C’est poétiquement que Ronsard se fait historien. En effet l’allégorie permet d’expliquer l’Histoire par le recours à une autre histoire, une histoire de fiction = la naissance de l’Opinion, qu’il faut lire comme une interprétation de l’Histoire réelle du 16ème siècle par Ronsard, mais de manière implicite. Dans cette strophe, on peut noter la rime interne à la césure, entre « Dame Présompt-ion » (v. 132) et « Conçut l’Opin-ion » (v. 134). Cette rime interne est renforcée par la diérèse qui rallonge encore le mot et le fait mieux entendre. L’idée = telle mère, telle fille.

L’éducation de l’Opinion. Après avoir relaté la naissance et la généalogie de l’Opinion, Ronsard raconte son éducation. On continue sur le récit allégorique, qu’on peut là encore rapprocher des mythe, dans lesquels on raconte souvent l’enfance du héros (exemples : Zeus nourri par la chèvre Amalthée et la corne d’abondance, Achille élevé par le centaure Chiron). Or ici, le mythe a clairement une valeur allégorique puisque le maître = une idée abstraite personnifiée. Le maître = « Cuider », mot qui a aujourd’hui disparu, mais qui se rapprochait de « croire », avec des nuances de sens importantes : « cuider » = croyance dogmatique et intransigeante due à l’orgueil de l’homme qui se croit capable de tout savoir par lui-même.

Le portrait physique et moral de l’Opinion. Ronsard précise l’objectif de ce portrait : faire horreur : « même à ses parents, elle faisait horreur » (v. 138). C’est bien en étant poète là encore que Ronsard remplit les exigences qu’il donnait à l’historien dans la 1ère strophe. Or pourquoi fait-elle horreur ? Parce que :

« Elle avait le regard d’une orgueilleuse bête. De vent et de fumée était pleine sa tête. » (vers 139-140)

Comment comprendre ces deux vers ? Par la thématique du regard.
On retrouve la thématique du regard, si importante pour Ronsard par rapport à l’Histoire (voir I. 2). Mais on retrouve aussi une rime très importante de la strophe précédente : « voir / savoir » (v. 129-130). La thématique de l’œil est importante.

Le regard bestial de l’Opinion signifie son aveuglement, et sa tête creuse : l’Opinion est la bêtise personnifiée car elle n’est douée ni du voir ni du savoir.
 Mais c’est aussi ici qu’on voit la lecture de l’Histoire par le poète. Ronsard interprète les guerres de religion (conséquence de l’Opinion) comme un châtiment divin à l’égard de ceux (les protestants) qui ont prétendu voir clair = comprendre la Bible.
 Le rôle du poète historien est de démasquer cet aveuglement et faire voir la vérité. D’où l’importance de la thématique du dévoilement dans ce texte.

L’opposition entre apparence et réalité. La thématique du dévoilement : le regard d’un poète humaniste sur l’Histoire

Ce rôle du poète historien qui est de démasquer et de dévoiler, de révéler la vérité apparaît avec l’opposition entre l’apparence et la réalité, tout au long du portrait de l’Opinion. Là encore, c’est la figure poétique (l’antithèse) qui permet d’expliquer l’Histoire.

La monstruosité est ici révélée comme un masque et la poésie fait voir sous le masque, sous l’apparence. Ronsard apparaît comme un nouvel Ulysse, qui ne succombe pas au charme des sirènes. On peut relever plusieurs antithèses qui permettent de justifier cette interprétation : « vaine affection » = fausseté du cœur ; « pauvre habit / ambition » = fausseté de l’humilité et de la modestie ; « beau / Sirène » = beauté fatale qui attire l’homme mais pour mieux le perdre. D’ailleurs l’antithèse est renforcée par la césure qui coupe l’idée en deux hémistiches.

Les derniers éléments descriptifs vont tous dans le sens de la légèreté : « ailes », « laine », « coton ». Or cette légèreté a une explication, une finalité = « afin qu’à son marcher on ne la peut entendre ». Cette légèreté évoque l’expression qu’on emploie aujourd’hui = marcher à pas de loup. On voit bien le dévoilement qu’opère l’écriture poétique : l’Opinion a des ailes sur le dos, comme l’Ange, et Ronsard nous rappelle ici qu’il est question de religion et de guerres de religion. Mais cet ange correspond en fait bien plus au diable, à Satan qui est un ange déchu, l’ange tentateur, séducteur, trompeur, comme les Sirènes. Il faut donc se pencher plus précisément sur la réflexion que Ronsard propose sur la religion. Il porte un regard de poète historien sur l’Histoire. Mais quel est le contenu idéologique de ce regard ?

II. La réflexion politique et religieuse de Ronsard : comment comprendre les guerres de religion lorsqu’on est humaniste ? Les difficultés d’une lecture humaniste des guerres de religion

1. La question religieuse : Ronsard et le protestantisme

Le champ lexical de la religion et les allusions à la Bible

On peut relever ce champ lexical : « Ciel » (v. 129), « théologien » (v. 150), « rabins » (v. 151), « foi » (v. 165), « saint » (v. 181), « Dieu » (v. 181), « foi » (v. 186), « zèle » (v. 187). Ce champ lexical est présent tout au long du texte : il est un thème majeur de l’ensemble de l’extrait, et fait son unité. On peut même aller plus loin en relevant des mots qui n’appartiennent pas au champ lexical de la religion mais qui font penser à la Bible : allusions très claires pour les lecteurs chrétiens du 16ème siècle. C’est le cas de l’allusion à la nef (= navire) (v. 172) du marinier : au 16ème siècle, le voyage maritime est une métaphore de la vie qui doit mener à bon port, c’est-à-dire au salut, au paradis. Ainsi, on appelle l’allée centrale d’une église la nef. C’est le cas également et surtout du pasteur et ses brebis (v. 168). En effet, Jésus-Christ est souvent représenté comme le bon pasteur, qui s’occupe bien de ses brebis, de son troupeau (= les fidèles, la communauté des chrétiens). Conséquence : sous-jacente dans ce texte, il y a une lecture religieuse et humaniste de l’Histoire par Ronsard.

Le syncrétisme humaniste de Ronsard : Ronsard parle de la religion en poète humaniste

Les références à la mythologie antique sont récurrentes. Le regard humaniste de Ronsard sur la religion se lit aussi à travers les termes qu’il emploie pour désigner Dieu. Nous trouvons « Dieu » v. 181. Mais nous avons aussi des allusions aux dieux de la mythologie greco-romaine : « Jupiter » v. 127, le « mont Olympe » v. 133. Et le portrait de Jupiter est fidèle à sa réputation et aux nombreux mythes dans lesquels il intervient : « Un jour étant gaillard » v. 131. En effet, on ne compte plus les amours de Jupiter : il séduit sous la forme d’un taureau Europe, sous celle d’un cygne Léda qui mettra au monde dans deux œufs Hélène et Clytemnestre, ainsi que Castor et Pollux, sous la forme d’une pluie d’or Danaé dont il aura Persée, également Sémélé dont il aura Bacchus, etc.

On peut ici parler de syncrétisme humaniste. Cette présente de la mythologie est caractéristique de l’humanisme. Les humanistes, imprégnés de lectures antiques, lisent le monde qui les entoure à travers le filtre de cette culture. Jupiter, roi des dieux antiques, devient une autre façon, humaniste, de désigner Dieu le Père, le Dieu vengeur de l’Ancien Testament (différent de Jésus-Christ, qui incarne le dieu d’amour). Ce syncrétisme sous le thème de la colère divine est très lisible dans le texte aux vers 127-130 : « fâché contre la race des hommes ». Ronsard va d’ailleurs mêler dans son texte des références antiques et bibliques.

Réécriture syncrétique du mythe des titans et de la tour de Babel. Plusieurs vers du texte doivent être rapprochés : « la race des hommes qui voulaient par curieuse audace envoyer leurs raisons jusqu’au Ciel » v. 128-129, « afin de les punir d’être trop curieux et d’avoir échellé comme Géants les cieux » v. 153-154. Les points communs entre ces deux phrases sont nombreux : « ciel » / « cieux », « curieuse audace » / « trop curieux », et dans les deux cas également, il est question d’ascension, abstraite (« envoyer leurs raisons ») ou concrète (« échellé » = grimper une échelle). Dans ces passages, Ronsard réécrit de façon syncrétique le mythe des Titans qui ont voulu grimper en haut du mont Olympe pour défier Jupiter et prendre sa place, et l’épisode de la tour de Babel dans l’Ancien Testament de la Bible, au cours duquel les hommes ont voulu construire une tour immense pour grimper au ciel. Dans les deux cas, la punition a été sévère. Le mythe de la tour de Babel est d’ailleurs un mythe qui explique l’origine des différentes langues : en effet, pour empêcher les hommes de construire leur tour et pour les punir, Dieu a différencié les langues et les a ainsi empêché de se comprendre. « La race des hommes » trop curieux désigne bien sûr ici les protestants.

Par contre, Ronsard ne nomme pas une seule fois dans ce texte le protestantisme

Le refus de nommer « religion » le protestantisme. En effet, les protestants ne sont jamais nommés dans ce texte, pas plus que la religion protestante. Et pour cause : pour Ronsard, le protestantisme n’est pas une religion. D’ailleurs, au 16ème comme aux 17ème siècle, dans les textes catholiques, on ne trouve jamais l’expression « religion protestante », mais l’abréviation RPR pour « religion prétendument réformée ».

Le mot « opinion » dans les dictionnaires catholiques du 16ème et du 17ème siècle. Le trajet du texte est d’aller de l’allégorie de l’Opinion (commence v. 125) à l’adjectif « opiniâtre » v. 189. L’Opinion a pour conséquence de transformer les hommes en « opiniâtres ». Aujourd’hui, « opiniâtre » signifie seulement être obstiné, buté, refuser de changer d’avis. Mais si ce sens existe au 16ème et au 17ème siècle, il en existe d’autres plus fréquents, et liés à la question des protestants. Dans les dictionnaires de l’époque en effet, l’opiniâtre est celui qui refuse de changer d’avis même lorsqu’il a tort, mais plus particulièrement en matière de... religion. Ainsi « opiniâtre » est souvent un synonyme d’hérétique et de protestant. Pour ces dictionnaires catholiques, comme pour le catholique Ronsard, les protestants ont tort, mais ils ne veulent pas le reconnaître.

La condamnation des protestants se fait ainsi dans ce texte au nom de l’humilité de l’homme. Les protestants sont assimilés aux titans par la comparaison v. 154 : « comme géants » et aux hommes sacrilèges de la tour de Babel. Pour Ronsard en effet, l’homme n’est pas légitimé à voir les mystères divins. Il est trop orgueilleux de prétendre comprendre Dieu par ses seules facultés intellectuelles : « envoyer leurs raisons jusqu’au Ciel pour savoir les hauts secrets divins que l’homme ne doit voir ». La recherche de la vérité pour un catholique ne peut pas se faire seul, mais doit être subordonnée à l’autorité d’une Eglise. Ainsi Ronsard condamne les protestants, théologiens curieux et audacieux qui interprètent directement l’Ecriture Sainte. Cette condamnation est d’ailleurs renforcée par l’allusion au judaïsme : la rime interne entre « théologiens » v. 150 et « rabins » v. 151 est une condamnation des théologiens protestants que sont Luther et Calvin. Au 16ème siècle, les juifs sont considérés comme des hérétiques. Assimiler les protestants et les juifs revient donc pour Ronsard à les mettre dans le même sac, celui des hérétiques.

2. La question politique des guerres de religion

Le poète et le prince : le poète selon Ronsard doit jouer un rôle de conseiller du prince

Face aux troubles politiques et religieux, Ronsard se prononce ouvertement en faveur de la monarchie. Il réaffirme son loyalisme envers le Prince. Il ne faut pas oublier que pour un écrivain de la Renaissance, l’ordre politique est indissolublement lié à l’ordre monarchique. A une époque où tout poète humaniste est aussi un orateur public rompu aux techniques de la rhétorique, l’éloquence doit être mise au service de la cité.

Le protestant : opiniâtre et séditieux / révolutionnaire

Si on revient au sens du mot « opiniâtre » dans les dictionnaires du 16ème et du 17ème siècle, on s’aperçoit que le terme a trois signification : être opiniâtre, c’est être entêté dans son erreur, plus particulièrement dans son erreur religieuse, donc être hérétique. Mais c’est par conséquent être révolutionnaire puisque pour les catholiques, la religion est avant tout une question politique : « un roi, une loi, une foi ». Contester la religion du roi, c’est contester son autorité. Cette dimension révolutionnaire qui horrifie Ronsard est explicitée à la fin de l’extrait : « qui farouche [= rebelle] à son prince, opiniâtre suit » v. 289. Avec le protestantisme, on sépare appartenance à la cité et appartenance à Dieu : folie sociale. Pour Ronsard, le peuple français devient fou car il perd son identité en ne respectant plus son passé. Ronsard a vu dans la Réforme plus une révolution politique que religieuse ! On voit que la religion est repensée en termes politiques.

Le discours politique sur la France : la famille et les métiers, une construction idéologique de la France

La deuxième partie du texte, consacrée aux ravages de l’Opinion, est une description de l’état de la France pendant la première guerre de religion, et c’est une construction idéologique. Si Ronsard proposait une réflexion sur l’Histoire dans la première partie du texte, avec l’invention d’un mythe explicatif, celui de l’Opinion. Il propose ici une réflexion d’ordre politique. Il aborde la question royale, la question du « prince » v. 189. Ronsard théorise la fonction royale à une époque où l’absolutisme commence à se construire. Nous avons de manière implicite ici une nouvelle image du Prince liée à l’idée d’absolutisme, de Prince absolu qui fait son chemin depuis François 1er. Au 16ème siècle, il y a un rapport étroit entre religion et politique. La religion est envisagée de façon politique. Ronsard pose la religion comme facteur de cohésion sociale, ciment d’une société. Pour lui, la religion catholique doit être envisagée plus du point de vue de la cohésion politique c’est-à-dire d’un point de vue français, que d’un point de vue universel et dogmatique. Dans cette perspective, l’expression « par étranges moyens » v.149, est très intéressante. Elle signifie à la fois « curieux, bizarres » et « étrangers » : référence à Luther en Allemagne et Calvin à Genève = l’étrangeté géographique. Cette interprétation nationale sera d’ailleurs explicitée aux vers 155-158 : le protestantisme met la France en guerre contre les autres pays d’Europe. Et au vers 190 : la France révolutionnaire ne suit plus son roi mais un étranger : « suit l’erreur d’un étranger ».

Cette réflexion politique sur l’interprétation révolutionnaire du protestantisme, et le choix du catholicisme par fidélité au pouvoir royal apparaît dans la construction de la vision cauchemardesque de la France déchirée. La strophe consacrée à la famille se termine par un vers consacré au désordre politique : « Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loi. » v. 166 (la rime « foi », « loi » est importante : elle rappelle le mot d’ordre des catholiques français : « un roi, une foi, un loi »). Puis, c’est au tour de la strophe consacrée aux métiers de se clore par une sentence relative à l’ordre politique : « Morte est l’autorité » v. 175 et « ont sans-dessus-dessous le monde renversé » v. 178. En même temps qu’une image très violente, Ronsard propose une réflexion politique sur la fin d’une cité juste et organisée qui devient folle. Les protestants apparaissent comme des révolutionnaires. La cité juste = soumise à une autorité, la cité folle ne l’est plus. La réforme apparaît comme une perversion de l’ordre naturel, social et moral.

3. Une réflexion ambiguë sur l’humanisme, cause des troubles politiques

Révolution et désordre : l’échec de l’idéal humaniste

Cette description du désordre social qui confine à une révolution marque pour Ronsard l’échec de l’idéal humaniste. C’est d’autant plus frappant qu’il construit une réflexion sur l’origine historique des guerres de religion et que la source, selon lui, en est précisément l’humanisme, ou plutôt l’humanisme dévoyé d’un Luther ou d’un Calvin. Il ne s’agit pas ici de discuter de la vérité d’une telle affirmation, mais bien de noter que pour Ronsard, la violence et la division ont pour cause directe ce qui était auparavant perçu comme l’idéal humaniste.

Mais les guerres de religion sont une conséquence de l’humanisme

L’argumentation contre les réformés : faiblesse de la raison humaine. Lorsque Ronsard analyse les causes des guerres de religion, il met en avant la trop grande curiosité des hommes : « curieuse audace » v. 128, « trop curieux » v. 153, et souligne la faiblesse de leur raison. L’argument qu’il emploie ici contre les théologiens protestants est celui de la vanité (« audace » v. 128) des discussions théologiques, de l’impuissance de la raison humaine devant les mystères divins. Cet argument connaîtra une fortune littéraire certaine puisqu’ils sera repris par les philosophes du 18ème siècle, mais dans une toute autre perspective : tandis que chez Ronsard l’argument est destiné à justifier une soumission aveugle à la tradition, il justifiera au 18ème siècle la tolérance et même l’indifférence religieuse.

Le portrait du théologien protestant : un humanisme dévoyé. A travers cette condamnation de l’excès de raison et cette affirmation de la faiblesse humaine, nous percevons le renversement qui s’est opéré par rapport à l’affirmation de l’idéal humain et la valorisation de l’homme qu’on peut voir dans l’abbaye de Thélème de Rabelais, ou dans d’autres textes / tableaux représentant l’humaniste. Lorsqu’on cherche des représentations picturales d’humanistes au 16ème siècle, comme le portrait d’Erasme par exemple, on les découvre toujours seuls dans un cabinet, lisant des textes et les interprétant, écrivant. Attitude radicalement différente du moine médiéval dont la tâche consistait surtout à recopier des manuscrits (moine copiste) avant l’invention de l’imprimerie à la Renaissance par Gutenberg, ou à enseigner. Or le portrait que Ronsard fait des théologiens protestants est très proche de cette image de l’humaniste : « Dedans le cabinet des théologiens », « cent nouveaux passages ». C’est une interprétation de l’histoire de l’humanisme que propose ici Ronsard de manière implicite. Bien sûr les guerres de religion ne sont pas une conséquence directe de l’humanisme : les humanistes ne peuvent approuver le déchaînement de cette violence. Par contre, la naissance du protestantisme est une conséquence directe de l’humanisme : Luther et Calvin étaient des humanistes. Avec les guerres de religion, c’est l’échec de l’humanisme et de sa vision idéale de l’homme qui apparaît.

III. L’humanisme face à la violence

Une tentative de lecture humaniste de la violence qui déchire la France au moment des guerres de religion

L’appel aux lectures antiques pour comprendre les « misères de ce temps » : les guerres civiles à Rome

Dans les Discours, Ronsard demeure tiraillé entre les exigences contraires du polémiste et de l’humaniste. Sa dimension humaniste se voit ainsi dans le recours traditionnel à la technique de l’imitation qui caractérise le 16ème siècle. A la différence du protestant Agrippa d’Aubigné qui s’appuiera surtout sur la Bible et les prophètes de l’Ancien Testament, Ronsard lui s’appuie sur des allusions mythologiques, et des références littéraires antiques. Pour un humaniste comme Ronsard, le spectacle des guerres civiles en France ne peut qu’évoquer les vers de Virgile et de Lucain peignant les luttes qui ont déchiré Rome pendant la guerre civile. Pour comprendre les « misères de ce temps », Ronsard fait appel aux textes antiques consacrés aux guerres civiles.

Ronsard s’inspire de Lucain

Ronsard puise ainsi chez Lucain le lieu commun de la discorde dans les familles. Chez Ronsard : « Ce monstre arme le films contre son propre père / Et le frère (ô malheur) arme contre son frère ». Chez Lucain : « On vit l’esclave plonger dans les entrailles de son maître le fer sacrilège [chez les romains, le maître est le « pater familias », le père de famille], le frère vendre le sang du frère, les fils, dégouttants [= dégoulinants] du meurtre de leur père, se disputer sa tête. »

Le lieu commun sur le déchirement des familles (des vers 159 à 166) s’oriente peu à peu vers une argumentation plus précisément liée à la situation contemporaine dans laquelle on va retrouver la réflexion politique de Ronsard. Avec la révolte de la femme contre le mari et des enfants contre le père, Ronsard souligne la dissolution de l’autorité. Or l’autorité est avant tout celle du roi. Et le roi est conçu comme le père de la France.

Ronsard s’inspire de Virgile

Ronsard emprunte également des images à Virgile : l’abandon des cultures : « le laboureur façonne une dague pointue ». Or il y a une différence entre Virgile et Ronsard : dans les Géorgiques de Virgile, l’évocation de l’abandon des cultures résumait à elle seule le désordre de la guerre. Ronsard n’utilise le souvenir de Virgile que pour la valeur du symbole pittoresque. Mais il va beaucoup plus loin et va très largement développer cette idée des métiers qui va s’étendre des vers 167 à 174. Avec l’énumération des diverses activités interrompues, il nous trace un tableau précis des éléments qui embrassent le plus volontiers la Réforme : l’artisan v. 167, l’avocat v. 168, le marchand v. 169 et l’écolier v. 171. La Réforme est aux yeux de Ronsard un danger politique. A cause du protestantisme, là où il y avait unité, il y a division.

Le choix de ces métiers révèle également de manière implicite le caractère hérétique de la Réforme. Le pasteur est traditionnellement une image du Christ. Il est le « bon pasteur » et les fidèles sont ses « brebis ». Or voilà qu’avec la Réforme, le pasteur abandonne ses brebis : 168. Image on ne peut plus claire du fait qu’avec la Réforme, la religion chrétienne est mise à mal. D’autre part le laboureur transforme son outil de travail en arme : au lieu de labourer la terre, il va tuer la terre, c’est-à-dire la France.

2. L’écriture poétique de la violence

Visions de chaos et d’horreur : la construction d’une image apocalyptique

L’inflation de l’horreur. C’est lorsque la dénonciation se colore d’images empruntées directement à la réalité contemporaine que la poésie se fait plus dense. Ronsard a su en particulier tirer des effets saisissant du contraste entre la prétendue fidélité des réformés à l’esprit de l’Evangile et la violence armée par laquelle ils cherchent à défendre leur foi. A l’idée abstraite de force armée se substitue une série d’images précises, dont la violence est rendue par l’accumulation et la gradation : la violence s’empare de la famille (vers 159 à 166), de la société civile (vers 167 à 178), de l’Eglise (= communauté des croyants) (vers 179 à 184), de la France (vers 185 à 190). Ronsard accumule les noms communs précédé d’un article défini généralisant : « le fils », « la sœur », « l’artisan, « le pasteur ». Il ne s’agit pas d’un fils en particulier ! La parataxe (= juxtaposition des phrases sans conjonction de coordination, mais seulement avec une virgule), la mise en facteur commun du verbe (« arme » puis « a laissé » ne sont pas répétés), tout cela participe de l’accélération du rythme et de l’inflation de l’horreur. D’ailleurs cette accélération du rythme se voit aussi par un travail sur l’alexandrin. Le conflit occupe d’abord un vers entier (vers 159 et 160 pour le fils et le frère, puis 167 pour l’artisan) puis le rythme s’accélère et chaque vision d’horreur n’occupe plus qu’un hémistiche. On est bien dans l’inflation du registre tragique.

Visions d’horreur. L’étude des champs lexicaux dans cette deuxième partie du texte, consacrée aux effets de l’opinion sur les hommes, est particulièrement intéressante. Le champ lexical de la violence est omniprésent et sature le texte. Il s’agit bien de provoquer le dégoût du lecteur. On peut ainsi relever le champ lexical des armes : « arme » v. 159 et 160, « dague » v. 172, « pique guerrière » v. 173, « couteau » v. 174, « couteaux » v. 184. Et le champ lexical du meurtre : « « sang » v. 162, « assassinement » v. 180, « sang » v. 184, « carnage » v. 184. Les images sont parfois d’une extrême violence, que le travail poétique rend particulièrement insupportable : « au sang de leurs cousins veulent tremper leurs mains ».

L’argumentation emportée par la violence de l’image : l’objectif de Ronsard est de persuader par le recours à l’émotion

Le pouvoir de suggestion de ces images tragiques sert à ébranler les émotions de l’auditoire. En cela, Ronsard est fidèle à l’objectif assigné, plusieurs années auparavant, à la poésie par Du Bellay, porte-parole de la Pléiade à laquelle appartient aussi Ronsard, dans la Défense et illustration de la langue française :

« Pour conclure ce propos, sache, Lecteur, que celui sera véritablement poète que je cherche en notre langue, qui me fera indigner, apaiser, éjouir, douloir, aimer, haïr, admirer, étonner, bref, qui tiendra la bride de mes affections, me tournant çà et là à son plaisir. Voilà la vraie pierre de touche, où il faut que tu éprouves tous poèmes et en toutes langues. »

Les scènes pathétiques et tragiques que Ronsard construit autour d’images saisissantes ont pour objectif de jouer sur le pathos, l’émotion que l’orateur va provoquer chez le destinataire, l’auditoire : colère, haine, crainte, indignation, mépris...

En écrivant les Discours, Ronsard suit deux impulsions différentes : d’une part l’émotion et l’indignation devant les malheurs de la France déchirée, d’autre part le désir de discuter avec les réformés, de réfuter leurs arguments théologiques ou moraux. Sans doute, l’émotion sert l’argumentation puisque l’indignation contre la violence qui se déchaîne est le principal chef d’accusation contre les protestants.

3. Ronsard, poète engagé : l’écriture polémique

L’écriture engagée

Une poésie militante. Les Discours des misères de ce temps de Ronsard font partie d’une littérature qui prend position dans l’Histoire. C’est une littérature militante et engagée. Si on regarde avec attention l’histoire de la poésie au 16ème siècle, on voit que Du Bellay propose dans les Regrets une poésie fondée sur la peinture satirique de la Rome pontificale, c’est-à-dire de la Rome moderne, si différente de la Rome antique. Du Bellay commencer à lier poésie et Histoire. Ronsard, lui, va encore plus loin : non seulement la poésie est liée à l’Histoire, mais même elle s’engage, devient une poésie militante.

Une littérature pragmatique, qui veut agir sur le lecteur. Le but recherché par cette poésie n’est plus le plaisir du texte, mais c’est l’action. L’écriture est action et doit engager le lecteur à agir à son tour. Mais c’est une écriture poétique. Les auteurs qui ont engagé la littérature dans le combat se trouvaient face à deux choix littéraires possibles : la prose, dont la qualité argumentative était la plus logique, et la poésie, qui est le choix de Ronsard et d’Agrippa d’Aubigné. Ronsard le premier choisit la poésie pour sa force expressive. Si on connaissait déjà la poésie satirique depuis l’antiquité, il est le premier à inventer le genre de la poésie militante. Ronsard fonde un genre nouveau, ou du moins donne à la poésie un projet nouveau : la réflexion politique. Et cette posture nouvelle du poète aura sa postérité dès le 16ème siècle avec Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné.

Convaincre et persuader. Faire de la poésie une action engagée à part entière, c’est s’appuyer sur des arguments logiques, mais c’est aussi engager le lecteur à agir à son tour par la force émotive de la parole.

Le registre polémique et la rhétorique de l’hostilité

Le registre polémique vient du grec « polemos » qui signifie « guerre ». La littérature polémique est donc une littérature de combat. A ce titre, elle implique deux adversaires nettement identifiés et une joute verbale : on ne polémique pas tout seul. La polémique regroupe un ensemble de textes qui se répondent et s’attaquent. Or c’est bien le cas ici.

L’ethos de l’orateur. La poésie polémique met donc clairement en place quelqu’un qui parle, un « je », un locuteur identifié. Pour convaincre, l’orateur va insister sur son ethos, c’est-à-dire sur sa personne morale. L’image qu’il donne de lui au public va en effet jouer un grand rôle dans la force de conviction de son texte. En 1562, Ronsard est déjà un des poètes les plus célèbres de son temps. Et il fait partie des très rares poètes à s’engager véritablement. Sa renommée et sa réputation vont entrer en jeu dans sa démarche de persuasion. L’image qu’il donne de lui dans ce texte est très travaillée : image de vertu, de raison, ou bien d’indignation. Le poète se met en scène dans son discours : présence du « je » dans le texte. Dans cette démarche de légitimation de la parole, Ronsard insiste sur le fait qu’il parle au nom d’une autorité. Son autorité propre de poète (en tant que poète, nouvel Ulysse, il n’est pas sensible aux charmes des Sirènes qui trompent les protestants) et de l’autorité déléguée par le pouvoir royal auquel il est fidèle.

L’adversaire également est clairement identifié. Ce n’est pas seulement un vague lecteur. Il y a une mise en scène très claire de la situation d’énonciation. Ici, Ronsard s’adresse à l’historien, au lecteur, mais aussi de manière très claire aux protestants qu’il dénonce avec virulence.
 Caricature des théologiens protestants assimilés à des rabbins v. 151
 Déformation polémique : Ronsard fait de Calvin un étranger, alors que Calvin était français avant de se réfugier en Suisse : « l’erreur d’un étranger » v. 190
 Accusation d’hypocrisie et de cupidité, à l’image de l’allégorie de l’Opinion. Cet argument permet à Ronsard de dessiner, par les gestes et l’attitude extérieure, des silhouettes caricaturales et satiriques.

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