Le biographique ou comment prendre la question à rebours à partir de Tanguy de Michel del Castillo

, par BOYER Brigitte, Lycée Edmond-Michelet, Arpajon, LEUDET Marie-Françoise, Formatrice à l’IUFM, Lycée Michelet, Arpajon

Objectif

L’objectif défini par le programme étant d’examiner les rapports entre réalité vécue, écriture et fiction, à travers diverses formes du biographique (récits de vie, mémoires, journal intime, biographie, autobiographie), de façon à faire apparaître les enjeux de l’expression de soi, nous nous sommes demandé comment rentrer dans cette problématique par UNE VOIE et construire les connaissances nécessaires à d’autres entrées ?

Organisation du travail

Le travail s’est donc organisé de la façon suivante :

1. Une problématisation de l’objet d’étude dans son ensemble

Une séance de deux heures a permis, à partir des représentations des élèves puis de l’article du dictionnaire Robert, de poser les principales questions littéraires, d’envisager les différentes formes que pouvait prendre « le biographique » et d’en définir quelques enjeux.

2. Un groupement de textes posant le détour par la fiction comme une nécessité

 Quatre séances de 2 heures sur quelques textes de Georges Pérec (W ou le souvenir d’enfance) et de Jorge Semprun (L’Écriture ou la Vie)
 Lecture cursive de L’Écriture ou la vie pour approfondir : selon le niveau de la classe, l’œuvre peut être donnée à lire en intégralité. Dans nos classes de 1ère ES, nous avons choisi cette année de donner un parcours de lecture, délimitant les pages qui nous semblaient les plus significatives.

3. Une œuvre intégrale intégrant d’autres textes pour analyser le parcours d’un écrivain prenant le problème à rebours !

La fiction construisant la réalité de sa biographie.

L’œuvre intégrale : Michel del CASTILLO, Tanguy, 1958
Problématique

Comment la littérature a-t-elle permis à Michel del Castillo de (re)construire sa vie ?

Ce qui a guidé notre analyse

Nous avons là un roman écrit de 1954 à 1956, publié en 1958... 1er roman de l’écrivain qui ne cessera de revenir sur ces épisodes. Notre séquence ne portera donc pas sur le seul roman Tanguy qui à lui seul, ne permet pas de comprendre le cheminement de l’écrivain, son travail de construction et d’approfondissement du même motif. La toute première question des élèves de savoir s’il s’agit d’un roman autobiographique restera dans l’ambiguïté, puisque c’est la complexité de l’œuvre de Michel del Castillo, qui se refuse à dire que ses romans sont autobiographiques : « Quelle vie aurais-je bien pu écrire, quand j’ignorais ce que j’avais vécu ? » écrit-il dans L’Adieu au siècle en 2000... !

Nous nous sommes d’abord rappelé que cet écrivain refuse les étiquettes qui enfermeraient la littérature :

4 janvier. Lettre d’une universitaire qui, une fois encore, me présente d’abord le cadre où elle veut glisser mes livres : l’autobiographie, avec la référence désormais obligée aux travaux de Lejeune. Je lui réponds longuement que, sans récuser le terme, cette insistance à définir un champ théorique devant contenir et enfermer la littérature, cette obsession me paraît suspecte. Pourquoi ne pas définir la littérature par la littérature ?

et avons très vite proposé aux élèves cet extrait qui les a plongés dans la perplexité :

C’est ce qui explique peut-être l’étrangeté de mon travail et la difficulté qu’éprouvent beaucoup à le définir : les matériaux existent bel et bien, ils relèvent de la réalité, ce sont donc des éléments biographiques, vérifiables ; d’un autre côté, ils appartiennent à la fiction, puisque je suis contraint d’inventer l’ordre des séquences, la succession des plans et jusqu’à leur valeur. Ni autobiographie, puisque ni vie ni sujet n’existaient, ni autofiction, puisque je ne suis pas le personnage que le texte bâtit : la tension entre une réalité folle et une mémoire disloquée. Les souvenirs me rendaient fou, je me suis donc inventé des récits probables, des hypothèses biographiques. Je ne dis pas la vérité, je la fais.

Textes complémentaires

 La préface qui commente et élucide son parcours d’écrivain (préface écrite à l’occasion de la parution de Rue des Archives)
 Rue des Archives(1994) : Groupement de Textes + lecture cursive au choix
 De père français (1998) : Groupement de Textes + lecture cursive au choix
L’Adieu au siècle, journal de l’année 1999 : Groupement de Textes

Lecture cursive

Il sera possible désormais de proposer en lecture cursive Les Étoiles froides, ce roman venant d’être édité en collection de poche (Folio). Ce roman est plus accessible que Rue des Archives et permet bien de comprendre comment s’est forgée l’image de la mère et le traumatisme initial qu’a connu l’enfant.

Étude de l’œuvre intégrale Tanguy de Michel del Castillo

Choix des textes

Montrer à chaque fois que l’image construite dans ce roman est reprise, modifiée, élucidée dans les œuvres qui suivent. Michel del Castillo ne « comprend » qu’ultérieurement ce qu’il a écrit.

 1. Livre 1, Chapitre 1 : pp 34-36 depuis « Tanguy aimait sa mère plus encore... » jusqu’à « ils arrivèrent sains et saufs à Valence ».

  • Écriture du souvenir : 2 épisodes traumatisants... fondateurs de sa personnalité, de sa perpétuelle angoisse, de sa quête d’homme et d’écrivain.
  • Lecture d’un extrait de son dernier roman Les étoiles froides racontant la même scène et élucidant quelques zones d’ombre (comme la raison de son arrestation ou la présence de ces « deux messieurs »)
  • Prolongement : d’autres textes sur sa mère : Quel personnage ?

 2. Livre 2, Chapitre 2 : pp 266-268 depuis « - Moi le souvenir de ma mère... » jusqu’à « de maigres fruits »

  • Analyse du dialogue entre le père Pardo et Tanguy : analyse des traits du père Pardo, de l’évolution des sentiments de Tanguy, de sa quête "
  • Prolongement : d’autres textes sur son père : quelle image du père ? !

 3. Dernier chapitre :

  • Fonction de ce dernier chapitre : des retrouvailles ?
  • Bilan sur « deux mondes » en opposition
  • Regard du narrateur sur son personnage. Quel devenir pour Tanguy ?
  • Bien faire attention aux dates...

Lectures transversales

 Etude de la structure : (travail de groupe à partir d’une grille tabulaire puis synthèse)
 Fonction des lieux
 Temps de la fiction et temps de la narration
 Fonction des personnages principaux : quelles valeurs représentent-ils ? Qu’est-ce que raconter une vie ? ou même un pan de vie ?

Construction d’un personnage : Tanguy

 Travail de groupe puis synthèse

  • 1. Les points forts de Tanguy
  • 2. Les traumatismes (faire une synthèse et non pas un catalogue)
  • 3. Les sentiments récurrents
     Synthèse : le personnage a-t-il évolué ?

Synthèses

 À partir des différents romans que chacun a lus et des groupement de textes sélectionnés :

  • La quête d’une mère : comment l’écrivain a-t-il sans cesse réécrit et inventé ce personnage de « sa » mère ? La mère, personnage de fiction, personnage de sa « biographie » ?
  • L’image du père
     Bilan sur les questions d’écriture sous forme de devoir :

Devoir : Objet d’étude : le biographique

Référence des textes du corpus

 Texte 1 : Michel DEL CASTILLO, Tanguy 1957, préface de l’auteur pour la nouvelle édition de 1995 (Folio n° 2872)

  • 1er extrait (pp. 12-15)

L’amnésie littéraire de Tanguy est, en réalité, une ruse de romancier [...] Quant au deuxième des termes qui forment le mot autobiographie, la vie donc, la mienne était plus hasardeuse encore.

  • 2ème extrait (pp. 16-18)

Je ne cite ces détails que pour suggérer le climat où baigne ce livre [...] parce qu’il résulte de l’aperception immédiate de la tragique détresse de l’homme ou de l’enfant dès qu’il a réalisé sa solitude.

  • 3e extrait (pp. 26-28)

Car je ne voudrais pas céder à une sévérité injuste : [...]
De l’un à l’autre, un seul lien, la littérature. Elle constitue, on l’a compris, ma seule biographie et mon unique vérité.

 Texte 2 : Louis ARAGON, Le mentir-vrai 1980 , Folio n° 3001, p. 12-13

Pauvre gosse dans le miroir. Tu ne me ressembles plus, pourtant tu me ressembles. [...] Je... enfin, c’est posé, nous posons.

 Texte 3 : extraits de Georges Gusdorf, Les écritures du moi, 1991

La symbolique des mines et galeries, des cavernes, grottes et labyrinthes souterrains évoque l’une des figures privilégiées de la recherche de soi, sur les chemins mystérieux d’où sont absentes les lumières du jour. Celui qui s’engage sur la voie du retour à soi, du retour sur soi opère une remise en question des significations du langage, équivalant à une inversion des priorités. Au lieu de me laisser aller au fil de ma vie je veux maîtriser le sens de ma vie.

« Tout roman est une autobiographie par personnages interposés ; inversement, un écrivain, si sincère qu’il soit et se prétende, peut difficilement éviter de jouer avec son propre personnage. »

 Textes 4 : Quatrième de couverture

  • Jorge Semprun, L’écriture ou la vie, Folio n° 2870
  • Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, L’Imaginaire, Gallimard

Dissertation littéraire

Posant la problématique de la vérité dans le champ littéraire, Louis Aragon disait que la tâche de l’écrivain est de « mentir vrai ». En quoi cette expression rend-elle compte de l’acte d’écrire sa vie ?

Référence des documents complémentaires

1. En quête de sa mère

 Extraits de Rue des Archives (Folio 2834)

  • Première partie, chapitre I, p13-14 + 16
  • De Dina en Fina, le narrateur se perdait en raffinements exquis. [...] L’enfant n’avait pas perdu sa mère. C’est elle qui l’avait perdu. Chapitre III pp 20-21
  • Plus tard, il prit l’habitude de l’appeler par son prénom, Candida, Chapitre VIII p 65
  • Deuxième partie, chapitre I, pp135-136 : dialogue entre le narrateur et son double, l’enfant
  • Chapitre X, p 233-235

 Extraits de L’Adieu au Siècle (Points P815)

  • 9 février, p 36+ 38-39
  • 3 avril, pp76-77

2. Michel del Castillo face à son père

 Extraits de De père français (Folio 3322)
 Clausule : « Mes notices biographiques débutent par ces mots : De père français. »

Les extraits sont très nombreux

3. Parcours d’un écrivain : la place de la littérature et de l’écriture dans sa biographie

 Extraits de L’Adieu au siècle (op. cit.)

  • 5 mai

Dans le salon, après le repas, Françoise regarde longuement les photos et les portraits de Dina-Candida. Elle m’interroge sur mon projet littéraire qu’elle a parfaitement saisi, ayant lu tous mes livres : non pas raconter un passé qui n’a pas existé, mais en bâtir un, afin que le futur puisse advenir. L’optimisme de la littérature, fût-elle noire, découle de l’écriture.
Écrire, c’est surmonter le malheur

  • 4 janvier pp 15-17
  • 19 janvier p 19
  • 24 janvier pp 20-21
  • 19-27 mars pp 70-71

 Extraits de Rue des Archives (op. cit.)

  • « Comment cependant éclairer ce qui n’existe pas ? » [...] « Faute d’une justification, il eut désormais l’orgueil de sa langue » chapitre 2 p 27
  • « La langue connaîtrait-elle ce que la conscience refuse ? » chapitre 6 p 77

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