Autour de l’article « Capuchon » : la lutte contre le fanatisme Petite anthologie

, par PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie

Petite anthologie illustrant l’article :
L’Encyclopédie, une œuvre idéologique. Les combats des Lumières. La lutte contre le fanatisme

1. L’article « Cordelier »

Article « Cordelier »

CORDELIER, s. m. (Hist. ecclésiast.) religieux de l’ordre de S. François d’Assise, institué vers le commencement du xiij. siecle. Les Cordeliers sont habillés d’un gros drap gris : ils ont un petit capuce ou chaperon, un manteau de la même étoffe, & une ceinture de corde noüée de trois noeuds, d’où leur vient le nom de Cordeliers. Ils s’appelloient auparavant pauvres mineurs, nom qu’ils changerent pour celui de freres mineurs ; ce pauvre leur déplut. Ils sont cependant les premiers qui ayent renoncé à la propriété de toutes possessions temporelles. Ils peuvent être membres de la faculté de Théologie de Paris. Plusieurs ont été évêques, cardinaux, & même papes. Ils ont eu de grands hommes en plusieurs genres, à la tête desquels on peut nommer le frere Bacon, célebre par les persécutions qu’il essuya dans son ordre, & par les découvertes qu’il fit dans un siecle de ténebres. Voyez l’article CHYMIE. Quoique cet ordre n’ait pas eu en tout tems un nombre égal de noms illustres, il n’a cessé dans aucun de servir utilement l’Eglise & la société ; & il se distingue singulierement aujourd’hui par le savoir, les moeurs, & la réputation. Voyez CAPUCHON.

2. Le jeu des renvois à l’article « Capuchon »

Article « capuchon » de Diderot

* CAPUCHON, s. m. (Hist. ecclés.) espece de vêtement à l’usage des Bernardins, des Bénédictins, &c. Il y a deux sortes de capuchons ; l’un blanc, fort ample, que l’on porte dans les occasions de cérémonie : l’autre noir, qui est une partie de l’habit ordinaire.

Le. P. Mabillon prétend que le capuchon étoit dans son origine, la même chose que le scapulaire. Mais l’auteur de l’apologie pour l’empereur Henri IV. distingue deux especes de capuchon ; l’une étoit une robe qui descendoit de la tête jusqu’aux piés, qui avoit des manches, & dont on se couvroit dans les jours & les occasions remarquables ; l’autre une sorte de camail pour les autres jours : c’est ce dernier qu’on appelloit proprement scapulaire, parce qu’il n’enveloppoit que la tête & les épaules. V. SCAPULAIRE.

Capuchon, se dit plus communément d’une piece d’étoffe grossiere, taillée & cousue en cone, ou arrondie par le bout, dont les Capucins, les Récollets, les Cordeliers, & d’autres religieux mendians, se couvrent la tête.

Le capuchon fut autrefois l’occasion d’une grande guerre entre les Cordeliers. L’ordre fut divisé en deux factions, les freres spirituels, & les freres de communauté. Les uns vouloient le capuchon étroit, les autres le vouloient large. La dispute dura plus d’un siecle avec beaucoup de chaleur & d’animosité, & fut à peine terminée par les bulles des quatre papes, Nicolas IV, Clément V, Jean XXII, & Benoît XII. Les religieux de cet ordre ne se rappellent à présent cette contestation qu’avec le dernier mépris.

Cependant si quelqu’un s’avisoit aujourd’hui de traiter le Scotisme comme il le mérite, quoique les futilités du docteur subtil soient un objet moins important encore que la forme du coqueluchon de ses disciples, je ne doute point que l’agresseur n’eût une querelle fort vive à soutenir, & qu’il ne s’attirât bien des injures.

Mais un Cordelier qui auroit du bon sens ne pourroit-il pas dire aux autres avec raison : « Il me semble, mes peres, que nous faisons trop de bruit pour rien : les injures qui nous échapperont ne rendront pas meilleur l’ergotisme de Scot. Si nous attendions que la saine philosophie, dont les lumieres se répandent partout, eût pénétré un peu plus avant dans nos cloîtres, peut-être trouverions-nous alors les rêveries de notre docteur aussi ridicules que l’entêtement de nos prédécesseurs sur la mesure de notre capuchon ». Voyez les articles CORDELIERS & SCOTISME.

Article « Encyclopédie » de Diderot

Enfin une derniere sorte de renvoi qui peut être ou de mot, ou de chose, ce sont ceux que j’appellerois volontiers satyriques ou épigrammatiques ; tel est, par exemple, celui qui se trouve dans un de nos articles, où à la suite d’un éloge pompeux on lit, voyez CAPUCHON. Le mot burlesque capuchon, & ce qu’on trouve à l’article capuchon, pourroit faire soupçonner que l’éloge pompeux n’est qu’une ironie, & qu’il faut lire l’article avec précaution, & en peser exactement tous les termes.

Je ne voudrois pas supprimer entierement ces renvois, parce qu’ils ont quelquefois leur utilité. On peut les diriger secrettement contre certains ridicules, comme les renvois philosophiques contre certains préjugés. C’est quelquefois un moyen délicat & léger de repousser une injure, sans presque se mettre sur la défensive, & d’arracher le masque à de graves personnages, qui curios simulant & bacchanalia vivunt. Mais je n’en aime pas la fréquence ; celui-même que j’ai cité ne me plaît pas. De fréquentes allusions de cette nature couvriroient de ténebres un ouvrage. La postérité qui ignore de petites circonstances qui ne méritoient pas de lui être transmises, ne sent plus la finesse de l’à-propos, & regarde ces mots qui nous égayent, comme des puérilités. Au lieu de composer un dictionnaire sérieux & philosophique, on tombe dans la pasquinade. Tout bien considéré, j’aimerois mieux qu’on dît la vérité sans détour, & que, si par malheur ou par hasard on avoit à faire à des hommes perdus de réputation, sans connoissances, sans moeurs, & dont le nom fût presque devenu un terme deshonnête, on s’abstint de les nommer ou par pudeur, ou par charité, ou qu’on tombât sur eux sans ménagement, qu’on leur fît la honte la plus ignominieuse de leurs vices, qu’on les rappellât à leur état & à leurs devoirs par des traits sanglans, & qu’on les poursuivît avec l’amertume de Perse & le fiel de Juvénal ou de Buchanan.

3. Le mot « Capuchon » : un terme clé pour condamner le fanatisme religieux

Article « penitens »

PÉNITENS, (Théologie) nom de quelques dévots qui ont formé des confréries, principalement en Italie, & qui font profession de faire une pénitence publique, en allant en procession dans les rues, couverts d’une espece de sac, & se donnant la discipline.

On dit que cette coutume fut établie à Péronne en 1260, par les prédications pathétiques d’un hermite qui excitoit les peuples à la pénitence. Elle se répandit ensuite en d’autres pays, & particulierement en Hongrie, où elle dégénéra en abus, & produisit la secte des flagellans. Voyez FLAGELLANS.

En retranchant les superstitions qui s’étoient mêlées à cet usage, on a permis d’établir des confréries de pénitens en divers lieux d’Italie. Le P. Mabillon, dans son voyage, dit en avoir vu une à Turin. Il y a en Italie des pénitens blancs, aussi-bien qu’à Lyon & à Avignon. Dans d’autres villes du Languedoc & du Dauphiné, on trouve des pénitens bleus & des pénitens noirs. Ceux-ci assistent les criminels à la mort, & leur donnent la sépulture.

Le roi Henri III. ayant vu la procession des pénitens blancs à Avignon, voulut y être aggrégé, & en établit depuis une semblable dans l’église des Augustins, sous le titre de l’Annonciation de Notre-Dame, dans laquelle entrerent la plûpart des princes & des grands de sa cour. Ce prince assistoit aux processions de cette confrérie, sans gardes, vêtu d’un long habit blanc de toile d’Hollande en forme de sac, ayant deux trous à l’endroit des yeux, avec deux longues manches & un capuchon fort pointu. A cet habit étoit attaché une discipline de lin pour marquer l’état pénitent, & une croix de satin blanc sur un fond de velours tanné. On peut voir dans les mémoires de l’Etoile l’effet que produisoient ces dévotions.

Article « Flagellans » de Jaucourt

FLAGELLANS, s. m. pl. (Hist. mod.) nom qui fut donné dans le treizieme siecle à certains pénitens qui faisoient profession de se discipliner en public aux yeux de tout le monde.

Les auteurs s’accordent assez à mettre le commencement de la secte des Flagellans vers l’an 1260, & la premiere scene à Pérouse. Un certain Rainier, dominicain, touché des maux de l’Italie déchirée par les factions des Guelphes & des Gibelins, imagina cette sorte de pénitence pour desarmer la colere de Dieu. Les sectateurs de ce dominicain alloient en procession de ville en ville & de village en village, le corps nud depuis la ceinture jusqu’à la tête, qui étoit couverte d’une espece de capuchon. Ils portoient une croix d’une main, & de l’autre un foüet composé de cordes noüeuses & semées de pointes, dont ils se foüettoient avec tant de rigueur, que le sang découloit sur leurs épaules. Cette troupe de gens étoit précédée de plusieurs prêtres, montrant tous l’exemple d’une flagellation qui n’étoit que trop bien imitée.

Cependant la fougue de ce zele insensé commençoit à tomber entierement, quand la peste qui parut en 1348, & qui emporta une prodigieuse quantité de personnes, réveilla la piété, & fit renaître avec violence le fanatisme des Flagellans, qui pour lors passa de la folie jusqu’au brigandage, & se répandit dans presque toute l’Europe. Ceux-ci faisoient profession de se foüetter deux fois le jour & une fois chaque nuit ; après quoi ils se prosternoient en terre en forme de croix, & crioient miséricorde. Ils prétendoient que leurs flagellations unissoient si bien leur sang à celui de Jesus-Christ, qu’au bout de 34 jours ils gagnoient le pardon de tous leurs péchés, sans qu’ils eussent besoin de bonnes oeuvres, ni de s’approcher des sacremens. Ils se porterent enfin à exciter des séditions, des meurtres & des pillages.

Le roi Philippe de Valois empêcha cette secte de s’établir en France ; Gerson écrivit contre, & Clément VI. défendit expressément toutes flagellations publiques : en un mot, les princes par leurs édits, & les prélats par leurs censures, tâcherent de réprimer cette dangereuse & criminelle manie. Voyez Sigonius, liv. XIX. de regno ital. Sponde, annal. ecclés. A. C. 1260, 1349 ; le continuateur de Guillaume de Nangis, &c.
Tout le monde connoît aussi l’histoire latine des Flagellans, historia Flagellantium, imprimée à Paris en 1700, & composée par Jacques Boileau, chanoine de la Sainte-chapelle, mort en 1716. Si ce docteur de Sorbonne ne s’étoit attaché qu’à condamner la secte des Flagellans, & même à justifier que l’usage de la discipline particuliere s’est établi dans le xj. siecle, ou du moins qu’elle n’étoit pas connue dans les siecles antérieurs, excepté pour punir les moines qui avoient péché, on pourroit embrasser ou défendre son opinion ; mais on doit justement blâmer les descriptions trop libres semées dans son ouvrage, qui ne convenoient point à son caractere, & qui ne peuvent produire aucun bon effet.

Au reste on voit encore en Italie, à Avignon, & dans plusieurs lieux de la Provence, des ordres de pénitens qui sont obligés par leurs instituts de se foüetter en public ou en particulier, & qui croyent honorer la divinité en exerçant sur eux-mêmes une sorte de barbarie ; fanatisme pareil à celui de quelques prêtres parmi les Gentils, qui se déchiroient le corps pour se rendre les dieux favorables. Il faut espérer que l’esprit de philosophie & de raison qui regne dans ce siecle, pourra contribuer à détruire les restes d’une triste manie, qui loin d’être agréable à Dieu, fait injure à sa bonté, à sa sagesse, à toutes ses perfections, & deshonore l’humanité. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.

Article « Fratricelles » de d’Alembert

FRATRICELLES, s. f. pl. (Hist. ecclésiast.) ce nom, qui signifie petits freres, se donna à quelques religieux apostats & vagabonds du treizieme & du quatorzieme siecle, qui prêchoient différentes erreurs. Cette secte fut occasionnée, dit M. Fleury, dans son huitieme discours sur l’histoire ecclésiastique, c. viij. par les disputes fameuses des Freres mineurs ou Cordeliers, pour savoir quelle devoit être la forme de leur capuchon, & si la propriété de ce qu’ils mangeoient leur appartenoit, ou à l’Eglise romaine ; dispute sur laquelle quatre papes donnerent des bulles contradictoires, ne se montrant en cela ni infaillibles, ni sages. Nicolas III. par sa bulle, exiit qui seminat seminare semen suum, déclara d’après S. Bonaventure, que la propriété de ce que les Cordeliers mangeoient ne leur appartenoit pas, mais simplement le seul usage de fait. Jean XXII. décida le contraire ; & l’empereur Louis de Baviere, qui ne l’aimoit pas, le fit condamner pour cela comme hérétique, dans une espece de concile tenu à Rome. Ce prince fit ensuite élire un anti-pape fratricelle, nommé Pierre de Corbiere, qui dès qu’il se vit pape, renonça à la pauvreté qu’il avoit prêchée, & vendit des bénéfices pour avoir des chevaux, des domestiques, & une table somptueuse. Mais ce pape ne fit pas fortune. Il y eut d’ailleurs quelques fratricelles de brûlés comme hérétiques. Cette sottise, dit un auteur célebre, n’ayant pas fait répandre beaucoup de sang, peut être mise au rang des sottises paisibles.
Les fratricelles s’appelloient aussi bizoques, begghards, &c. Voyez BEGGHARDS. (O)

4. Le mot « Capuchon » : un terme burlesque dont les autres emplois participent de la satire des ordres religieux

Article « coqueluche » de Jaucourt

COQUELUCHE ENDÉMIQUE, en latin cucullaris morbus, (Medecine) maladie épidémique & maligne qui regne de tems en tems en Europe, & qui y fait quelquefois de grands ravages.

Cette maladie qui paroît communément l’automne ou l’hyver, & dont les causes sont aussi inconnues qu’imprévues, est une espece de fiévre catarrheuse, accompagnée de mal de tête, de foiblesse, d’oppression ou de difficulté de respiration, de toux, de douleur dans l’épine du dos, & autres symptomes plus ou moins graves ou variés suivant les tems, les lieux, & les personnes.

M. de Thou croit que le nom de coqueluche donné à cette maladie, est né en 1510, sous le regne heureux de Louis XII. mais il se trompe ; car Mézeray dit qu’il parut en France sous Charles VI. en 1414, un étrange rhûme, qu’on nomma coqueluche, lequel tourmenta toute sorte de personnes, & leur rendit la voix si enroüée, que le barreau & les colléges en furent muets.

Valleriola, dans l’appendice de ses lieux communs, prétend que le nom de coqueluche fut donné par le peuple à cette maladie, de ce que ceux qui en étoient attaqués portoient une coqueluche ou capuchon de moine pour se tenir chaudement. Ménage & Monet sont du même avis. En effet, coqueluche signifie proprement un capuchon. Cependant un medecin François appellé le Bon, a écrit que cette maladie a été nommée coqueluche à cause du remede qu’on y apportoit, qui étoit du loch de codion fait avec la tête de pavot ou tête de coquelicot, qui est appellée codion en grec.

Article « Palliolum »

PALLIOLUM, s. m. (Littérat.) étoit proprement un capuchon qui couvroit la tête & toutes les épaules jusqu’au coude. C’étoit l’ornement des efféminés & des débauchés, comme de Trimalcion dans Pétrone : adrasum pallio incluserat caput. Rutilius Lupus a dit, dans le caractere qu’il a fait d’un homme ivre : palliolo à capite defendens. Il a couvert sa tête d’un capuchon pour se garantir du froid. Les malades s’en servoient aussi ordinairement : c’est pourquoi Séneque écrit à la fin du IV. liv. des questions naturelles : Videbis quosdam graciles, & palliolo focalique circundatos, &c. Vous verrez des gens maigres & exténués de maladies qui portent le capuchon, & qui ont le cou environné de linges, &c.

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