Les écrits au lycée

, par LEENHARDT Corinne, IUFM de St Germain en Laye

Les écrits au lycée selon les nouveaux programmes

Les quatre pôles de l’écriture au lycée

La fiche 16 du document d’accompagnement répartit autour de quatre pôles les écrits au lycée.

Les programmes préconisent de diversifier les pratiques d’écriture en mettant l’accent sur plusieurs types de production :
 les écrits visant à fixer les connaissances, en français et dans les autres disciplines (analyses, résumés, dossiers, prises de notes).
 les écrits visant à prendre position sur les scènes scolaire et sociale (de l’exposé d’une opinion personnelle à la discussion et à la délibération) ; cet usage est déjà connu par les élèves en troisième, mais ils doivent progresser vers une réflexion plus analytique et en venir peu à peu à la délibération (en première surtout ; la seconde constitue à cet égard une année de transition) ;
 les écrits visant à développer la capacité d’analyse et d’interprétation (commentaire) ; il s’agit de pratiques relativement nouvelles par rapport à la troisième, aussi les introduira-t-on progressivement au cours de l’année de seconde ;
 les écrits visant à développer l’invention (écriture poétique, romanesque, théâtrale) ou à motiver les savoirs littéraires (greffer une description dans un texte, transposer un texte en changeant le genre ou le registre...). « 

Une nouvelle conception de l’écrit en classe

Les nouveaux programmes ainsi que les commentaires dont ils font l’objet, obligent à nous déplacer par rapport à la façon dont nous concevons jusque là l’écrit en classe. Avant de proposer un tableau qui schématise le déploiement de l’écrit en classe, je voudrais montrer le déplacement que je lis.

- Les activités d’écriture sont centrales.

L’écriture est une activité complexe qui englobe en elle-même, compréhension de l’écrit et des textes en général, maîtrise de la langue, règles fondamentales de la communication.
Elle exige en outre la mobilisation de l’individu, cette dernière est même une condition nécessaire de la réalisation écrite : qu’il s’agisse de l’invention, de la mise en texte. Le sujet, instance d’énonciation dans le texte, mais aussi le sujet entendu comme être pensant, doivent dans une liaison inextricable tisser le texte. Voilà pourquoi on peut considérer l ’écriture comme une opération linguistique complexe intégrant tout à la fois celle de la lecture, celle de la communication orale.

- Or, l’écriture existe peu en classe.

Elle est régie par des consignes qui permettent le plus souvent à l’élève de se laisser porter passivement des réponses automatisées ou alors elle est trop peu fréquente et cantonnée à des formes scolaires n’appartenant qu’à l’école. (Un exercice type bac toutes les trois ou quatre semaines, au mieux) Cet exercice est mis en place de façon fragmentaire et schématique si bien que l’on peut dire que s’il y a bien une méthode schématique de la mise en texte, la pensée qui est à l’ oeuvre dans ce schéma reste étrangère à la plupart de nos élèves parce que la pensée abstraite et le principe même de la visée énonciative leur est étrangère.

- Une part de l’écrit en classe n’est jamais abordé dans son apprentissage et sa fonction : les écrits « méthodologiques ou à fonction métacognitive »

Il s’agit de tous les écrits intermédiaires, les écrits /aides à l’apprentissage, écrits que sont les notes en classe, les notes sur les cours pris en classe, les notes sur des documents, mais aussi tous les écrits/brouillon par lesquels l’élève s’exerce à penser, à apprendre. Cette part est présente dans les nouveaux programmes, elle est prise en compte comme objet d’intérêt.

- Une autre part est absente ou alors simplement juxtaposée : « les écrits d’invention, les écrits d’affectifs ».

Absents, et même refusés et exclus de la classe puisqu’on admet mal les activités « graphomaniaques » de nos élèves. Cer derniers copient des citations sur leur classeur, s’envoient des mots, se lancent dans des pratiques poétiques, se servent de tous supports pour écrire, y compris de la table devant eux....
Ou alors nous lançons des projets d’invention dont l’assemblage avec le cours est problématique : l’expression libre a du mal à supporter la contrainte de l’école, nous avons du mal à voir quelle part de formation scolaire peut aider à cette écriture, ou alors nous instrumentalisons cette écriture au profit de la grammaire par exemple... Ce qui est un comble.

- Les exercices du bac sont les seuls quasiment à relever d’un apprentissage.

Ils sont à voir cependant comme une évaluation de l’écrit en fin de cursus. Leur approche, leur apprentissage sont à concevoir comme mise en forme des savoirs. Leur inscription dans une certaine maîtrise donne des renseignements sur la façon dont se constitue le savoir chez l’é1ève ainsi que ce qu’il est capable de faire de ce savoir.
De ce point de vue, on a tout intérêt à ouvrir ces exercices, à les considérer comme une aide à la formation des savoirs plutôt que comme une évaluation toujours trop normative.

En ce sens, réfléchir sur l’écrit c’est réfléchir à la façon de favoriser des opérations de mises à distance et d’auto-réflexion.
L’écriture est simultanément travail du dit et du dire. En ce sens, on ne peut la réduire à la répétition formelle des exercices du bac, de la même façon que l’on ne peut faire disparaître les exercices du bac puisqu’ils orientent vers l’acquisition des savoirs et des savoirs faire, tels que l’institution les définit. Ces exercices s’organisent peu ou prou autour de la construction d’une pensée abstraite dont la cohésion s’articule autour du .’je », qui argumente, qui disserte ou qui commente ou qui crée, probablement à partir de contraintes qui obligeront à actualiser une forme existante.

- On peut donc proposer à l’écriture au lycée deux orientations corrélatives l’une de l’autre : l’écriture en tant que déploiement d’opérations discursives et cognitives et l’écriture codée scolairement et correspondant à un certain mode de communication que l’élève rencontrera dans ses études supérieures.

C’est ce que veut faire valoir le tableau construit ci-dessous.

On a imaginé 6 façons de faire écrire. Cette répartition cherche non pas à fixer des pratiques étanches les unes par rapport aux autres, mais à schématiser les dominantes de telle ou telle pratique.
 La première colonne correspond aux écritures inventives, elles ont un lien avec le projet pédagogique. La deuxième colonne est profondément liée au projet pédagogique, cette écriture n’est pas réellement normée. Les consignes sont ouvertes, l’écriture inventive en est encore une des modalités. La troisième colonne s’oriente vers la fonction métacognitive : il s’agit de mobiliser les savoirs et les expériences pour réfléchir. Les savoirs construits en classe pendant la séance sont consciemment mis en rapport avec ce qui est déjà acquis, soit scolairement, soit socialement. On dira que cette entrée permet de donner du sens, c’est à dire de relier le savoir scolaire au savoir social ou familial. La quatrième colonne très proche de la précédente suit les savoirs mis en place dans la séquence en cours. Enfin, la cinquième correspond au travail traditionnel de la classe de français au lycée jusqu’à aujourd’hui.
 Les lignes, quant à elles, correspondent au suivi de la séquence. Autrement dit, elles correspondent à des formalisations plus ou moins finies, à des ébauches, des esquisses. Il va de soi que les colonnes et les lignes sont à lire en dynamique. On ne saurait penser ce tableau comme une juxtaposition possibles d’écrits dissemblables. Chaque écriture participe à la construction d’un savoir et d’un savoir-faire accru. Ce tableau permet de considérer les multiples variations de l’écriture. Il s’agit au fond d’organiser une pratique habituelle de l écriture dans nombre de ses fonctions. Une question reste en suspens : celle de l’évaluation. Il va de soi que tous ces écrits n’ont pas à être notés ou même corrigés. C’est plutôt le déplacement qu’il conviendrait de mesurer avec l’élève.
 Certains sont là pour fixer des repères pour le professeur comme pour l’élève : ceux de début de séquence et de fin de séquence en particulier.
 D’autres sont là pour aider l’élève, leur réalisation dépend pour une bonne part de leur institution en classe, comme protocole particulier. Elle dépend aussi de la curiosité et du plaisir qu’on aura su procurer. Elle dépend aussi de la réflexion élaborée avec les élèves sur l’écrit : la place de l’écrit dans notre société, son importance dans les nouvelles techniques de communication, sa tension avec l’oral, son système particulier de langue.
 Cette réflexion est en relation avec la place de la maîtrise de la langue en français au lycée.

Les écrits au lycée

Ecritures : de soi au conceptuel
Production Fabrication Ecriture encadrée suivant le projet de la séquence Ecriture et Savoirs littéraires Ecriture réflexive A partir de l'expérience et/ou des savoirs scolaires constitués avant. Ex. Ecriture et Appropriation des savoirs, objectifs de la séquence en cours Ecriture Dissertation commentaire
Début de séquence
Ecriture/ébauche " Portrait, description, récit, " en relation avec la séquence à construire.
Brouillon à remanier
Entrée dans une œuvre : sensation, réception, hypothèse de lecture...
Ex :La nouvelle " adieu " " Assommoir "
Travail sur les représentations :
" fenêtre "
" se souvenir "
Travail sur les représentations
de savoirs scolaires
" Poésie, c'est... "
Contrat d'écriture finale, travail sur les mots, recherche de réseau, de mots clés
Suivi de séquence

Enrichissement des écrits.

 


*Travail sur la langue et les procédés d'écriture *Activités de réécriture à partir des colonnes 2 et 3

 

 


*Transposition et variation d'écriture, Changement de point de vue. (Ex : Le Cid, le héros vu par Chimène, le roi, les Maures..) Rédaction dans l'implicite du texte (rédiger explicitement le point de vue de Montesquieu dans l'esclavage des nègres)

Réflexion à partir de textes préfaciels ou théoriques, prise de notes et prise de distance.


*Explicitation des procédés d'écriture à partir des deux colonnes précédentes


*Réflexion sur les champs théoriques, les idées mises en place dans le cours.
*Intérêt des notions mises en œuvre, reprises des écritures 1/ pour mesurer les déplacements

*Toutes les activités de réécriture.

*Explication de textes.
*Préparations de lectures...
*Prise de notes, reformulation, constitution d'un sommaire, d'une table des matières

 

*Constitution d'un corpus commenté ex. florilège de poèmes romantiques
*Prise de notes sur le contexte littéraire(libre ou guidé).
*Rédactions de la, problématiques en cours par ébauches et étapes.

Ebauche et étayage des premières idées Mise en place de problématique en fonction de l'avancée de la séquence

 

 

Rédaction de commentaire libre de textes personnels ou de textes littéraires permettant de nouer les colonnes 1,2,3,4
*Explication de textes.

Fin de séquence
Rédaction finale Si écriture longue   Bilan sur les savoirs mis en place ayant permis de dépasser le stade 1
Synthèse finale
Rédaction finale

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