Séquence pédagogique à partir du Petit Robert Electronique :
travail à partir d’un texte d’ Henri Agel sur le cinéma (1 heure)
Niveau : LP, collège
Démarche
– Lecture du texte d’Henri Agel
– Relevé préalable, à la main, du champ lexical du cinéma
– Travail sur le Petit Robert Electronique utilisé en réseau, avec un ou deux élèves par poste
Henri Agel, Le cinéma
Le cinéma, par essence, saisit l’homme dans le monde. Il étudie l’individu, non pas isolé dans le péristyle d’une tragédie classique, mais d’une manière pleine et entière, dans son milieu naturel ou dans son groupe. Le cinéma est un « art total » dans la mesure où il replace l’homme dans des coordonnées spatiales et temporelles (mineur du Pays de Galles, paysan du Rouergue, Esquimau du pôle, noir de l’Ogooué, etc.). Nous partageons l’intimité de L’homme d’Aran, des Paysans noirs, des Indiens de Tonnerre sur le Mexique, des Lapons de Nyla le Lapon, tout comme celle des aviateurs, des marins, des laboureurs, des ouvriers, des savants, des prêtres de tous les pays. La réalisation même d’un découpage et celle d’un montage cinématographique permettent de rendre, d’une manière beaucoup plus favorable qu’aucun autre art, cette vie de groupe, par la multiplicité de saisie du réel ; c’est une véritable « co-naissance » au monde de nos frères. Pour reprendre le mot des stoïciens, l’homme devient vraiment « citoyen du monde ».
Nous sommes donc en plein dans le quotidien, mais aussi dans le « surréel », car la perception filmique est une transfiguration de la perception ordinaire. Le cadrage, la diversité des plans, la qualité de la lumière, les mouvements de la caméra, le montage donnent aux êtres et aux choses un mode d’existence privilégié, plus intense, plus beau ou plus pathétique. Ceci est vrai sur le plan de la réalité quotidienne : un mur, une rue, un objet usé et banal reprennent à l’écran une étrange beauté. Ils dégagent ce coefficient caché de poésie que le cinéma - lumière et mouvement - a le don de faire surgir. C’est surtout sur le plan psychologique et humain que cette transfiguration est exaltante. Certes il est important que le film magnifie et exalte les arbres et les fleurs, tout comme les routes et les pavés d’une ville. Mais n’est-il pas plus important encore qu’il redonne toute sa noblesse, tout son tragique au visage humain ? Ce visage, miroir de l’âme, nous avons aujourd’hui trop tendance à ne plus le regarder, à le traiter en objet. Nous voyons trop de visages dans une journée pour avoir encore le courage de les déchiffrer, d’apprendre à les aimer tous. Le cinéma nous apporte ici une véritable révélation : visage de notre voisin, de l’homme des villes, de l’homme de notre pays, mais aussi du « prochain » moins familier qu’est l’homme des continents lointains, des civilisations peu connues : visages des hommes de toutes les races, de tous les pays, de l’Esquimau et du Pygmée, visage unique et multiforme de notre frère qu’un « gros plan » nous rend soudain proche et vivant. On voit dès lors comment l’écran nous permettra de redécouvrir certaines réalités morales et spirituelles non plus dans l’abstrait ni d’une manière théorique, mais précisément à partir des hommes et de leur milieu. C’est du concert que se dégageront lentement, insensiblement, certaines vérités éternelles, vérités qui apparaîtront encore toutes prises dans leur gangue, toutes pleines encore de terre et de sang, mais qui, par le fait même qu’elles seront incarnées, mélangées, au tuf de l’existence, n’en auront que plus d’authenticité. L’écran deviendra le lieu privilégié qui verra s’inscrire un système de signes intellectuels et moraux et qu’il nous sera loisible de déchiffrer à travers les éléments mêmes du cosmos et de la vie sociale, brassés et ordonnés de façon à signifier ce qui correspond à la vision du monde d’un créateur. La solidarité, la fraternité, le dépassement de soi, se laissent lire par exemple dans : la Grande Illusion, l’Espoir, Chasse tragique, Vivre en paix, Rome ville ouverte, l’Intrus : la réalité du corps mystique s’exprime à travers Un jour dans la vie, les Anges du péché, le Journal d’un curé de campagne.
Ainsi, parallèlement à l’enseignement traditionnel des humanités qui ouvre les jeunes aux valeurs intellectuelles et spirituelles, on peut convenir d’une initiation au cinéma qui permette aux élèves de redécouvrir et de ressaisir ces valeurs d’une façon plus directe, en les intégrant plus sensiblement dans leur vie. Le résultat s’exerce à la fois sur le plan du cinéma qui cesse d’être un pur divertissement et devient un sujet de culture et de méditation, et sur le plan des humanités, qui cessent d’être une matière purement abstraite et prennent vie grâce au cinéma.
Questionnaire
– 1° Expliquez d’après leur étymologie « cinéma », « caméra », « film ».
– 2° Quelle vous paraît être la différence d’emploi entre les deux adjectifs « cinématographique » et « filmique » ?
– 3° Il est question dans le texte de « gros plan ». Quels sont les autres types de plan utilisés au cinéma ?
– 4° Le suffixe -age est-il le même dans « découpage », « montage », « cadrage » et « visage » ? Quelle est la différence ?
– 5° En comparant ce suffixe avec celui de « transfiguration », « révélation », « civilisation » et « dépassement », quelle hypothèse pouvez-vous faire sur l’emploi du suffixe -age en français ?
– 6° Quels noms d’action pouvez-vous faire correspondre à « incarnées », « mélangées », « brassés », « ordonnés ».
– 7° Quand on mélange plusieurs sources sonores sur la bande-son d’un film, quel est le nom d’action que l’on emploie ?
– 8° Quel est le mot anglais en -ing, très utilisé au cinéma, qui est apparu en 1921 ?
– 9° Quel autre nom en -ing commençant par la lettre C est utilisé dans le monde du cinéma et du spectacle en général ?
– 10° Quel film le cinéaste Jean Renoir a-t-il tiré d’une œuvre de Gorki ?