Développer les compétences psychosociales pour favoriser le bien-être et la réussite des élèves allophones

Collège & Lycée - Fiche allophonie n°12

« Apprendre à vivre ensemble, c’est peut-être le plus grand défi de l’éducation aujourd’hui. »
Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil, 1999.

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Collège Lycée ENEA / Allophones

mardi 17 juin 2025 , par GT Allophonie

Le bien-être : une condition nécessaire au développement de compétences disciplinaires
Selon l’Organisation mondiale de la santé : « Les compétences psychosociales sont la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. (...) C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adaptant un comportement approprié et positif dans ses relations avec les autres, sa propre culture et son environnement. » (OMS, 1993). Elles englobent des dimensions émotionnelles, cognitives et sociales, favorisant un équilibre personnel et des interactions harmonieuses (cf. annexe). Elles permettent aux élèves de mieux se connaître et de gérer leurs émotions (compétences intrapersonnelles), d’entretenir des relations positives et dénouer des conflits (compétences interpersonnelles), ainsi que de prendre des décisions réfléchies et de résoudre des problèmes de manière constructive.
Les élèves allophones vivent des situations de vulnérabilité passagères ou durables : ils doivent non seulement s’adapter à un nouvel environnement scolaire et linguistique mais aussi surmonter des difficultés plurielles, socio-économiques ou culturelles (immigration, statut de réfugié politique, perte d’emploi des parents, etc.). Comment favoriser le développement de leurs compétences psychosociales ? Comment leur offrir des situations d’apprentissage qui leur permettent de s’estimer, de prendre confiance en eux et de s’épanouir ?
Le renforcement des compétences psychosociales chez les élèves allophones passe par des approches inclusives et adaptées à leurs besoins linguistiques, culturels et émotionnels qui, bien souvent, servent également les compétences langagières visées dans le cours de français.

Pour favoriser le développement des compétences psychosociales en classe

Choisir des outils pédagogiques adaptés, facilitant les apprentissages

Cf. Fiche allophonie n°2

  • Supports visuels et interactifs (infographies, cartes mentales, vidéos pédagogiques, etc.) pour aider à la compréhension ;
  • Textes en version bilingue, lorsque c’est possible ;
  • Livrets bilingues ou multilingues, traducteurs.

Multiplier les activités de communication (verbale et non-verbale) et d’expression qui développent des relations constructives

  • Jeux de rôle et mises en situation : simuler des interviews, des entretiens ou des procès, pour travailler l’écoute active, la capacité d’affirmation et les compétences orales ;
  • Débats en lien avec les entrées anthropologiques des programmes de collège (« Les héros sont-ils toujours courageux ? », par exemple), le sujet de réflexion en 3e, l’essai au lycée : pour comprendre le point de vue d’autrui, développer des compétences de résistance, de négociation, de persuasion et d’argumentation (structuration du discours, notamment) ;
  • Expression artistique : la rencontre avec des œuvres d’art ou la pratique artistique peut favoriser l’expression personnelle et lever certaines barrières linguistiques (dessin attestant d’une compréhension, apprentissage de chansons, par exemple).

Encourager la coopération et l’entraide pour développer l’empathie et les relations interpersonnelles

La coopération et la collaboration sont deux formes d’interaction collective qui reposent sur l’engagement des participants, mais elles diffèrent dans leurs objectifs et leur organisation. Coopérer, c’est agir avec d’autres tout en poursuivant un objectif personnel. Cette dynamique repose sur le soutien mutuel, l’échange de points de vue, la motivation collective et la gestion des conflits, qui favorisent l’enrichissement individuel à travers le travail commun. Collaborer, en revanche, implique de travailler ensemble sur un projet commun en répartissant les tâches selon les compétences de chacun (S. Connac, voir infra).

  • Projets collaboratifs : proposer des travaux de groupe sur des sujets de recherche ou de synthèse qui impliquent de donner et de recevoir des feedbacks ;
  • Écritures collaboratives : chaque élève apporte un élément à l’ensemble (conte, courte pièce de théâtre, guide, recueil poétique, etc.) ;
  • Pairs de lecture : lors d’une lecture, associer un élève allophone à un élève francophone qui peut présenter un résumé tandis que son binôme reformule en posant des questions.

Valoriser la diversité culturelle et l’inclusion

  • Intégrer des références culturelles variées : ouvrir les références aux littératures francophones et étrangères ; s’intéresser aux références des élèves et les valoriser ; mettre en perspective les notions littéraires étudiées (cf. les origines orientales de la fable, par exemple) ; pratiquer l’interlangue (comparaison de systèmes linguistiques) ;
  • Créer des cercles de parole autour de la lecture : encourager l’expression de la subjectivité, ménager des temps d’échange sur les expériences et les sentiments nés de la lecture, surtout quand les œuvres peuvent occasionner des effets de miroir (questionnements sur la construction identitaire, parcours d’écrivains allophones ayant choisi le français, tels Beckett, Ionesco, François Cheng, André Makhine, Chahdortt Djavann, etc.) ;
  • Créer des cartes de géographie personnelle, des biographies langagières, des biographies de lecteurs : demander aux élèves de représenter leur voyage, leurs bagages linguistique, littéraire et culturel en France ou jusqu’en France ;
  • Organiser des échanges épistolaires : correspondre avec des élèves d’autres classes, d’autres établissements, d’autres pays (voir les projets eTwinning pour l’Europe).

Valoriser les progrès et encourager l’expression personnelle pour restaurer ou renforcer la confiance en soi

  • Souligner les efforts et les réussites : insister sur les progrès, même minimes, en valorisant les productions écrites et orales ;
  • Tenir un journal de bord : inviter les élèves à écrire régulièrement sur leur expérience d’apprentissage en français pour qu’ils l’évaluent eux-mêmes.

Développer la conscience et la régulation des émotions ainsi que l’estime de soi

  • Accueillir les émotions des élèves, les aider à les comprendre : associer une émotion à une scène littéraire ; recourir à des images ou à des choix de phrases, si nécessaire, pour les aider à s’exprimer ;
  • Encourager les élèves à écrire des phrases positives et motivantes (ex : « J’ose parler en classe », « Je suis fier de lire à voix haute ») et à les afficher dans leurs cahiers ou sur un mur de la classe ;
  • Faire tenir un tableau d’objectifs personnels : chaque élève opère des choix responsables en se fixant un objectif concret à atteindre en français (ex. « Je veux raconter une histoire en français devant la classe » après un travail sur le conte en 6e).

Points de vigilance

  • Adopter une posture congruente en tant qu’enseignant ou enseignante.
  • Assurer un climat de confiance où l’élève allophone ne redoute pas les erreurs.
  • Valoriser le plurilinguisme des élèves : la reconnaissance des langues d’origine est un facteur clé de bien-être et d’estime de soi.
  • Prendre en compte le choc culturel et les deuils migratoires : l’arrivée en France peut représenter une expérience bouleversante pour les élèves allophones nouvellement arrivés. Beaucoup d’entre eux traversent ce que les chercheurs appellent un choc culturel qui peut se manifester par du repli, de la fatigue, de l’irritabilité, une perte de confiance ou une baisse soudaine de la motivation scolaire.
    De plus, certains élèves vivent ce que la pédopsychiatre Marie-Rose Moro appelle des deuils migratoires : ils doivent faire le deuil d’un pays, d’une langue, parfois d’êtres chers, et se reconstruire dans un nouvel environnement. Ces deuils peuvent être invisibles mais influencent fortement leur bien-être émotionnel et leur capacité à apprendre.
  • Impliquer les parents : organiser des temps d’échanges pour les parents allophones afin de les informer sur les compétences psychosociales et les méthodes d’intégration scolaire.

Pour aller plus loin …

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