La place de l’oral spontané dans le développement des compétences de l’élève allophone
En plus des compétences orales que tous les collégiens et lycéens doivent travailler et développer, le professeur peut mettre à profit des situations spontanées, permettant aux élèves allophones de prendre la parole dans le cadre de conversations informelles. Contrairement à l’oral préparé, l’oral spontané est un oral « en train de se faire, un oral qui se produit ici et maintenant » (Daniel Luzzati). Souvent perçu comme fautif, il constitue une étape nécessaire dans le développement d’un oral plus organisé et scolaire, comme une « porte d’entrée pour l’ensemble des apprentissages » (Christian Dumais). En effet, développer la prise de parole spontanée chez les élèves, c’est les amener à participer à des échanges dans des situations diversifiées, de façon constructive, et à développer des compétences caractéristiques de la maîtrise d’un oral plus formel. Cependant, dans un contexte scolaire où les élèves allophones redoutent de prendre la parole, comment stimuler cet oral spontané, comment leur ménager du temps pour qu’ils puissent communiquer ?
Quelques conseils pour favoriser l’oral spontané en classe
L’oral spontané avec l’enseignant
Afin de pouvoir dégager quelques minutes pendant la séance pour un échange avec chaque élève allophone, le professeur peut :
- prendre appui sur les compétences et les connaissances déjà développées par les élèves allophones, pour les mettre en confiance, puisqu’ils arrivent avec des compétences et des savoirs construits dans d’autres établissements et d’autres pays ;
- manifester de l’intérêt pour le parcours de l’ENEA afin de l’amener à communiquer, par exemple en début ou en fin d’heure, pendant une récréation ;
- placer les élèves en autonomie (en production écrite, notamment) pour échanger en priorité avec les allophones lors des cours en classe entière ;
- se positionner en tant qu’apprenant par rapport à la culture de l’élève pour favoriser le dialogue : l’interroger sur la culture littéraire et artistique de son pays (ex. Quels contes connais-tu ? Le mouvement romantique existe-t-il dans ton pays ?) sur ses habitudes scolaires, sur ses expériences antérieures de prise de parole en classe ;
- écouter activement ; ne pas hésiter à réagir avec attention et à valoriser les réponses spontanées, tout en relançant le propos énoncé, pour favoriser le développement des idées.
L’oral spontané avec les pairs
Afin de favoriser l’émergence d’un oral spontané entre pairs pendant la séance, le professeur peut :
- inciter les camarades à « enseigner » du vocabulaire (comme celui du matériel scolaire), des expressions de salutations ou des formules de politesse qui facilitent la communication ;
- varier les situations de prises de parole spontanée en créant des petits groupes afin de permettre à tous les élèves de s’exprimer. Le dispositif du travail en groupe et la modification de l’espace-classe sécurisent et facilitent les échanges entre les camarades. L’enseignant peut choisir de faire des groupes homogènes en réunissant les allophones s’il estime qu’ils peuvent s’entraider (dans le cas où ils partageraient une langue commune) ou des groupes hétérogènes. Au préalable, on peut apprendre aux élèves allophones à poser des questions aux autres ;
- mettre en place un tutorat entre pairs, en désignant un « élève-ressource » pour accompagner l’oral de l’élève allophone ;
- revenir sur une activité vécue ensemble (sortie scolaire, rencontre avec un écrivain, des comédiens, etc.) pour faciliter les échanges à partir de situations communes ;
- utiliser des supports motivants, montrer une image, un extrait de vidéo ou de texte pour susciter des réactions, proposer des scénarios ou des problèmes à résoudre collectivement ;
- prendre en compte et valoriser ces moments d’échanges par la validation de compétences du socle, notamment lors des conseils de classe.
Points de vigilance
- Choisir des espaces propices à l’échange avec l’élève ou sa famille (une salle calme ou le CDI) ;
- Mettre en place un climat de confiance pour que l’élève allophone n’ait pas peur de commettre des erreurs. Produire un oral imparfait avec des hésitations, des mots isolés, des auto corrections, des pauses pour chercher l’information est une étape naturelle lors de l’acquisition d’une nouvelle langue ;
- Ne pas reprendre systématiquement les erreurs de syntaxe pour éviter d’interrompre la pensée en construction de l’élève. L’oral spontané de l’élève allophone se situe dans une interlangue où se mêlent sa ou ses langues premières et la langue française ;
- Accepter de sortir du cadre normé du français pendant l’échange. Accueillir le registre familier ou le tutoiement quand il permet à l’élève allophone de s’exprimer et montrer comment adapter son langage en fonction de la situation (discussion entre pairs, exposé formel, débat) ;
- Rassurer l’élève en lui montrant que le message qu’il produit est bien compris ;
- Veiller à laisser un temps de parole suffisant aux élèves allophones pendant le cours. Parler n’est pas perdre du temps : plus l’oral spontané est mis en pratique, plus on permet aux apprenants de mettre en mots leurs pensées et de prendre confiance.
Pour aller plus loin …
- BLANCHE-BENVENISTE Claire et BILGER Mireille, « Français parlé - oral spontané. Quelques réflexions ». Revue française de linguistique appliquée. Volume IV. 21 – 30, 2020 : https://icar.cnrs.fr/ecole_thematique/contaci/documents/bilger_cappeau/CBB-Bilger.pdf
- DUMAIS Christian, L’oral à l’école. Éducation et francophonie, Volume 50, 2022
- LUZZATI Daniel, « Enseigner l’oral spontané ? » in J.-C. BEACCO (dir.), Éthique et politique en didactique des langues, éditions Didier, 2013, (p. 196 sq) : https://shs.cairn.info/ethique-et-politique-en-didactique-des-langues—9782278072651?lang=fr