Édito « Actualité et Antiquité »

Quand les skippers du Vendée Globe croisent les dieux gréco-romains

Quand les skippeurs franchissent l’équateur, la coutume veut que soit faite « une offrande à Neptune ». Pourquoi cette tradition ?

Source de l’œuvre utilisée dans le logo :
« Neptune », statue en marbre, Augustin Pajou, 1767, Musée des beaux-arts de Lyon
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Neptune_-_Pajou-Augustin_(droit).jpg

LCA Culture humaniste

lundi 10 février 2025 , par GT LCA

Public visé : 5e ou 2nde

Lien avec le programme :

  • 5e - séquence de latin sur les dieux ou EPI autour du Vendée Globe, de la mer ou des récits de voyages maritimes
  • 2nde - L’Homme et l’animal ; l’Homme et le divin
Présentation du Vendée Globe
C’est la plus grande course à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance.
Elle a lieu tous les quatre ans. Le départ et l’arrivée ont lieu aux Sables d’Olonne en Vendée. Les skippers font le tour du monde en passant par le Cap de Bonne Espérance, le Cap Leeuwin et le Cap Horn.



I. L’offrande à Neptune

A. Explications sur le rituel

Lors du passage de l’équateur (à l’aller comme au retour), les skippers se livrent à un rituel appelé l’offrande à Neptune qui consiste à verser une boisson (rhum, bière ou autre) dans la mer et sur le bateau et à en boire une gorgée afin de célébrer ce passage symbolique et de se porter chance.

Cette tradition fait référence au rite initiatique du « baptême de la ligne » pratiqué, d’après Bougainville, depuis Vasco de Gama, par les marins qui franchissent l’équateur pour la première fois. Au cours d’une cérémonie carnavalesque, les matelots néophytes sont conduits devant des marins déguisés en Neptune et Amphitrite et subissent un certain nombre d’épreuves, notamment l’aspersion ou l’immersion. Les baptisés devenus « chevaliers des mers » reçoivent alors un certificat de passage. Cette coutume permettait à l’équipage de démystifier les phénomènes météorologiques tant redoutés de l’Atlantique équatorial tout en apportant quelques distractions durant la longue traversée.

Ce type de coutume est déjà attesté dans l’Antiquité pour le passage du Cap Sounion : le capitaine du navire devait faire une offrande à Poséidon, comme le mentionne l’explorateur grec Pythéas le Massaliote dans son Journal de bord : « En passant sous le Cap Sounion, j’ai sacrifié à Poséidon comme il se doit deux amphores de vin de Séon que j’ai brisées sous les falaises qui portent son splendide temple ».

B. Proposition de pistes pédagogiques

1- Établir la carte d’identité de Neptune

ACTIVITÉ 1
Le professeur part des connaissances des élèves et, si besoin, complète par une recherche pour trouver les éléments suivants :

  • Équivalent grec
  • Fonction
  • Parents ; circonstances de sa naissance et de son accession au pouvoir
  • Épouse et enfants (mentionner le cyclope Polyphème en vue d’une activité ultérieure)

ACTIVITÉ 2
Comparaison de plusieurs représentations de Neptune pour repérer les attributs

  • Piste 1 : le professeur fournit plusieurs mosaïques
Triomphe de Neptune, debout sur un char tiré par deux chevaux marins
Mosaïque d’Hadrumète (Sousse), milieu du IIIe siècle ap. J.-C. Musée archéologique de Sousse.
Neptune et Amphitrite
Mosaïque découverte à Cirta (Constantine en Algérie), IVe siècle ap. J.-C., Musée du Louvre.
© 2016 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Hervé Lewandowski https://collections.louvre.fr/ark :/53355/cl010303132
  • Piste 2 : activité « cherche et trouve » parmi les vases des collections du Louvre
     Présentation du site https://collections.louvre.fr/ et de l’outil de recherche
     Clés pour lire les notices
     Prolongement : distinction vases à figures noires / vases à figures rouges

2- Se représenter la violence de Neptune / Poséidon

ACTIVITÉ 1
Le professeur fait appel aux souvenirs de lecture de l’Odyssée : pourquoi Ulysse erre-t-il pendant 10 ans sur la mer ? (vengeance du dieu suite à une offense, l’aveuglement de Polyphème)

ACTIVITÉ 2
Lecture du récit d’une tempête dans l’Odyssée, V, 291-296.

En parlant ainsi, il rassemble les nuages, bouleverse les mers, et, prenant en main son trident redoutable, il déchaîne les tempêtes qui naissent de tous les vents opposés ; sous d’épais nuages il enveloppe à la fois et la terre et les eaux, et la nuit sombre descend des vastes régions célestes. Au même instant se précipitent avec fureur l’Eurus, le Notus, le violent Zéphyr, et le Borée glacial, soulevant et roulant des flots immenses. [1]




ACTIVITÉ 3
Lecture de l’épisode relatant le déclenchement du déluge : Ovide, Les Métamorphoses, livre I, vers 274 à 305
Objectif : repérage des champs lexicaux de l’eau et de la violence

Mais la colère de Jupiter n’est pas encore satisfaite ; Neptune son frère vient lui prêter le secours de ses ondes ; il convoque les dieux des fleuves, et, dès qu’ils sont entrés dans son palais : « Maintenant, dit-il, de longs discours seraient inutiles. Employez vos forces réunies ; il le faut : ouvrez vos sources, et, brisant les digues qui vous arrêtent,[1,280] abandonnez vos ondes à toute leur fureur ». Il ordonne : les fleuves partent, et désormais sans frein, et d’un cours impétueux, ils roulent dans l’océan. Neptune lui-même frappe la terre de son trident ; elle en est ébranlée, et les eaux s’échappent de ses antres profonds. Les fleuves franchissent leurs rivages, et se débordant dans les campagnes, ils entraînent, ensemble confondus, les arbres et les troupeaux, les hommes et les maisons, les temples et les dieux. Si quelque édifice résiste à la fureur des flots, [1,290] les flots s’élèvent au-dessus de sa tête, et les plus hautes tours sont ensevelies dans des gouffres profonds. Déjà la terre ne se distinguait plus de l’océan : tout était mer, et la mer n’avait point de rivages. L’un cherche un asile sur un roc escarpé, l’autre se jette dans un esquif, et promène la rame où naguère il avait conduit la charrue : celui-ci navigue sur les moissons, ou sur des toits submergés ; celui-là trouve des poissons sur le faîte des ormeaux ; un autre jette l’ancre qui s’arrête dans une prairie. Les barques flottent sur les coteaux qui portaient la vigne : [1,300] le phoque pesant se repose sur les monts où paissait la chèvre légère. Les Néréides s’étonnent de voir, sous les ondes, des bois, des villes et des palais. Les dauphins habitent les forêts, ébranlent le tronc des chênes, et bondissent sur leurs cimes. Le loup, négligeant sa proie, nage au milieu des brebis ; le lion farouche et le tigre flottent sur l’onde : la force du sanglier, égale à la foudre, ne lui est d’aucun secours ;


3- L’offrande à Neptune comme rite apotropaïque

ACTIVITÉ 1
Recherche sur l’adjectif apotropaïque (étymologie + définition)

ACTIVITÉ 2
Illustration de l’exemple proposé par l’article du Dictionnaire de l’Académie française en montrant des représentations de navires antiques sur lesquels est représenté l’œil apotropaïque.

PROLONGEMENT POSSIBLE
Recherche lexicale autour des mots ὀφθαλμός et oculus



II. Les dauphins et autres créatures marines

A. Explication

Durant le Vendée Globe, les skippers côtoient un certain nombre d’animaux, notamment des baleines et des dauphins qui suivent parfois les bateaux.

B. Proposition de pistes pédagogiques

1- L’origine des dauphins

ACTIVITÉ 1
Lecture de l’épisode dans lequel Dionysos / Bacchus transforme les pirates en dauphins : [Ovide, Les Métamorphoses, livre III, vers 660-691
Objectif : repérage du champ lexical du corps, des verbes de transformation

Le vaisseau s’arrête au milieu des flots, comme s’il eût été à sec sur le rivage. Les nautoniers surpris continuent d’agiter leurs rames. Toutes les voiles sont déployées. Inutiles efforts ! le lierre serpente sur l’aviron, l’embrasse de ses nœuds et le rend inutile ; ses grappes d’azur pendent aux voiles appesanties. Alors Bacchus se montre le front couronné de raisins : il agite un javelot que le pampre environne ; autour de lui couchés, simulacres terribles, paraissent des lynx, des tigres, et d’affreux léopards.
[670] Soudain, frappés de vertige, ou saisis de terreur, les nautoniers s’élancent dans les flots. Médon est le premier dont le corps resserre en arc, se recourbe, et noircit sous l’écaille : Quel prodige te transforme en poisson, lui criait Lycabas ? et déjà la bouche de Lycabas ouverte s’élargissait sous de larges naseaux. Lybis veut de sa main agiter la rame qui résiste, et sa main se retirant, en nageoire est changée. Un autre veut du lierre débarrasser les cordages, mais il n’a plus de bras, il tombe dans les flots, et les sillonne de sa queue en croissant terminée. On les voit tous dans la mer bondissant : de leurs naseaux l’eau jaillit élancée ; ils se plongent dans l’élément liquide, reparaissent à sa surface, se replongent encore, nagent en troupe, jouent ensemble, meuvent leurs corps agiles, aspirent l’onde et la rejettent dans les airs.
De vingt que nous étions je restais seul, pâle, glacé, tremblant. Le dieu me rassure à peine par ces mots : « Cesse de craindre, et prends la route de Naxos ». J’obéis ; et arrivé dans cette île, je m’empresse aux autels de Bacchus, et j’embrasse ses mystères sacrés".




ACTIVITÉ 2
Le professeur propose une ou plusieurs représentations iconographiques représentant cet épisode et demande aux élèves de légender une de ces œuvres avec des passages extraits du texte d’Ovide.

  • Hydrie étrusque à figures noires

    Hydrie étrusque à figures noires attribuée au peintre de Micali
    Vers 510-500 av.J.-C.
    Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia, Rome.
    Photographie de Sophie Pérard

2- Autres créatures marines de la mythologie

Réactivation des connaissances sur les créatures marines de la mythologie : les Sirènes, Charybde et Scylla, les Néréides, Triton

ACTIVITÉ 1
En groupe, recherche sur l’origine d’une de ces créatures et rédaction d’une devinette axée sur la métamorphose ou la description de la créature

ACTIVITÉ 2
Réflexion sur la dimension symbolique de la plupart de ces créatures


[1Traduction Eugène Bastier (1842), publiée sur le site de Ph. Remacle

Dans la même rubrique