Zola. Le Roman expérimental

, par PLAISANT-SOLER Estelle, Lycée Saint-Exupéry, Mantes-la-Jolie

Décrire n’est plus notre but ; nous voulons simplement compléter et déterminer. Par exemple, le zoologiste qui, en parlant d’un insecte particulier, se trouverait forcé d’étudier longuement la plante sur laquelle vit cet insecte, dont il tire son être, jusqu’à sa forme et sa couleur, ferait bien une description ; mais cette description entrerait dans l’analyse même de l’insecte, il y aurait là une nécessité de savant, et non un exercice de peintre. Cela revient à dire que nous ne décrivons plus pour décrire, par un caprice et un plaisir de rhétoricien. Nous estimons que l’homme ne peut être séparé de son milieu, qu’il est complété par son vêtement, par sa maison, par sa ville, par sa province ; et, dès lors, nous ne noterons pas un seul phénomène de son cerveau ou de son cœur, sans e chercher les causes ou le contrecoup dans le milieu. De là ce qu’on appelle nos éternelles descriptions.

Nous avons fait à la nature, au vaste monde, une place tout aussi large qu’à l’homme. Nous n’admettons pas que l’homme seul existe et que seul il importe, persuadés au contraire qu’il est un simple résultat, et que, pour avoir le drame humain réel et complet, il faut le demander à tout ce qui est. Je sais bien que ceci remue les philosophies. C’est pourquoi nous nous plaçons au point de vue scientifique, à ce point de vue de l’observation et de l’expérimentation, qui nous donne à l’heure actuelle les plus grandes certitudes possibles.

On ne peut s’habituer à ces idées, parce qu’elles froissent notre rhétorique séculaire. Vouloir introduire la méthode scientifique dans la littérature paraît d’un ignorant, d’un vaniteux et d’un barbare. Eh ! bon Dieu ! ce n’est pas nous qui introduisons cette méthode ; elle s’y est très bien introduite toute seule, et le mouvement continuerait, même si l’on voulait l’enrayer. Nous ne faisons que constater ce qui a lieu dans nos lettres modernes. Le personnage n’y est plus une abstraction psychologique, voilà ce que tout le monde peut coir. Le personnage y est devenu un produit de l’air et du sol, comme la plante ; c’est la conception scientifique. Dès ce moment, le psychologue doit se doubler d’un observateur et d’un expérimentateur, s’il veut expliquer nettement les mouvements de l’âme. Nous cessons d’être dans les grâces littéraires d’une description en beau style ; nous sommes dans l’étude exacte du milieu, dans la constatation des états du monde extérieur qui correspondent aux états intérieurs des personnages.

Je définirai donc la description : un état du milieu qui détermine et complète l’homme.

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