L’oral du lecteur

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

L’article L’oral du lecteur a été proposé dans le cadre du PNF, le Rendez-vous des Lettres 2021, qui avait cette année pour thématique « Lire et faire lire des œuvres littéraires complexes ».
L’article peut être téléchargé au format .pdf sur Éduscol : https://eduscol.education.fr/document/11648/download

Propos liminaire

Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au temps des vacances, qu’on allait cacher successivement dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile. Le matin, en rentrant du parc, quand tout le monde était parti faire une promenade, je me glissais dans la salle à manger, où, jusqu’à l’heure encore lointaine du déjeuner, personne n’entrerait que la vieille Félicie relativement silencieuse, et où je n’aurais pour compagnons, très respectueux de la lecture, que les assiettes peintes accrochées au mur, le calendrier dont la feuille de la veille avait été fraîchement arrachée, la pendule et le feu qui parlent sans demander qu’on leur réponde et dont les doux propos vides de sens ne viennent pas, comme les paroles des hommes, en substituer un différent à celui des mots que vous lisez. [1]

Il y a comme un paradoxe à parler d’« oral du lecteur » tant la lecture est communément perçue, à l’instar de ce court extrait de « Journées de lecture », comme une expérience solitaire, silencieuse, intime, presque secrète, une expérience propice à la retraite en soi, au refuge intérieur, au déploiement privé des émotions et des pensées, une expérience oublieuse du dehors. La lecture, semble-t-il, au premier abord, se tait plutôt qu’elle ne se dit.
Cependant, à bien y penser, à écouter le monde à l’entour, à tendre l’oreille, on entend très distinctement, d’hier à aujourd’hui, bruire d’innombrables voix de lecteurs.
Dans son Éloge de la lecture, Michèle Petit  [2] capte, retranscrit, réunit quelques-uns de ces témoignages de lecteurs, auteurs connus ou simples anonymes, issus de différentes générations, de milieux socio-culturels variés, d’origines géographiques diverses. Elle nous donne à entendre Pierre, par exemple, viticulteur d’une soixantaine d’années :

Mon grand-père me lisait Le Tour de la France par deux enfants. C’était une grande cheminée, je ne sais même pas s’il y avait l’électricité, et après le repas du soir ma grand-mère mettait une casserole avec du vin, et du thym, elle faisait bouillir ça. Avec du miel. Et il nous racontait. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que j’étais jeune, mais il lisait « bien », on le vivait ce truc-là à mesure qu’il le racontait, vous savez. […] À mesure qu’on faisait le tour de France, c’est drôle, on le voyait... [3]

Des siècles passés nous parviennent aussi des propos de lecteurs. Ainsi, dans une lettre à sa fille, datée du mercredi 16 mars 1672, Madame de Sévigné écrit, sur le ton de la conversation mondaine, différée par la relation épistolaire :

Je suis au désespoir que vous ayez eu Bajazet par d’autres que par moi […]. Vous avez jugé très juste et très bien de Bajazet, et vous aurez vu comme je suis de votre avis. Je voulais vous envoyer la Champmeslé pour vous réchauffer la pièce. Le personnage de Bajazet est glacé ; les mœurs des Turcs y sont mal observées, ils ne font point tant de façons pour se marier ; le dénouement n’est point bien préparé ; on n’entre point dans les raisons de cette grande tuerie : il y a pourtant des choses agréables, mais rien de parfaitement beau, rien qui enlève, point ces tirades de Corneille qui font frissonner. […] [4]

Mille voix dessinent le paysage impressionniste des paroles de lecteur : Michel Tournier évoquant les œuvres qui l’ont façonné enfant [5] , deux inconnu(e)s qui se rencontrent autour d’un même livre dans une minuscule librairie ou sur le banc d’un parc, l’animateur d’une émission radiophonique littéraire et culturelle qui partage à l’antenne ses dernières découvertes, un père ou une mère qui extrait un ouvrage de la bibliothèque familiale pour le tendre à son enfant… Souvenirs de fragments de textes que l’on récite à un ami le long d’un chemin, débat interprétatif dans un cercle de lecture de quartier, bric-à-brac de citations égrainées lors d’un dîner, résumés rapides du bibliothécaire à l’indécis qui cherche un roman, relations d’impressions de lecture, associations d’idées, recompositions et détournements du sens, explicitations des effets de la lecture, les paroles de lecteurs peuplent des lieux convenus ou insolites, s’incarnent dans de multiples postures, se coulent dans des genres et des conduites discursives variés. Toutes ou presque manifestent le cheminement singulier d’un « sujet lecteur » qui s’approprie une œuvre, qui l’incorpore, qui la reconfigure pour la faire sienne – et pour la faire soi. Toutes ou presque révèlent quelque chose de l’épanouissement ou de la construction de soi dans et par la rencontre des textes littéraires.

L’école [6], qui œuvre à la fois au développement des compétences du lecteur autonome et à la formation humaniste de la personne et du citoyen, cherche, de manière particulièrement accrue depuis une dizaine d’années, à favoriser l’expression et l’émancipation de l’élève comme « sujet lecteur ». Dans les pratiques pédagogiques, l’infusion progressive de la notion de « sujet lecteur » se traduit par une attention plus grande portée à la réception de l’élève et à l’appropriation des lectures par leur mise en mots [7].
Pour donner corps et voix aux rencontres singulières avec les textes dans leurs classes, les enseignants recueillent les « impressions de lecture », organisent des débats de compréhension ou d’interprétation, proposent des écrits d’appropriation et initient à la tenue du carnet de lecture. Dans cet éventail de possibles pour faire sourdre la voix de l’élève cherchant à donner consistance à sa relation particulière au texte, peut-être restait-il une lame encore trop peu dépliée : l’expression authentique d’une parole de lecteur, certes nourrie par le contexte scolaire mais sans y être assujettie. Une parole spontanée, que l’école laisserait éclore, qu’elle capterait, qu’elle informerait progressivement avant de la rendre, augmentée, à la sphère de l’intime et à sa liberté première. Cet apprentissage scolaire de l’oral au service de l’appropriation des textes, apprentissage qui vise, plus loin que lui, le déploiement d’une parole subjective assumée et chargée de sens, c’est ce que nous nommons dans cet article « l’oral du lecteur ».

Cet oral serait, par analogie, le pendant parlé du carnet de lecteur :

  • Il s’enracinerait dans le mouvement intérieur déclenché par la lecture d’une œuvre élue.
  • Il s’apparenterait à une tentative personnelle de rendre dicible et compréhensible la relation de l’œuvre à soi.
  • Il serait aussi, le cas échéant, un moyen de mesurer la distance qui nous sépare d’une œuvre étrange et éloignée, l’irruption de l’absolue altérité dans nos pensées.
  • Il se manifesterait dans une mise en mots résolument libre et créative qui, dans sa forme même, témoignerait de la singularité de l’expérience de lecture vécue.

Il serait d’ailleurs plus juste d’évoquer non pas l’oral du lecteur mais les oraux du lecteur, essais multiples, jamais figés, pour dire l’appropriation progressive du texte, propos vivaces en quête de sens et sans cesse en devenir.
L’oral du lecteur recouvrirait tous les moments accordés par l’école à l’éclosion spontanée de la voix du lecteur et à son éducation. Il concourrait à la formation d’un lector loquax, un lecteur « amateur éclairé » qui habiterait pleinement et authentiquement son propos quand il parlerait des livres qu’il a lus, un lecteur dont le discours surgirait naturellement et en prolongement de la fréquentation intime de l’œuvre.

Tel qu’il vient d’être défini, l’oral du lecteur est désormais le projet de la seconde partie de l’épreuve orale anticipée de français, cette partie portant sur la présentation libre d’une œuvre choisie pour témoigner d’une lecture subjective et de l’appropriation d’un texte littéraire. Inscrire l’oral du lecteur au cœur d’une épreuve académique, institutionnalisée, est une disposition à double tranchant. Elle présente l’avantage d’installer une dynamique incitative à la réflexion didactique (didactique de la littérature et de l’oral) et au renouvellement des pratiques dans les classes. Mais elle tend également au risque de l’instauration de nouveaux carcans méthodologiques conçus par les enseignants dans l’espoir de sécuriser leurs élèves en vue de cette nouvelle épreuve et de les faire réussir.

Dès lors, plusieurs questions se posent autour de l’oral du lecteur :

  • Comment parler de ces livres que l’on a lus, sans s’en tenir à l’expression d’une simple opinion, certes sincère et spontanée, mais qui prend le risque d’ignorer les codes herméneutiques fixés par une œuvre singulière ?
  • Comment, inversement, mettre en mots son expérience de lecteur et ne pas réduire cette démarche d’appropriation au simple exercice de la récitation d’une parole dont on n’est pas à l’origine et dans laquelle on se réfugie ?
  • Comment former les élèves à prendre la parole sur une œuvre sans contraindre et assécher leur propos par un appareil scientifique et méthodologique qui oblitérerait leur subjectivité et par là-même leur sensibilité ?
  • Conjointement comment inventer, imaginer tous ensemble cette nouvelle épreuve pour rendre possible l’épiphanie d’une parole ancrée dans une rencontre singulière avec un texte ?
  • Plus largement, comment accompagner l’émergence du lecteur « d’après l’examen », du lector loquax qui continuera de cheminer avec les textes et de parler littérature ?

Daphné Jacamon, professeure et formatrice dans l’académie de Versailles, apporte une réponse concrète à ces questions dans la proposition pédagogique qui suit. L’expérimentation qu’elle a menée autour de « l’oral du lecteur » [8] tente d’aider l’élève, ce jeune lecteur en formation, à développer les capacités nécessaires pour présenter une œuvre à l’oral, dans un espace scolaire d’abord, mais, aussi et peut-être surtout, dans un espace intime et social. Ce projet est mis en œuvre, depuis deux ans, en classes générales et technologiques, de seconde comme de première, et s’appuie sur le modèle théorique développé par Joachim Dolz et Bernard Schneuwly dans leur ouvrage Pour un enseignement de l’oral, initiation aux genres formels à l’école [9].

1. Un modèle didactique

Un modèle didactique à l’origine de l’expérimentation « l’oral du lecteur »

S’approprier une œuvre, la faire sienne, au point d’être capable d’en parler « avec aisance, justesse et rigueur » sans céder à la tentation d’un psittacisme scolaire et desséchant, en éprouver « à l’intérieur de (soi) ces formes comme des forces, comme des directions possibles de (sa) vie mentale, morale et pratique » [10] telle est l’une des finalités de l’enseignement de la littérature. Cet enseignement trouve son point d’orgue dans l’épreuve des EAF, mais s’échelonne tout au long de la scolarité où l’élève apprend à transmettre son expérience de lecteur : sortir du silence de la lecture, intérieure et intime, saisir par une première mise en voix de sa réception quelle est sa part d’interprétation, devenir un lector loquax, accroître sa capacité à dire mais aussi à accueillir la parole d’autrui, développer le désir d’appartenir à une communauté de lecteurs.
Former à la lecture littéraire par l’oral, par l’élaboration progressive d’un discours qui permet à l’élève d’opérer un va-et-vient dialectique entre distanciation et participation [11], demande de faire surgir la parole fragile – maladroite peut-être mais authentique, informelle car encore inexpérimentée – de l’élève, qui laisse entendre un premier seuil de compréhension et d’appropriation de l’œuvre.
S’appuyer sur le surgissement de cette parole première, pour en accompagner le déplacement, nécessite ensuite la mise en œuvre d’un modèle didactique propre à l’enseignement de l’oral, capable tout autant de libérer la parole de l’élève que de structurer son discours sur l’œuvre. Dans leur ouvrage, Pour un enseignement de l’oral [12], Joachim Dolz et Bernard Schneuwly proposent de modéliser toute séquence d’enseignement de l’oral selon une démarche [13] dont on peut s’inspirer pour structurer la mise en œuvre didactique de l’expérimentation « l’oral du lecteur ».

Proposition d’un modèle didactique inspiré des travaux de Joachim Dolz et Bernard Schneuwly
  • Point de départ : un « oral premier »
    Ce modèle prend comme point de départ de toute séquence la parole de l’élève confrontée immédiatement aux obstacles d’un exercice qui vise à présenter une œuvre et rendre compte de sa lecture. Cet « oral premier » [14], si l’on peut dire, qui suit la lecture de l’œuvre, permet d’identifier les points de force et d’appui, mais aussi les fragilités de l’élève, et de les lui expliciter. Il offre la possibilité d’un diagnostic de grain fin qui oriente le choix des propositions pédagogiques de l’enseignant.
  • Un parcours d’apprentissage organisé en modules
    L’enseignant organise ses propositions pédagogiques en parcours d’apprentissage, sous forme de modules.
    Conscient des obstacles qui se présentent à lui, l’élève profite alors de ces modules pour exercer, approfondir, consolider, enrichir telle ou telle dimension de cet oral premier.
  • L’ oral second
    À l’issue de ce travail, l’élève est en mesure de présenter à nouveau sa lecture de l’œuvre et d’apprécier lui-même quels savoirs et savoir-faire il a pu acquérir au cours de la séquence. L’évaluation prend en compte non pas seulement « l’oral second », mais l’évolution que l’on perçoit entre les deux oraux élaborés au cours de la séquence, fruit des choix effectués parmi les modules proposés.

Joachim Dolz et Bernard Schneuwly commentent ainsi la cohérence de leur démarche :

La séquence suit donc un mouvement que l’on pourrait décrire comme allant du complexe au simple, c’est-à-dire de la production initiale lors de laquelle les élèves sont impliqués dans une activité langagière avec ses multiples facettes, au simple travail pas à pas des dimensions essentielles du genre en fonction des problèmes rencontrés par les élèves dans la réalisation de l’activité. Pour finir, du simple au complexe lorsque l’élève se confronte à nouveau au résultat final.

C’est donc ce modèle que nous avons cherché à articuler avec les exigences d’une didactique de la littérature pour développer les compétences orales d’un sujet lecteur critique et autonome.

2. Au service de la formation du lector loquax

2.1 Élaborer et analyser son oral premier

Dans le cadre de l’expérimentation « l’oral du lecteur », on demande donc aux élèves de procéder à une première lecture de l’œuvre et de mettre spontanément en mots leur réception d’un texte, dont la découverte s’est faite librement, sans consigne particulière, sinon celle de noter dans un carnet de lecture les réflexions plus ou moins structurées nées de ce premier contact avec l’œuvre. Ces notes écrites ont d’abord une fonction mémorielle, elles visent à conserver la trace des pensées qui ont surgi au moment de la lecture : toutes réflexions, interrogations, associations libres, peuvent être annotées sur le carnet ou, pourquoi pas, enregistrées spontanément. Cette proposition d’écriture ou de commentaire oral n’est pourtant pas une étape obligatoire : certains élèves peinent en effet à varier leur posture de lecture, à passer selon la terminologie de Michel Picard [15], du « lu » au « lectant », d’une posture qui s’abandonne aux émotions d’un texte à celle qui fait entrer dans le jeu de la réflexion. On laisse ainsi l’élève libre aussi de ne rien noter, de s’en tenir à l’impression générale que lui laisse sa lecture, une fois le livre refermé.

On invite ensuite chaque élève à enregistrer un premier oral à partir de ses notes ou de son impression, à réaliser une « première production » d’une durée de quelques minutes en veillant à s’exprimer à la première personne du singulier.
Voici à titre d’exemple deux oraux enregistrés par des élèves de seconde à l’issue de leur lecture de l’œuvre d’Annie Ernaux, Regarde les lumières mon amour (2014).

  • Exemple 1 – Mathieu – oral premier
    https://monnuage.ac-versailles.fr/s/sTRMdRJc3yEn6Bq
    On remarque dans ce premier oral toute la difficulté de l’élève à s’approprier les codes d’un exercice nouveau pour lui. Il semblerait que l’élève soit mis en difficulté par le genre même du livre, sa dimension réaliste, réflexive et autobiographique. Il s’agit tout autant d’un problème lié au rapport que le lecteur entretient avec le texte que d’une difficulté à prendre en compte le contexte de production de l’œuvre. Cet oral traduit la représentation étroite que l’élève se fait du texte littéraire et des thématiques qu’il pourrait aborder. Mais il révèle aussi des points de force : la sincérité dont l’élève fait preuve traduit son rapport authentique à l’œuvre. Il cherche à justifier son impression en s’appuyant sur un lexique spécifique comme le montre le terme de « fantastique », même s’il semble en avoir une acception erronée, synonyme, semble-t-il pour lui, de « fiction » ou d’« imaginaire ». Il ne s’en tient pas non plus, par ailleurs, à l’expression d’un rejet. Sa réponse s’appuie implicitement sur ses lectures antérieures avec lesquelles l’œuvre entre en décalage et donc d’une certaine façon, en dialogue.
  • Exemple 2 – Jeanne oral premier
    https://monnuage.ac-versailles.fr/s/gyAjtGwwJF4qwaB
    Dans ce second exemple, l’élève est bien plus à l’aise avec l’exercice : elle manifeste une bonne compréhension du texte dans sa logique et prend bien en compte la perception du point de vue critique de l’auteur. Son propos nécessiterait néanmoins d’être davantage développé : il faudrait l’aider à mettre en mots son expérience de lectrice, à argumenter son point de vue, à l’exemplifier, à mettre en perspective le projet d’écriture d’Annie Ernaux pour ne pas se limiter à des expressions comme « une vision mauvaise des supermarchés. » L’élève doit aussi contrôler le débit de sa voix, trop rapide en l’état.

Ces oraux, tous très courts, riches d’interprétations diverses, montrent les points d’appui de chaque élève tout autant qu’ils révèlent les obstacles que la plupart d’entre eux rencontrent lorsqu’ils doivent présenter une œuvre à l’oral. Confrontés, une première fois et sans préparation, à cet exercice, ces jeunes lecteurs mesurent davantage la difficulté d’une épreuve qui ne leur demandait a priori pas d’autre effort que celui de lire un livre. Cette expérience les convainc donc de la nécessité d’entrer dans une démarche d’appropriation en vue de la préparation d’un deuxième oral plus développé, plus réflexif, mieux maîtrisé.

Comme l’analysent Bernard Schneuwly et Joachim Dolz :

Lors de la production initiale, les élèves tentent une première réalisation de l’activité langagière, objet de la séquence, et révèlent ainsi pour eux-mêmes et pour l’enseignant les représentations qu’ils se font de cette activité. L’expérience prouve que les élèves ne sont pas en situation d’échec sur ce premier travail : tous, y compris les plus faibles, sont capables de prendre la parole et de produire un texte correspondant à la situation donnée (…). On n’est pas dans la situation du « tout » ou « rien ». Cette réussite partielle devient même la condition sine qua non de l’enseignement dans la mesure où elle permet de circonscrire les capacités déjà existantes chez l’élève et, par là-même, leurs potentialités. L’élève lui-même prend conscience du chemin à parcourir. (…) La production initiale joue donc le rôle d’un régulateur de séquence, aussi bien pour les élèves que pour l’enseignant. Elle clarifie l’activité, permet de prendre conscience des savoirs et savoir-faire et permet de circonscrire les difficultés. [16]

2.2. S’engager dans une démarche d’appropriation

S’engager dans une démarche d’appropriation grâce au parcours d’apprentissage

L’écoute de ces oraux premiers permet de faire rapidement émerger les principaux besoins des jeunes lecteurs en formation. Ils sont bien sûr variables selon chacun mais peuvent néanmoins s’organiser selon une première catégorisation que l’expérience de chaque œuvre pourra faire évoluer par la suite.

  • Sur le rapport du lecteur à sa lecture : les élèves ne parviennent pas toujours à articuler leur immersion dans l’univers de l’œuvre avec l’objectivation de cette expérience de lecture, de même qu’ils reprennent souvent les valeurs en jeu sans interroger la manière dont le texte en favorise soit l’acceptation, soit la remise en cause.
  • Sur le rapport du lecteur à l’œuvre : comme le montre l’oral de Mathieu présenté dans cet article, les élèves ont du mal à ajuster l’horizon d’attente de leur lecture, surtout s’ils ont pris l’habitude d’une certaine littérature dans leurs années antérieures. L’élève qui attend un événement fantastique dans l’œuvre d’Annie Ernaux s’empêche toute rencontre avec le texte. C’est une difficulté importante à laquelle se heurtent de nombreux élèves à l’entrée du lycée : beaucoup d’entre eux peinent à élargir leur conception de la littérature à d’autres formes que le récit d’aventure ou d’apprentissage. Une autre difficulté apparaît également pour des œuvres plus longues : le propos des élèves peut donner un sentiment de confusion ou d’approximation faute d’appréhender le texte dans son ensemble et de bien s’y repérer. Privés de ces repérages essentiels, certains élèves n’arrivent pas à prendre de la hauteur et se perdent dans des interprétations de détail.
  • Sur le rapport du lecteur à sa culture : la proposition de lecture semble être souvent perçue comme une lecture scolaire, dissociée d’autres expériences esthétiques que font librement les élèves lorsqu’ils vont voir un film au cinéma, qu’ils regardent une photo d’art ou qu’ils écoutent de la musique. Les élèves ne s’autorisent pas à entrer dans une démarche comparative avec leur propre culture pour parler de l’œuvre et de leur expérience de lecture. C’est un mouvement d’appropriation important que celui de faire une place à chaque lecture dans la constitution de sa culture propre.
  • Sur le rapport du lecteur au contexte de production de l’œuvre : l’absence de contextualisation de l’œuvre empêche l’élève de vérifier la pertinence des hypothèses proposées, le conduit à des anachronismes et parfois même à des contresens.
  • Sur le rapport du lecteur à l’exercice oral en lui-même : la performance orale n’est pas toujours aisée pour certains élèves qui ont des difficultés à trouver l’expression juste, l’intonation appropriée, le débit adéquat. Il apparaît nécessaire de travailler la dimension corporelle de l’oral qui doit être mise au service du discours de l’élève.

À partir de ce diagnostic, l’enseignant conçoit un parcours d’apprentissage dont la cohérence interne et externe doit donner aux élèves une bonne vision d’ensemble des critères évalués pour « l’oral second ». Ce parcours s’organise en modules qui rendent explicite(s) une ou plusieurs démarche(s) de travail en lien avec les besoins que l’on a pu identifier. On communique ce parcours directement par l’espace numérique de travail (ENT), sous forme d’un dossier partagé, afin de permettre à l’élève d’organiser ce parcours selon ses besoins propres.

Nulle exigence d’exhaustivité, en effet, dans l’exploration de ce parcours : chaque proposition d’exercice vise à favoriser l’appropriation de l’œuvre selon le principe d’une pédagogie différenciée. Si la prestation orale finale doit bien prendre en compte tous les modules proposés, l’élève est néanmoins libre de construire son propre parcours, d’aborder ces modules dans l’ordre qu’il souhaite et de choisir dans chacun d’eux les activités qui lui semblent les plus à même de le faire progresser. Il apprendra ainsi à défendre sa lecture personnelle, à expliquer et à justifier ses choix, à argumenter, analyser, communiquer son point de vue, à établir des liens entre la lecture littéraire et les autres champs du savoir, l’expérience du monde et la formation de soi, capacités évaluées lors des Épreuves Anticipées de Français.

2.3. Un exemple de parcours

On entend présenter ici un parcours proposé en seconde et en première et donner, à titre d’exemple, les activités conçues pour chaque module associé à la lecture d’une œuvre d’Annie Ernaux, Regarde les Lumières, mon amour. (2014)

  • Module 1 - « Mettre en mots son expérience de lecteur »
    Le module met l’accent sur la réception singulière du texte par l’élève, sa lecture empirique, variant presque à l’infini car dépendante de ce que chacun y projette de lui-même.
    On s’intéresse ici particulièrement à ce que Gérard Langlade et Marie-José Fourtanier nomment « l’activité fictionnalisante » qui peut prendre la forme d’une concrétion imageante et auditive, d’une activité fantasmatique, d’une réaction axiologique, d’une réflexion sur la cohérence mimétique ou d’un impact esthétique [17]. On invite donc les élèves à favoriser les jeux d’association sur le mode du portrait chinois ou à renforcer le processus d’identification. Les questions sont libres, ouvertes, au plus près d’une expérience réelle, variables selon les œuvres proposées. Dans ce premier module, on demande également aux élèves de choisir un passage de quelques lignes, d’en justifier l’intérêt et d’en proposer une lecture expressive. Le texte s’incarne alors dans la voix de l’élève, s’imprime plus facilement dans sa mémoire, bénéficie du grain de sa voix et laisse entendre son interprétation. L’élève participe davantage au texte, se fait énonciateur, cherche et retrouve les tons d’un texte qu’une lecture silencieuse rend parfois sourd à la musicalité d’un style.
    Voici à titre d’exemples, quelques questions posées aux élèves dans ce module, l’élève choisit librement celles qui l’inspirent.
     Exercice du portrait chinois : pour mettre en mots vos sensations de lecteur, je vous invite à réaliser le portrait chinois de cette œuvre : le texte vous semble-t-il lumineux, sombre ? S’il était une couleur, une sensation, un rythme ou tout autre référence qui vous viendrait à l’esprit… ce serait….
     Chercher le mot juste : parmi la liste des adjectifs que vous avez à votre disposition, choisissez-en deux ou trois qui traduisent votre émotion au moment de la lecture. Notez la définition précise de ces trois adjectifs. Faites le même exercice avec des adjectifs qui sont à l’opposé de votre expérience. Expliquez les raisons de votre choix.
     La question de l’œuvre : quelle question souhaiteriez-vous que l’on vous pose sur ce texte ? Pourquoi ?
     Lire et changer d’avis : avez-vous eu l’impression de changer d’avis au cours de votre lecture ?
     Le passage clé : offrez à votre auditeur la lecture du passage de votre choix. Expliquez-lui ce qui retient particulièrement votre attention dans l’extrait choisi.
     Échanger un point de vue : auriez-vous eu les mêmes réactions que la narratrice ? Partagez-vous son point de vue ? Qu’auriez-vous envie de lui répondre lorsqu’elle valorise ou critique les supermarchés ?
  • Module 2 - « Consolider sa connaissance de l’œuvre »
    Le module donne à l’élève des points de repères pour circuler dans l’œuvre et questionner sa signification.
    Dans un premier temps, on invite l’élève à élaborer un premier résumé de l’œuvre, ceci pour lui permettre de clarifier le genre du texte, son cadre spatio-temporel, les principaux thèmes, le point de vue adopté, les effets de structure. Mais cet exercice vise aussi à travailler les inférences du texte et à faire émerger une première vision de l’œuvre. Il est à ce titre très intéressant de proposer aux élèves de confronter entre eux leur résumé afin, d’une part, de lever les premières difficultés de compréhension de l’œuvre, mais aussi et surtout de questionner les liens implicites que le texte soumet à l’interprétation du lecteur.
    Pour investir davantage le lecteur dans cet exercice, on propose aux élèves de pratiquer lorsque cela s’y prête, notamment pour les fictions narratives, ce que Pierre Bayard appelle « la critique interventionniste », une critique « créatrice » qui propose de reconfigurer le récit, « d’en rescénariser des éléments d’intrigue » [18] à partir des attentes, impatiences, déceptions ou frustrations des lecteurs. L’élève prend dès lors conscience que le texte résulte d’une construction et de la dimension démiurgique de l’auteur.
    Dans cette perspective, on propose aux élèves des questions comme :
     Trouvez-vous certains personnages inutiles ?
     Auriez-vous souhaité une autre fin ?
     Auriez-vous préféré que l’histoire soit racontée par un autre personnage ?
     Auriez-vous souhaité sauver un des personnages ?
     Pensez-vous que cette histoire aurait pu se passer à une autre époque ?
  • Module 3 - « Mettre l’œuvre en perspective »
    Le module interroge l’élève sur les liens qu’il peut établir avec une autre œuvre artistique ou une autre discipline. Il l’invite à faire converser les œuvres entre elles, soit dans une perspective diachronique proche de celle adoptée en histoire littéraire, soit de manière plus libre pour l’aider à intégrer cette lecture à la culture qui lui est propre. Dans le cadre de la lecture cursive d’œuvres en première, ce module interroge toujours le lien qui peut se tisser avec l’intitulé du parcours d’étude au programme.
    Voici à titre d’exemples, quelques questions posées aux élèves :
     L’œuvre Regarde les lumières mon amour a été choisie pour favoriser l’interdisciplinarité avec le cours de géographie. Vous avez visionné en classe le film de Stéphane Brizé, La loi du marché (2015). Pensez-vous que l’œuvre d’Annie Ernaux puisse avoir un lien avec ce livre ?
     Avez-vous pensé à un autre livre ou à un film en lisant ce texte ?
     L’une des figures de ce texte évoque-t-elle un personnage que vous connaissez ?
  • Module 4 - « Prendre en compte un contexte d’écriture »
    Le module permet aux élèves de se confronter aux notions d’auteur, de public et de contexte littéraire, économique, social ou politique. Il constitue une introduction plus explicite que dans le module 3 à la notion d’Histoire Littéraire surtout pour les œuvres des siècles passés.
    Voici à titre d’exemples, quelques activités proposées à l’élève :
     Quand l’auteur parle de son œuvre…
    Regardez cette interview d’Annie Ernaux sur France Culture « Dans le caddie d’Annie Ernaux ». Vous pouvez vous en tenir aux 17 premières minutes.
    Vous êtes invités à écouter dans l’ordre de votre choix les sections suivantes :
    • Partie 1 du début à 7’12’’ : l’importance du quotidien.
    • Partie 2 de 7’12’’ à 10’20 : l’hypermarché : un lieu pour nous rendre visibles les uns aux autres.
    • Partie 3 de 10’20 à 17’05’’ : hypermarché et climat social
     Le site Lumni.fr [19] propose également de nombreuses ressources pour introduire un contexte particulier, qu’il soit politique, économique, social ou littéraire.
  • Module 5 - « Travailler son élocution »
    Le module s’intéresse davantage à la maîtrise de l’articulation et du débit de la voix. Ce module plus ludique, repose sur des exercices techniques qui visent à « tonifier » l’articulation et à faciliter le placement de la voix. Pratiqué sur l’ensemble de l’année, il aide l’élève à faire entendre sa voix et met l’accent sur la dimension corporelle de l’oral.
    Voici à titre d’exemples, quelques propositions de travail :
     Travailler son articulation avec des vire-langues, phrases ou séquences de mots comportant des syllabes presque semblables que l’on doit prononcer très vite sans se tromper. Ces groupes de mots difficiles à articuler sont assemblés dans un but ludique pour servir d’exercice d’élocution.
    Tu t’entêtes à tout tenter, tu t’uses et tu te tues à tant t’entêter.
    Un pâtissier qui pâtissait chez un tapissier qui tapissait, demanda un jour au tapissier qui tapissait : vaut-il mieux pâtisser chez un tapissier qui tapisse ou tapisser chez un pâtissier qui pâtisse ?
    Elle est partie avec tonton, ton Taine et ton thon.
    As-tu été à Tahiti ?
     Pratiquer l’exercice du crayon : munissez-vous d’un crayon à papier et placez l’extrémité opposée à la mine entre les dents de devant, bien serrées mais sans crispation. Puis tout en tenant le crayon, le plus possible à l’horizontale, entraînez-vous à prononcer lentement un extrait de votre choix.
     Suivre un programme d’entraînement vocal avec Vocal’iz : application gratuite qui propose une analyse de la voix et un programme d’exercices personnalisés pour chacun.

Comme nous l’avons déjà précisé plus haut, les élèves sont libres de construire leur propre parcours d’appropriation, conseillés par le professeur. Un élève peut, par exemple, choisir d’entrer dans cette démarche par une proposition du module « Prendre en compte un contexte d’écriture » pour se diriger ensuite vers le module « Mettre en mots son expérience de lecteur », puis s’orienter vers le module « Mettre l’œuvre en perspective », avant de revenir vers le module « Approfondir sa connaissance de l’œuvre » à la faveur d’une comparaison entre l’œuvre cinématographique et littéraire, et poursuivre sa réflexion en abordant la deuxième partie de l’interview proposée dans le module « Prendre en compte un contexte d’écriture ». On invite même l’élève à enrichir par de nouvelles propositions chacun de ces modules, à écouter ou lire par exemple d’autres interviews d’un auteur contemporain, à mettre le livre en perspective avec d’autres œuvres artistiques, à expérimenter de nouvelles stratégies pour mettre en mots des impressions de lecture.

2.4. Modules et compétence orale

Ces modules entretiennent chacun un rapport différent avec le développement de la compétence orale :

  • le module 5 - « Travailler son élocution » est un entraînement de l’oral, au service de sa dimension corporelle ;
  • le module 4 - « Prendre en compte un contexte d’écriture » aborde le contexte par l’oral puisqu’il s’appuie sur un travail d’écoute, dimension première de l’oral ;
  • le module 1 - « Mettre en mots son expérience de lecteur » propose de travailler avec l’oral, notamment dans l’exercice de lecture expressive mais également dans la possibilité qu’il offre d’un débat entre les élèves ;
  • l’ensemble des modules, par le travail qu’ils induisent sur le langage, sur sa dimension réflexive et symbolique, créent les ressources lexicales sur lesquelles l’élève pourra s’appuyer pour son oral second. Dans cette dernière perspective, l’écrit devient ici nécessaire au travail oral, comme espace de recherche des éléments de langage que l’élève doit s’approprier pour enrichir et développer son expression personnelle.

Lorsque ces modules sont proposés en accompagnement d’une lecture cursive, ils encouragent l’élève à s’impliquer davantage dans la lecture de l’œuvre et l’engagent à faire preuve d’une plus grande autonomie critique. Dans le cadre de l’étude d’une œuvre intégrale, l’élève travaille librement ses modules au cours de la séquence ; les horizons ouverts par les extraits étudiés en classe lui permettent de questionner sa propre réception du texte et d’enrichir son oral de lecteur.

3. Élaborer l’oral second

À l’issue de ce travail, les élèves enregistrent un deuxième oral qu’ils pourront eux-mêmes comparer à leur première prestation.

  • Mathieu – oral second
    https://monnuage.ac-versailles.fr/s/7BM9cGEBK4eTn5N
    On perçoit dans ce deuxième oral que l’élève a consolidé sa connaissance de l’œuvre en prenant davantage en compte le contexte d’écriture. Même si la référence au film de Stéphane Brizé comporte des erreurs, l’élève parvient à interroger sa conception du supermarché à l’aune de ces deux œuvres.
    L’oral s’est ainsi enrichi sur plusieurs plans : la maîtrise du contenu dans un genre spécifique, celui du journal, la contextualisation et la portée de l’œuvre, sa réception que l’élève partage avec son auditeur.
    Les notions de genre et de réalisme restent problématiques, mais elles pourront faire l’objet d’une reprise, notamment lors du débat qui suit cet exercice.
  • Jeanne – oral second
    https://monnuage.ac-versailles.fr/s/NMQWtdxjMELXiKC
    Dans ce deuxième exemple, l’élève est parvenue à développer son propos : elle s’implique davantage dans la lecture de l’œuvre et propose des exemples pour étayer son discours. Elle montre comment l’œuvre lui a permis de faire évoluer sa perception du monde, signe d’une appropriation réelle du texte. Il lui est encore difficile d’articuler l’œuvre cinématographique au livre d’Annie Ernaux ; les deux œuvres sont encore nettement dissociées dans son oral. Mais, comme pour son camarade, on pourra lui demander de travailler davantage ces correspondances dans le débat entre pairs.

C’est sur ce constat que l’on propose donc de faire évoluer le modèle didactique à l’origine de cette expérimentation et d’intégrer une dimension collective à l’élaboration d’un oral individuel.

4. L’oral en débat pour former des lecteurs critiques et autonomes

Le modèle de Bernard Schneuwly et Joachim Dolz, par les mots mêmes de « production finale », ferme la séquence didactique sur ce deuxième travail. On le comprend aisément pour les genres oraux comme l’interview, la chronique, le guide touristique audio par exemple ; mais dans le cadre de « l’oral de lecteur », cette deuxième production ne constitue pas une fin en soi. L’oral peut et doit encore s’enrichir, le lecteur continue de se déplacer. L’élaboration de ce travail, de cet « oral second », plus maîtrisé, plus réfléchi, capable d’accéder à une dimension symbolique de l’œuvre et du langage, ouvre la voie d’une conversation entre lecteurs qui permet l’expression d’interprétations que chacun a d’abord pu construire pour lui-même.
Le modèle de la séquence didactique intégrerait ainsi une nouvelle phase, celle où la production orale seconde, devenue intermédiaire, entrerait en conversation avec tout ou partie des autres oraux pour donner lieu à l’élaboration d’un troisième oral témoin de ces déplacements opérés par ces formes d’apprentissages nouveaux que deviennent ces conversations.

Le modèle didactique évoluerait de la façon suivante :

Dans une situation de classe traditionnelle, ces conversations pourraient faire l’objet de temps d’échange proposés en groupes par l’enseignant. On aurait ici le plaisir de vivre des échanges incarnés, à bâtons rompus, où « l’organique de la voix indique combien la connaissance est incorporée, combien nous sommes imprégnés dans notre forme de vie par ce que nous disons, imprégnés par ce que nous sous-entendons, par les différentes ellipses de nos raisonnements, par ces petits mots logiques que sont les « et » et les « mais », les « donc », les « ou » etc., petits mots auxquels la conversation restitue toute la polysémie (…) » [20]. La manière singulière dont chacun s’imprègne de l’œuvre encouragerait sa relecture, sa mise en voix, rendrait plus vivante encore cette parole silencieuse qu’est l’écriture.

Mais en ces temps troublés de crise sanitaire, la nécessité de faire cours à distance engage une autre manière de vivre cette conversation. Tous les oraux enregistrés sont mis à disposition des élèves qui choisissent de les écouter à leur rythme, d’évaluer la pertinence des interprétations qu’ils entendent, de reconsidérer leur vision de l’œuvre, de saisir aussi combien le texte peut s’offrir à des lectures plurielles qui interdisent tout discours dogmatique, toute démonstration ou exposition de doctrine. Ces conversations différées leur montrent aussi comment on peut investir le texte d’une lecture subjective légitime dans cette rencontre personnelle que l’on a avec l’œuvre ; elles leur donnent le moyen de comprendre que, parfois, le lecteur parle moins du texte que de lui-même et qu’en ce sens ce qu’il dit du livre ne peut pas vraiment être partagé par d’autres, que la lecture littéraire, comporte toujours deux dimensions, l’une commune à tous les lecteurs parce que déterminée par le texte et l’autre, subjective, empirique, parfois légèrement déformée par sa propre subjectivité. S’il est difficile de dissocier l’une et l’autre dimension dans sa lecture personnelle de l’œuvre, combien il est facile en revanche de le percevoir dans la somme et la confrontation d’une trentaine d’oraux de lecteurs.

Pourrait-on alors considérer ce troisième oral comme une forme de production finale ? Et s’il n’était, lui aussi, qu’un oral intermédiaire, appelé à évoluer encore au moment de l’examen, dans un entretien fécond avec l’examinateur ? Car c’est bien cela finalement que le jury évalue, en dernier ressort, non pas des vérités sur l’œuvre, comme le croient trop souvent les élèves, mais cette capacité à devenir lecteur, à converser sur l’œuvre pour mieux la comprendre, pour ouvrir de nouveaux horizons d’interprétation, pour l’inscrire dans une double histoire, esthétique, celle de l’œuvre elle-même mais aussi personnelle, celle que l’on comprend des années plus tard lorsque l’on relit et perçoit différemment une œuvre de notre histoire passée.

5. Prolongements réflexifs

Trois essais de réponses à des questions entendues

L’expérimentation pédagogique pensée et mise en œuvre par Daphné Jacamon croise des questions vives de la discipline, des enjeux plus larges autour de la didactique de la littérature, enjeux qui se trouvent comme avivés par la perspective de l’enseignement de l’oral du lecteur.


5.1. Postures énonciatives et place de la subjectivité

La question des postures énonciatives de l’élève et de la place de la subjectivité face aux textes littéraires : que faire de la parole de l’élève ?

En classe, pour concilier la réception subjective et l’élaboration d’un propos structuré sur le texte, le professeur de lettres crée des situations de travail qui puissent garantir à la fois l’appropriation des œuvres et l’épaississement du discours de l’élève. Dans ce cheminement pédagogique, la première étape consiste souvent à accueillir les réactions des élèves à la suite d’une lecture première du texte. Qu’elles portent sur les impressions de lecture, les émotions ou sensations ressenties à la découverte d’un texte, les éléments de compréhension ou d’interprétation, l’ouverture de pistes réflexives, les questions proposées aux élèves leur permettent d’explorer et d’exprimer leur réception du texte. Le premier écueil pour le professeur tient alors à l’accueil et à la prise en compte de ces réactions premières. À l’écrit (note d’étonnement, écrit d’appropriation, carnet de lecteur, etc.) ou à l’oral (le plus souvent, de manière chorale), le professeur est confronté à la multitude de ce que le texte suscite chez chacun. Il entend tout à la fois des reformulations pertinentes, d’excellentes intuitions interprétatives, mais aussi ce qui a constitué pendant ses études universitaires des obstacles à l’analyse littéraire : paraphrase, stéréotypes, idées reçues, malentendus, lectures psychologisantes, anachronismes, contresens… Quand il n’a pas affaire à des propos impertinents, voire provocateurs. Par conséquent, que faire de la collecte des remarques spontanées des élèves, que faire de l’expression première de leur subjectivité ?

Il semble que se joue là une éthique de la réception, en lien tout à la fois avec l’épistémologie de la discipline, les enjeux de la formation de l’esprit, la question de la transmission des valeurs à l’école. Hélène Merlin-Kajman a montré qu’il est loin d’être facile d’accueillir certains propos sur les textes et de prendre en compte les réceptions singulières des élèves pour élaborer une situation d’apprentissage pertinente et formatrice. Elle pose les enjeux du recueil des paroles de lecteur à partir d’exemples extrêmes, qui peuvent déstabiliser un professeur, même aguerri. Ainsi cet étudiant qui comprend La Métamorphose de Kafka comme l’illustration d’une logique souveraine : « La société ne peut pas prendre en charge tous les inutiles de la terre… [21] ». Tout enseignant est susceptible de rencontrer de telles situations, dans lesquelles surgissent des lectures inattendues d’œuvres littéraires pourtant canoniques. Certaines sont même devenues des « cas d’école » que les enseignants se transmettent – à juste titre, car elles mettent en scène ce lien intime entre discipline, didactique et éducation. Tel élève s’offusque qu’on lui soumette un texte raciste à la lecture d’un extrait de De l’esprit des lois de Montesquieu ; tel autre, dans une juste provocation, lance à voix haute que Phèdre est une « cougar » ; un autre encore, interrogé sur ce qu’il a compris de la double-pensée dans 1984, ferme son livre rageusement en disant qu’il n’a RIEN compris… Au cœur de cette capacité à accueillir toutes les réactions des élèves, se joue le positionnement du professeur par rapport au texte, au monde de l’élève, au monde de l’école et à l’incarnation de ses valeurs. Ce positionnement s’établit également par la place qu’occupe le professeur pour lequel la littérature est un objet de connaissances et de savoirs à contextualiser dans une histoire littéraire donnée, et par la place de l’élève, novice en formation. Pour reprendre les propos d’Hélène Merlin-Kajman : « Je suis convaincue qu’il faut troubler les certitudes plutôt que les balayer par d’autres certitudes autorisées. Et pour les troubler, accueillir celui qui les prononce et qui, souvent, y tient parce que s’y joue une partie de ses identifications. Car si mon savoir d’enseignante détient quelque autorité, il la tire de l’histoire dialogique de ce savoir (…) [22] ». Il s’agit donc de considérer très sérieusement les réactions des élèves comme les indices incontestables d’une activité de lecteur, indices qui vont permettre d’orienter les apprentissages, de problématiser l’accès au sens, d’arrimer la parole à des savoirs, d’ouvrir des perspectives nouvelles pour permettre à l’élève lecteur de faire évoluer son discours sur l’œuvre.

À titre d’illustration, dans son expérimentation, Daphné Jacamon recueille les premières réactions des élèves avec quatre objectifs :

  • donner une place primordiale à la rencontre subjective avec le texte,
  • réaliser une évaluation précise des acquis et des besoins des élèves pour construire des parcours d’apprentissage modulaires et différenciés,
  • faire un retour personnalisé à chaque élève sur son oral premier et le conseiller sur les modules à choisir,
  • garder mémoire de la première prestation des élèves pour mesurer et leur faire mesurer leur progression ultérieure.
    Daphné Jacamon fait également le choix de collecter et de partager les oraux seconds des élèves pour permettre à chacun d’appréhender sa propre subjectivité en comparaison avec celle des autres et de nourrir, de faire évoluer son discours sur l’œuvre.

5.2. La question de la posture de l’élève dans son énoncé

Quelle place pour le « je » dans l’oral du lecteur ?

Le choix du pronom personnel – ou impersonnel – pour asseoir un discours écrit ou oral sur une œuvre littéraire est une problématique récurrente de l’enseignement des lettres. Dominique Bucheton souligne la présence pérenne de cette question dans les écrits institutionnalisés tout au long du parcours scolaire et universitaire :

Mais que l’on soit élève en cycle 3 ou étudiant en master en train de rédiger son mémoire, l’une des difficultés premières de l’écriture est de s’énoncer comme sujet singulier tout en intégrant, ou en rapportant, les points de vue des autres, les discours entendus ou lus. [23]

Cette problématique de la posture de l’élève dans son énoncé se pose à l’oral dans les mêmes termes qu’à l’écrit : « [En commentant ou en présentant le texte,] puis-je donner mon avis ou pas ? ».

Le travail de l’oral du lecteur dans la perspective de la seconde partie de l’épreuve orale anticipée de français pourrait paraître résoudre cette difficulté : l’utilisation de la première personne est admise de manière consensuelle, et les oraux d’élèves montrent qu’ils l’utilisent spontanément. La présentation de l’œuvre choisie par le candidat inaugure pourtant une toute nouvelle manière de dire « je » dans un oral institutionnalisé. Cet oral du lecteur ne ressemble à aucun autre oral scolaire puisqu’il met en mots une expérience de lecture littéraire, c’est-à-dire qu’il tresse discours savant et discours sur soi rencontrant l’œuvre. Les professeurs de lettres et leurs élèves appréhendent cette tension du « je », parfois ressentie comme une injonction contradictoire à l’approche de l’examen, puisqu’il s’agit d’adopter une voie/voix médiane entre l’expression subjective d’une sensibilité personnelle et le discours académique prétendument attendu sur une œuvre. Le sujet est à réinventer dans cette épreuve.
Dans la démarche proposée ci-dessus, Daphné Jacamon accompagne les élèves dans la construction d’un discours à la fois personnel et informé grâce à l’importance accordée aux oraux des élèves, à la variété des modules proposés, au partage des oraux seconds pour relancer la réflexion. L’expérimentation « l’oral du lecteur » cherche à instaurer une dynamique dialectique entre la parole spontanée des élèves sur une œuvre et des éléments de savoirs, de contexte, de problématisation ; les deux se nourrissent l’un l’autre quand leur trop forte opposition est un danger pour le travail de l’oral du lecteur. Daphné Jacamon met en place des situations de travail qui aident les élèves à étoffer, préciser, cultiver une parole première et spontanée en se fondant sur le lien intime entre lecture, écriture et oral : fréquentation individuelle des textes (variété des approches), lecture à voix haute, lecture de ressources documentaires ou critiques, écoutes de lectures ou de propos de lecteurs, écoute de propos de l’auteur sur son œuvre, écoute réflexive de sa propre parole grâce aux enregistrements que permet le numérique, écoute synchrone ou différée des propositions des autres élèves de la classe.


5.3. La question du genre et de la forme de l’énoncé

Quelles conduites discursives pour l’oral du lecteur ?

Pour aider les élèves à s’engager dans leur propos, et à naviguer entre les deux écueils du prêt-à-dire récité presque par cœur et de l’impressionnisme relâché de la parole quotidienne, il faut sans doute revenir sur les modèles discursifs que l’école accorde et apprend à l’élève pour exprimer le jaillissement d’une interprétation personnelle dans une expression qui puisse faire consensus entre la sphère privée et l’exercice codifié d’une situation d’examen. Pour penser l’exercice nouveau de la présentation d’une œuvre choisie, peut-être faut-il s’inspirer – sans en faire pour autant des modèles – des pratiques existantes en dehors de l’école : émissions littéraires, prises de parole d’écrivains, de journalistes culturels, d’universitaires, cercles de lecteurs, présentation en librairie, journées de promotion de la lecture en bibliothèque, vidéos de « booktubers », etc.

Écoutons par exemple l’écrivain François Mauriac dans une archive de l’INA [24] :

J’appelle une œuvre « habitable » une œuvre de Balzac, ou de Dickens, ou de Proust, dans laquelle j’entre, je sors, voilà. J’ai aujourd’hui…je suis septuagénaire, n’est-ce pas ? et bien, je peux dire que depuis quarante ans, et même depuis cinquante ans, j’habite Balzac, et j’habite Dickens, et j’habite Dostoïevski, et j’habite Tolstoï, vous comprenez ce que je veux dire ? J’y entre et j’en sors tout le temps, moi je prends un Balzac, à chaque instant je prends un Balzac, je prends Proust à chaque instant. (…) Mais par exemple, j’aime profondément Kafka, l’homme Kafka. Mais ses livres, je les ai lus une fois, mais plutôt crever que d’y entrer ! Vous comprenez, je n’ai jamais envie de recommencer un cauchemar ! Moi j’ai une peur terrible des cauchemars…ça ne m’empêche pas d’aimer profondément Kafka ! Son journal : oui. Ses lettres : oui. Tout ce qui est lui : oui. Mais ses romans que j’admire, je ne les ai lus qu’une fois, et je n’y reviendrai jamais, vous comprenez ?

François Mauriac s’avance, hésite, se reprend. Il ne lève pas tous les implicites de son propos, emploie des néologismes, n’est pas immédiatement clair. Il se répète pour préciser sa pensée, a recours parfois à une grammaire de l’oral elliptique, formule des jugements arrêtés sans les expliciter. François Mauriac ne raconte pas, ne résume pas, ne présente pas, n’expose pas, ne décrit pas, n’argumente pas : il structure une expérience de lecteur entre deux grands types d’œuvres, les œuvres « habitables » et celles qui ne le sont pas.

Un autre modèle intéressant à analyser est celui du booktube que les professeurs commencent à intégrer dans leurs pratiques (le plus souvent pour rendre compte des lectures cursives). La posture énonciative y est particulièrement affirmée. Visant juste, l’esthétique de ces vidéos kaléidoscopes exhibe la polyphonie du discours, dans un montage juxtaposant les regards et les approches sur l’œuvre dans un jeu de rôle accéléré : lecture enthousiaste d’un extrait, commentaire critique ou naïf, oral d’intervention dans lequel le booktuber se glisse dans la peau d’un personnage, regard contemporain, approche par association d’idée (« la couleur à laquelle j’ai pensé pendant tout le livre était… »), etc.

Quelles seraient les caractéristiques de ces différents modèles pour penser l’oral du lecteur ? La réponse est aucune si ce n’est l’expression d’une entrée absolument personnelle dans les textes. Ce que les exemples permettent de constater, c’est que la parole du lecteur est singulière au point de se réinventer sans cesse. Aucune méthodologie donc à déduire de ces pratiques. Plutôt l’explicitation de tous les possibles discursifs que l’élève peut explorer (résumer, citer, commenter, décrire, faire des liens, faire des associations d’idée, porter un jugement et le justifier, imaginer à partir de l’œuvre, reconfigurer, etc.) et l’exhortation à une grande liberté pour élaborer une présentation d’œuvre personnelle.

Conclusion et perspectives : portrait du lector loquax

Le portrait du lector loquax idéal comme horizon pour former les élèves

Au terme de cet article, ressaisissons le portrait du lector loquax idéal, sorte d’utopie pour se donner matière à penser la formation des élèves. Le lector loquax accepte de s’exposer : il délivre une parole sensible, qu’il cherche à habiter pleinement ; une parole parfois fragile, moins structurée qu’une trace rédigée, mais porteuse d’une émotion et/ou d’un sens que la voix et le corps catalysent afin de les restituer et de les transmettre autant que les mots. Cependant l’appartenance de l’œuvre à une sphère autre que celle du quotidien éloigne le lector loquax de la simple expression spontanée de son ressenti ou de son interprétation. Le travail s’enclenche alors pour mettre en mots, en pensée articulée, ce qui aurait pu demeurer au stade d’une impression diffuse. De même que la pensée se construit en parlant, le déploiement d’un discours organisé, justifié et sensible, participe dans le temps au développement d’une conscience esthétique indissociable de la construction de soi comme « sujet lecteur », sujet-conteur, sujet-parlant sur et à partir des œuvres découvertes. En ce sens, à des moments déterminés, le lector loquax confronte sa lecture à d’autres horizons que lui-même : réseaux de textes, éléments documentaires, propos et interprétations d’autres lecteurs mis éventuellement en débat, etc. Le lector loquax, en faisant l’expérience de l’autre en soi, se rend davantage intelligible à lui-même : en s’appropriant progressivement de nouveaux savoirs, de nouvelles interprétations, de nouvelles informations, étroitement maillés à sa lecture de l’œuvre, qu’il choisit de retenir ou non, le lector loquax reconfigure sa réception de l’œuvre et par là-même apprend à se connaître mieux lui-même à travers les métamorphoses et les progrès de son discours.

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Notes

[1Marcel Proust, Pastiches et mélanges, « Journées de lecture » (1906), Gallimard, coll. L’imaginaire, n°285, p.
237.

[2Michèle Petit, Éloge de la lecture, La construction de soi, Belin, 2012.

[3Ibid., p. 25.

[4Madame de Sévigné, Lettres, Lettre du mercredi 16 mars 1672.

[6Dans l’article « Sujet lecteur, lecteur modèle/lecteur réel » du Dictionnaire de didactique de la littérature (Honoré Champion, Paris, 2020, p. 106), Gérard Langlade et Annie Rouxel situent l’intervention d’Anne Vibert intitulée « Faire place au sujet lecteur en classe » à l’origine de l’institutionnalisation scolaire de la notion de sujet lecteur. Les recherches sur cette question infusent certaines pratiques de classe depuis le début des années2000.

[7Sur ce point, consulter les propositions pédagogiques de Bénédicte Shawky-Milcent dans son essai La lecture, ça ne sert à rien ! Usages de la littérature au lycée et partout ailleurs (PUF, 2016).

[9Joachim Dolz, Bernard Schneuwly, Pour un enseignement de l’oral, initiation aux genres formels à l’école, ESF
éditeur, 1998.

[10Michèle Petit, Éloge de la lecture, La construction de soi, Belin, 2012.

[11J.-L Dufays, L. Gemenne, D. Ledur, Pour une lecture littéraire – Histoire, théories, pistes pour la classe, Bruxelles, De Boeck, 2005.

[12J. Dolz, B. Schneuwly, Pour un enseignement de l’oral, ESF éditeur, 1998.

[13On présente ici le schéma initial proposé par Bernard Schneuwly et Joachim Dolz dans leur ouvrage Pour un enseignement de l’oral, 1998.

[14On s’appuie ici sur une distinction proposée par Elisabeth Bautier dont rend compte Anne Vibert dans son rapport sur l’oral comme entrée dans un texte littéraire, 2013.

[15Michel Picard La lecture comme jeu –Essai sur la littérature, Editions de Minuit, 1986.

[16B. Schneuwly, J. Dolz, op.cit., p 4.

[17Gérard Langlade et Marie-José Fourtanier, « la question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire » dans E. Fardeau, C. Fisher et alii, La Didactique du français – les voies actuelles de la recherche, Presse universitaire de Laval, 2007.

[18Conférence de Pierre Bayard, « Introduction à la critique interventionniste », 6 avril 2011 : https://vimeo.com/23304541

[19Accessible aux enseignants et à leurs classes par le biais d’éduthèque

[20Ali Benmaklouf, La conversation comme manière de vivre, Albin Michel, 2017.

[21Hélène Merlin-Kajman, Lire dans la gueule du loup, essai sur une zone à défendre, la littérature, Gallimard, coll. « NRF Essais » 2019 : passage au discours direct dans l’œuvre, p. 168.

[22Ibid., p. 172.

[23Dominique Bucheton Refonder l’enseignement de l’écriture, vers des gestes professionnels plus ajustés de la maternelle au lycée, Retz, 2014

[24Voir « François Mauriac et ses lectures », extrait de l’émission « Lectures pour tous » du 06 mai 1959 : https://www.ina.fr/video/I08018847/francois-mauriac-et-ses-lectures-video.html.

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