L’effet-personnage Hybrider, débrider la lecture de La Princesse de Clèves

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

Cet article fait partie du dossier « Hybrider, débrider la lecture de La Princesse de Clèves ».

«  On est partagé sur ce livre-là à se manger  » 
du personnage insaisissable au roman invraisemblable
déceptions, délices et perplexités du lecteur

Le personnage de roman est régulièrement étudié comme fonction, comme signe ou comme effet de lecture. La notion de personnage n’existe certes pas à proprement parler en sémiotique narrative, qui la remplace par celles d’acteur, d’actant ou de rôle thématique ; cette approche vise à dégager le programme narratif du personnage, qui s’apparente selon Greimas à une séquence de quatre phases (manipulation-compétence-performance-sanction). Elle permet ainsi au lecteur de décrypter un parcours romanesque porteur de valeurs, dont le récit dramatise le conflit.

Toutefois le personnage ne se limite pas à son action  ; doté d’un nom et/ou de dénominations, d’un corps, d’un habit, voire d’une psychologie et d’une biographie qui fournissent la matière d’éventuels portraits, le personnage est aussi un signe du récit, qui se caractérise par son importance hiérarchique (statut et valeur). On peut dès lors distinguer des personnages-référentiels (personnages historiques, mythologiques, types), des personnages-embrayeurs (qui renvoient au plan de l’énonciation) ou des personnages-anaphores qui assurent la cohésion et l’unité du récit. Dans cette approche sémiologique, le personnage est ainsi caractérisé par Ph. Hamon comme un «  signifiant discontinu  » renvoyant à un «  signifié  » lui-même «  discontinu  »  : on admet par là que le personnage se constitue à travers les marques éparses du récit et n’accède à une signification ou une valeur définitives qu’à la clôture de celui-ci. On prête dans cette optique une attention particulière à la qualification du personnage (quantité et nature des caractéristiques attribuées), à sa distribution dans l’œuvre (nombre d’apparitions et lieux du récit afférents), à son autonomie et sa fonctionnalité (rôles et importance des actions), aux pré-désignations conventionnelles et aux commentaires explicites dont il peut faire l’objet (le genre du récit ou l’autorité du narrateur peuvent conduire à une évaluation orientée du personnage par le lecteur).

Toutes ces catégories ne sont bien évidemment pas connues ni manipulées en détail par les élèves du secondaire ; toutefois, elles sont loin de leur être totalement étrangères  : ils sont de fait dès le collège très vite initiés à la grammaire narrative de Greimas à travers la notion de schéma actantiel et ils sont souvent invités à décrypter le personnage comme signe en établissant sa carte d’identité à l’intérieur d’un récit. Il parait donc plus particulièrement intéressant d’aborder une troisième approche possible, celle du personnage comme effet de lecture, pour sensibiliser les élèves à la question de la réception et les rendre attentifs aux dispositifs par lesquels un texte oriente la relation du lecteur aux figures romanesques. Sans évincer de la classe le sujet lecteur ni surtout amoindrir les résonances intérieures produites par la lecture du roman, il s’agit de franchir un cran dans l’analyse du personnage avec les élèves, pour leur montrer que l’image qu’ils en ont, les sentiments que le personnage peut leur inspirer (affection ou sympathie, rejet ou même condamnation) sont en réalité très largement construits et orchestrés par le roman lui-même. On envisagera dès lors le personnage comme instrument textuel au service du projet romanesque, comme illusion de personne source de réactions affectives du lecteur et comme prétexte ou support de l’écriture de scènes, puissamment investies par l’imaginaire du lecteur.

Si l’on retient cette démarche pour aborder l’étude en classe de La Princesse de Clèves, l’on est très vite confronté à une forme de résistance ou de frein dans la lecture même du roman de Madame de Lafayette  : le caractère insaisissable du personnage éponyme peut sembler en effet prendre largement en défaut l’effet-personnage que définit Vincent Jouve et mettre à mal l’activité fictionnalisante du lecteur telle que la définit Gérard Langlade. Loin d’éluder ces difficultés liées au traitement du personnage dans La Princesse de Clèves, il est intéressant d’en partager le constat avec les élèves pour les amener à s’interroger sur les dispositifs de lecture du roman, la manière dont ce dernier joue des images et des signes face à la parole, et dont il conjugue plaisir du texte et tragique de la fiction pour enserrer la complexité de notre propre acte de lecture.

Étape 1. Un personnage à distance ?

La Princesse de Clèves, un personnage d’emblée à distance du lecteur ?

Dans cette première phase, on fait émerger les représentations initiales des élèves face à l’héroïne éponyme et l’on s’efforce d’établir l’effet de lecture provoqué par son apparition dans le roman ainsi que la réception du personnage qu’il induit. Ce travail liminaire permet de bâtir un certain nombre d’hypothèses qui vont soutenir la lecture de l’œuvre, et cultiver l’attention des élèves pour appréhender les différentes marques du personnage, en tant que signifiant discontinu.

Lecture partagée

À distance, en asynchrone, travail personnel individuel  :

Lisez les 40 premières pages (du début jusqu’au bal) et résumez en une dizaine de lignes le portrait physique et moral de la Princesse de Clèves qui se dégage de ce début de roman.


À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe 

Partage et lecture de quelques portraits.

On peut aisément imaginer les invariants relevés par la classe :

  • Une apparition anonyme, muette
    «  une beauté à la cour  », «  une beauté parfaite  », «  la grande beauté de Mademoiselle de Chartres  », «  cette nouvelle beauté fut longtemps le sujet de toutes les conversations  »  ;
  • Une distinction sociale «  une des plus grandes héritières de France  »
    et morale «  lui donner de la vertu et la lui rendre aimable  », la vertu comme «  éclat  » et comme «  élévation  » du personnage.
  • Le portrait physique parait sommaire et stéréotypique  :
    «  la blancheur de son teint et ses cheveux blonds  » (Blanchefleur), traits réguliers, visage et personne «  pleins de grâce et de charmes  ».
  • La singularité de cette beauté est toutefois soulignée  : «  un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle  », qui suscite de l’admiration «  dans un lieu où l’on était accoutumé à voir de belles personnes  », de la surprise «  avec raison  », voire de l’étonnement (celui de M. de Clèves dans la scène de rencontre chez le joaillier, celui de la cour au bal).
  • Son «  extrême jeunesse  » (elle est «  dans sa seizième année  ») transparait  : «  sa jeunesse lui faisait croire que c’était une fille  ».

Cette beauté physique pourtant peut sembler en elle-même déceptive puisqu’elle se situe quelque peu en-deçà de celle du duc de Nemours  : «  si quelqu’un lui eût pu être comparable  », «  ce prince était un chef-d’œuvre de la nature  »  ; son attrait suscite l’unanimité quels que soient les sexes  ; arbitre des élégances, il manifeste un sens inné de la galanterie, rayonne par sa valeur, sa douceur et son aura, il est l’incarnation parfaite de cette cour. La rencontre des deux personnages sera toutefois narrée ensuite sur le mode d’une élection réciproque  : «  se voyant souvent, et se voyant l’un et l’autre ce qu’il y avait de plus parfait à la cour, il était difficile qu’ils ne se plussent infiniment  ».

Par ailleurs, le personnage éponyme avant la rencontre avec M. de Nemours semble lisse et impénétrable  : elle reçoit les louanges «  avec une modestie si noble qu’il ne semblait pas qu’elle les entendît ou, du moins, qu’elle en fût touchée  »  ; son époux se plaint de sa froideur  : «  une sorte de bonté qui ne me peut satisfaire  », «  au lieu que la bienséance vous retienne, c’est elle seule qui vous fait faire ce que vous faites. Je ne touche ni votre inclination, ni votre cœur, et ma présence ne vous donne ni de plaisir, ni de trouble  ».

De fait, au début du roman, le personnage semble dans une ignorance totale des distinctions à opérer au sein des sentiments, ce qui la conduit à se conformer sans difficulté à «  ce qui convient  », «  ce qui est commode et utile  », soit aux exigences morales et sociales qui prescrivent de dissimuler ses sentiments aux yeux du monde  ; son «  extrême modestie  » n’est pas feinte mais repose sur un vide puisqu’elle ne connaît aucun sentiment lié à l’amour de l’autre sexe, au-delà de «  l’estime  » et de la «  reconnaissance  »  : «  je ne sais ce que vous pouvez souhaiter au-delà de ce que je fais, et il me semble que la bienséance ne permet pas que j’en fasse davantage  ».

Le mariage conclu avec M. de Clèves n’est pas un mariage d’amour réciproque  ; c’est même un pis-aller auquel se résout la «  glorieuse  » Madame de Chartres, suite à l’échec de l’union avec le fils du duc de Montpensier à laquelle s’est opposée la duchesse de Valentinois. Le Prince de Clèves qui est passé outre le refus paternel initial de ce mariage extirpe certes Mademoiselle de Chartres d’une position délicate à la cour  : «  Personne n’osait plus penser à Mademoiselle de Chartres, par crainte de déplaire au roi ou par la pensée de ne pas réussir auprès d’une personne qui avait espéré un prince du sang  ». Tout en octroyant à M. de Clèves «  de plus grands privilèges  » par la qualité de mari, le mariage ne décille pourtant pas le cœur de l’épouse et tandis qu’il «  avait toujours quelque chose à souhaiter au-delà de sa possession  », rien n’a encore saigné en elle, lui révélant un autre ordre du sentiment.

Conclusion de l’étape 1 : l’effet-personnage

À partir des catégories de Vincent Jouve sur «  l’effet-personnage  ».


L’effet de lecture généré par l’apparition romanesque du personnage éponyme peut induire une réception initiale déceptive :

  • par défaut d’incarnation du personnage principal (peu de détails physiques malgré la proclamation de l’éclat et de la perfection ; un des seuls personnages inventés dans un roman à clefs  ?)  ;
  • par défaut d’expérience et d’intériorité (extrême jeunesse ; pas d’accès à ses pensées)  ;
  • par anticipation d’une intrigue amoureuse stéréotypique et triangulaire (le mari jaloux, la jeune fille qui va s’ouvrir à l’amour, l’amant galant et parfait).

L’effet personnel (anticipation du roman galant) semble à première vue transparent, l’effet-personne en revanche peine à s’installer (pas de vie intérieure du personnage, système de sympathie brouillé) ; si le code narratif du roman nous conduit dans les pas de la voix narrative (par homologie, le lecteur s’identifie à la figure qui occupe dans le récit la même position que lui), le code affectif nous laisse derrière la vitre du personnage (le savoir du lecteur sur la Princesse reste limité, comment se sentir concerné par ce qui lui arrive ?) et le code culturel nous impose une grille de lecture lointaine , tant par les valeurs de la galanterie et de la bienséance qui régissent l’univers social et politique (« L’ambition et la galanterie étaient l’âme de cette cour, et occupaient également les hommes et les femmes ») que par l’éducation à l’idéal de la vertu reçue par la Princesse de Clèves (« Madame de Chartres joignait à la sagesse de sa fille une conduite si exacte pour toutes les bienséances qu’elle achevait de la faire paraître une personne où l’on ne pouvait atteindre ») ; le lecteur peut avoir du mal à imaginer à quel point cette éducation donnera matière à s’opposer aux sortilèges de la découverte de l’amour par la protagoniste.

Prolongement

Devoir de poursuite sous forme de débat interprétatif
Travail de réflexion par groupes à distance, en asynchrone

La suite de votre lecture du roman vous rapproche-t-elle du personnage éponyme  ? Si oui, comment  ? Si non, pourquoi  ?
Donnez trois arguments et trois passages précis à l’appui de votre point de vue. Enregistrez votre réponse (une pour le groupe) sous forme de courte capsule audio à déposer dans le casier de la classe sur l’ENT.



Écoute et évaluation à distance des capsules audio
Courte restitution à chacun des groupes à distance pour expliciter les pistes et obstacles dans l’effet de lecture du personnage que l’on va s’employer à résoudre dans les prochaines séances (explicitation de la dynamique du travail interprétatif à venir).

Ce travail sous forme de devoir de poursuite collaboratif et numérique, doit permettre de dégager plusieurs pistes et obstacles tels que :

  • on s’approche de la Princesse à mesure de la lecture car on accède peu à peu à ses pensées (monologues intérieurs) et son corps parle pour elle (rougeur, embarras, faux pas), il dit sa passion  ;
  • la réception du personnage par le lecteur demeure ambivalente  ; on a pu juger certaines scènes invraisemblables ou admirables : l’aveu au mari notamment, objet de querelle  ;
  • la Princesse en définitive est incompréhensible aux yeux du lecteur à la fin du roman  : pourquoi renoncer à l’amour du duc de Nemours alors qu’elle est libre  ? Le lecteur ne s’en est-il approché que pour mieux s’en éloigner  ? Comment et peut-on comprendre le renoncement  ?

Étape 2. Langage du corps et casuistique amoureuse

Le lecteur entend-il la parole du trouble amoureux ?

Si la bienséance interdit l’expression publique des sentiments, ce que confortent la prudence et l’honnêteté, il s’agit dans ce deuxième temps de voir comment s’exprime dans le roman la parole amoureuse des personnages et d’examiner si cette dernière nous rapproche d’eux.

Enquête à mener dans le roman

À distance, en asynchrone, travail collaboratif par groupes

Observez les échanges entre la Princesse de Clèves et le duc de Nemours lors de leurs rencontres  :
 Ces échanges sont-ils nombreux  ? Longs  ? Quels sont leurs effets  ?
 Les réactions des personnages se manifestent-elles uniquement par les mots  ?
 Comment le lecteur accède-t-il à l’intériorité des deux personnages  ?
Qu’en déduisez-vous sur l’espace de l’échange amoureux laissé aux deux personnages  ?


Partage et confrontation des enquêtes

À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe 

On établit d’abord en collectif que la parole des deux personnages est rare, voire interdite. Les deux amants se parlent à peine avant la grande scène d’aveu final. Quand ils en ont l’occasion, ils sont d’abord comme interdits, saisis par la vue de l’autre et la violence de leur inclination. Leur conversation doit se nouer indirectement, et l’expression médiatisée de la passion affirme l’impossibilité même de son expression réciproque. La voix narrative rapporte, en les modalisant et en les commentant, les débats, délibérations et analyses intimes des personnages  ; quelques monologues intérieurs permettent aussi au lecteur de prendre la mesure de l’égarement et du déchirement suscités par la passion, soulignés par des figures d’antithèse, de juxtaposition, des doubles négations, des superlatifs et comparatifs de supériorité, des questions rhétoriques… [repérage de quelques traits stylistiques récurrents].

On pourra notamment prendre appui avec la classe sur l’extrait de la deuxième partie, qui marque l’échange des amants au retour de la retraite à la campagne de Madame de Clèves consécutive au décès de sa mère, tandis que M. de Nemours laisse s’éloigner le prestige d’une union princière. L’échange entre les deux personnages est déséquilibré, entre la médiation habile et l’esquive  ; l’absence de réponse de la Princesse au discours du duc est l’expression d’un silence plein de paroles, et la voix narrative s’efforce de traduire le flux de cette conscience paradoxale d’un personnage scindé, que la parole de l’autre rend interdit, aphone.

 Il s’assit vis-à-vis d’elle, avec cette crainte et cette timidité que donnent les véritables passions. Il demeura quelque temps sans pouvoir parler. Madame de Clèves n’était pas moins interdite, de sorte qu’ils gardèrent assez longtemps le silence. Enfin M. de Nemours prit la parole et lui fit des compliments sur son affliction  ; Madame de Clèves, étant bien aise de continuer la conversation sur ce sujet, parla assez longtemps de la perte qu’elle avait faite.

Le discours de M.de Nemours emprunte une tournure impersonnelle d’hommage galant, qui, sous couvert de la vérité générale de maximes, exhausse la singularité de leur passion.

 Il y a des personnes à qui on n’ose donner d’autres marques de la passion qu’on a pour elles que par les choses qui ne les regardent point. (…) L’on voudrait qu’elles sussent qu’il n’y a point de beauté, dans quelque rang qu’elle pût être, que l’on ne regardât avec indifférence (…). Les femmes jugent d’ordinaire de la passion qu’on a pour elles, continua-t-il, par le soin qu’on prend de leur plaire et de les chercher (…)  ; ce qui est difficile, c’est de ne s’abandonner pas au plaisir de les suivre (…)  ». «  Madame de Clèves entendait aisément la part qu’elle avait à ces paroles. Il lui semblait qu’elle devait y répondre et ne pas les souffrir. Il lui semblait aussi qu’elle ne devait pas les entendre, ni témoigner qu’elle les prît pour elle. Elle croyait devoir parler et croyait ne devoir rien dire. Le discours de M. de Nemours lui plaisait et l’offensait quasi également (…)  ; elle y trouvait quelque chose de galant et de respectueux, mais aussi quelque chose de hardi et de trop intelligible. (…) Les paroles obscures d’un homme qui plaît donnent plus d’agitation que des déclarations ouvertes d’un homme qui ne plaît pas. Elle demeurait donc sans répondre, et M. de Nemours se fût aperçu de son silence, dont il n’aurait peut-être pas tiré de mauvais présages, si l’arrivée de M. de Clèves n’eût fini la conversation et sa visite .

La parole même indirecte de la passion accule l’autre par son pouvoir de dévoilement  ; ne pas parler pourtant n’enlève rien à l’expression des sentiments, qui passe aussi par le langage du corps, puissant vecteur du trouble des personnages. On confronte les relevés des différents groupes de la classe pour mesurer que l’espace de l’échange amoureux laissé aux deux personnages est en grande partie alimenté et aimanté par le corps de l’autre. Tous auront noté la «  rougeur  » de madame de Clèves à la vue ou à l’évocation de son amant, le «  plaisir sensible  » qu’il ressent de la voir réduite à l’extrémité de l’aveu, la «  pâleur  » aussi du duc de Nemours qui ne reste pas toujours maître de son visage, «  l’embarras  » qu’engendre cet état partagé, sans parler du «  transport  » du duc à la vue de Madame de Clèves au pavillon ou du «  cruel déplaisir  » qui emportera le Prince de Clèves dans la tombe. Les expressions du désordre corporel jalonnent le roman, certains motifs tels que la rougeur sont répétés à satiété, dans une sorte de plaisir de réitération topique.

On pourra notamment prendre appui avec la classe sur l’extrait de la troisième partie, qui marque le secret de l’aveu au mari éventé à la Cour, suite à la confidence imprudente du duc de Nemours au vidame. Cet «  embarras  » est tout à fait considérable à plusieurs titres, les deux protagonistes se trouvant soumis à la fois à l’obstacle et la complication effroyables d’une révélation publique quoiqu’anonyme qui pique la curiosité mondaine, d’une culpabilité individuelle redoublée (avoir pratiqué l’aveu pour l’une, l’avoir rapporté à autrui pour l’autre) et d’une déception au cœur même de la passion (la trahison de Nemours et la révélation de son orgueil, synonymes de décristallisation)  ; ainsi tous deux pour des motifs communs et différents se trouvent dans une confusion inextricable que leur corps trahit.


Madame la Dauphine en présence de la Princesse s’adresse en ces termes au duc  :

Je veux savoir de vous si une histoire que l’on m’a contée est véritable et si vous n’êtes pas celui qui êtes amoureux et aimé d’une femme de la cour qui vous cache sa passion avec soin et qui l’a avouée à son mari.  », «  Le trouble et l’embarras de Mme de Clèves étaient au-delà de tout ce que l’on peut s’imaginer, et, si la mort se fût présentée pour la tirer de cet état, elle l’aurait trouvée agréable. Mais M. de Nemours était encore plus embarrassé, s’il est possible. Le discours de Mme la Dauphine, dont il avait lieu de croire qu’il n’était pas haï, en présence de Mme de Clèves, qui était la personne de la cour en qui elle avait le plus de confiance, et qui en avait aussi le plus en elle, lui donnait une si grande confusion de pensées bizarres qu’il lui fut impossible d’être maître de son visage. L’embarras où il voyait Mme de Clèves par sa faute, et la pensée du juste sujet qu’il lui donnait de le haïr, lui causa un saisissement qui ne lui permit pas de répondre.


Si M. de Nemours parvient ensuite à recomposer son visage et à tenter de donner le change, la lutte de Mme de Clèves pour dissimuler son effroi et donner à entendre le caractère fabuleux de l’aveu n’en est pas moins âpre, comme en témoigne sa maladroite sortie  ; si la parole ne s’assortit de nul lapsus, c’est le corps qui s’affaisse, échappe, parle pour elle  :

 Madame de Clèves ne fit pas semblant d’entendre M. de Nemours  ; elle le quitta sans le regarder, et se mit à suivre le roi qui venait d’entrer. Comme il y avait beaucoup de monde, elle s’embarrassa dans sa robe et fit un faux pas  : elle se servit de ce prétexte pour sortir d’un lieu où elle n’avait pas la force de demeurer et, feignant de ne pouvoir se soutenir, elle s’en alla chez elle .

Relire la scène de l’aveu

À distance, en asynchrone, travail personnel individuel 

Relire la scène de l’aveu au mari, et les documents relatifs à la polémique que ce passage a pu susciter.


CORPUS
Autour de la réception de la scène d’aveu  : une question galante et une polémique.

 La question galante proposée aux lecteurs du Mercure galant  [1] (avril 1678)

Je demande si une femme de vertu, qui a toute l’estime possible pour un Mary parfaitement honneste homme, et qui ne laisse pas d’estre combatüe pour un Amant d’une tres-forte passion qu’elle tâche d’étouffer par toutes sortes de moyens ; je demande, dis-je, si cette Femme, voulant se retirer dans un lieu où elle ne soit point exposée à la veüe de cet Amant qu’elle sçait qu’elle aime sans qu’il sçache qu’il est aimé d’elle, et ne pouvant obliger son Mary de consentir à cette retraite sans luy découvrir ce qu’elle sent pour l’amant qu’elle cherche à fuir, fait mieux de faire confidence de cette passion à son Mary, que de la taire au péril des combats qu’elle sera continuellement obligée de rendre par les indispensables occasions de voir cet Amant, dont elle n’a aucun moyen de s’éloigner que celuy de la confidence dont il s’agit. [2]


Consulter la lettre XIII de L’Extraordinaire du Mercure Galant 


 Lettre du comte de Bussy-Rabutin à sa cousine Madame de Sévigné (le 29 juin 1678) 

J’ai trouvé la première partie admirable ; la seconde ne m’a pas paru de même. [...] l’aveu de Madame de Clèves est extravagant, et ne peut se dire que dans une histoire véritable ; mais quand on en fait une à plaisir, il est ridicule de donner à son héroïne un sentiment si extraordinaire. L’auteur, en le faisant, a plus songé à ne pas ressembler aux autres romans qu’à suivre le bon sens. Une femme dit rarement à son mari qu’on est amoureux d’elle, mais jamais qu’elle a de l’amour pour un autre que lui [...]. La première aventure des jardins de Coulommiers n’est pas vraisemblable et sent le roman. [3]

 Lettre de Fontenelle au Mercure galant (mai 1678)

 Nous voici à ce trait si nouveau et si singulier, qui est l’aveu que Madame de Clèves fait à son mari de l’amour qu’elle a pour le duc de Nemours. Qu’on raisonne tant qu’on voudra là-dessus, je trouve le trait admirable et très bien préparé : c’est la plus vertueuse femme du monde, qui croit avoir sujet de se défier d’elle-même, parce qu’elle sent son cœur prévenu malgré elle en faveur d’un autre que de son mari. Elle se fait un crime de ce penchant, tout involontaire et tout innocent qu’il soit, elle cherche du secours pour le vaincre. Elle doute qu’elle eût la force d’en venir à bout si elle s’en fiait à elle seule ; et, pour s’imposer encore une conduite plus austère que celle que sa propre vertu lui imposerait, elle fait à son mari la confidence de ce qu’elle sent pour un autre. Je ne vois rien à cela que de beau et d’héroïque. [...] On admire la sincérité qu’eut Madame de Clèves d’avouer à son mari son amour pour M. de Nemours  ». [4]

 Stendhal, De l’amour, Chapitre XXIX « Du courage des femmes » 

 Quant au courage moral, si supérieur à l’autre, la fermeté d’une femme qui résiste à son amour est seulement la chose la plus admirable qui puisse exister sur la terre. Toutes les autres marques possibles de courage sont des bagatelles auprès d’une chose si fort contre nature et si pénible. Peut-être trouvent-elles des forces dans cette habitude des sacrifices que la pudeur fait contracter.

Un malheur des femmes, c’est que les preuves de ce courage restent toujours secrètes, et soient presque indivulgables.

Un malheur plus grand, c’est qu’il soit toujours employé contre leur bonheur : la Princesse de Clèves devait ne rien dire à son mari, et se donner à M. de Nemours . [5]

La réception de la scène de l’aveu

À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe 

1- Synthèse rapide sur la réception de la scène d’aveu à partir du corpus lu à distance  .
Le débat du Mercure Galant au printemps 1678 entraîne notamment Donneau de Visé, Fontenelle, Bussy-Rabutin, Madame de Sévigné, Madame de Montmorency, Valincour et le jésuite Bourhous, Barbier d’Aucour. Il nourrit la querelle des Anciens et des Modernes.
Depuis sa parution, la scène d’aveu n’a cessé de faire polémique autour de cette question : la Princesse a-t-elle eu raison d’avouer son amour à son mari  ?
Dès 1678, elle concentre l’attention et les critiques, certains lecteurs, au-delà d’un jugement moral, voyant surtout ainsi chez la romancière le désir d’être originale à tout prix.

2- Débat interprétatif
L’objectif du débat est d’amener les élèves à voir peu à peu que l’économie du récit dans laquelle prend place le motif de l’aveu défait toute appréciation rapide et manichéenne du lecteur.

La scène d’aveu est-elle aussi pour vous invraisemblable, admirable, exceptionnelle  ?


Le caractère singulier de l’aveu est souligné à maintes reprises dans le roman :

  • par la Princesse elle-même

    Je vais vous faire un aveu que l’on n’a jamais fait à son mari

  • par la voix narrative

    La singularité d’un pareil aveu, dont elle ne trouvait point d’exemple, lui en faisait voir tout le péril

  • ou par le duc spectateur de l’instant

    Un remède si extraordinaire ,  cette extrémité 

Aussi inouï qu’il puisse paraître au lecteur, l’aveu est orchestré, préparé et distribué dans la fiction par ricochets  ; il s’inscrit dans une construction riche de sens  :

  • le récit enchâssé de Madame de Tournon, Sancerre et Estouteville, qui entrelace les parties I et II, a une valeur de prolepse  ; le conseil de M. de Clèves à Sancerre prépare par analogie l’aveu de Madame de Clèves à son époux :

    Je vous donne, lui dis-je, le conseil que je prendrais pour moi-même  ; car la sincérité me touche d’une telle sorte que je crois que si ma maîtresse, et même ma femme, m’avouait que quelqu’un lui plût, j’en serais affligé sans en être aigri. Je quitterais le personnage d’amant ou de mari pour la conseiller et pour la plaindre

  • la lettre égarée du vidame de Chartres, restituée au duc de Nemours, engendre cette remontrance de la Dauphine à la Princesse  :

    (...) il n’y a que vous de femme du monde qui fasse confidence à son mari de toutes les choses qu’elle sait (...)

  • l’aveu entre époux est éventé par le duc, pour la plus grande douleur des trois protagonistes :

    «  ne méritais-je pas le secret  ?  », «  J’ai eu tort de croire qu’il y eût un homme capable de cacher ce qui flatte sa gloire  », «  Il n’a pu s’imaginer qu’il était aimé sans vouloir qu’on le sût  »

    et devient un bruit de cour qui peut emporter les personnages et tout particulièrement l’époux dans l’infamie et le discrédit  ;

  • source d’un «  cruel déplaisir  », l’aveu ainsi devenu fable publique quoiqu’anonyme, et se colore d’une valeur funeste dans les commentaires du Prince  :

    je ne sais comment j’ai pu vivre depuis que vous me parlâtes à Coulommiers et depuis le jour que vous apprîtes de la Dauphine que l’on savait votre aventure

  • les résonances de ce premier aveu au mari, y compris dans leurs conséquences tragiques, se prolongent jusqu’à l’aveu final à l’amant, lui aussi singulier et extraordinaire, dans sa volonté d’affirmation sans fard et dans le spectaculaire renoncement qu’il exprime :

    Je veux vous parler encore, avec la même sincérité que j’ai déjà commencé, reprit-elle, et je vais passer par-dessus toute la retenue et toutes les délicatesses que je devrais avoir dans une première conversation

Les lecteurs ne cessent selon les époques de disputer la valeur morale de l’extrait.
La Princesse est-elle courageuse, cruelle, éperdue dans cet aveu  ?

Ainsi que dans La comtesse de Tende, l’aveu est certes fait à celui qui va le plus souffrir. La scène n’est pas d’ailleurs sans éclat sadien, la beauté de la Princesse étant rehaussée par les pleurs, l’agenouillement, l’humiliation  ; mais la souffrance et l’humiliation sont de fait surtout celles de l’époux, qui croit mourir de douleur, et qui mène à son tour l’interrogatoire pour connaître le nom tu. Chacun des deux époux tourmente donc l’autre et se supplicie lui-même  : Madame de Clèves est immédiatement «  épouvantée  » de cette «  chose si hasardeuse  », en perçoit «  l’abîme  » et ne cessera d’osciller entre lutte et retraite, M. de Clèves alimente à plaisir sa jalousie et prolonge sa souffrance par-delà sa vie en imaginant à tort la nouvelle union de sa femme  : «  Mais ma mort vous laissera en liberté, ajouta-t-il, et vous pourrez rendre M. de Nemours heureux, sans qu’il vous en coûte des crimes. Qu’importe, reprit-il, ce qui arrivera quand je ne serai plus, et faut-il que j’aie la faiblesse d’y jeter les yeux  !  ».

Est-ce alors l’aveu ou bien plutôt la passion elle-même qui est intrinsèquement immorale  ?



Conclusion de l’étape 2 

L’expression du trouble amoureux dans le roman est source d’un grand plaisir pour le lecteur attentif aux paroles, secrètes ou prononcées, des personnages, mais aussi aux signes et aux traces du langage du corps, dont les manifestations perpétuellement échappent dans un ordre social réglé et bienséant. Mais ce plaisir lui-même du lecteur n’est pas si clair et s’abreuve à plusieurs sources.

Madame de Lafayette aimait la vie de salon et Somaize la fait figurer dans Le Dictionnaire des Précieuses. Par certains aspects, le roman s’apparente en effet à une discussion sur un ou plusieurs thèmes de casuistique amoureuse dont le lecteur peut goûter le dilemme moral : une femme doit-elle avouer à son mari qu’elle craint de succomber à son amant ? Ou encore, après la mort du mari, une femme peut-elle épouser un homme qui a été la cause, même indirecte et involontaire, de cette mort ?

L’expression, verbale ou corporelle, du trouble amoureux nourrit toutefois aussi chez le lecteur un plaisir équivoque de la parole et de ses effets sur l’autre dont il est le témoin constant dans le roman, soit de manière itérative (les topoï du trouble physique), soit de manière incongrue et inouïe (l’aveu).
Cette alternative vérifie le plaisir du texte tel que le définit Barthes [6] :

En somme, le mot peut être érotique à deux conditions opposées, toutes deux excessives : s’il est répété à outrance, ou au contraire s’il est inattendu, succulent par sa nouveauté (dans certains textes, des mots brillent, ce sont des apparitions distractives, incongrues […]). Dans les deux cas, c’est la même physique de jouissance, le sillon, l’inscription, la syncope : ce qui est creusé, pilonné ou ce qui éclate, détonne.

Comme l’affirme Michel Butor, La Princesse de Clèves est donc sans doute moins un roman galant qu’un « roman brûlant ».

 Lecture de l’extrait de Michel Butor, Répertoire I, éditions de Minuit, 1960, et travail de réflexion.
Travail personnel individuel. À distance, en asynchrone

Partagez-vous le point de vue de Michel Butor sur le rôle des images et de l’imagination dans le roman  ?
Donnez deux à trois arguments illustrés d’exemples pour justifier votre point de vue.

On nous trompe sur « La Princesse de Clèves », on nous trompe en brandissant cet admirable livre comme justification chaque fois qu’on veut défendre un de ces pâles petits récits d’amourette, écrit dans un style «  limpide et glacé  », avec juste assez de poivre au milieu de sa fadeur pour le rendre vendable, chaque fois qu’on nous déclare  : «  Voici un véritable roman français dans la tradition de Mme de Lafayette.  » C’est un livre brûlant, c’est un livre qui offre à la lecture d’assez grandes difficultés, […] ; bien loin de n’être qu’un pastel aux couleurs défraîchies, c’est une œuvre dont la construction est d’une force peu commune. […]

Ce que je voudrais indiquer en quelques lignes, c’est l’importance extrême des images et de l’imagination dans cet ouvrage à propos duquel on ne parle, en général, que de «  raisonnements  ».

Fontenelle répondait à l’enquête du Mercure Galant  : «  Un géomètre comme moi, l’esprit tout rempli de mesures et de proportions, en quitte point son Euclide pour lire quatre fois une nouvelle galante, à moins qu’elle n’ait des charmes assez forts pour se faire sentir à des mathématiciens.  »

On croirait, à la façon dont on en parle d’habitude, que ces charmes assez forts pour se faire sentir à des mathématiciens seraient seulement ses qualités négatives, la discrétion du ton, mais il est pourtant bien facile de voir que ce livre se compose d’une suite de scènes réunies par les explications nécessaires à les situer les unes par rapport aux autres, et qui sont comme des figures s’engendrant l’une l’autre et se répondant admirablement  ; la gravité de la pensée s’exprime dans une construction imaginaire d’une merveilleuse rigueur.

Étape 3. Signes, symboles, échos

La puissance d’effraction de l’imaginaire et les dispositifs du désir

Cette nouvelle étape de l’analyse va permettre de mettre au jour la manière dont le roman joue des images et des signes face à la parole, et élabore un dispositif scénique puissant qui nourrit l’activité fictionnalisante à plein régime du lecteur. Ce dernier est en quelque sorte invité à une lecture par effraction, qui donne à voir et dérobe en même temps  ; le lecteur comme les personnages est lui-même pris dans l’entrelacs des motifs et des symboles, happé par la séduction de l’instant prégnant, subjugué par la vérité des analogies et de la mise en abyme.
Cette phase de l’interprétation invite donc à percevoir l’expression du désir dans le roman et l’érotique du texte, en prenant appui sur le questionnement suivant  : comment dire ce que l’on tait et montrer ce que l’on cache  ? Comment parler du corps  ? Quels dispositifs le roman met-il en place dans les scènes qu’il nous donne à voir  ? Jusqu’où peut-on lire  ?

Rôle des images et de l’imagination

Partage et confrontation des arguments des élèves sur le rôle des images et de l’imagination dans le roman.
À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe 

La confrontation des propositions permet d’identifier des emprunts manifestes aux motifs du conte, du songe et du féérique dans des scènes spécifiques du roman qui répètent la même configuration, celle de l’observation à distance de l’être aimé  :

  • Lorsque le duc après la chasse entreprend de rejoindre Coulommiers, il s’égare dans la forêt, soit dans un lieu par définition dédalique et féérique  ; il obéit à sa pulsion et va au hasard des routes pour rejoindre le lieu de toutes les beautés, le pavillon, doté de deux cabinets, l’un ouvert sur un jardin de fleurs qui n’est séparé de la forêt que par des palissades, et un second ouvert sur une grande allée du parc. Cette découverte précède le spectacle par l’amant de l’aveu de la Princesse de Clèves à son époux.
  • La scène d’observation à distance se rejoue ultérieurement dans le roman de manière nocturne et redoublée puisque le duc de Nemours est espionné à distance par un gentilhomme dépêché par l’époux tandis que lui-même vient observer l’intimité de la Princesse. Le parcours du duc jalonné d’obstacles et d’écrans (les palissades, la fenêtre) le conduisent néanmoins à la révélation franche du désir  :

    Sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher et, quoiqu’il fît obscur, il reconnut aisément M. de Nemours. Il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s’il n’y entendrait personne et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément. Les palissades étaient fort hautes, et il y en avant encore derrière, pour empêcher qu’on ne pût entrer  ; en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage. M. de Nemours en vint à bout néanmoins  ; sitôt qu’il fut dans ce jardin, il n’eut pas de peine à démêler où était Madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet  ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter .

  • Lorsque Madame de Clèves se rend chez le marchand d’ouvrages de soies, elle apprend qu’un homme de qualité vient quelquefois dans une chambre reculée pour dessiner des maisons et des jardins que l’on voit depuis sa fenêtre. L’idée que ce puisse être M. de Nemours et «  M. de Nemours appliqué à la voir  » la remplit de trouble et elle entreprend une longue promenade qui la conduit à traverser un bois, une allée, jusqu’à l’endroit le plus reculé du jardin où se trouve un homme couché, enseveli dans une rêverie profonde, qu’elle contemple…

Approfondissement de la réflexion

En synchrone et groupe-classe, à distance (classe virtuelle) et/ou en classe

1- Quel dispositif commun se retrouve dans ces scènes marquées par les motifs féériques  ?
En cours dialogué

Les trois scènes vérifient une logique de l’effraction et du voyeurisme, où s’affirme le plaisir de voir sans être vu  :

  • l’amant observe le couple et entend l’aveu inouï  ;
  • le tableau de Nemours est regardé dans le secret de la nuit par la Princesse de Clèves, offerte au regard de Nemours dont l’arrivée et le départ sont guettés par l’espion du mari ;
  • la Princesse s’imagine observée par l’artiste de qualité dans sa chambre, elle contemple à son tour l’homme endormi qu’elle découvre dans une sorte de logique des pas perdus, qui la conduit vers l’objet même de son désir refoulé.

De fait, ces dispositifs scéniques qui conjuguent des motifs de contes de fées s’avèrent puissamment érotiques et ne laissent pas indemne le lecteur, dont l’activité fictionnalisante est largement sollicitée car il participe de fait au dispositif dans son acte même de lecture ; l’imagination du lecteur implique que lui aussi regarde, participe de la vision cachée et désirante, et se laisse prendre à l’élan de désir du duc mimé par la période et l’anaphore :

Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait, la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait, c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant .

Dans la scène du pavillon notamment, la Princesse est offerte au regard désirant du duc, comme à celui du lecteur  ; la logique voyeuriste toutefois ne se traduit pas par un franchissement comme dans les romans libertins  ; les fenêtres et les palissades demeurent des obstacles plus considérables que le verrou et la serrure  : le dispositif scénique érotique demeure dans une économie de la retenue. Le duc se retire après la sortie précipitée de la Princesse et se réfugie dans un village proche  :

Il s’en alla sous des saules, le long d’un petit ruisseau qui coulait derrière la maison où il était caché. Il s’éloigna le plus possible, pour n’être vu ni entendu de personne  ; il s’abandonna aux transports de son amour et son cœur en fut tellement pressé qu’il fut contraint de laisser couler quelques larmes .

Qui assiste à un tel transport, conjugaison trouble de décharge érotique et de douleur, si ce n’est le lecteur, convié par la voix narrative à goûter le mélange de douceur et de charme des larmes de Nemours, ainsi que son relais commode au cœur de la fiction que constitue le gentilhomme espion, véritable embrayeur visuel au cœur de ces scènes ?

2- Comparez la scène nocturne du pavillon et l’épisode de l’homme endormi découvert par la Princesse dans le jardin. Quels points communs identifiez-vous et comment les interprétez-vous  ?

 Travail individuel de 10 mn et confrontation en groupe-classe

  • L’introduction à la révélation du désir se fait sur le mode du songe et de l’effraction secrète, dans une sorte de parenthèse merveilleuse qu’un froissement voire un bruissement vient briser  : lorsque le duc rompant avec ses hésitations, se décide à avancer de quelques pas vers l’objet de son désir, son écharpe

    s’embarrassa dans la fenêtre, en sorte qu’il fit du bruit

    .
    Cette irruption sonore réelle fait effraction dans la rêverie abandonnée de la princesse et la conduit à fuir  :

    Madame de Clèves tourna la tête, et, soit qu’elle eût l’esprit bien rempli de ce prince, ou qu’il fût dans un lieu où la lumière donnait assez pour qu’elle le pût distinguer, elle crut le reconnaître, et, sans balancer ni se retourner du côté où il était, elle entra dans le lieu où étaient ses femmes .

    L’effroi de la Princesse à la simple idée de reconnaître son amant traduit une superposition insoutenable du fantasme et du réel. L’abandon à la rêverie érotique sur l’être aimé ne peut donc s’accommoder de l’irruption de la réalité et encore moins de l’incarnation  : le franchissement implique la fuite et l’inaccomplissement.
    Avant même la maladresse de l’écharpe embarrassée, le duc lui-même l’admet  :

    Il trouva qu’il y avait eu de la folie, non pas à venir voir madame de Clèves sans en être vu, mais à penser de s’en faire voir  ; il vit tout ce qu’il n’avait point encore envisagé. Il lui parut de l’extravagance dans sa hardiesse de venir surprendre, au milieu de la nuit, une personne à qui il n’avait encore jamais parlé de son amour .

    Les bienséances de fait interdisent absolument à M. de Nemours de se montrer. L’écran de la représentation dès lors est triple  : scopique, géométral et symbolique.

  • De la même façon, lorsque la Princesse adresse ses pas vers «  une manière de cabinet ouvert de tous côtés  »  :

     Comme elle en fut proche, elle vit un homme couché sur des bancs, qui paraissait enseveli dans une rêverie profonde, et elle reconnut que c’était M.de Nemours. Cette vue l’arrêta tout court. Mais ses gens qui la suivaient firent quelque bruit, qui tira M. de Nemours de sa rêverie. Sans regarder qui avait causé le bruit qu’il avait entendu, il se leva de sa place pour éviter la compagnie qui venait vers lui et tourna dans une autre allée, en faisant une révérence fort basse qui l’empêcha même de voir ceux qu’il saluait .

    Le bruit extirpe le duc de son sommeil et le contraint lui aussi à battre en retraite sans reconnaître les visiteurs, comme aveuglé par la proximité même de Madame de Clèves, tel Perceval devant la lance qui saigne.

Les motifs se redoublent donc à divers endroits du récit, dans «  une construction imaginaire d’une merveilleuse rigueur  », un jeu de «  figures s’engendrant l’une l’autre et se répondant admirablement  » (Butor).

 Travail personnel  : devoir de poursuite
Prolongement dans le carnet de lecture :
pouvez-vous citer un autre lieu où le rêve semble s’emparer des deux amants  ?
Restitution ultérieure en classe.

Le professeur, après avoir relevé plusieurs carnets de lecture, peut proposer des exemples pertinents relevés par les élèves. Il signalera aussi un épisode moins connu  : la légèreté coupable des deux amants qui réécrivent la lettre de Madame de Martigues durant une après-midi entière, sans prêter attention aux conséquences réelles et fâcheuses du faux et du délai pris.

De manière générale, on pourra établir que les personnages pourtant voient clair en eux-mêmes en analysant leur désir comme dans un rêve  : leur exploration inconsciente construit la certitude de leur aliénation passionnelle, délicieuse et tourmentée («  elle revint comme d’un songe  », «  elle ne se reconnaissait plus elle-même  »), à la source d’actes pulsionnels, accomplis sans claire conscience («  sans avoir le dessein de  »).

Rêve et désir apparaissent ainsi intrinsèquement liés.

3- Pouvez-vous citer d’autres lieux du récit qui illustrent le même système d’échos, de redoublements et superpositions que dans les scènes précédentes ?
Cours dialogué

En invitant les élèves à examiner les motifs, scènes ou dispositifs qui se rejouent, se redoublent, s’inversent, on les rend sensibles au jeu de réfractions très construit et subtil dans l’économie du roman.

  • On évoquera notamment le vol du portrait de la Princesse à la dérobée par le duc en présence du mari, qui fait écho à l’emprunt de la canne des Indes mené avec une soigneuse dissimulation par Madame de Clèves.
  • L’aveu de Madame de Clèves à son époux est préparé par l’anecdote entre Madame de Tournon, Sancerre et Estouville, prolongée par l’épisode de la lettre et l’aveu final au duc.
  • Le deuil de la mère fait écho à ceux de Madame de Tournon et du Roi, et plus encore à celui de l’époux.
  • Le faste des lumières du bal fait écho aux lumières toutes éclairées du cabinet du pavillon, dans le cérémonial secret et nocturne de contemplation érotique auquel se livre la Princesse.

L’échange de la classe met au jour une logique spiralaire du récit.
Le lecteur de fait est pris dans l’enroulement des motifs et les personnages semblent étreints par la vérité des analogies et des symboles.

4- Analysons quelques symboles et quelques motifs  : quel souvenir ou quelle mémoire de lecture réactivent-ils en vous ?
Expliquez lesquels et pourquoi. Quelle est leur portée selon vous dans le roman et leur sens symbolique  ?

Travail collaboratif par groupes rapides (10 mn), restitution au groupe-classe et échange.

Groupe 1  : la danse du duc et de la Princesse au bal.
On évoquera une élection mutuelle comme un philtre d’amour  : les deux danseurs ne se connaissent pas, ou se connaissent sans s’être vus.

Groupe 2  : le portrait dérobé.
Il s’agit d’un échange de portrait préfigurateur de l’échange amoureux. Le portrait est dérobé au mari, le vol suscite l’embarras mais aussi un silence ambigu de Madame de Clèves (sans le dénoncer, elle y consent) et il engendre une plaisanterie à l’ironie tragique du Prince de Clèves (jeu de mots sur l’amant caché, pourtant bien réel et présent dans la scène, de la même façon que dans l’aveu le duc est spectateur de la scène mais son nom est tu).

Groupe 3  : les rubans jaunes et la canne des Indes.
Les rubans jaunes lors de la scène nocturne du pavillon sont explicitement un signe lu et décrypté par l’amant  ; le lecteur voit sa mémoire réactivée par la trame même du récit  : le jaune est la couleur qu’aime la Princesse et qu’elle ne peut mettre parce qu’elle est blonde, la couleur impossible (aimée et refusée à la fois, dans une dialectique bien connue) et pourtant arborée au tournoi par le duc ; une couleur qui magnifie, célèbre la puissance de la vue et exhausse le motif fétichiste. Dans le même ordre d’idées, la canne des Indes n’est pas un simple substitut de la lance du tournoi mais un symbole phallique, ce que dit encore de manière transparente la gestuelle érotique des rubans par lesquels la Princesse, alanguie sur un lit de repos, orne l’instrument.

Groupe 4  : le tableau du Siège de Metz.
Le tableau marque à la fois un détournement et une médiation. Emprunté à un tiers féminin comme la canne, il ressortit à un langage héroïque (thème du siège), détourné vers le siège amoureux dont est victime Madame de Clèves  ; il est un tableau dans le tableau (le duc de Nemours regardant le théâtre des opérations militaires sur la toile/le duc de Nemours regardant un autre théâtre d’opérations dans le cabinet où rêve la Princesse). Captive et solitaire, dans une semi-nudité, offerte au regard de son amant et du lecteur, Madame de Clèves peut s’adonner sans retenue à la contemplation amoureuse de la toile. Cette dernière est donc plus qu’une mise en abyme, c’est une sorte de point de jonction entre le réel et la fiction à plusieurs titres et elle nous en donne à voir le fonctionnement  : inspiré d’une commande et d’une toile réelles, le tableau de la fiction offre en miroir et de manière syncrétique le plaisir de l’expression sans voile de la passion, dans une logique auto-érotique et narcissique pour la Princesse, dans un reflet dérobé pour le duc  ; dans ce suspens du temps, c’est une pure expression du fantasme.

Lectures d’images fixes et mobiles.

Devoir d’approfondissement collaboratif
Travail par groupes 

Présentation du travail
 Comparez les deux scènes du pavillon dans le roman au corpus d’images fixes et mobiles ci-après (gravures, photogrammes, illustrations, enluminure, peinture, sculpture, séquence vidéo).
 Expliquez les associations que vous avez établies et indiquez où les scènes vous semblent les plus réussies, les plus suggestives ou les plus puissantes pour le lecteur et/ou le spectateur.
 Expliquez pourquoi, en vous attachant notamment à la place des motifs, au dispositif mis en place et aux moyens spécifiques du langage visuel, cinématographique ou littéraire.

La scène de l’aveu et plus encore la scène nocturne du pavillon, par sa collection de motifs fétichistes, son dispositif voyeuriste, la logique d’effraction et de dévoilement du désir, l’impossible franchissement qu’elle exprime, constituent des instants décisifs voire un climax dans l’activité fictionnalisante du lecteur au sein du roman.

Les élèves sont amenés à identifier l’emprunt, la récurrence, le déplacement voire l’inversion des motifs, des dispositifs et des personnages, ainsi qu’à interroger les moyens par lesquels le langage cinématographique notamment peut exprimer différemment le trouble, la pulsion scopique et le fantasme. Ils sont conduits de manière plus générale à affirmer eux-mêmes des choix esthétiques, en identifiant les spécificités des langages artistiques.

Corpus d’images

Un certain nombre d’images sont empruntées à l’article de Stéphane Lojkine, « Analyse d’une scène de roman : la canne des Indes », Aix-en-Provence, décembre 2008, cours sur La scène de roman, genèse et histoire, disponible en ligne à l’adresse suivante  : https://utpictura18.univ-amu.fr/Fiction/CanneDesIndes.php. L’article propose de nombreuses pistes de confrontation entre le texte et les images.

Émilie dans son jardin, épiée par Palémon et par Arcitas.
Enluminure de Barthélémy d’Eyck pour La Théséide de Boccace, début du livre III.
Vers 1460-1465, Vienne, Bibliothèque nationale d’Autriche, codex M. S. 2617, fol. 53



La canne des Indes
Gravure de Jules-Arsène Garnier d’après Alphonse Lamotte. La Princesse de Clèves, Paris, Conquet, 1889



Tristan et Yseut à la fontaine épiés par le roi Marc
Panneau de coffret d’ivoire, 6cm de haut, 1340-1350. Musée du Louvre



Illustration en couleurs par Serge de Solomko
Édition de La Princesse de Clèves, Paris, Librairie des amateurs, 1925.
Disponible en ligne sur le site de la BnF 



Dame attachant un ruban à l’épée d’un cavalier
Jean François de Troy, 1734
Huile sur toile, 81x64 cm, collection particulière



La belle personne
Photogramme du film
Christophe Honoré, 2008, 1h30
© Le Pacte.



La Lettre - Photogrammes
Manoel de Oliveira, 1999

Photogrammes extraits de la bande-annonce portugaise du film La Lettre, de Manoel de Oliveira, 1999, 1h47. © Atalanta Filmes. Les deux sous-titres appartiennent à une chanson interprétée par le personnage de Pedro Abrunhosa, dans son propre rôle de rock star portugaise, qui apparaît comme l’équivalent du duc de Nemours dans cette réécriture cinématographique du roman de Madame de Lafayette.

Prolongement 
Visionnez l’interview du réalisateur Jean Delannoy et des acteurs sur le tournage pour le cinéma du film La Princesse de Clèves en 1960.
https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001553/la-princesse-de-cleves-de-madame-de-lafayette.html

Date de publication du document : 18 février 2014.
Date de diffusion : 4 août 1960.

Que pensez-vous de l’intention du cinéaste, qui entend grâce à La Princesse de Clèves réaliser un film à contre-courant, un film qui respecte la passion et où «  l’amour se donne de grandes disciplines  »  ?

Conclusion de l’étape 3

Le plaisir de la fiction dans La Princesse de Clèves se nourrit à l’évidence de la puissance d’écho de certaines scènes, perçues comme des morceaux détachables de l’œuvre et entrés dans la mémoire collective  : l’on s’est disputé sur la scène d’aveu au mari dès la parution du roman, on se repait encore du spectacle, dans un pavillon niché au cœur de la forêt de Coulommiers, d’une femme offerte à son désir et à celui de son amant qui l’observe, dans l’ignorance d’un tiers dépêché par l’époux, impatient lui-même de restituer l’ambiguïté d’une parenthèse érotique subodorée et pourtant inassouvie…

Cet entrelacs savant qui sert dans de telles scènes l’effet des dispositifs du désir sur le lecteur, participe d’une économie plus large du récit et nous aide à en comprendre le fonctionnement.

Outre que ces scènes célèbres entrent elles-mêmes en dialogue avec une longue tradition (la dame au Pavillon s’illustre dès le Moyen-Âge), leur capacité à imprimer notre mémoire vient non seulement de leur construction mais aussi des jeux d’échos et de réfractions des symboles, des signes et des motifs qui contraignent lecteurs et personnages à lire la vérité des analogies et des métaphores  : les emprunts au conte et à la féérie produisent certes un trouble générique dans le roman mais, sur le mode de l’instant prégnant ou de la parenthèse suspendue dans la fiction, ils introduisent surtout la puissance d’effraction de l’imaginaire, tout en martelant l’impossible franchissement et assouvissement  : la fiction du désir est-elle incompatible avec le réel  ?

Étape 4. Du plaisir du texte au tragique de la fiction

Le lecteur enserré dans la complexité des motivations du personnage et de sa propre lecture.

Dans la dernière phase de l’analyse autour de l’effet-personnage, on s’intéresse à la logique du renoncement qui gouverne la fin du roman. On sollicite les sujets lecteurs de la classe pour aborder la clôture de l’œuvre, autre seuil et autre élément résistant à l’activité fictionnalisante. Le renoncement de Mme de Clèves représente-t-il pour le lecteur une altérité incompréhensible, confirmant sa réticence initiale, dans une logique déceptive du parcours de lecture intégrale  ?

Cette interrogation permet de mettre au jour le motif de la retraite qui parcourt le roman et d’interroger plus avant sa valeur et sa signification dans la caractérisation du personnage éponyme et de discerner par là le régime généralisé de la fiction et de la fable qui semble alimenter et dessiner cette seule issue.

Travail personnel

À distance, en asynchrone 

Lisez ce point de vue d’une élève de seconde concernant le comportement du personnage de Madame de Clèves.
Partagez-vous son analyse, en particulier concernant la fin du roman  ?

Vous noterez vos éléments de réflexion dans votre carnet de lecture.

J’ai trouvé particulièrement agaçant le comportement de l’héroïne, Mme de Clèves. Elle me paraissait indolente, engourdie et sans conviction. Tout au long du récit on a envie de la secouer, de la remuer. Lorsque M. de Clèves meurt, on est persuadé qu’elle va se réveiller, réagir et qu’enfin elle va annoncer son amour à Monsieur de Nemours. Et bien pas du tout ! Mme de Clèves se sentant coupable du décès de son mari, n’épousera pas Monsieur de Nemours. Elle se laissera même périr de chagrin. On reste donc déconcerté par le renoncement final dont on a du mal à démêler les véritables causes.

Marlène Lebrun, « L’émergence et le choc des subjectivités de lecteurs de la maternelle au lycée grâce à l’espace interprétatif ouvert par les comités de lecture », Gérard Langlade et Annie Rouxel [éds], Le sujet lecteur — Lecture subjective et enseignement de la littérature, p. 340-341.

Partage et confrontation

Partage et confrontation des arguments des élèves sur ce point de vue de lecteur
À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe

On peut imaginer que le point de vue rapporté de l’élève de seconde obtiendra une certaine forme d’adhésion dans la classe, tout en suscitant le débat. Il permet dès lors d’introduire la réflexion sur le deuxième aveu, sa place et sa fonction dans le roman.

Approfondissement de la réflexion 

 En cours dialogué
En synchrone et groupe-classe, à distance (classe virtuelle) et/ou en classe

Que répondriez-vous à un lecteur qui estime que c’est le second aveu, l’aveu à l’amant, qui constitue la scène centrale du roman, bien davantage que l’aveu au mari  ?
Expliquez et discutez ce point de vue.

Les élèves pourront proposer quelques arguments tels que  :

  • L’aveu à l’amant ne se produit que lorsque la Princesse a déjà renoncé à l’amour et ce alors même qu’elle est libre.
  • On peut considérer que l’aveu à l’amant est la grande scène d’explication vers laquelle tend tout le roman.
  • Madame de Clèves sort du silence de manière exceptionnelle pour mieux y retourner.

Ces premiers éléments de réponse permettent de s’interroger sur les motifs que la Princesse donne à sa retraite et son refus du mariage. Madame de Clèves de fait déploie une véritable «  Imagination du crime  », en établissant la culpabilité indirecte de Nemours dans la mort de l’époux  ; on peut aussi envisager qu’elle craint la disparition de l’inclination du duc, elle éprouve un effroi de l’amour comme de son absence de pérennité. Ce renoncement repose-t-il sur la conviction que l’amour ne peut être que fantasmé, rêvé  ? De fait, la Princesse s’enferre dans des motivations complexes, contradictoires qui interrogent la possibilité même de l’amour. Au final du roman, c’est bien la complexité morale du personnage qui à nouveau déconcerte le lecteur : il est impossible de trancher sur ses motivations. A cet égard, le roman de Madame de Lafayette se distingue d’autres œuvres qui offrent des morales plus simples, plus explicites et plus sévères : si la Comtesse de Tende trompe son mari, si la princesse de Montpensier trahit sa confiance, l’ambiguïté du comportement du personnage éponyme demeure insoluble dans La Princesse de Clèves.

 Travail personnel  : devoir de poursuite. Prolongement dans le carnet de lecture.
À distance, en asynchrone 
Écoutez ce podcast de France Culture :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/sagesses-du-renoncement-34-la-princesse-de-cleves

En quoi éclaire-t-il les multiples motivations du renoncement de Madame de Clèves  ?
Retenez trois expressions-clefs et expliquez pourquoi.

 Travail par groupes : devoir d’approfondissement.
À distance, en asynchrone

Quel est la place du motif de la retraite dans l’ensemble du roman  ? Pourquoi selon vous  ? En quoi cela éclaire-t-il le geste final de Madame de Clèves  ? Le comprenez-vous mieux grâce à cela  ?

 Partage et confrontation des arguments des élèves sur le motif de la retraite, en lien avec le renoncement.
À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe

Le retrait du monde de Madame de Clèves éclaire l’amour comme fiction.
La logique de l’ensevelissement, du retrait est constante dans le roman et s’illustre à travers la recherche de refuge, les suppliques et subterfuges de Madame de Clèves pour échapper à la Cour et se rendre à la campagne, à Coulommiers, dans les Pyrénées…

Plus encore, pour Madame de Clèves, les raisons de ne pas épouser M. de Nemours sont dites fortes du côté du devoir mais insurmontables du côté du repos. Ce dernier terme mérite une attention particulière dans l’interprétation de la clôture de l’œuvre dans la mesure où le repos apparaît comme une transposition mondaine du salut, dans une forme de semi-augustinisme.

Le repos entier, complet est bien celui de la mort, celui vers lequel on peut cheminer progressivement après une maladie de langueur. Ainsi que le dit Pascal dans ses Pensées (163)  :

Notre nature est dans le mouvement ; le repos entier est la mort.

Cette quête du repos est-elle pour autant une aspiration libre et spirituelle du personnage  ? Madame de Clèves semble enfermée dans une double scène obsessionnelle, celle de la mort de la mère et de la mort de l’époux qui se superposent et l’enserrent : la mère et l’époux dans leur agonie l’adjurent de rester fidèle à la vertu et nichent l’imagination du crime en elle. La Princesse de Clèves peut dès lors apparaître au lecteur comme un personnage prisonnier des injonctions maternelles et mariales («  aimer son mari et en être aimée  ») qui pour elle s’avèrent insolubles, et ce d’autant plus que Madame de Chartres donne sciemment sa fille dès l’initiale du roman à un homme pour qui cette dernière n’a nulle inclination. Ainsi Madame de Clèves semble-t-elle constamment se juger à l’aune du tribunal intérieur de la vertu, impératif catégorique d’une leçon trop bien apprise.

Cette posture du personnage n’est d’ailleurs pas sans trouble, le lecteur peut en effet percevoir un orgueil de la vertu chez la Princesse de Clèves, qui veut se distinguer par la puissance sans égale de son honnêteté  : elle s’en réclame comme elle clame le caractère extraordinaire de son aveu. Faut-il y voir un plaisir de la contrition  ? De fait, Madame de Clèves demeure dans l’ignorance de la vérité du corps, et de ce qu’il dit de l’être dans son épiphanie de jouissance éphémère. Peut-on parler de choix libre du renoncement, dès lors qu’il s’effectue dans l’ignorance de ce qui est répudié  ? Certes, la fin du roman semble donner raison à la vision de l’amour comme fiction, notamment par la phrase antépénultième, qui éloigne Nemours :

Enfin, des années entières s’étant passées, le temps et l’absence ralentirent sa douleur et éteignirent sa passion.

Madame de Clèves peut mourir à l’issue de cette phrase puisque les événements lui ont donné raison ; l’amour meurt toujours avant les amants et le Traité des passions, de Descartes, connu de Madame de Lafayette, connaît ainsi une mise en application impitoyable dans le roman.

Le roman s’achève par la force de l’incise qui laisse sourdre l’ambiguïté  :

et sa vie, qui fût assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables.

De quoi Madame de Clèves est-elle morte si tôt  ? De sa maladie de langueur  ? De l’incapacité à trouver le repos  ? Du renoncement du duc de Nemours, de la perte de sa passion ? L’on songe à la merveilleuse réécriture du roman de Madame de Lafayette qu’offre Le lys dans la vallée, de Balzac.

 Travail par groupes
À distance, en asynchrone
Relevez deux exemples significatifs de fables, rumeurs, conversations aux conséquences fâcheuses dans le roman. Expliquez votre choix.

À distance (classe virtuelle) et/ou en classe, en synchrone et groupe-classe 
Partage et confrontation des propositions des élèves.

Tout est fiction, ou matière à conversation, fable et récit dans le roman. Aucun secret n’est possible à la cour  ; la logique de la divulgation y est constante, même (surtout) de l’intimité la plus secrète. Tout est dit, conté, répété, commenté, comme le montrent l’épisode de la mort de Madame de Tournon-Sancerre-Estouville ou les récits enchâssés.

L’aveu de Madame de Clèves est conté par Nemours au vidame, confié à Madame de Martigues, puis à la Dauphine, rapporté à la Princesse de Clèves et à Nemours quasi-conjointement, répété à M. de Clèves. S’ensuivent des accusations réciproques des époux et la naissance d’une stratégie encore plus incroyable et habile  : faire de cette vérité de l’aveu une fable invraisemblable, dans une sorte de mise en abyme de la réception des lecteurs. Ainsi le roman met en scène plusieurs personnages qui discutent de l’invraisemblance et de l’indécence de l’aveu, comme autant de projections du lecteur, de relais et de porte-paroles pour lui dans le texte … Or ces personnages sont amenés à discuter avec Madame de Clèves et le duc de Nemours eux-mêmes, dont l’embarras, l’effroi et les affres sont dès lors encore plus palpables pour le lecteur, dans un dispositif de lecture à la fois efficace et cruel.

On pourra revenir brièvement sur d’autres épisodes et motifs qui assurent le règne de la fable et de la fiction  : le duc de Nemours est ainsi d’abord raconté à la reine d’Angleterre  ; il est objet de récit avant que de paraître, c’est le sujet de la fama, qui provoque l’imagination de Madame de Clèves avant même de le voir. De la scène du pavillon guettée par l’espion, ce dernier offre au prince de Clèves un compte rendu qui donne à imaginer avec bien peu de matière pourtant.
Le motif de la lettre perdue, retrouvée, réécrite est lui-même emblématique de ce règne de la fiction et de la fictionnalisation tant du destinataire que du scripteur.
Ainsi, personnages et lecteurs sont pris dans des écheveaux et des niveaux constants de fiction, ainsi que dans les plaisirs et les tourments qu’ils leur procurent.

- En cours dialogué, en groupe-classe.
En synchrone

Comment échapper à ce règne du faux, même délicieux ou fantasmatique  ?
Comment et pourquoi faire œuvre de fiction  ?

Ce dernier point de réflexion permet de synthétiser les éléments vus dans l’étape 4  :

  • Le roman enserre les charmes et les tourments de la fiction dans une construction rigoureuse 
  • Il laisse parler les signes, les images, les symboles 
  • Il intègre l’histoire et la transpose, il insère des inventions 
  • Il refuse le caractère pléthorique de la nouvelle galante et manifeste un art de la concision qui marque une rupture, dans une esthétique du resserrement et de la densité, particulièrement sensible dans la clausule au final.

Conclusion de l’étape 4

La Princesse de Clèves a parfois été dépeinte comme « la Joconde des lettres françaises ».
Ce personnage lointain, d’une fausse impassibilité, demeure une énigme insoluble aux yeux du lecteur : agit-il par vertu ou par mimétisme ? Par passion ou par peur de souffrir ? Par héroïsme ou par égoïsme ?

L’on serait tenté d’attribuer ce mot de l’autrice au personnage lui-même :

Je me désapprouve continuellement : c’est un état assez rude.

Correspondance de Madame de Lafayette.

Face à un personnage qui ne se rapproche et ne s’expose que pour mieux battre en retraite et s’ensevelir, le lecteur, même expert, fait l’épreuve d’une impossible neutralité.
Gérard Langlade, dans son article « Activité fictionnalisante du lecteur et dispositif de l’imaginaire » Figura 20 – 2008, écrit ainsi  :

J’ai montré plus haut l’importance du jugement moral dans la tradition critique d’Albert Savarus, il en va de même avec une œuvre comme La Princesse de Clèves, dont l’histoire de la réception est marquée par les avis les plus contradictoires sur l’attitude du personnage principal. Récemment, Thomas Pavel s’étonne, par exemple, que « l’héroïne, mariée à un homme qui l’adore, tomb[e] amoureuse d’un personnage qui au fond ne la mérite pas ». Ce qui conduit l’auteur de La pensée du roman à déplorer que « noble et vertueuse à souhait, l’héroïne de ce roman n’est pas entièrement à l’abri des passions illégitimes et, tout en incarnant les bonnes maximes, elle se laisse tenter par les mauvaises ». Chacun sait, par ailleurs, que les résumés des œuvres dans les dictionnaires et les encyclopédies littéraires, qui prétendent pourtant à une objective neutralité, montrent qu’une même œuvre peut être racontée, et donc reconfigurée, de façons fort différentes.

Le roman nous invite à une lecture évolutive et de fait nous pouvons revenir à La Princesse de Clèves à tous âges, dans des lectures bien différentes.

Jean Cordelier, dans son article « Le refus de la Princesse », XVIIe siècle : bulletin de la Société d’étude du XVIIe siècle, affirme ainsi  :

Gide, qui nous a habitués pourtant à plus de sûreté dans son jugement critique, dans un numéro de la NRF de 1913, à propos justement de ce jeu de l’île déserte (« Les dix romans français que... »), déclarait en parlant de La Princesse de Clèves et après avoir avoué d’ailleurs qu’il ne ressentait pour ce livre « qu’une admiration tempérée » : « Aucun secret, aucun retrait, aucun détour ; nulle ressource ; tout est mis en lumière, en valeur, et rien à attendre de plus ; sans doute c’est le comble de l’art : un nec plus ultra sans issue. ». Voilà en quelque sorte un « Mme de La Fayette, hélas ! », pendant du « Victor Hugo, hélas ! » du même Gide. Aucun secret dans le roman le plus secret de notre littérature ? Et comment Gide peut-il parler de « lumière », alors qu’à mesure que nous avançons dans le récit, tout devient de plus en plus obscur, jusqu’à la nuit totale qui est celle du tombeau ? D’ailleurs, peut-il exister de chef-d’œuvre clair, au sens où l’entend Gide, sans mystère ? A ce propos, une remarque s’impose : les grandes œuvres ne nous apportent pas de réponses aux questions que nous nous posons. Elles font mieux : elles nous posent des questions, et ces questions touchent à tous les problèmes soulevés par notre condition d’homme : amour, guerre, pauvreté, solitude, mort... A toutes ces questions nous savons qu’il n’y a pas de réponse ; nous savons en tout cas, pour ce qui concerne les œuvres littéraires, que les seules réponses possibles sont celles apportées, découvertes par le lecteur lui-même. Autant dire que les grandes œuvres sont ambiguës, et que les livres bougent. Ils bougent de trois façons : d’abord avec les époques (on ne reçoit plus La Princesse de Clèves comme l’ont reçue Mme de Sévigné ou Bussy-Rabutin) ; ensuite, à une même époque, suivant les lecteurs (le Lys dans la vallée, par exemple, ou Le Rouge et le Noir, ne seront pas accueillis pareillement par un jeune homme amoureux et par un vieillard désabusé) ; enfin, chez un même lecteur, suivant les différentes lectures qu’il fait du même ouvrage.

Si le renoncement qu’opère au terme du roman Madame de Clèves peut sembler ou frontalement illisible ou totalement admirable pour un jeune lecteur, qu’il soit permis au lecteur plus aguerri et plus ancien de ne pas succomber à ce geste d’éclat ni au prestige d’une vertu qui triomphe dans l’abolition de l’être, pour préférer peut-être une certaine vérité du temps et de l’éphémère, celle-là même que porte de l’initiale du roman à son antépénultième phrase, le personnage du duc.

En somme, de « Nous, Princesses de Clèves » … à « Nous, duc de Nemours ».

Étape 5. Lire et relire La Princesse de Clèves

Quelle mémoire de nos lectures de classe, qu’elles soient difficiles, choisies ou troublées ?

Pour conclure le travail mené sur le personnage comme effet de lecture, on proposera deux activités qui consacrent l’appropriation du roman de Madame Lafayette par la classe, en dessinant les contours d’une réception interrogée et actualisée de l’œuvre par les élèves, à l’issue d’une lecture experte et sagace des dispositifs et orchestrations du roman qui n’étouffent en rien l’émotion narrative.


 Travail individuel à visée collective.
À distance, en asynchrone

Enregistrement du passage préféré du roman afin de constituer un audiolivre, texte abrégé du roman qui reflète la lecture qu’en retient la classe.

 Travail individuel à visée collective, dans le cadre de la préparation à l’entretien de l’EAF et du Grand Oral.
À distance, en asynchrone

Répondez à la question suivante :
Selon vous, lira-t-on encore « La Princesse de Clèves » dans cinquante ans  ?

Consigne  : produire un oral en continu de 5 minutes.

Conclusion du parcours de lecture

Dans cette proposition de lecture du roman de Madame de Lafayette, le contexte d’enseignement hybride, en entrelaçant le travail personnel ou collaboratif à distance et l’analyse en classe, permet de tendre vers une lecture :

  • consciente de l’effet-personnage et des dispositifs de lecture  ;
  • attentive au langage du corps des personnages, au plaisir équivoque de la parole et de ses effets sur l’autre  ;
  • apte à interroger les codes narratifs, affectifs et culturels qui nourrissent la réception du lecteur et la contextualisent  ;
  • fondée avec régularité sur la pratique du débat interprétatif et la mobilisation du carnet de lecture  ;
  • encline à faire dialoguer les langages artistiques (peinture, théâtre et cinéma) pour confronter leurs moyens, leurs finalités et leurs effets esthétiques et ainsi mieux percevoir le dispositif scénique dans le roman  ;
  • engageant les élèves dans des démarches d’enquête dans l’œuvre et des explorations de sources d’information variées  ;
  • subtile pour dire à la fois l’écran et l’effraction, le fantasme et l’impossible franchissement, la féerie et le tragique, pour approcher l’innommable sans scandale et se saisir du suspens improbable de la retenue  ;
  • scopique et musicale, observant les jeux d’échos, de réfractions et de redoublements des scènes, des motifs et des symboles  ;
  • à la fois experte et sensible, développant une mémoire intellectuelle et affective des œuvres lues.

Bibliographie

Michel BUTOR, Répertoire I, éditions de Minuit, 1960.

Jean CORDELIER, « Le refus de la Princesse » XVIIe siècle : bulletin de la Société d’étude du XVIIe siècle.

Camille ESMEIN-SARRAZIN, L’essor du roman : discours théorique et constitution d’un genre littéraire au XVIIe siècle, Honoré Champion, 2008.

Camille ESMEIN-SARRAZIN, intervenante dans l’émission radiophonique Les Chemins de la philosophie sur France Culture, disponible en podcast à l’adresse suivante  :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/sagesses-du-renoncement-34-la-princesse-de-cleves

Philippe HAMON, Le Personnel du roman, Droz, 1983.

Vincent JOUVE, Poétique du roman, Cursus Armand Colin, 2007 (SEDES, 1997 pour la première édition)

Vincent JOUVE, Poétique des valeurs, PUF, 2001.

Jean-Marc LALANNE, «  La Lettre ouverte  », Libération, 22 septembre 1999.

Gérard LANGLADE, «  Activité fictionnalisante du lecteur et dispositif de l’imaginaire  » Figura 20 – 2008.

Marlène LEBRUN, « L’émergence et le choc des subjectivités de lecteurs de la maternelle au lycée grâce à l’espace interprétatif ouvert par les comités de lecture », Gérard Langlade et Annie Rouxel [éds], Le sujet lecteur — Lecture subjective et enseignement de la littérature, p. 340-341.

Stéphane LOJKINE, « Analyse d’une scène de roman : la canne des Indes », Aix-en-Provence, décembre 2008, cours sur La scène de roman, genèse et histoire, disponible en ligne à l’adresse suivante  : https://utpictura18.univ-amu.fr/Fiction/CanneDesIndes.php

Stéphane LOJKINE (dir.), L’Écran de la représentation, ouvrage collectif, L’Harmattan, collection Champs visuels, 2001.

 Les ressources de l’ensemble de l’atelier 7 sont disponibles sur l’espace m@gistere du Rendez-vous des Lettres 2021  :
https://magistere.education.fr/dgesco/course/view.php?id=2132&section=10


Toutes les informations sur le séminaire de formation, le «  Rendez-vous des Lettres », consacré à « Lire et faire lire des œuvres littéraires complexes », sont disponibles sur une page Eduscol dédiée  :
https://eduscol.education.fr/2750/rendez-vous-des-lettres-2021-lire-et-faire-lire-des-oeuvres-litteraires-complexes

 Programme du séminaire  :
https://eduscol.education.fr/document/6675/download
 Présentation des ateliers thématiques  :
https://eduscol.education.fr/document/6678/download
 Présentation des conférences  :
https://eduscol.education.fr/document/6678/download
 Inscription au parcours d’auto-formation m@gistere  :
https://magistere.education.fr/dgesco/

Notes

[1journal littéraire mensuel écrit par Donneau de Visé commencé en 1672 - petits textes, questions galantes, nouvelles de la Cour etc.

[2Maurice Laugaa, Lectures de Madame de Lafayette, (Paris, Colin, 1971), p.27.

[3ibid. pp.18-19

[4ibid. p.24

[5Édition M. Crouzet, GF, 1965, p.102

[6Le Plaisir du texte, Seuil, 1973

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