Temporalité du récit, temporalité de la lecture Hybrider, débrider la lecture de La Princesse de Clèves

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

Cet article fait partie du dossier « Hybrider, débrider la lecture de La Princesse de Clèves ».

Le temps de lecture n’est pas le temps fictionnel ;
Il n’est pas non plus le temps ordinaire.

Michel Picard

La Princesse de Clèves [1], roman de Mme de Lafayette proposé dans le programme limitatif de première (2019-2022), peut notamment séduire les enseignants par sa brièveté (comparé aux autres romans proposés sur la même période aux classes de série générale - Le Rouge et le Noir de Stendhal, et les Mémoires d’Hadrien de Yourcenar). Toutefois, sa lecture intégrale n’en est pas moins exigeante, et la composition même de l’œuvre en apparaît comme l’un des obstacles :

  • Le rythme de la narration rend difficilement accessible la temporalité de l’action : les repères temporels y sont rares, et la progression du temps est davantage marquée par les aller-retours entre la campagne et la Cour qui balisent le récit, et à l’arrière-plan par les évènements rythmant la vie de la Cour, que par des indicateurs temporels réguliers et explicites. En outre, le nombre de pages consacré par la romancière à la vie de la Cour, ou à des évènements qui peuvent sembler mineurs au lecteur attentif à la trajectoire de l’héroïne éponyme, semble leur accorder une importance démesurée (considérations sur le mariage de Madame, anecdotes sur l’astrologie), alors que d’autres épisodes qui peuvent offrir plus de prise au lecteur “naïf” sont narrés avec une grande économie de moyens (apparition de l’héroïne éponyme, scène du bal).
  • Le découpage du roman en quatre parties ne soulage pas le lecteur en lui donnant des points de repère aisés, ni l’enseignant en lui permettant de découper sans hésitation la lecture de l’œuvre en quatre temps, dans la mesure où le chapitrage imposé par l’éditeur ne coïncide pas avec la structure du récit (le début de la deuxième partie poursuit immédiatement la fin de la première, avec le récit concernant Sancerre et Mme de Tournon ; le récit concernant l’aventure du vidame avec Mme de Thémines se déploie de la fin de la deuxième à la troisième partie). Difficile dans ce cas pour le lecteur non expert, qui découvre l’œuvre, de savoir quand arrêter sa lecture à bon escient, comment délimiter une “séance de lecture personnelle [inscrite] dans une durée à part, nettement délimitée entre un début et une fin” (Picard, 1989).
  • L’insertion des récits enchâssés brise la chronologie d’un récit qui serait centré sur la Princesse de Clèves, épaissit la lecture en ajoutant des personnages et des intrigues secondaires parfois complexes qui imposent au lecteur une mise en réseau avec la trame principale du roman. Avec La Princesse de Clèves entre les mains, le lecteur se trouve donc en présence d’un texte que l’on pourrait qualifier de “réticent”, qui "empêch[e] délibérément la compréhension immédiate” (Tauveron, 1999) notamment par “l’enchâssement […] de plusieurs récits”. En outre, les effets d’échos, la récurrence de certains motifs (retraites, jalousie, mariages, voyeurisme, rumeurs, etc.) tout au long du récit, qui se révèlent particulièrement significatifs dans son étude, peuvent entraîner des confusions ou une relative lassitude chez un lecteur non-expert.

Comme l’écrit Michel Picard dans Lire le temps (1989), “tout grand texte impose son tempo propre”. Le rythme interne à l’œuvre, sa temporalité singulière apparaissent ici comme l’un des obstacles à la lecture de l’œuvre intégrale, mais aussi un enjeu de sa compréhension. Cet écueil propre au roman de Mme de Lafayette est démultiplié par ceux inhérents à l’expérience de lecture pour les lycéens, qui plus est dans le cadre scolaire : la lecture requiert en effet un temps long, qui isole et nécessite une attention soutenue tournée vers le seul objet littéraire, dans une société marquée une connexion permanente et la réduction du régime attentionnel (Citton, 2014) ; sa temporalité entre également en conflit avec le temps scolaire, segmenté en unités temporelles brèves.

Ainsi, l’étude de l’œuvre intégrale requiert-elle la lecture intégrale de l’œuvre ? Est-il possible d’ouvrir dans La Princesse de Clèves d’autres voies qui fassent coïncider le temps du récit, le temps de la lecture et le “temps didactique” (Chevallard et Mercier, 1987), en utilisant à bon escient la dynamique singulière de l’hybridation ?

La proposition suivante suggère de sortir de la “linéarité temporelle” du “parcours de lecture” conventionnel, supposant qu’ "un livre se lit de la première à la dernière page, chaque page, chaque phrase, du premier mot au dernier […] selon une progression nécessaire, repoussant feuille à feuille vers la gauche le passé, l’entassant patiemment, continûment.” (Picard, 1989) et de permettre aux élèves d’emprunter des chemins de traverse, un parcours sinueux dans l’œuvre afin d’y construire des repères, de se l’approprier progressivement pour pouvoir ensuite y cheminer sereinement. Il s’agit ici de repenser le “temps du déchiffrement” correspondant à l’acte de lecture, pour mieux cerner la temporalité de la fiction, en étudier le sens et in fine favoriser son actualisation, donc le retour au “temps réel” du lecteur et de la communauté interprétative formée par le groupe classe, invitant finalement à des relectures successives du roman faisant vivre aux élèves ce “dialogue continuel entre “où l’on en est” dans le livre et l’ensemble déjà lu” (Picard, 1989) qui caractérise l’expérience même de lecture et fait progressivement entrer l’œuvre dans la ”bibliothèque intérieure” du lecteur (Bayard, 2007).

Lectures de traverse

Entrer dans la lecture d’une œuvre patrimoniale exigeante

1ère étape - Présentation & répartition des parcours

En classe

Objectif  : aménager l’entrée dans la lecture de l’œuvre intégrale pour favoriser l’investissement du lecteur

  • Engagement à partir de temps de lecture magistrale à voix haute : la séance se découpera d’abord en 4 temps composés chacun de la lecture à voix haute d’un extrait court (10 à 15 lignes) représentatif de chaque parcours proposé.
  • Temps d’échanges en cercles de lecture pour faire émerger un horizon d’attente.
    À l’issue de ces échanges, en fonction des préférences exprimées par les cercles de lecture, on répartira entre eux les différents parcours de “lecture de traverse” conçus en amont. L’enseignant prendra soin de constituer des cercles de lecteurs équivalents par le nombre, mais hétérogènes, associant des élèves aux compétences de lecture différentes (mêlant les plus petits lecteurs – ou les plus réticents – à des lecteurs plus efficients, voire experts). La coopération entre élèves ainsi engagée vise à favoriser l‘étayage entre pairs pendant la phase de travail asynchrone. On peut envisager de clore la séance en permettant aux élèves à l’aide d’index de baliser en amont de la lecture leur parcours dans le roman, pour déjà s’approprier l’objet-livre et y tracer un premier itinéraire.

Parcours 1 – Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, p.147-148

La paix était signée ; Madame Elisabeth, après beaucoup de répugnance, s’était résolue à obéir au Roi son père. Le Duc d’Albe avait été nommé pour venir l’épouser au nom du roi catholique, et il devait bientôt arriver. L’on attendait le Duc de Savoie, qui venait épouser en même temps. Le Roi ne songeait qu’à rendre ces noces célèbres par des divertissements où il put faire paraître l’adresse et la magnificence de sa Cour. On proposa tout ce qui ce pouvait faire de plus grand pour des ballets et des comédies ; mais le Roi trouva ces divertissements trop particuliers, et il en voulut d’un plus grand éclat. Il résolut de faire un tournoi, où les étrangers seraient reçus, et dont le peuple pourrait être spectateur. Tous les princes et les jeunes seigneurs entrèrent avec joie dans le dessein du Roi, et surtout le Duc de Ferrare, Monsieur de Guise et Monsieur de Nemours, qui surpassait tous les autres dans ces sortes d’exercices. Le Roi les choisit pour être avec lui les quatre tenants du tournoi.

Parcours 2 – Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, p.152-154

Je vous ai trop aimé pour vous laisser croire que le changement qui vous paraît en moi soit un effet de ma légèreté ; je veux vous apprendre que votre infidélité en est la cause. Vous êtes bien surpris que je vous parle de votre infidélité ; vous me l’aviez cachée avec tant d’adresse, et j’ai pris tant de soin de vous cacher que je la savais, que vous avez raison d’être étonné qu’elle me soit connue. Je suis surprise moi-même que j’aie pu ne vous en rien faire paraître. Jamais douleur n’a été pareille à la mienne [...] Votre cœur a été partagé entre moi et une autre, vous m’avez trompée ; cela suffit pour m’ôter le plaisir d’être aimée de vous, comme je croyais mériter de l’être, et pour me laisser dans cette résolution que j’ai prise de ne vous voir jamais, et dont vous êtes si surpris.

Parcours 3 – Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, p.93-94

Elle rendit compte à sa mère de cette conversation, et Madame de Chartres lui dit qu’il y avait tant de grandeur et de bonnes qualités dans Monsieur de Clèves et qu’il faisait paraître tant de sagesse pour son âge que, si elle sentait son inclination portée à l’épouser, elle y consentirait avec joie. Mademoiselle de Chartres répondit qu’elle lui remarquait les mêmes bonnes qualités ; qu’elle l’épouserait même avec moins de répugnance qu’un autre, mais qu’elle n’avait aucune inclination particulière pour sa personne. Dès le lendemain, ce prince fit parler à Madame de Chartres ; elle reçut la proposition qu’on lui faisait et elle ne craignit point de donner à sa fille un mari qu’elle ne pût aimer en lui donnant le Prince de Clèves. Les articles furet conclus ; on parla au Roi, et ce mariage fut su de tout le monde. Monsieur de Clèves se trouvait heureux, sans être néanmoins entièrement content.

Parcours 4 – Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, p.179

Quand Monsieur de Clèves fut revenu, elle lui dit qu’elle voulait aller à la campagne, qu’elle se trouvait mal et qu’elle avait besoin de prendre l’air. Monsieur de Clèves, à qui elle paraissait d’une beauté qui ne lui persuadait pas que ses maux fussent considérables, se moqua d’abord de la proposition de ce voyage, et lui répondit qu’elle oubliait que les noces des princesses et le tournoi s’allaient faire, et qu’elle n’avait pas trop de temps pour se préparer à y paraître avec la même magnificence que les autres femmes. Les raisons de son mari ne la firent pas changer de dessein ; elle le pria de trouver bon que, pendant qu’il irait à Compiègne avec le Roi, elle allât à Coulommiers, qui était une belle maison à une journée de Paris, qu’ils faisaient bâtir avec soin. Monsieur de Clèves y consentit ; elle y alla dans le dessein de n’en pas revenir sitôt, et le Roi partit pour Compiègne où il ne devait être que peu de jours.

Comment et pourquoi amorcer la lecture en présentiel ?

  • Pour faire entrer les élèves dans les différents parcours de lecture proposés au sein même de l’œuvre, on privilégie une entrée par le texte lui-même, en adoptant une pratique de classe qui met l’œuvre en partage et renoue avec une certaine forme de plaisir (Merlin-Kajmann, 2016) : la lecture à voix haute pour autrui. « Lire soudain à haute voix fait bizarrement exister le texte dans un domaine auquel il parait étranger » (Picard, 1989), mais lui donne vie dans la classe, pour les élèves, en le faisant sortir du seul espace de la page, ressentie parfois comme inaccessible par certains (Pennac, 1992) et en lui prêtant vie par une lecture à l’expressivité qui doit nécessairement être renforcée. On crée ainsi une première mémoire auditive – voire visuelle – de l’œuvre, une lecture vive l’associe à de premiers souvenirs.
  • On utilise le temps en présentiel pour “susciter l’engagement cognitif des élèves” (Tricot et Chesné, 2020) qu’il s’agira de prolonger à distance. Ainsi, l’élève ramené à la lecture dans la solitude du travail à distance pourra-t-il reprendre un dialogue avec l’œuvre déjà amorcé dans l’espace-temps de la classe.
  • On propose ainsi aux élèves de ne pas entrer dans la lecture de manière solitaire et isolée, mais d’inscrire d’emblée leur lecture dans une dynamique collective et coopérative. Le temps d’échange en groupe permet de constituer des cercles de lecteurs inclusifs, favorisant la prise de parole du plus grand nombre et engageant même les non-lecteurs dans une émulation intellectuelle sur l’œuvre, dont on fait le pari qu’elle encouragera le plus grand nombre à la lecture.
  • Le choix des extraits mis en voix parait ici primordial, pour favoriser le plaisir de l’écoute et stimuler l’imaginaire, et engager la discussion. Parmi les propositions suivantes, l’extrait 1 convoque un imaginaire chevaleresque et crée un sentiment d’attente lié à la tenue du tournoi ; l’extrait 2, écrit à la première personne, favorise l’émergence d’affects et l’identification du lecteur par l’évocation émue de l’infidélité, il introduit le motif du triangle amoureux familier des élèves ; l’extrait 3 introduit le motif essentiel du mariage et l’héroïne éponyme, il incite les élèves à porter un premier jugement spontané sur les circonstances du mariage, et crée un effet d’attente avec l’évocation finale de l’insatisfaction du Prince de Clèves ; l’extrait 4 enfin introduit la dualité entre le paraître à la Cour et l’être à la campagne, et l’appel d’air évoqué au début peut résonner dans l’imaginaire des élèves, et procéder ici par « activation fantasmatique ».

2ème étape – Lecture en fonction d’un parcours défini

À distance / asynchrone

Objectifs  : mener un parcours de lecture autonome à l’intérieur de l’œuvre intégrale, et mobiliser l’écrit pour en conserver la trace

Compétences  :

  • Lire et comprendre de manière autonome une œuvre complexe
  • Écrire pour témoigner de sa compréhension en lecture
  • Écrire pour rendre compte d’une réflexion personnelle
  • Étayer sa réflexion de références précises à l’œuvre

Lecture individuelle du parcours choisi / attribué par l’enseignant.
Les parcours proposés ici sont les suivants, mais d’autres chemins de traverse sont évidemment envisageables  :

  • La vie de la Cour
  • Le vidame de Chartres
  • Le motif du mariage 
  • Le motif de la retraite

Les récits enchâssés, définis par Catherine Tauveron comme l’un des écueils des textes réticents, y sont intégrés et apparaissent en orange. Certaines sections se retrouvent totalement ou partiellement d’un parcours à l’autre, ces intersections indiquées en italique favoriseront la mise en commun ultérieure, conduisant à la schématisation du récit, et pourront faire l’objet de remarques  ; elles renvoient également à la cohérence de l’œuvre (qui pourrait pour les élèves s’effacer derrière ces parcours distincts). On créera pour chaque parcours de lecture un forum ou un mur collaboratif (applications disponibles sur l’ENT de l’établissement) pour permettre aux élèves lecteurs d’un même parcours d’échanger leurs questions, leurs remarques, de coconstruire leur compréhension du parcours dans la perspective du retour en classe. En sus, on aura invité les élèves à repérer dans le texte les indicateurs spatio-temporels permettant de se situer dans l’action.

Écriture intermédiaire dans le carnet de lecteur (papier ou numérique)
On invitera les élèves à résumer leur parcours de lecture dans l’œuvre afin de garder la mémoire écrite de ce qu’ils ont lu et compris et de préparer le travail de schématisation ultérieur. On leur demandera également de noter les résonnances perçues au fil de leur lecture avec les termes du parcours «  Individu, Morale, Société  ».

Parcours 1 
Ce parcours de lecture est construit autour du motif de la vie de la Cour  ; il permet de mettre en lumière l’arrière-plan historique du récit, mais surtout de montrer que la vie des personnages est rythmée par les exigences de cette société, et que la Cour est un theatrum mundi, scène sociale où convergent tous les regards.

Parcours 2 
Ce parcours de lecture est construit autour de la figure du vidame de Chartres, il mobilise le long récit enchâssé consacré à son histoire avec Mme de Thémines, qui se prolonge de la fin de la troisième au début de la quatrième partie du roman, articulé à l’épisode central de la lettre, et souligne son intervention dans l’intrigue, où il sert d’intermédiaire entre le Duc de Nemours et la Princesse de Clèves.

Parcours 3 
Ce parcours de lecture est construit autour du motif du mariage  ; motif récurrent dans le roman, qui témoigne à la fois d’une réalité sociale et apparaît comme l’un des nœuds du dilemme auquel est confronté l’héroïne éponyme.

Parcours 4 
Ce parcours est construit autour du motif de la retraite, à Coulommiers en premier lieu, puis dans les Pyrénées et enfin dans une «  maison religieuse  »  ; il fonctionne en contrepoint du parcours 1, et donne accès à l’intimité des personnages hors de la scène sociale. Il s’y joue des épisodes-clés pour la progression de l’intrigue.

Comment constituer des parcours de lecture dans l’œuvre ?

  • Il s’agit ici de concrétiser la pratique du « braconnage » (Certeau, 1990) en la proposant de manière assumée et encadrée aux élèves. L’œuvre n’est pas d’emblée une somme labyrinthique dans laquelle le lecteur non-expert peut se perdre et ne jamais accéder à la sortie, elle offre des voies différentes qui permettent de se l’approprier en partie, de manière intermédiaire, avec l’objectif final d’être capable de la traverser en entier. Les parcours proposés se caractérisent tous par une certaine unité, qui confère une cohérence à l’expérience de lecture, et mettent en relief le dialogue interne à l’œuvre, les effets d’écho, de répétition, de symétrie, qui lui donnent sa densité. Ces parcours exhibent la compétence du lecteur à faire des va-et-vient entre le temps présent de la lecture et ce qu’il a lu auparavant, à établir des correspondances à l’intérieur et au-delà du temps fictionnel, en mettant en lumière des réseaux qui innervent le roman.
  • Le choix a été fait de disqualifier d’emblée l’héroïne éponyme et de ne construire aucun parcours qui suive son cheminement – social et intérieur – mais au contraire d’éclairer l’œuvre par de multiples biais, pour qu’elle ne soit pas envisagée strictement comme l’histoire malheureuse de la princesse de Clèves, en proie à un amour rendu impossible par sa haute vertu, mais comme la représentation complexe d’une société, où émergent non pas un sens unique mais des réseaux de signification, ouvrant le champ des lectures possibles. Deux pistes ont été explorées ici : des parcours construits autour d’une série de personnages (le Duc de Nemours, le Prince de Clèves, Mme de Chartres, le Vidame de Chartres, le roi) et des parcours construits autour de motifs récurrents dans le roman (le mariage, le secret, le regard, la vie de la Cour, la retraite). La proposition finale emprunte aux deux démarches, à la fois pour équilibrer les parcours et pour permettre un brassage complet de l’œuvre. Certains passages sont convoqués simultanément dans plusieurs parcours, par souci de cohérence, pour faire émerger des nœuds susceptibles ensuite de conduire à une relecture approfondie de ces points de rencontre et pour ménager des intersections utiles à la reconstitution de l’économie narrative.

La lecture à distance permet aux élèves d’adopter un rythme différencié et adapté à leurs compétences. La mise en œuvre d’un forum ou d’un pad, consultable par l’enseignant mais animé par les élèves partageant un même parcours, peut soutenir le processus de lecture par l‘émulation et l’entraide induites par ce dispositif numérique ; il invite les élèves à partager et réguler mutuellement leur compréhension de l’œuvre, à hiérarchiser les informations qu’ils retiennent de leur lecture, encouragés par la perspective du retour en classe. Au-delà de l’appropriation de l’intrigue, l’écrit personnel dans le carnet de lecteur mobilise une autre forme d’engagement cognitif, et invite l’élève à élaborer une interprétation subjective de l’œuvre qui entrera ensuite en résonance avec la pluralité des lectures dans la classe, qu’elle enrichira et dont elle se nourrira réciproquement. Elle permet d’éclairer dans une dynamique de va-et-vient l’intitulé du parcours et l’œuvre intégrale qui y est associée

Lectures en partage

Appréhender collectivement la composition singulière de l’œuvre

3ème étape – Débat interprétatif

Débat interprétatif conduisant à la modélisation de l’œuvre.

En classe

Objectifs  : analyser collectivement la composition de l’œuvre étudiée pour en percevoir la cohérence interne, les effets d’écho et les motifs essentiels

Compétences  :

  • Prendre la parole en interaction dans le cadre d’un débat argumenté
  • Modéliser la structure du récit afin de l’interpréter

Débat interprétatif : Le roman de Mme de Lafayette porte-t-il bien son titre  ?

La question choisie invite les élèves à adopter une posture critique par rapport à leur lecture, et à s’interroger sur les choix effectués par la romancière. Elle suggère à la fois la place centrale de l’héroïne éponyme dans le roman, et l’intérêt pour le lecteur de ne pas s’arrêter à sa seule destinée pour pleinement saisir la complexité du récit. Cette proposition paraît propre à engager la discussion dans la mesure où certains des parcours de traverse dans l’œuvre confèrent à Mlle de Chartres / Mme de Clèves cette place essentielle (parcours 1 et 4) tandis que d’autres la mettent moins en valeur (parcours 2 et 3). Il s’agit donc de déplier par la discussion différents niveaux de lecture du roman, à partir du personnage qui cristallise a priori les attentes du lecteur, pour s’interroger sur la dimension historique du récit, sur le personnel du roman, sur les enjeux des intrigues secondaires, sur le rythme même de la narration, tout en laissant place à la pluralité des lectures encouragée par le dispositif mis en œuvre. Elle permet aussi une première entrée dans la réflexion orientée par le parcours ”Individu, Morale, Société” en interrogeant la place singulière qu’occupe l’héroïne dans la société représentée dans le roman, et sa potentielle valeur exemplaire.

En groupes : constitution de groupes hétérogènes, associant des élèves ayant pris en charge la lecture de parcours différents.

Consigne : les élèves réalisent un schéma de la structure du récit qui fasse apparaître dans sa composition

  • La succession des épisodes
  • Les personnages concernés
  • Leur fonction dans la trajectoire du personnage éponyme
  • Des indicateurs spatio-temporels pour situer l’action, en indiquer la temporalité.

On pourra utiliser dans ce cadre des post-it de couleurs différentes pour permettre aux élèves de recenser et disposer rapidement ces épisodes – directement sur une table ou sur un mur de la salle si la configuration le permet – et leur proposer de le prendre en photo en fin de séance pour une mise au propre à distance, sur papier ou sous format numérique.

Le schéma suivant met en relief cette progression, faisant apparaître en gras les scènes où les parcours se croisent, qui apparaissent comme autant de pivots essentiels dans l’action (et dans le dilemme moral qui s’y noue), et toujours en orange les récits enchâssés. Il met en valeur la progression de l’intrigue et les épisodes-clés, et montre que la composition et la temporalité du récit ne coïncident pas avec la structure éditoriale de l’œuvre.

Comment passer de l’appropriation de parcours de lecture réduits à l’appréhension de la composition de l’œuvre ?

  • Il s’agit ici de passer d’une lecture subjective singulière à une lecture plus distanciée, dans une « posture de décentration cognitive » (Ahr, 2013) qui amène les élèves à confronter et mutualiser leurs lectures, afin de « réaliser des opérations de gestion du texte » leur permettant de modéliser sa construction à partir du croisement des indices recueillis dans leur parcours, et de commencer à déchiffrer la singularité de sa composition. Les modalités de travail sont ici collectives, et permettent à la pluralité des lectures de s’exprimer, puisque de fait les parcours proposés sont différents. On valorise l’expérience de lecture des élèves et on engage progressivement l’interprétation dans le cadre du débat interprétatif, « à envisager comme un espace de partage et de tâtonnements collectifs, mais aussi comme une situation de travail » dont le but est de « développer, enrichir et organiser sa pensée ainsi que sa lecture » (Ahr, 2013).
  • La question du titre permet d’interroger sur la cohérence de l’œuvre malgré la diversité des parcours proposés, et sur la manière dont les élèves ont appréhendé le personnage de la Princesse de Clèves au gré des chemins de traverse empruntés. Interroger le titre à l’issue de ces parcours de lecture permet aussi de faire le lien avec le parcours associé, et de problématiser la réflexion : en quoi la trajectoire individuelle du personnage se distingue-t-elle dans une société aux mœurs codifiées et contraignantes ? dans quelle mesure cette société pèse-t-elle sur sa destinée ? cette destinée a-t-elle une valeur d’exemplarité morale ?
  • Ce débat peut également permettre de se repérer dans la constellation des personnages et d’y déceler les personnages les plus importants, qui reviennent d’un parcours à l’autre ; il sera aussi l’occasion d’interroger la place des récits enchâssés et les impressions et réflexions qu’ils font naître chez le lecteur. Il permet enfin d’éclairer les « ralentisseurs » et les « accélérateurs » qui donnent au récit son « tempo propre » (Picard, 1989).
  • Dans un second temps, on engage les élèves à mutualiser leur lecture et à adopter une attitude réflexive, en coopérant pour modéliser la structure de l’œuvre. Celle-ci continue d’être mise en partage dans la classe, est envisagée comme un objet commun. Cette mise en activité autour de sa composition enrichit l’expérience de lecture : elle prolonge ce premier parcours, prépare une lecture intégrale ultérieure en la balisant, et donne aux élèves un temps supplémentaire d’appropriation, génère des « souvenirs » de lecture qui favoriseront sa mémorisation, et son intégration à leur « bibliothèque intérieure ». L’étayage de l’enseignant est ici nécessaire pour proposer une trame de modélisation adaptée, qui permette aux élèves d’aller au-delà de leur expérience première de lecture, et qui puisse ensuite être réinvestie dans l’approfondissement de l’interprétation de l’œuvre.

4ème étape – Écriture d’appropriation

À distance / asynchrone

Objectif  : interpréter l’œuvre à partir du travail d’analyse effectué collectivement

Compétences  :

  • Approfondir l’interprétation de l’œuvre à partir des repérages effectués
  • Élaborer à l’écrit une réflexion argumentée, étayée de références précises
  • Se documenter pour contextualiser l’œuvre

1ère proposition – Rédaction individuelle d’un écrit argumentatif

La Princesse de Clèves - Case 2 p.203
Bouilhac & Catel d’après Madame de La Fayette © Dargaud, 2021
Autorisation de reproduction exclusive, à l’exclusion de toute autre utilisation, accordée à titre exceptionnel et gracieux à La Page des Lettres de Versailles dans le cadre de sa mission de formation en ligne pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 6 septembre 2024.

Dans cet extrait de l‘adaptation du roman La Princesse de Clèves par Claire Bouilhac et Catel (éditions Dargaud, 2019), Madame de Sévigné (à gauche) souligne le débat suscité notamment par le dénouement du roman. Rédiger la réponse que vous pourriez lui faire pour lui montrer en quoi, selon vous, la composition du roman permet de préparer progressivement le lecteur au renoncement final et à la retraite choisie par Mme de Clèves. Vous étayerez votre réponse par des références précises à l‘œuvre.

Il s’agit ici pour les élèves de mobiliser le schéma réalisé lors de la séance précédente et de réfléchir individuellement à la manière dont la romancière a construit le récit. En réfléchissant ainsi au ”tempo propre” à l’œuvre et à son processus narratif, les élèves sont amenés à mobiliser des extraits de leur parcours de lecture et à revenir au livre pour lire d’autres épisodes, afin d’étoffer leur réflexion.

Ils peuvent ainsi s’appuyer sur les temps de réflexion partagés sur les différents parcours et découvrir des extraits qu’ils n’ont pas encore lus et qu’ils sont amenés à investir dans la perspective de cet écrit. On privilégiera pour ce travail à distance le recours à un logiciel de traitement de texte qui permet aux élèves d’utiliser à bon escient les outils de révision, pour améliorer la qualité de l’expression, rechercher des synonymes, et progresser dans la maîtrise de l’outil informatique. Selon la temporalité du scénario pédagogique, on pourra envisager un premier dépôt du document dans le casier numérique de l’enseignant sur l’ENT, qui pourra à l’issue d’une relecture proposer commentaires et révisions permettant une amélioration de la production, et incitant l’élève à une réécriture de son écrit afin de l’améliorer. On s’appuie ici sur les travaux qui ont démontré ”qu’écrire avec un logiciel de traitement de texte améliore la longueur des textes mais aussi leurs qualités” (Tricot et Chesné, 2020), et on cherchera par un feedback élaboré à permettre aux élèves de développer des stratégies de révision efficaces.

2ème proposition – Comparaison du schéma avec la «  Carte de Tendre  »

Comparaison du schéma réalisé en classe avec la «  Carte de Tendre  » de Mademoiselle de Scudéry accessible en ligne http://expositions.bnf.fr/cartes/grand/sq11-06.htm afin d’observer si la modélisation de La Princesse de Clèves peut s’y superposer.
Le carnet de lecteur sera à nouveau utilisé pour noter les analogies et/ou distinctions opérées par les élèves.
Une ressource complémentaire pourra leur être proposée, à consulter en cas de besoin, pour éclairer leur compréhension du document
(Vidéo «  Comprendre la Carte de Tendre en moins de 10 minutes  » par Le Mock https://www.youtube.com/watch?v=QlSJlEQ3Vfk)

La confrontation entre la modélisation du roman de Madame de Lafayette et la “Carte de Tendre” permet d’éclairer l’œuvre en apportant des éléments de contextualisation, et pourra conduire en classe à redéfinir la Préciosité et les liens de la romancière avec les Précieuses. Elle permet également d’interroger la singularité de l’œuvre intégrale dont la structure ne coïncide pas avec ce modèle de l’amour précieux, ou peut le compléter en explorant les méandres du “Fleuve de l’Inclination”, qui conduit vers la “Mer dangereuse”, dont se sauve la Princesse en renonçant au Duc et au monde. Madame de Lafayette ne propose pas un guide de l’amour précieux, mais bien des trajectoires singulières (celles du Prince de Clèves, du Duc de Nemours, de la Princesse elle-même) qu’elle explore progressivement et qui confèrent à l’œuvre sa réputation de premier roman d’analyse psychologique.

Comment réinvestir ces parcours croisés au service d’une interprétation transversale de l’œuvre ?

  • La somme collective de ces parcours croisés débouche ici sur une première activité d’écriture, qui permet à l’élève d’adopter une nouvelle posture de lecture, dite « d’implication distanciée ». Fort de sa lecture personnelle, enrichie par les échanges en classe et la modélisation du récit, l’élève adopte ici une posture qui témoigne d’une « réception réfléchie » (Ahr, 2013). Il opère un retour sur le temps fictionnel pour en analyser le déroulement non-linéaire, et objective l’œuvre pour en évaluer la composition et les effets. Le sujet d’écriture proposé permet de passer d’une activité de repérage dans l’œuvre à une réflexion sur le travail de la romancière, sans nier pour autant la réception du texte par le lecteur. Il encourage à réutiliser le schéma réalisé en classe pour envisager l’œuvre dans sa globalité, et à l’utiliser pour revenir à la lecture de l’œuvre et en découvrir de nouveaux passages qui viendront nourrir la réflexion. En réinvestissant ainsi sa lecture propre, les échanges et le travail menés en classe, l’élève poursuit son appropriation de l’œuvre, quand bien même il ne l’ait pas encore lue intégralement, et lui ménage progressivement une place dans sa bibliothèque intérieure.
  • Une seconde activité est proposée en prolongement, afin de mettre l’œuvre en réseau avec d’autres documents et d’en enrichir la compréhension par la contextualisation. Il donne du sens à la représentation cartographique de l’œuvre en contexte, et renouvelle l’interrogation sur la trajectoire des personnages qui s’y dessine. Le recours à la vidéo, dont l’efficacité à distance est plus que mesurée (Tricot & Chesné, 2020) est envisagé comme un complément proposé à titre facultatif, pour actualiser la carte et favoriser l’engagement dans la réflexion.

Relectures

Changer de chemins de traverse pour analyser et interpréter l‘œuvre intégrale

5ème étape – Élargissement et approfondissement

Élargissement et approfondissement de la réflexion vers la dissertation.

En classe

Objectifs  : mobiliser la lecture d’un texte critique pour enrichir l’interprétation de l’œuvre étudiée

Compétences  :

  • Lire et comprendre un texte critique
  • Analyser un sujet & structurer sa réflexion pour y répondre

Activités :

  • Oral en interaction, à partir du travail mené sur la «  Carte de Tendre  »  : la progression du récit de Mme de Lafayette correspond-elle à cette cartographie précieuse de l’amour  ?
  • Lecture commentée d’un extrait de l’article de Jean Garapon, «  La Princesse de Clèves et l’esthétique de la tragédie  » reproduit ci-dessous (cf. 6ème étape) ; en série technologique, ce texte pourrait se prêter à un entraînement à la contraction.

6ème étape  – Retour à l’œuvre intégrale

Retour à l’œuvre intégrale pour exemplifier une réflexion argumentée (vers la dissertation)

À distance

Recherche dans l’œuvre intégrale de citations et d’épisodes permettant d’illustrer les passages signalés en gras dans l’article de Jean Garapon  : enrichissement du document numérique par l’insertion d’hypertexte, visant à entretenir une connaissance transversale de l’œuvre et à mettre en relief certains de ses enjeux.

Cette activité invite les élèves à la relecture de traverse de l’œuvre intégrale en quête d’un éventuel engrenage tragique qui expliquerait la trajectoire du personnage. Il pourrait se prolonger par le traitement d’un écrit dissertatif (à partir de l’une des citations en orange, par exemple).

Jean Garapon, “La Princesse de Clèves et l’esthétique de la tragédie”, in Littératures classiques. Supplément au n°12, 1990 (pp.21-32)

Dans cette dernière œuvre si singulière de composition, Mme de Lafayette adjoint à la nouvelle le double arrière-plan de l’histoire et des épisodes secondaires ; elle y ajoute une référence oblique et persistante à la tragédie.

Sans jamais en effet cesser d’être un roman, le récit de Mme de Lafayette offre avec les pièces de Corneille, de Racine surtout, d’irrésistibles rapprochements, que l’on se contentera ici de résumer. Rappelons tout d’abord l’extrême resserrement d’une action présentée comme courte et violente, et dont le résumé tient en peu de mots (« la tentation d’une honnête femme » a-t-on dit). Au-delà des hasards malheureux, des scènes à grand spectacle, succinctement évoquées, Mme de Lafayette nous montre la logique autonome d’une passion, laquelle comme dans Tristan et Yseult, se nourrit d’elle-même et brûle ceux qu’elle touche, de sorte que, paradoxalement, les célèbres définitions de la tragédie par Racine conviennent à La Princesse de Clèves : « Une action simple, chargée de peu de matière [...], et qui, s’avançant par degrés vers sa fin, n’est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages ». [Préface de Britannicus]. A cette simplicité d’action s’ajoute un discret respect des unités de temps (une année comme dans le roman ou l’épopée) mais surtout de lieu : le huis-clos de la cour à laquelle — étiquette oblige — Mme de Clèves ne saurait se soustraire, engendre comme dans la tragédie envoûtement et désespérance. L’humanité d’élite offerte à nos yeux et à la fois suffisamment connue du public et éloignée dans l’histoire pour que sa souffrance — exprimée avec noblesse — acquière une valeur exemplaire, et libère la réflexion morale du lecteur. Tout au long du roman, une fatalité multiforme poursuit l’héroïne, utilisant ses rencontres les plus innocentes (chez un joaillier par exemple) ou ses conversations les plus anodines (comme avec la Reine Dauphine). Omniprésente enfin, la mort guette tous ces personnages de fête, et fait d’eux autant d’êtres en sursis. Quant à la technique narrative, elle choisit de suggérer, jusqu’au plus grand dépouillement, le cadre somptueux du drame, sans jamais le décrire, et de s’appliquer exclusivement à l’analyse morale.

Comment encourager à la relecture pour consolider l’appropriation de l’œuvre, au-delà des bornes du parcours proposé initialement ?

Cette dernière activité vise à parachever cette expérimentation de lecture parcellaire par une incitation à la relecture de l’œuvre :

  • soit dans sa globalité, ramenant ainsi l’élève-lecteur vers un acte de lecture plus traditionnel, mais préparé par un travail d’analyse approfondi, facilitant ainsi au fil de sa lecture ce « dialogue continuel » qui favorise la compréhension de l’œuvre par la mise en réseau des éléments qui la composent  ;
  • soit dans un nouveau « braconnage » lui permettant d’élargir progressivement sa connaissance de l’œuvre par morceaux choisis, dans une lecture peu conventionnelle dans le cadre scolaire, mais apte peut-être à donner du sens à l’œuvre, à créer durablement des souvenirs de lecture.

La mise en relation avec un sujet de dissertation (à partir d’une citation extraite de l’article, ou plus simple – Peut-on considérer la Princesse de Clèves comme une héroïne tragique ?) incite également à la relecture et l’inscrit dans la perspective de la préparation à l’examen, articulant les compétences de lecture ici visées à d’autres compétences dans un exercice complexe.

Conclusion

Le dispositif de lectures de traverse invite donc à sortir d’une lecture linéaire conventionnelle. Dans un contexte d’enseignement hybride, il permet de tendre vers une lecture collaborative, qui fait exister l’œuvre comme objet en partage dans la classe​. Ni vagabonde, ni buissonnière, celle-ci est balisée en amont par l’enseignant qui guide la classe sur les sentiers sinueux qui se dessinent dans le récit, puis par les élèves eux-mêmes​ rendus maîtres du roman et donc de leur lecture. Les modalités de travail proposées encouragent une lecture plurielle, qui favorise les échanges, interroge l’œuvre dans sa complexité, et incite à la relecture. Celle-ci se doit d’être soutenue et vivifiée par les échanges à distance grâce aux outils de l’ENT et par les échanges en classe, réguliers et aux objectifs explicites, afin de faire évoluer la posture de lecteur des élèves à mesure de la progression de la lecture et de l’étude de l’œuvre intégrale. Ces dernières s’élaborent dans une dynamique entretenue par les va-et-vient entre le travail en classe et le travail à distance, entre la lecture et l’écriture, et dans le roman lui-même​. In fine, il s’agit de mettre en œuvre dans la classe une lecture structurante, qui exhibe et développe les compétences du lecteur à mener un « dialogue continuel entre « où l’on en est » dans le livre et l’ensemble déjà lu » (Picard) pour donner du sens à l’œuvre intégrale et se l’approprier.

Bibliographie

AHR Sylviane (dir.) (2013), Vers un enseignement de la lecture littéraire au lycée. Expérimentations et réflexions, Grenoble  : CRDP de l’académie de Grenoble.

BAYARD Pierre (2007), Comment parler des livres que l’on n’a pas lus  ? Paris  : Les éditions de Minuit.

BOUILHAC Claire, CATEL (2019), La Princesse de Clèves, Paris  : Dargaud.

CERTEAU Michel de (1990), L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris  : Gallimard.

CITTON Yves (dir.) (2014), L’économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme  ? Paris  : Editions La Découverte.

FLOREY Sonya, CORDONIER Noël, «  Temporalités de la lecture  », dans Brillant Rannou N., Le Goff F., Fourtanier M.-J. et Massol J.-F. (dir.) (2020). Un dictionnaire de didactique de la littérature, Paris : Honoré Champion.

GARAPON Jean (1990), «  La Princesse de Clèves et l’esthétique de la tragédie  », dans Littératures classiques. Supplément au n°12, Toulouse  : Presses universitaires du Midi.

MERLIN-KAJMANN Hélène (2016), Lire dans la gueule du loup  : essai sur une zone à défendre, la littérature, Paris  : Gallimard.

PICARD Michel (1989), Lire le temps, Paris  : Les éditions de Minuit.

ROUXEL Annie, « Texte résistant, texte proliférant », dans Brillant Rannou N., Le Goff F., Fourtanier M.-J. et Massol J.-F. (dir.) (2020). Un dictionnaire de didactique de la littérature, Paris : Honoré Champion.

TRICOT André, CHESNE Jean-François (2020), Numérique et apprentissages scolaires. Rapport de synthèse. Paris  : Cnesco.

TAUVERON Catherine (1999), «  Comprendre et interpréter le littéraire à l’école  : du texte réticent au texte proliférant  », dans Repères, n°19, Comprendre et interpréter les textes à l’école, Paris  : INRP.

 Les ressources de l’ensemble de l’atelier 7 sont disponibles sur l’espace m@gistere du Rendez-vous des Lettres 2021  :
https://magistere.education.fr/dgesco/course/view.php?id=2132&section=10


Toutes les informations sur le séminaire de formation, le «  Rendez-vous des Lettres », consacré à « Lire et faire lire des œuvres littéraires complexes », sont disponibles sur une page Eduscol dédiée  :
https://eduscol.education.fr/2750/rendez-vous-des-lettres-2021-lire-et-faire-lire-des-oeuvres-litteraires-complexes

 Programme du séminaire  :
https://eduscol.education.fr/document/6675/download
 Présentation des ateliers thématiques  :
https://eduscol.education.fr/document/6678/download
 Présentation des conférences  :
https://eduscol.education.fr/document/6678/download
 Inscription au parcours d’auto-formation m@gistere  :
https://magistere.education.fr/dgesco/

Notes

[1Les numéros de pages renvoyant à La Princesse de Clèves dans cet article correspondent à l’édition GF parue en 2019.

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