HOMMAGE - De la 6ème à la Tle Proposition de temps spécifique en lettres dans les jours suivant la rentrée

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

Nous nous sommes beaucoup interrogés, comme vous, sur un travail spécifique en Lettres, dans les jours prochains, qui favorise l’esprit de communauté parmi les élèves.
Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité d’une réflexion à chaud sur les caricatures ou la liberté d’expression ou les valeurs de la République.
Nous avons opté pour un chemin de traverse et pourtant parfaitement adapté à la situation ; nous vous proposons des éléments pour nourrir une ou deux séances sur le discours d’Hommage.

Les IA-IPR Lettres Versailles

1- “Hommage” : travail sur les représentations

un mot, des représentations, des associations multiples

  • Des paroles qui circulent : « Associez un mot, une image, un objet, une figure. »
  • On classe, et on échange.
  • On synthétise en construisant un premier schéma ou carte mentale.


2- Le mot “hommage”

2-A - Un sens ( ?), une étymologie

Proposition pour les 6e

Travail sur le dictionnaire CNRTL

Extraits pour les 6e : étymologie « hommage »

  • de homme* (au sens de être social et moral dans une communauté ) ;
  • suff. -age*. Suff. formateur de subst. à valeur coll. ; subst en rapport avec des personnes désigne une condition.

À partir de là : qu’est-ce qui fait d’un homme ou d’une femme, une personne digne d’hommage ?

2-B - Des extraits du dictionnaire : quelle définition retiendriez-vous ?

Cycle 4 - Lycée

Document support : extraits de l’article du dictionnaire CNRTL

DOC 1 - Article Cnrtl - « Hommage »
  • Travail sur des extraits de l’article ou dans son intégralité
  • Langue - Étymologie (formation du mot, travail sur le suffixe)


3- Cérémonies d’hommage, de la féodalité à la République

Il s’agit de montrer le passage d’une cérémonie vassalique à une cérémonie républicaine par l’analyse des lignes : agenouillement, puis égalité lors de l’accolade (qui fonde le paradoxe analysé par Jacques Le Goff sous la formule « hiérarchie entre égaux »), puis l’inversion des lignes dans la photographie du Président soumis dans une presque contreplongée aux figures symboliques de la République.


Documents supports

1- Articles de Julien Ebersold et entretien avec Jacques Le Goff
Travail sur la cérémonie vassalique de l’hommage.
Déroulement. Symbolique du rituel par Jacques Le Goff : égalité et incarnation des valeurs.

Ces documents d’appui peuvent être présentés aux élèves soit après l’analyse des iconographies, soit avant.


2- Trois iconographies

DOC 2 - Cérémonie d’hommage - Analyse iconographique


Comparaison des trois représentations

On retient les traits d’analogie et d’opposition (inversion des lignes de forces)

Cérémonie d’hommage vassalique

Les deux iconographies (enluminures) montrent le rapport de sujétion et d’égalité ; les deux représentations sont centrées sur des figures individuelles suzerain et vassal.

Hommage à Charles d’Orléans
Charles d’Orléans reçoit l’hommage de son vassal Antoine de Beaumont.
Lettrine ornée, XVe siècle, Paris, Archives nationales Q1, 4771.
Lien
Miniature du Liber Feudorum Ceritaniae
Représentant un hommage (vers 1200-1209)
fo 59r - 58-a-b
Lien



Cérémonie d’hommage républicain

La photographie du président de dos, en position inversée, puisque se trace à l’horizontale une sorte de ligne ouverte : notre regard, la foule des participants, le président, le cercueil et plus haut l’arche la figure de Marianne et la devise de part et d’autre.


4- Bilan : de la personne, au personnage et à l’incarnation de la République

(allégorie)
Inversion de l’hommage, transfiguration par l’hommage : à partir de la confrontation des deux enluminures et de la photographie.
Communauté dans l’hommage : l’ensemble (la foule, le président qui la représente, le cercueil, le drapeau, le cadre, la Marianne, la devise) fait république… chose commune.


5- Cadre de l’hommage national

  • Extraits - Histoire de la cérémonie
    Qui prend la décision ? Modalités. Histoire…
    DOC 3 - Histoire de l’hommage national
  • Liste de quelques personnes ayant reçu un hommage
    Au nom de quelles valeurs, ces personnes ont-elles reçu hommage ?
    • Victor Hugo
    • Aimé Césaire
    • Simone Veil,
    • Hommes et femmes civils sans parcours particulier (Pour la première fois en 2015)

  • Schéma structurel du discours d’hommage

    Schéma - Le discours d’hommage


6- Étude d’extraits de discours d’hommage

Élévation de la personne en figure

Propositions pédagogiques

  • Proposition pédagogique 1
    Par une lecture à voix haute et/ou un commentaire linéaire, montrer le grandissement de Samuel Paty en « visage de la République ».
  • Proposition pédagogique 2
    Analyser les rapports entre celui qui parle et celui dont il parle pour mettre en évidence l’inversion de « la relation vassalique ».


Discours d’hommage d’Emmanuel Macron à Samuel Paty

  • Pour la classe de 6e
    Un extrait court du discours d’hommage d’Emmanuel Macron à Samuel Paty, le 16 octobre 2020, pour la classe de 6° :

Samuel Paty est devenu vendredi le visage de la République, de notre volonté de briser les terroristes, de réduire les islamistes, de vivre comme une communauté de citoyens libres dans notre pays, le visage de notre détermination à comprendre, à apprendre, à continuer d’enseigner, à être libres, car nous continuerons, professeur.

  • Un extrait plus long pour le Cycle 4 et le Lycée

Alors, pourquoi Samuel fut-il tué ? Pourquoi ? Vendredi soir, j’ai d’abord cru à la folie aléatoire, à l’arbitraire absurde : une victime de plus du terrorisme gratuit. Après tout, il n’était pas la cible principale des islamistes, il ne faisait qu’enseigner. Il n’était pas l’ennemi de la religion dont ils se servent, il avait lu le Coran, il respectait ses élèves, quelles que soient leurs croyances, il s’intéressait à la civilisation musulmane.
Non, tout au contraire, Samuel Paty fut tué précisément pour tout cela. Parce qu’il incarnait la République qui renaît chaque jour dans les salles de classe, la liberté qui se transmet et se perpétue à l’école.
Samuel Paty fut tué parce que les isla­mistes veulent notre futur et qu’ils savent qu’avec des héros tranquilles tels que lui ils ne l’auront jamais. Eux séparent les fidèles, des mécréants. Samuel Paty ne connaissait que des citoyens. Eux se repaissent de l’ignorance. Lui croyait dans le savoir. Eux cultivent la haine de l’autre. Lui voulait sans cesse en voir le visage, découvrir les richesses de l’altérité.
Samuel Paty fut la victime de la conspiration funeste de la bêtise, du mensonge, de l’amalgame, de la haine de l’autre, de la haine de ce que, profondément, existentiellement, nous sommes.
Samuel Paty est devenu vendredi le visage de la République, de notre volonté de briser les terroristes, de réduire les islamistes, de vivre comme une communauté de citoyens libres dans notre pays, le visage de notre détermination à comprendre, à apprendre, à continuer d’enseigner, à être libres, car nous continuerons, professeur.
Nous défendrons la liberté que vous enseigniez si bien et nous porterons haut la laïcité. Nous ne renoncerons pas aux ­caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent. Nous offrirons toutes les chances que la République doit à toute sa jeunesse sans discrimination aucune.
Nous continuerons, professeur. (...).


7- Prolongements lycée

Le discours d’hommage : étude comparée

Étude comparée du discours d’hommage de Nicolas Sarkozy avec celui d’Emmanuel Macron, à partir du schéma structurel du discours d’hommage (Cf. ci-dessus).

Schéma à télécharger au format .pdf

Extrait du discours d’hommage à Aimé Césaire au Panthéon

Le 17, au petit matin, le monde apprit qu’Aimé Césaire n’était plus. Et alors, fait extraordinaire, l’émotion et la tristesse qui étreignirent les cœurs de tous les Martiniquais blottis sur leur île, « fragile épaisseur de terre » posée sur l’Océan, gagnèrent le cœur de tous ceux dans le monde qui, de loin, parfois même de très loin, avaient reconnu dans la voix de cet homme l’une des expressions les plus pures de l’universalité de la conscience humaine.
La Martinique pleura. Elle venait de perdre son père.
Les Antilles pleurèrent.
La France pleura. Elle venait de perdre l’un de ses enfants qui lui faisait le plus honneur.
L’Afrique pleura, comme elle avait pleuré Senghor, plus peut-être parce que c’était une figure plus lointaine et par conséquent plus émouvante.

Site de l’Elysée, 6 avril 2011

Lecture du discours d’hommage d’Aimé Césaire à Victor Schoelcher

Analyser Le décalage
Un militant politique utilise le cadre rhétorique de l’hommage national au service de la défense d’un “peuple humilié depuis des siècles”.

Césaire, Hommage à Victor Schoelcher, 1945
La fête de l’abolition de l’esclavage aux Antilles, appelée la fête Victor Schoelcher, se déroule tous les ans le 21 juillet (jour férié).

En ce jour de fête de l’année 1945, en hommage à l’abolitionniste, Aimé Césaire prononce ce discours :

Extrait de la fin du discours

Et maintenant, j’en arrive à la plus belle œuvre de Schœlcher. Une œuvre non écrite et pourtant vivante. Une œuvre publiée par des milliers de visages et imprimée dans les milliers de cœurs : le 27 avril 1848, un peuple qui depuis des siècles piétinait sur les degrés de l’ombre, un peuple que depuis des siècles le fouet maintenait dans les fosses de l’histoire, un peuple torturé depuis des siècles, un peuple humilié depuis des siècles, un peuple à qui on avait volé son pays, ses dieux, sa culture, un peuple à qui ses bourreaux tentaient de ravir jusqu’au nom d’homme, ce peuple-là, le 27 avril 1848, par la grâce de Victor Schœlcher et la volonté du peuple français, rompait ses chaînes et au prometteur soleil d’un printemps inouï, faisait irruption sur la grande scène du monde. Et voici la merveille : ce qu’on leur offrait à ces hommes montés de l’abîme, ce n’était pas une liberté diminuée ; ce n’était pas un droit parcellaire ; on ne leur offrait pas de stage ; on ne les mettait pas en observation, on leur disait : « Mes amis il y a depuis trop longtemps une place vide aux assises de l’humanité. C’est la vôtre ». Et du premier coup, on nous offrait toute la liberté, tous les droits, tous les devoirs, toute la lumière. Eh bien la voilà, l’œuvre de Victor Schœlcher ! L’œuvre de Schœlcher, ce sont des milliers d’hommes noirs se précipitant aux écoles, se précipitant aux urnes, se précipitant aux champs de bataille, ce sont des milliers d’hommes noirs accourant partout où la bataille est de l’homme ou de la pensée et montrant, afin que nul n’en ignore, que ni l’intelligence ni le courage ni l’honneur ne sont le monopole d’une race élue.

© Nathan – Horizonspluriels 2nde, 2019

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