Manuels scolaires - Un exemple lycée

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Retour à l’article principal Manuels scolaires

Comparaison de deux méthodologies pour le commentaire littéraire

Quelles démarches ?

Des opérations intellectuelles différentes convoquant des catégories disciplinaires différentes.

  • Le particulier et le général
    « Lire » et « commenter », « dégager un projet de lecture » et « formuler une problématique », « analyser le texte et effectuer des repérages »… est-ce la même chose ?
    L’un des manuels prend le parti d’exposer une méthodologie propre à chaque grand genre littéraire, ciblant les questions d’analyse selon une définition en creux de ce genre, ici, la poésie. Si on essaie de dégager cette définition, il s’agirait de prendre en compte les jeux sonores et rythmiques de la langue, la versification, et le destinataire du texte – les autres critères ne paraissant pas spécifiques à la poésie : organisation, thème, registres, figures de style… Les titres et leur ordre témoignent d’une démarche qui part de l’observation et du questionnement pour aller vers l’analyse et son organisation, allant donc du particulier au général.
    L’autre manuel prend le parti de présenter des opérations intellectuelles systématiques quel que soit le texte, mais en affinant les critères au fil des étapes, et ramifiant le propos. Nous retrouvons ainsi les distinctions entre les genres littéraires dès la première question de « repérage » : « Qui parle ? », et l’ « analyse » du texte prend la forme d’un tableau classant le travail de commentaire selon une logique tripartite : citation / procédé / interprétation. Les titres et leur ordre témoignent d’une démarche qui part de repérages généraux menant à l’identification de grandes idées pour aller vers l’analyse détaillée de phrases, c’est-à-dire allant du général au particulier.
    Ces démarches différentes posent la question de la systématisation d’étapes méthodologiques, qui risquent de figer l’exercice et d’empêcher la variété des sensibilités et des pensées.
  • La « problématique »
    On peut s’interroger sur le concept de « problématique » et la place que cette dernière tient dans des exercices d’écriture communs au second degré et à l’université (le commentaire et la dissertation).
    L’un des manuels donne la définition suivante, tout en la distinguant du « projet de lecture » :

    Il s’agit de la question à laquelle votre commentaire va répondre. Elle est généralement introduite par « comment » ou « en quoi ». Elle doit contenir (de manière explicite ou non) les grandes idées, ou hypothèses de lecture, qui serviront plus tard de parties (ou axes) dans votre plan.

    On retrouve ici une conception universitaire : une problématique dense, subsumant toutes les strates de l’analyse à venir, dans l’esprit d’un objet intellectuel clos sur lui-même.

Quelle appropriation pour l’élève ?

  • Une fiche méthodologique préconçue
    Chaque élève doit-il suivre les mêmes étapes ? Lesquels vont lire et relire ces fiches ? Sera-ce au bon moment ? Vont-ils « ficher les fiches », et pourquoi ?
    Le professeur doit donc avoir un regard à la fois sur la vision de l’exercice que dégage une fiche méthode, et sur son rôle dans une situation d’apprentissage pour l’élève.
  • Les instructions officielles
    À ce stade il est intéressant de revenir à la note de service n°2019-042 du 18-4-2019 définissant l’épreuve terminale anticipée de français du commentaire, et qui permet de mesurer en quoi les manuels proposent leur interprétation :

    Le candidat compose un devoir qui présente de manière organisée ce qu’il a retenu de sa lecture et justifie par des analyses précises son interprétation et ses jugements personnels.

    Une organisation est exigée, mais on ne précise pas laquelle, laissant ainsi la souplesse nécessaire à l’expression d’une singularité de la pensée. Les « analyses précises » ne visent pas l’exhaustivité mais la justification d’un point de vue personnel, et n’ont pas à être portées sur chaque phrase du texte.

  • En conclusion : rassurer pour mieux libérer
    Il convient de donner à la fiche méthode sa juste place de référence temporaire : formalisation d’étapes d’un certain cheminement intellectuel, rappel de toutes les contraintes d’un exercice d’examen pour rassurer les élèves et les familles. Ni recette unique, ni modèle à suivre, elle est à considérer comme un outil pour aider l’élève à se construire des repères, appréhender plus simplement un exercice complexe et intimidant, et l’autoriser à exploiter une pensée toute personnelle. Rien ne remplacera l’accompagnement au cheminement de chacun par la verbalisation de sa propre compréhension d’exercice des exercices d’une part, et d’une manière singulière de faire d’autre part.

Deux ressources pour penser les enjeux de la méthodologie du commentaire littéraire

Mots associés
réflexivité - outils de travail - travail du professeur au bureau - mise en œuvre du programme - démarches pédagogiques

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)