Devoirs

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Le terme « devoirs » est polysémique : il peut désigner les « devoirs sur table » ou « devoirs surveillés » que sont les interrogations, contrôles et autres évaluations sommatives (Cf. article Évaluation) ; il renvoie aussi au travail donné à la maison. C’est à cette deuxième acception que s’intéresse le présent article.

Le suivi du travail des élèves, même celui hors la classe, relève de la mission des enseignants, circulaire n° 2015-057 du 29 avril 2015 définissant les ISOE (Indemnité de suivi et d’orientation des élèves).
L’élève n’est pas seulement élève en classe, il l’est en dehors de la classe. Les devoirs sont ainsi à inscrire dans la continuité de tous les temps de vie. Ils se déroulent dans l’espace/temps familial ou dans le cadre périscolaire du dispositif « Devoirs faits ».

Dispositif « Devoirs faits »

Les questions qui se posent

Une question lancinante concernant les devoirs ou le travail donné à la maison se pose à tout professeur, a fortiori un jeune professeur. C’est un dilemme professionnel qu’il faut dénouer :

  • Donner les mêmes devoirs à tous, c’est risquer les inégalités au regard de situations familiales ;
  • Ne pas donner de devoir, c’est ne pas anticiper sur l’exigence de travail personnel de plus en plus grande dans la scolarité, puis dans les études supérieures.

D’autres questions viennent alors s’ajouter à ce dilemme premier :

  • Quand donner les devoirs ?
  • À quel rythme ? Selon quelle durée ?
  • De quelle nature ?
  • Devoirs individuels ou devoirs de groupe ?
  • Quels outils, notamment le numérique ?
  • Qui assure le suivi ?
  • Faut-il contrôler les devoirs ? Faut-il sanctionner le travail qui n’a pas été fait ? Faut-il corriger et « noter » les devoirs ?
  • A-t-on l’assurance qu’il sera fait, dans quelle condition et pour quel objectif ? Qui fait les devoirs ? etc

Tentative de classification

Autant de questions, qu’une tentative de classification en quatre familles peut permettre de clarifier :

  • des devoirs de pratique pour renforcer les acquisitions et favoriser des automatismes ; ils ont une dimension mécanique, sont d’accès aisé, ne prennent pas beaucoup de temps, ainsi les exercices de grammaire ou d’orthographe. Ils peuvent être ennuyeux.
  • des devoirs de préparation en vue d’une future leçon en classe ; ces travaux éclairent, mobilisent, anticipent, ainsi les recherches de vocabulaire, les recherches sur un auteur, un contexte. Ils favorisent l’autonomie de l’élève et son initiative à tel ou tel moment du cours.
  • des devoirs de « postparation » ou de poursuite d’un travail amorcé en classe, ils ont vocation à synthétiser, prolonger ou transférer ce que l’on a vu en cours. Ils permettent une appropriation et une évaluation au fil de l’eau pour le professeur.
  • des devoirs de créativité, ils visent à exercer une compétence large en mobilisant la subjectivité et l’attention de l’élève. Ils sont mobilisateurs, favorisent l’engagement de l’élève.

On exclut de cette liste le devoir de punition qui va à l’encontre des apprentissages et prend le risque du sentiment d’injustice.

Dans ces quatre familles de devoirs, la réussite n’est pas une finalité. Plus l’activité donnée est complexe, plus le risque d’erreur est grand, plus il est intéressant de les reprendre, de les comprendre pour réexpliquer. Mais ces quatre familles de devoirs sont en continuité pédagogique avec le temps de la classe car la nature même du travail à fournir en dehors de la classe tisse un lien avec le travail en classe. Donner beaucoup de devoirs ne dit rien sur leurs effets, donner certains devoirs ciblés peuvent, eux, avoir un effet.

Le classe inversée

La classe inversée. Cette tendance actuelle est à expérimenter et à interroger. Définie comme une inversion spatiale et temporelle de la classe traditionnelle, cette démarche pédagogique vise à recentrer le temps de classe sur les apprentissages de l’élève en déplaçant la partie magistrale du cours à la maison, pour utiliser le temps de classe ainsi libéré afin de réaliser les devoirs traditionnellement faits à la maison. Elle vise ainsi à réserver les apprentissages de haut niveau cognitif au temps de la classe.

Les principes qui lui sont sous-jacents sont séduisants
  • mise en activité des élèves,
  • dynamique de travail collaboratif,
  • déplacement de la posture magistrale du professeur,

MAIS sa mise en œuvre nécessite une vigilance certaine.
L’appropriation à la maison de contenus complexes nécessite un haut degré d’autonomie intellectuelle et comportementale des élèves ainsi que la maîtrise de compétences parfois invisibles (conceptualiser, mettre en relation, inférer…).

Grands principes

Le devoir ne se définit donc ni par sa quantité, ni par son caractère fini mais par l’activité qu’il va déclencher chez l’élève en rapport avec les apprentissages.

À ce titre, les exercices d’application ne sont qu’une faible part dans le travail personnel, ils se rangent à côté d’activités plus complexes que sont :

  • la recherche,
  • la sélection raisonnée,
  • la hiérarchisation,
  • le compte-rendu de ce que l’on a trouvé,
  • l’expression,

autant d’opérations qui visent l’activité et le champ d’action dans un domaine d’apprentissage donné.

Enfin « donner des devoirs » revêt au moins un triple enjeu de communication :

  • envers les élèves : pourquoi ces devoirs ? à quoi servent-ils ?
  • envers les familles  : que fait-on en cours de français ? quelles sont les attentes du professeur ?
  • envers les autres membres de l’équipe enseignante : quelle discipline donne quel(s) type(s) de devoirs ? quelle quantité ? quelle périodicité ?
Mots-clés associés
continuité pédagogique - apprentissage - évaluation

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)